On était à
Le Rock dans tout ses Etats : l'édition de la survie

La 32e édition du RDTSE tient du miracle. Fragilisé par son manque de subventions, le festival a du se repenser entièrement : une programmation plus modeste et un accueil réduit par deux, c’était le prix à payer pour qu’ils survivent. Pari réussi ? On vous raconte tout.

Jour 1. 15h10, bienvenue au camping

Après une longue marche au soleil, on arrive au camping déjà bien investi. La fouille est toujours aussi drastique, mais on s'était renseigné cette fois sur ce qu'on avait le droit d'amener ou non. On sort 5 euros chacune par tête et par nuit. Il fait très chaud, 32°C, mais un petit vent frais souffle et quelques gros nuages nous empêchent de cramer. Aux sons des balances plus loin, les festivaliers sont déjà torses nus, en forme, et s’abreuvent de bière. Certains sont mêmes venus avec leur piscine, remplie grâce à de grandes poubelles pleines d’eau. On retrouve en majeure partie des festivaliers du coin qui viennent chaque année. On a très envie de devenir leur pote : en attendant l’ouverture du festival, c’est donc piscine party.

17h30, le début des hostilités

On arrive enfin sur la terre promise du rock. Il y a beaucoup de stands de nourriture, même si le choix est restreint : frite, kebab, hamburger ou tartiflette. Que des choses lights pour bien digérer. On prend une bière et direction les premiers concerts. C’est Aloha Orchestra qui ouvre le bal, avec un public très jeune : avec une moyenne d’âge de 18 ans, on a l’impression d’être des vieilles mamies… Fidlar enchaîne, du garage qui nous casse un peu les oreilles. Puis c’est le tour de Rich Aucoin (photo), accompagné du batteur et du guitariste d’Encore!. Et là, le public devient fou. Le chanteur, sûrement blindé au redbull, saute partout, sur les enceintes, dans le public, crie (mais chante bien), slame sur le public, balance des confettis, nous fait chanter, bref, de la grande folie. On se retrouve avec une énorme toile multicolore qui recouvre tout le public, en mode concert sous une méga-tente. Y’a pas à dire, cette formation sait mettre une grosse ambiance.

20h30 Les déjantés de Salut C’est Cool

Pas le temps de respirer, Salut c’est cool (photo) débarque sur l’autre scène. La coupe mulet en moins, le groupe reste toujours aussi excentrique. Et aujourd’hui, ce sont des bouquets de menthe qu’ils ont décidé de lancer sur le public. Public qu’il fera d’ailleurs monter sur scène pour les accompagner sur quelques titres. On restera pour la bonne ambiance et les looks créés sur place avec du papier d’aluminium. Côté musique on reste sur du grand n’importe quoi rythmé à la techno et les “oups pardon!” des membres du groupes qui slament dans la foule.

21h45, Ez3kiel, les maîtres de la soirée

On est tout devant pour l’arrivée d’Ez3kiel (photo). Le concert de la scène d’à côté nous brûle les tympans, on remercie les stands qui donnent des bouchons d’oreilles. Un silence, puis c’est parti pour un vrai show comme on aime. Le public adolescent a disparu, -sûrement s’hydrater au camping-, et c’est un public plus âgé, de 25 ans à la quarantaine qui le remplace. Sur scène les trois musiciens, sans chanteur, avec leur fameux set de lumière, nous en mettent plein la tronche avec leur électro/postrock/progressif. Tout est calibré, réfléchi, bourrin, bon et énervé. On atteint la perfection. A peine le show terminé, on change totalement d’ambiance avec Yelle sur l’autre scène. A l’opposé total d’Ez3kiel, on n’intègre pas du tout son univers, ses paroles, si ce n’est son Je veux te voir qu’on chantera avec nostalgie. Pas de quoi nous faire rester bien longtemps.

Jour 2. 16h45, Une après-midi en demi-teinte

Arrivées devant la scène A, c’est Tallisker en solo et parée de plumes de jais qui arrive sur scène. Accompagnée de son looper, guitare et violon, elle parait toute timide devant un public encore peu présent sur la plaine. Elle arrivera tant bien que mal à finir son set en rappelant la sortie de son prochain clip. Au tour de Josh Well Boy, un duo fille/garçon qui mise toute sa scénographie sur des foulards de couleur accrochés à un micro. Pas de coup de coeur pour ce groupe pour cette fois. Random Recipe (photo) fait un peu remonter la sauce avec un duo survitaminé de deux chanteuses qui parvient - enfin ! - à faire bouger le public encore peu nombreux.

19h45, Pause sandwich sauce électro-pop

Après ces quelques groupes c’est la faim qui fini par nous rattraper. Et c’est rythmé par les titres électro pop de Kid Fransescoli et de sa chanteuse Julia que l’on décide de faire une pause sandwich/pain frais rapporté du supermarché quelques heures plus tôt. Cette ambiance plus posée que les groupes d’avant n’empêche par le public de s’ambiancer au son des synthés et de la douce voix de Julia. Leur set fini, c’est au tour de St Paul & The Broken Bones (photo) d’imposer son blues rock sur la deuxième scène. Le son de trompette accompagne avec brio la voix teintée de soul du chanteur tout droit venu d’Alabama. C’est le groove qui nous manquait pour bien commencer cette soirée.

22h20, à la recherche du rock perdu

Déjà bien avancées dans cette dernière soirée, une question nous taraude l’esprit. Où est le rock ? Parce que jusque là, on a surtout entendu de l’électro. On veut pas chipoter, mais un festival portant un nom vendant du rock, on s’attendait à que ce soit assez orienté. Bon, The Jon Spencer Blues Explosion ont l’air de faire l’affaire. On regrette le manque de punch dans la voix, mais le public est présent et conquis. S’en suit de Thylacine (photo), de l’électro. Et là les gens redeviennent fous. Il fait nuit noire, et on se retrouve dans une boîte de nuit. Une demie heure après le début du show, c’est le drame : coupure des enceintes. L’artiste ne s’en rend même pas compte, continue de mixer et danser, et nous on est dégoûté. Il finit par essayer de nous jouer du saxo, mais les huées du public couvrent le son. Il est désolé, rien ne passe pendant de longues minutes… Puis ça repart. Et tout le monde est content.

00h45, le rock retrouvé

On est à l’avant dernier groupe du festival, et arrive enfin ce qu’on attendait : The Inspector Cluzo (photo), c’est-à-dire du rock. Plus que ça, du vrai rock’n’roll, du blues, avec un chanteur grande gueule, qui s’adresse au maire pour soutenir la survie du festival, qui dénonce Yelle et son play-back, qui crache sur les bassistes les estimant inutiles… Bref, on danse enfin avec le cœur et on se marre avec eux. Sa voix aérienne part dans des aigus fragiles, sa guitare sature dans le bon sens, le batteur danse avec nous et fini par jeter sa batterie dans le crash. Ils nous font une promesse : ils reviendront jouer gratuitement pour l’association si elle parvient à se faire entendre par la région et à sortir la tête de l’eau.

Côté scène

La bête de scène
Rich Aucoin et Encore!, entre les nombreux passages dans la foule du chanteur et le déploiement de la toile multicolore, cette formation n’a pas fini de nous étonner.

Les vrais rockeurs
The Inspector Cluzo, pour leur son bien réel et leur grandes gueules

La surprise du chef
Salut C’est Cool !, programmé à la dernière minute, ils ont su s’imposer à coup de jetés de brins de menthe et de techno excentrique

Côté festival

On a aimé :

- Un camping propre avec des douches et la possibilité de ramener sa piscine en plastique
- Le stand de la chambre de l’artisanat, avec une masseuse, une coiffeuse, et une maquilleuse. De quoi être zen et peinturluré.
- La bonne ambiance jeune et déjantée des festivaliers

On a moins aimé :

-  Aucun service sur place pour recharger sa batterie de téléphone
- Les douches brûlantes du 2e jour
- Un son beaucoup trop fort sur certains sets
- Le prix des consos : 6e la pinte, ça ruine.
- Le manque de diversité des stands de restauration.

Conclusion

Le résultat est mitigé. Cette 32e édition n’est pas comparable aux années précédentes. Il n’y a plus de têtes d’affiches, une scène a été enlevée, mais c’est un tour de force d’avoir su survivre et ne pas mourir, et c’est le plus important. On regrette quand même une programmation très électro, qui ne reflète pas ce qu’on attendait. Oui, quand va dans un festival qui s’appelle Le rock Dans Tous Ses Etats, on s’attend à du rock, dans tous ses états et non à de l’électro sous toutes ses coutures. Le temps magnifique, l’organisation bien huilée et le bon esprit des festivaliers nous a quand même fait passer un excellent moment qu'on éspère revivre lors d'une 33e édition. Rien n’est moins sûr...

Récit et photos : Juliette Ortiz & Cécile Nougier