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Les Nuits Sonores : déambulations musicales dans la capitale des Gaules

Gros concerts au Sucre et aux Usines Fagor-Brandt et tout autant de petits événements culturels dans les quatre coins de la ville, grâce aux Extras!, événements parallèles gratuits et grouillants de bonnes surprises, le festival les Nuits Sonores nous invite à découvrir Lyon sous toutes ses formes et couleurs, dans tous les recoins pendant trois jours de danse et de bonne humeur. On vous y emmène. 

Jour 1. Mercredi 9 mai. 17h30, les rescapés de l'île paradisiaque

Pour mieux se mettre dans le bain du festival, nous décidons d'entamer les hostilités avec un Extra!, programme diurne et gratuit des Nuits Sonores qui rassemble des projets se déroulant dans des lieux insolites et inhabituels. Pour le premier, on optera pour L'Île Sauvage, organisé par le collectif La Fabrique Production, sur l'île Barbe. L'endroit est sympa, verodyant, luxurieux, la musique électro-world des lyonnais Sheitan Brothers aux platines ne donne envie que de se la couler douce en voyageant à travers les 5 continents, le public bien diversifié, quelque peu lunaire et souriant, des stands de maquillage permettent de se mettre aux couleurs de l'événement... mais 1h30 de queue (sans exagération aucune) pour une bière sans bulles à 7€... ça nous a totalement refroidi. Quelques festivaliers laissent par la suite leur avis sur ce fiasco sur l'événement Facebook... qui seront rapidement effacés par l'orga. Supprimer c'est tricher les gars. 

22h20, dans la jungle de béton 

Le volet "Nights" des Nuits Sonores, se déroule cette année aux Usines Fagor-Brandt à Gerland, dans le sud de Lyon. Depuis la station de tram Debourg, des agents aux lampes fluorescentes nous montrent le chemin vers le festival et nous déambulons tous ensemble comme de joyeux moutons pour cette première soirée qu'on attend depuis si longtemps. L'entrée sur le festival est rapide, fluide, sans encombres... en même temps, le lieu est encore plutôt vide à cette heure-ci. Pourtant, le programme de la soirée promet. Nous profitons de cette fluidité pour choper des cartes cashless en 2-2 à recharger via l'app du festival, puis nous ruer sur le premier bar dans le grand hall au fond de l'allée principale. On ne peut s'empêcher de constater que ce hall, dédié aux pauses et au chill, en jete très sérieusement. Vraie pelouse installée sur une estrade au milieu de la salle, avec arbres, lumières féeriques et ballons dans tous les sens... le chill-out des Nuits Sonores, c'est un festival à part entière. 

23h30, les Etats-Unis de Paris

Pendant ce temps-là, dans le Hall 1, c'est Chloé qui tabasse derrière ses platines dans la pénombre avec de la grosse électro bien grasse pour le plus grand bonheur des festivaliers qui ont commencé la journée avec le Day 1 au club Le Sucre avec Jennifer Cardini. Nous qui sommes un peu trop sur le nuage du chill encore, on s'aventure plutôt vers le Hall 3 qui nous appelle avec ses lumières scitillantes comme le chant des sirènes. Nous y découvrirons un jeune homme hyperactif et hyper productif qui ni une ni deux couche puis soulève tout le dancefloor à chaque nouveau son. Gracy Hopkins (photo), c'est un effervescent mélange entre hop-hop américain et culture de banlieue française, un concert qui glisse subtilement entre deux langues sans même surprendre, des bras en l'air, des pieds qui décollent... Ca y est, c'est bon, on est complètement dans le mood. 

01h03, un peu d'afropunk pour préparer le summer body

Alors qu'une petite pluie commence à tomber sur nos fronts moites, on se précipite vers le Hall 2, situé juste à côté de l'entrée où visiblement on atteint l'heure de pointe. Bah alors le mecs ? C'est à cette heure-là qu'on arrive ? Sur notre to-do de la soirée, on s'était noté de jeter un oeil au concert du duo parisien d'afropunk Tshegue (photo) et nous ne regrettons pas notre sage décision. Un concert qui secoue les bassins, une ambiance bonne enfant et pleine de bonnes vibes, une chanteuse entrainante et irresistible et des percussions qui font trembler le dancefloor. On ne voit pas le temps passer et la fin du live semble arriver beaucoup trop vite. 
Depuis là, on n'a plus qu'à traverser un couloir pour accéder à nouveau au Hall 1 et profiter de la fin du set de Rone, planant et rêveur comme à son habitude, mais qu'on admirera de loin, trop fatigués pour se frayer un chemin dans la fosse bien remplie. Il est temps de profiter de l'espace food et de ses grande tables en bois pour avaler un cornet de frites salvateur à 3€ et regarder notre voisin d'en face taper quelques petits rails sur son smartphone... Les toilettes en céramique à deux pas de là, qu'on avait pourtant vanté en début de soirée tellement on était contents d'échapper aux classiques toilettes chimiques qui piquent toutes les cavités, sont bouchées et débordent de toutes parts. La foule commence à se faire épaisse, les queues longues et l'appel de la nature impitoyable. On va donc quitter les Usines pour ce soir, sur une note d'inachevé. 

Jour 3. Vendredi 11 mai. 15h50, au bonheur de la disco-funk

L'Extra! Soul Train, organisé conjointement par les festivals Jazz à Vienne, Woodstower et les Nuits Sonores, en est à sa 2e édition cette année. Inspirée de l'émission américaine éponyme des années 70, la Soul Train #2 est un grand concours de danse dont les gagnants remportent des places pour le festival Woodstower et Jazz à Vienne. Ayant eu vent de la bonne ambiance l'année précédente, c'est sur la Place Raspail que nous poserons notre campement pour la journée aux côtés du MC Pat Kalla qui ambiancera la foule très compacte jusqu'aux derniers rayons de soleil. Les bières sont fraîches, le soleil est au beau fixe, les dancemoves sont splendides et les coups de soleil radieux. 4h à se trémousser sur de la disco et du funk sur un tapis rouge devant la scène où s'enchaînent DJ Raistlin et le groupe Charlie and The Soap Opera, et voilà qu'on a les jambes en compote, un grand besoin de Biafine et de notre couette. Nous qui pensions continuer les Extra! jusqu'au bout de la Night, nous voilà vaincus par l'appel du groove. 

Jour 3. Samedi 12 mai. 15h50, la block party qui nous laisse sur notre faim

Tout bon jour des Nuits Sonores commençant par un bon Extra!, notre choix aujourd'hui se porte sur La Martinière BlocParty aux nouvelles Halles de la Martinière. Un Extra qu'on nous avait promis sous le signe de la gastronomie locale, mais qui au final ne nous aura proposé que des crêpes plutôt classiques et des galettes bretonnes pour lesquelles il faudra attendre 20 bonnes minutes. Quelques stands par-ci par-là pronent le développement durable et le zéro déchet mais n'attirent pas forcément la foule et les musiciens hissés sur une estrade au fond du parking peinent à attirer l'attention du public qui est plutôt là pour papoter autour d'une bière. Tant pis, on ira se restaurer ailleurs avant d'entamer la dernière soirée de notre périple. 

22h30, aux Usines, comme à la maison

La deuxième soirée aux Usines pour nous sera donc la dernière du festival. On se sent déjà maître des lieux et à peine franchi le portail d'entrée nous voilà devant le set du duo Il Est Vilaine (photo) dans le Hall 2. Parfaite mise-en-jambe pour cette soirée qui devrait durer jusqu'au petit matin, si tout se passe bien... Un mélange de techno et de new wave puissant et séducteur, deux musiciens qui savent mettre l'ambiance devant un public pourtant encore assez rare pour cette dernière soirée. Derrière le dancefloor, le long du long couloir illuminé de néons psychés, s'improvise un sulfureux et pailletté défilé de mode de drag-queens magnifiques. L'atmosphère est en fer et en béton et pourtant si chaleureuse qu'on se laisse emporter à travers les allées dans les vapeurs d'alcool et les nuages de fumée au son de la techno et des rires. On est au top. 

00h25, Action Bronson bouffé par Vice

On arrive tôt dans le Hall 1, pourtant déjà bien rempli, pour l'événement phare de la soirée, et le grand nom des Nuits Sonores 2018. On choisit encore une fois de se placer un peu à l'écart de la foule, à l'arrière où on voit plutôt bien et le son n'est pas mauvais. Moins on est loin du bar, mieux on se porte de toute façon. Sur scène le rappeur américain bourrin et fin gastronome Action Bronson (photo) enchaîne les sons avec un flow impeccable mais sans vraiment entrer en transe avec son public. Derrière lui sur le grand écran, une vidéo tourne en boucle et s'apparente à une publicité intempestive pour Viceland, la branche télévision de Vice Media sur laquelle est diffusée l'émission du rappeur. Aucune autre scénographie n'est réellement proposée pendant la prestation. Un concert très attendu mais qui déçoit légérement par son manque de créativité et d'investissement. Regarder en boucle quelqu'un dévorer un sandwich brandé, ce n'est pas totalement l'idée qu'on se faisait du gangsta-rap. 

02h10, avec les pick-pockets, la fête finit en sucette

L'avantage aux Usines, c'est que les bars sont nombreux, grands et que tout y va très vite. Malgré l'affluence aux concerts dans le Hall 1, on n'attend jamais plus de 5 minutes pour être servis et c'est bière fraîche à la main que nous gambadons jusqu'au Hall 3 pour découvrir les péruviens Dengue Dengue Dengue et leur électro-psychédélique qui fait tourner la tête. Nous nous aventurons à mi-parcours comme des bleus vers les toilettes où la queue nous fait louper la fin du set et où on se fait dérober un téléphone. Heureusement, en errant dans les halls à la recherche de nos compères, on tombe sur Mathieu, festivalier altruiste à outrance qui non seulement nous paye une bière mais nous prête son téléphone pour qu'on puisse retrouver quelques visages familiers. Un vrai super-héros. En discutant avec les festivaliers autour de nous, on se rend compte qu'on est loin d'être les seuls dans cette galère. Décidément, tous les ans, les Nuits Sonores sont également le repère incontournable des pick-pockets sans race. Encore une soirée qui se finit sur une note amère, et pourtant la musique avait tout pour plaire. 

Le bilan

Côté concerts

La confirmation
Tshegue, une brillante boule d'énergie et de flow qui nous fait perdre quelques kilos dans la lancée

La découverte
Gracy Hopkins, le coup de coeur bilingue de cette année, affaire à suivre, et de très près

L'homme sandwich
Action Bronson, une prestation sous le signe de la publicité Vice agressive, on s'en serait passé

Côté festival

On a aimé :
- Des entrées et sorties rapides, un bar efficace et pas de sensation d'agoraphobie aux Usines Fagor-Brandt. Pour un festival d'une telle envergure, se sentir à l'aise dans la foule, c'est rare !
- Des découvertes musicales enthousiasmantes dans le Hall 3 aux Nights. 
- Toute une ville qui s'anime au rythme des Nuits Sonores et l'occasion de découvrir des endroits qu'on ne connaissait pas encore grâce aux Extras! en journée.

On a moins aimé :
- Le prix des boissons et leur piêtre qualité. Aux Nuits Sonores, il vaut mieux être prêt à vendre son rein.
- La drogue dans tous les nez, à la vue de tous... 
- Tous les ans la même galère des portables, portefeuilles et dignités volés. Mais quelle est la solution contre les festivaliers malveillants ? 

Infos pratiques

Prix des boissons
La pinte à 7€ (gobelet consigné 1€)

Prix de la nourriture

Burger : 7€, frites maison : 3€

Prix du festival

Accès aux 4 NS Days et aux 3 Nuits principales : 164€, accès à 1 nuit : 39€

Transports

En 2H en train depuis Paris, tous les sites sont accessibles en transports en commun à Lyon

Conclusion

On a mal au dos, aux pieds et à notre téléphone disparu mais on aura passé des moments revigorants malgré tout pendant ces quatre jours. Les Nuits Sonores sont un condensé tellement complet d'événements culturels en tous genres que malheureusement le commun des mortels ne peut pas tout balayer en une édition. Le rendez-vous est donc pris pour l'année prochaine, et si on testait les Days cette fois-ci ? 

Récit : Anja Dimitrijevic
Photos : Elodie Roy