On était à
Les Aventuriers, du rock pour terminer l'année

Dans une petite salle de concert au fond de Fontenay-sous-Bois, des artistes talentueux sont venus réchauffer nos oreilles en ce début d'hiver. Le line-up pour la 10e édition du festival Les Aventuriers en banlieue parisienne valait largement le détour et nous n'avons pas manqué au rendez-vous. 

Jour 1 - 18h55, le retour des aventuriers

La localisation du festival en proche banlieue parisienne pourrait en faire fuir certain. Mais l’avantage des Aventuriers est que l’on nous propose une navette gratuite qui part tous les soirs à 19h du centre parisien. Évidemment cela suscite la cohue et le rush à la sortie du bureau mais on est bien contents de ne pas avoir à faire quinze changements de bus, RER et autres navettes spatiales. A l’arrivée, premier arrêt le vestiaire gratuit pour nous débarrasser de nos quarante couches hivernales puis le bar en cédant à l’appel de l’apéro. Pinte 5€, consigne 1€ … correct autant dire que l’apéro sera relativement léger.

Le premier nom de l’édition 2014 des Aventuriers est le Michel Cloup Duo, Des chansons à textes, bien que parfois nous suspectons Michel d’abuser de la quantité de syllabes dans ses vers, une musique sans chichis quoi que légèrement sombre et mystique et deux personnages plutôt sympathiques.

21h56, bienvenue au Mississippi, 1923

L’espace Gérard Philippe qui accueille le festival les premiers jours n’est pas vraiment le petit frère du Stade de France. Ainsi entre chaque concert, le public est invité à quitter la salle et à aller s’entasser dans le hall pour patienter que la scène soit configurée pour le prochain artiste. On ne se sent pas comme dans une boîte à sardines : le public arrive au compte goutte mais la salle ne sera finalement jamais pleine à craquer.

Le prochain concert fait naître à Fontenay-sous-bois une ambiance de prohibition avec les californiens de Tuxedomoon (photo) dont la musique marie des sonorités tziganes à une atmosphère Sons of Anarchy. Avec vidéos artistiques bizarroïdes en fond et un scientifique fou aux manettes des effets audiovisuels c’est une grosse claque d’originalité pleine d’humour qu’on se prend ce soir. Un début prometteur.

Jour 2. 20h15, Un début un brin trop gentillet

Arrivé sur place avec la navette à 19h50 on attend gentiment le début du premier concert dans le hall de l’espace Gerard Philippe, au même étage que la salle. Nous avons juste le temps de tester les hots dogs au chili con carne, oignons frits et sauce moutarde-miel ketchup, grande nouveauté gustative de cette 10e édition, que les portes s’ouvrent déjà.

On commence cette deuxième journée tranquillement, sous la douce pop de Mehdi Zannad (photo), accompagné de son groupe Fugu. C’est bienveillant. Peut être un peu trop. D’ailleurs la salle est à moitié remplie et semble tout aussi impassible à la musique que le groupe lui-même. Exception faite peut-être du batteur, seule personne vraiment à fond en cette première partie de soirée.

21h30, Pablo Padovani et ses muses

Après une pinte bien méritée et 15-20 minutes d’attente dans la salle de concert, on passe à la tête d’affiche de la soirée : Moodoid (photo). Arborant comme toujours leurs masques de paillettes, les membres du groupe - et surtout leur charismatique leader Pablo Padovani, réchauffent la salle de leur pop psychédélique. Un concert qui se finira d’ailleurs en apothéose avec le batteur de la première partie puis la moitié du public invité à venir danser sur scène.

Jour 3 - 20h51, electro, acides et sci-fi

Le début du weekend s’annonce doux et c’est reparti pour un tour dans le 94 ce soir. Visiblement pour d’autres, le weekend est entamé depuis bien longtemps. En effet, le premier concert de la soirée, celui de JJ (photo), est presque aussi perché que Raoul Duke à Las Vegas. Le guitariste, aux airs d’un Legolas déplumé, gratouille des mélodies totalement incohérentes sur sa guitare pendant que la chanteuse du duo, vêtue d’une sorte de cape rouge empruntée, chante sur un son pré-enregistré avec sa douce voix quasi-enfantine. On a l’impression qu’ils ne se rendent pas bien compte qu’ils sont sur scène. De notre côté, nous n’avons clairement oublié d’emmener des substances illicites nécessaires à la compréhension d’un tel spectacle.

22h, alliances improbables

Alors que le guitariste de JJ se promène parmi les spectateurs à l’entracte et signe des albums, nous préférons découvrir le mur des médias placé en face du bar où trône un joli recueil d’articles présentant les artistes du festival. C’est ainsi que nous en apprenons un peu plus sur le groupe que nous nous apprêtons à découvrir : Slow Joe and the Ginger Accident. Une rencontre improbable en Inde d’un jeune musicos rouquin lyonnais et d’un ancien toxicomane à la voix de crooner indien. Le résultat, touchant, stupéfiant et plein d’amour. Bien que Slow Joe a encore un peu de mal à endosser son costume de superstar du blues, son caractère ne peut que susciter l’émotion. Heureusement, les musiciens qui l’accompagnent sont d’un soutien précieux et d’un talent sans limites. Un bien beau projet.

Jour 4 - 20h15, chaleur orientale

C’est au tour de Jawhar (photo) de passer sur scène. Inconnu au bataillon, ce groupe nous réconcilie avec les musiciens de première partie entendus jusque là. Le chanteur chante en arabe d’une voix qui nous ferait penser à des déclarations d’amour. La compréhension des paroles n’est pas à son top mais on en ressort avec l’intention ferme d’écouter sérieusement l’album de cette belle découverte .

21h30, les adolescentes surexicitées

Bien placé pour le premier concert, on se retrouve face à une salle bondée pour le deuxième. Forcément, c’est Fakear (photo) qui joue, et cela devant un public de banlieue constitué en grande majorité d’adolescentes de 15-16 ans. On reste dans la thématique orientale mais cette fois-ci beaucoup plus abstrait et un au bon côté électro. On entendra même le public chanter sur quelques syllabes intraduisibles du set. Bonne ambiance, on danse jusqu’au bout, sur un set encore plus énergique sur sa deuxième partie.

Jour 5 - 20h38, Voyage Voyage

La salle est bien plus remplie ce soir que la semaine précédente. Pas très étonnant, le line-up promet de nous emmener très loin et c’est avec le couple métissé suédois-canadien de Thus Owls (photo) qu’on prend l’envol. Une douceur absolue enveloppe la salle sous les spots roses et la voix envoûtante de la jolie chanteuse aux airs fragiles. Des mélodies qui rappellent des BO de films épiques et des batailles de vikings. La musique est relativement apaisante dans un premier temps mais escaladera en crescendo jusqu’à instaurer une ambiance très macabre et un peu inquiétante. Bien que ce soit prenant, c’est un peu trop dark pour nous.

22h01, Fontenay-sur-Mer

Nous attendons la mise en place du prochain groupe dans le hall en sirotant des sodas et en feuilletant les bouquins sur le rock de l’étalage mis en place par les organisateurs du festival. Pour faire passer le temps, c’est pas trop mal car ici, on a vite fait le tour et en ce 5e jour on commence à connaître chaque recoin du hall. Une vingtaine de minutes plus tard nous pouvons enfin regagner la salle. C’est sous des projecteurs aux tintes vertes tropicales qu’apparaissent nos guides touristiques de la deuxième partie de la soirée : François and the Atlas Mountains (photo). Pieds nus, danses maladroites, tous sourires, ils s’improvisent tour à tour claviéristes, guitaristes, percussionnistes ou danseurs de la plage. Un moment en chocolat qu’on ne voudrait pas voir finir.

Jour 6 - 20h15, résolument rock

Changement de public, changement de salle. Pour ce sixième jour direction la salle Jacques Brel où en plus d’avoir une salle trois fois plus grande, un troisième groupe vient se rajouter à la programmation. Si pour un fois, la navette qui nous amène vers la salle est quasiment remplie, c’est avec un public de rockeur qu’on assiste à ce sixième jour de festival. Les blousons en cuir sont de sortie pour un public d’une quarantaine d’année

On ne connaissait pas Tom Vek (photo), cet anglais aux allures de gentil garçon qui mène un groupe de rock alternatif. La musique est plutôt calé le live nous laissera un goût amer. Des musiciens qui ne se regardent jamais entre eux, un chanteur qui ne lèvera les yeux vers le public qu’une seule fois pendant son set. Entre temps, la salle commence à se remplir doucement. On repère l’ingé son de la salle au fond, placé dans des gradins côté public. C’est la première fois qu’on voit un ingénieur son placé aussi haut par rapport à la scène. Étonnant.

21h30, Even If ils ont la quarantaine, ils gardent la pèche

Pour continuer la soirée on monte en puissance avec le groupe Even If (photo). Cinq sur scène dont deux batteurs. On appréhendait le fait de retrouver des musiciens de la génération de nos parents, on se retrouve avec un groupe avec une énergie rock résolument communicative. Mention spéciale à leur batteur principal, Richard Kolink , ex-batteur de Téléphone et véritable bombe d’énergie .

22h45, Gang of Four explose les ondes

Groupe légendaire du post punk britannique, la salle attendait Gang Of Four (photo). Ils sont quatre sur scène: un batteur, bassiste, et deux chanteurs / guitaristes surexcités. L’un d’eux finira d’ailleurs par se tourner vers une batte et commencer à démolir un micro onde avec. Batterie supplémentaire ou technique punk pour canaliser son énergie, en tout cas ce pauvre micro onde nous laissera un peu perplexe. Et c’est après c’est épisode plutôt étonnant qu’on décide de quitter la salle, avant la fin. Les derniers trains pour rentrer dans notre banlieue nous appellent. Dommage, on serait bien resté plus longtemps.

Jour 7 - 20h30 une note de poésie pour clore le festival

Après avoir raté le bus à Nation, on arrive un peu à la bourre mais à l’heure pour ne pas passer à côté des cadets du festivals : les Black Lilys (photo). A deux sur scène et entourés d'attrape-rêves, on se laisse bercer par la voix délicate de la chanteuse, tandis que son frère l’accompagne à la guitare. C’est doux, planant. D’ailleurs pour la première fois on retrouve tout un groupe d’enfants au premier rang qui semblent comme nous, conquis. On espère les recroiser sur les petites scènes de cet été, alors que leur set se termine sur des remerciements vers toute l’équipe du festival qui les a encadré.

21h15, Mermonte les magnifiques

Si on connaît le groupe Mermonte (photo) pour l’avoir déjà vu en festival, on en reste pas moins étonné par la cohésion qui ressort de ces onze musiciens. Un travail de groupe tout en harmonies pop où chaque musicien paraît être le leader. Dans leur placement on retrouve d’ailleurs ces deux batteurs face à face qui interagissent entre eux, droitier face à gaucher. Une formation atypique qui ne manque pas de monter en puissance au fil du set. Du violon à la flûte traversière en passant par les divers guitares, le rendu final de ce groupe rennais nous étonnera toujours. On prendra même un poster à la fin, le festival proposant des affiches des groupes présents.

22h45 : le public se lâche (enfin!)

Retour dans la salle complètement remplie. On arrive à se glisser entre tout le monde vars un place plutôt correcte, tandis que les toulousains de Zebda (photo) installent une sacré ambiance. On les connaissait surtout pour “Tomber la Chemise” , on découvre avec plaisir que leur setlist est plus étendue que ça et est surtout rondement bien menée, sous l’aura de leur accent toulousain. Pour la première fois depuis le début du festival on voit tout le public sauter, danser et chanter en coeur. D’autant que le groupe en profite pour se moquer gentiment de l’accent parisien. Une touche d’humour et de bonnes vibes qui clôturera ce festival sous une bonne humeur générale.

Côté concerts

Les gars sûrs
Mermonte, toujours aussi magique

La surprise
Black Lilyes, les petits jeunes qui assurent

La découverte
Slow Joe and the Ginger Accident, coup de coeur pour cette étrange association de personnages farfelus

La confirmation
François and the Atlas Mountains, voyage transocéanique. 

La déception
JJ, ou le démontage de crâne à la mode de Stockholm

Côté festival

On a aimé :

- Programmation accès scène montante française
- Des hot-dogs originaux à 4€ : bonne idée de nourrir les troupes sortant des bureaux
- La proximité avec les artistes qui se mêlent à la foule après leurs prestations
- Des places (très) abordables pour des concerts de grande qualité et des vestiaires gratuits

On a moins aimé :

- La bière de l’Espace Gérard Philippe : chère, insipide et servie par une équipe de réels amateurs même si très sympathique
- L’écorchage des noms des artistes au moment de leur introduction sur scène
- Une désinformation générale du personnel sur tous les domaines : quand on est une petite équipe, on a le luxe de faire circuler les infos facilement a priori

Conclusion 

Nous étions impatients de découvrir ce que la 10e édition de ce petit festival de banlieue avait à nous offrir et nous n'avons pas été déçus. De belles découvertes musicales de tous bords, une équipe qui grandit et qui se solidifie et un public de plus en plus important et très certainement conquis. Malgré les difficultés financières que rencontre le festival, ce petit bébé rockeur confirme chaque année les raisons de sa longévité. Bon anniversaire les Aventuriers !  

Un récit d'Anja Dimitrijevic, Cécile Nougier et Kilian Roy