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Les Femmes s’en Mêlent, quand les “Bad Bitches” font la loi

Pour cette 21eme édition du festival la sélection reste toujours aussi agréablement surprenante et éclectique. C’est le point fort du festival engagé depuis plus de 20 ans maintenant à promouvoir la scène musicale féminine indépendante. Cette année, le festival a choisi pour trois soirs un lieu unique dans Paris alors qu'en parallèle se déroulera un “off” dans une vingtaine de salles en France. Nous étions à la Machine du Moulin Rouge pendant ces trois jours, on vous raconte.

Jour 1. Jeudi 15 mars, 19h45, les habitués sont là, découverte des lieux

Pour cette première soirée entrée libre : nous accédons aux salles de concert de la Machine par la terrasse du Bar à Bulles juste derrière le Moulin illuminé. L’ambiance est détendue. Il n’y a pas foule dans la salle principale (seule salle ouverte ce soir) où passe un montage de vidéo de l'émission Tracks consacré aux femmes. Un stand d’une marque de lingerie nous propose de faire des photos en échange de bons de réductions. Pour un festival engagé, ce n’est pas complètement ce qu’on avait envisagé. Nous prenons une bière au bar, 7 euros, les prix restent les mêmes que ceux du club.

21h30, les Japonaises sont les plus fortes

C’est dommage, on ne connaît pas à l’avance les horaires de passage des artistes sur la plaquette. Jusqu’à 21h30, il ne se passe pas grand chose : l’animation est confiée à un duo de comédiens et comprend la lecture de textes engagés. Nous ne sommes pas convaincus. Finalement arrive Tsushimamire qui vient illuminer notre soirée (photo). Ce groupe punk rock japonais entièrement féminin débarque pour la première fois à Paris. Les filles chantent en japonais, elles ont la pêche, tandis que le public se réveille pour danser. Mention spéciale pour la bassiste du groupe, son look et son regard de braise.

22h45, une touche pop avant la fin

En attendant le groupe suivant on s’installe tranquillement dans des poufs mis à disposition dans la grande salle. On ne se bouscule pas trop ce soir, c’est agréable. Puis arrive sur scène le groupe français Superbravo, habitué du festival (photo). Les paroles en français sont entrainantes, la musique, une pop un peu indie, est toute en légèreté. Mais la performance scénique n’égale pas celle des Japonaises une heure plus tôt. L’ambiance est bon enfant. Nous quittons la Machine un peu avant minuit.

Jour 2. Vendredi 16 mars, 20h09. Le mélange des genres

On arrive juste à temps pour voir Helluvah à la Chaufferie, la deuxième salle de la Machine. Il y a plus de monde aujourd’hui et le public est déjà très réceptif. Ce soir, le festival a opté pour une programmation qui mélange rock et électro. Nous accédons à la grande scène où commence le set de Léonie Pernet (photo). La française accompagnée de deux musiciens (un claviériste et une percussionniste) nous hypnotise. Ses compositions au piano, sa voix en retrait et le beat endiablé ravissent les oreilles. Nous apprécions en particulier l’originalité des rythmes et des mélodies. La soirée commence bien.

22h, du Bar à Bulles aux mots de Calaferte

Après un court moment d’inquiétude concernant la possibilité ou non de se restaurer nous constatons que le Bar à Bulles et sa terrasse propose des plats sur le pouce. On commande un camembert rôti et des frites de patate douce pour des prix classiques de bistro parisien. Après une séance photo au photomaton du bar nous retournons dans la grande salle où Virginie Despentes et le groupe Zëro ont déjà entamé la lecture musicale du Requiem des innocents (photo). La voix de Despentes dégage encore une force que la vie nocturne n’est pas parvenue à faire taire. On ne reste pas non plus insensible à l’accompagnement musical d’une justesse remarquable.

23h25, quand la Chaufferie fut au bord de l’explosion

C’est le moment où la soirée bascule. La chanteuse française La Pietà monte sur la scène accompagnée d’un guitariste et d’un DJ. Elle déverse un flow ravageur, se jette dans la fosse, vient nous chercher jusqu’au bar. Son lâcher prise est jubilatoire. Le public hurle avec elle. Difficile de passer après. Et pourtant la performance de Dream Wife est loin de passer inaperçue (photo). Les Britanniques à l’attitude punk rock ont le look le plus badass de la soirée. La chanteuse va jusqu’à chasser un à un les hommes qui ne voudraient pas céder leur place aux “Bad bitches” devant la scène aux cris de “Support your local bad bitches”.

00h45, les débuts du club

On retrouve un peu de sérénité dans les fauteuilles du balcon donnant sur la grande scène. Pour clôturer cette journée de festival le club jusqu’à 6h va voir se succéder sur les deux scènes de la Machine huit Dj sets. Le public se modifie, certains s’en vont, d’autres arrivent pour le club. C’est aussi la magie de ce festival qui a su se réinventer en proposant des soirées club, elles aussi portées par des femmes, trop rares dans le milieu de la rave et de la nuit. L’anglaise Debonair a d’abord du mal à mettre en place son set électro IDM très aérien. C’est véritablement le set de Clara 3000 vers 1h30 qui va enflammer la grande scène de la Machine. Son premier titre, Opal de Bicep remixé par Four tet annonce un set electro-house au poil. Nous partons vers 3h après avoir vu le set techno de Coucou Chloé. Il faut nous ménager pour demain.

Jour 3. 21h40, ambiance club avant la déferlante californienne

La dernière soirée de festival à la Machine commence par un set électro qui annonce la couleur : ce soir ce sera la fête jusqu’à l’aube. La soirée est menée en partenariat avec le collectif lesbien et féministe Barbi(e)turix. La MC californienne Blimes Brixton ouvre le bal hip hop (photo), accompagnée par un Dj français de circonstance. Blimes installe son flow, déroule l’histoire de sa vie (des battles freestyle à son nouveau statut d'icône queer de San Francisco) et nous livre une performance live à la fois intimiste et flamboyante. Ses fans sont là pour chanter avec elle. Nous sommes entraînés par cette ambiance joyeuse.

23h15, rêverie hip hop à Paris

Après un moment de flottement pendant lequel on nous demande de sortir de la Chaufferie après le premier concert alors que la grande salle n’est pas encore ouverte, nous arrivons finalement à point nommé pour le concert de Reverie. La californienne se livre sur scène, émue d’être à Paris, et nous parle de sa vie à Los Angeles, de la drogue et de la violence. Son rap estampillé west coast est certainement parmis les meilleures découvertes du festival. Blimes la rejoint pour présenter leur nouvelle chanson écrite ensemble à Paris, “Bitches in Paris”. Puis c’est l’entrée en piste de la rappeuse suisse d’origine ivoirienne KT Gorique (photo), dont la performance scénique va retourner l’assistance. La finesse de son écriture et son sourire toute la durée du concert nous rechargent les batteries. On est prêt pour la nuit.

1h05, le carnaval des couleurs

Alors que les artistes des concerts précédent rejoignent le public bouillant et que l’atmosphère devient de plus en plus électrique, Cata. Pirata installe son son : un mélange torride de rythmes latino-américains futuristes. Venue avec deux danseuses dans des tenues colorés - grosses fleurs et bikinis fluos - le spectacle est surréaliste. Le public est prêt à danser toute la nuit. On retrouve sur un tee-shirt le mot d’ordre de la veille : “Support your local bad bitches”. Nous sommes bien au festival Les Femmes s’en mêlent. Plus tard dans la soirée nous aurons l’occasion de voir brièvement le live d’Irène Drésel sur la grande scène dont on retiendra surtout la mise en scène florale.

1h45, le reste est techno

À la Chaufferie l’heure est à la techno acide de Calling Marian, pour nous le meilleur set ce soir. Tout est maîtrisé et les mélodies nous font apprécier le fait d’être assis pour prendre des photos. Vers 2h30 elle est relayé par la Dj palestinienne Sama’ dont on avait beaucoup entendu parler et qu’on avait hâte de voir en action. Ses fans sont là nombreux, une petite troupe furieuse de danseurs se rassemble devant la table de mixage. C’est une techno percutante, brute, que nous livre la Palestinienne. Nous quittons les lieux vers 3h45 un peu avant la fin de son set. Nous ne verrons finalement pas le set de Rag, la Dj résidente des soirées Barbi(e)turix Wet For Me, adepte d’une house minimale qui se veut pro-queer et lesbienne. Ce n’est que “party” remise.

Le Bilan

Côté concert

“Bad bitches on your side”
Le punk rock engagé de Dream Wife, sa chanteuse hypnotisante de beauté et d’élégance et des mélodies entrainantes.

Un vaisseau en route vers l’espace
L’électro de Clara 3000, percutant et pourtant sensible. Avec une belle progression pour un final explosif.

La larme à l’oeil et la claque musicale
Le hip hop californien de Reverie, qui nous a fait aimer sa ville et son histoire. Accompagnée de son Dj attitré (Dj Lala), la mélancolie de sa musique a bouleversé le game.

La bête de scène
Le sourire espiègle de KT Gorique, son style, ses pas de danse, son énergie à vouloir mettre le feu.

Côté festival

On a aimé

- L’éclectisme musicale qui montrent que les femmes peuvent être représentées dans tous les styles
- Mention spéciale pour le club, particulièrement réconfortant pour nous d’avoir pour une fois une écrasante majorité de femmes aux platines.
- Le public était toujours étonnamment divers, lié à l'éclectisme mais aussi à l’engagement du festival. Nous n’avons eu que des interactions agréables et conviviales.
- L’unicité de lieu, idéal pour accueillir ce festival avec ses deux salles, son bar au dernier étage et sa terrasse. Mention spéciale ici pour le nombre de toilettes conséquent.

On a moins aimé :

- L’affiche et le “féminisme washing” : représentation des femmes toutes en haut talons et mini-jupe.
- La présence d’entreprises dont la clientèle unique est justement féminine, avec des slogans comme “ Je suis libre” associés à des collants. Pas convaincus.
- Le manque d’information sur le running order
- Les blancs entre les concerts et le manque de fluidité, des endroits parfois fermés pendant une durée indéterminée et pas de restauration le samedi.
- Le prix des boissons, qui ont évolué entre le premier soir et le samedi. On s’est ruinés.

Conclusion

Les Femmes S’en Mêlent est un festival qui a su se réinventer depuis 20 ans grâce à une volonté toujours aussi marquée de bousculer, de nous interpeller, sur les inégalités de traitement et d’image des femmes dans le paysage musical. En donnant des voix à la diversité de la scène musicale féminine le festival reste à la pointe de la nouveauté dans tous les “genres”.

 

Infos pratiques :

Prix de la bière : 25cl de Heineken, 7euros
Prix de la nourriture : entre 5 et 12 euros pour des plats bistrot sur le pouce (planche, toast, frites etc.) mais que le jeudi et vendredi.

Prix festival : 40 euros le pass 2 jours
Transports : La Machine du Moulin Rouge, 90 Boulevard de Clichy, 75018 - Metro 2 & 12 Pigalle

Récit et photographies : Fanny Salmon et Anaïs Mastrorelli