On était à
Le OUI FM festival assiège la République

Du 23 au 25 juin, sur la symbolique place de la République, la troisième édition du festival de la radio rock nous prenait par les sentiments avec une line-up plus qu'alléchant pour un rendez-vous désormais incontournable des amoureux du rock et des soirées entre potes en ce début de saison estivale. Des vieux briscards comme Noel Gallagher aux jeunes pousses de la scène alternative rock, retour sur trois soirs de concerts gratuits en plein air.

Jour 1. 19h02, Radio Elvis juste avant la ruée

Amis, amants, parents se retrouvent peu à peu à l'heure de l'apéro qui se conjugue en poésie ce mardi 23 juin. Vulnérables et envoûtants, les vainqueurs du Prix du Jury des Inouis 2015 Radio Elvis (photo) plongent leur public dans une atmosphère onirique dès les premières notes de La Traversée, premier EP du groupe. Sublimés par la voix solennelle et grave du charismatique Pierre Guénard, les textes laissent transparaître une inspiration à peine voilée pour leurs aînés et virtuoses du rock poétique, Dominique A et Alain Bashung. Radio Elvis ne nous fait cependant pas transpirer à grosses gouttes, mais à peine 48h après la fête de la musique, une petite accalmie n'est pas de refus.

20h06, Good Evening England !

Pas le temps de rêvasser ! L'animateur phare de Oui FM et maître de cérémonie Dom Kiris introduit le groupe Drenge devant une foule qui ne cesse de jaillir des entrailles du métro République. Place au grunge, au rock torturé, crasseux et aux riffs qui cognent avec ce duo de frangins enragé 100% british. Leur deuxième album, Undertown, sorti en avril dernier est une véritable boule d’énergie prête à imploser. We can do what we want to ou encore Never Awake réveillent les êtres les plus statiques. En grande forme, l’Angleterre s'impose alors en maître et n'en démord pas jusqu'à la fin de la soirée.

Back to the 60's ! Quelques curieux s'avancent un peu plus vers le devant de la scène afin d'observer de plus près ces quatre anglais aux crinières ébouriffées de Temples. Otage consentant, le public est embarqué dans une bulle de savon psychédélique avec les morceaux Shelter song ou Colours to life. Pas de trip hystérique sous acide dans la foule semblable à l'UFO Club anglais en son temps. Esthétiquement parlant, un look à la Robert Plant pour James Edward Bagshaw, chanteur du groupe et un beau brushing à la McCartney pour Thomas Edison à la basse.

22h, At last but not least !

Le voici, le voilà : Noel Gallagher en concert gratuit à Paris ! L’atmosphère de liesse collective tant attendue arrive peu à peu. Du moins à l'avant ça chauffe ! A l'aube de ses cinquante printemps, il revient sur la scène de la République, 14 ans après le dernier passage d'Oasis en 2001 pour la fête de la musique. Les fans de la première heure ont les yeux qui brillent, se remémorent de vieux souvenirs, tandis que les autres apprécient de voir pour la première fois l’un des deux rejetons de la portée Gallagher. Noel brave l’obscurité sur Shoot a Hole into the Sun, tête baissée. Les oiseaux se sont envolés, les bras se lèvent alors dès les premières notes des cultes Whatever, Master Plane et Diggy's dinner, écrite à Paris par Noel. Un final grandiose, vibrant, tout en puissance, sur Don't Look Back in Anger reprise en cœur par les quelques 25 000 festivaliers présents. Petite déception pour tous les amoureux d'une vie ou d'un soir qui espéraient pouvoir s'encanailler sur Wonderwall.

Jour 2. 19h02, Folk you all !

Deuxième jour, même heure, même place pour une soirée made in France. La récidive est en marche, le soleil frappe fort et la soirée s'annonce plus électrique que la veille ! Belle découverte que les Fuzeta qui, tout en retenue, élèvent progressivement leur voix jusqu'à attirer l'attention des premiers arrivants ou des passants invertis, séduits. On retient de très beaux morceaux, comme La Plage, une belle ballade folk qui prend aux tripes, ou encore Dive, premier EP du groupe.

Ambiance de feu pour la suite avec Talisco (photo), qui débarque sur scène en furie. Les titres s'enchaînent avec une énergie déconcertante, pour le moins efficace sur les corps qui se tortillent instantanément. Des mélodies parfaites comme Your Wish, Follow me, qui nous feraient presque quitter le bitume parisien pour un roadtrip musical vers les plages de sable fin. Talisco maîtrise la scène, cherche son public du regard et nous offre un concert délicieux.

20h30, Petit apéro entre amis

Vint alors la deuxième pause musicale, l'occasion pour nous de faire le plein de victuailles pour les 30 prochaines minutes, de même que pour toutes les autres pauses qui suivront d'ailleurs. Les quelques épiceries qui bordent la place sont prises d'assaut tout au long de la soirée. Ambiance pâté, saucisson, rillette et pique-niques improvisés sur la place pour les uns, street food pour les autres, nous optons pour un Food Truck posté à la sortie du métro avec un bon cheeseburger frites pour 10€. Deux grandes buvettes se font face sur la place : 6€ la pinte, 3.5€ le demi, 3€ la canette. Que demande le peuple ?

21h23, Frénétiquement rock !

Immanquable, The Strypes (photo) balaient tout sur leur passage ! Ces quatre jeunes irlandais à peine sortie de la puberté perpétuent et incarnent avec brio l'impertinence du style rock. Oüi FM présente là une des plus belles plumes de son chapeau : un set 100% rock, puissant et grave, avec des teintes de blues et de garage-rock. Ross Farely, en sosie presque parfait de Liam Gallagher, exalte les foules et dégaine successivement harmonica et tambourin. Josh McClorey à la guitare prend les devants de la scène et électrise son public qu'il approche toujours un peu plus. A la basse, Peter O'Hanlon, en transe, est d'une énergie communicative. Les petits jeunots annoncent leurs nouveaux titres - Eighty-four, Cruel brunette, Queen of the half crown – avec toujours plus de mordant.

Après l'une des plus belle performance de la soirée, le final sera plus mitigé. La température redescend avec Gaz Coombes, ancien membre du groupe de rock anglais Supergrass. Chapeau vissé sur la tête, les rouflaquettes se rebellent. Il nous faut cependant plusieurs morceaux pour se fondre dans le moule de la britpop des années 90. Break the silence fait son effet et nous fait bouger encore un peu avant de poursuivre la soirée vers d'autres contrées..

Jour 3. 19h03, Hissons le drapeau français !

Un troisième soir 100% frenchie et quel soir ! Les Français se sont avérés être de redoutables adversaires face à leurs frères d'armes britanniques côté ambiance, parfois même à la surprise générale. Fort de 14 ans d'expérience, Bikini Machine n'a pas eu besoin de plus de deux minutes pour nous secouer. Les doyens de cette soirée nous ont régalé de leur soul garage atypique, que l'on imagine parfaitement s'adapter à la BO d'un film en noir et blanc. Ténébreux et tous vêtus de noir, les titres du groupe sont tous parfaitement ficelés. On est embarqué dans l'univers du second album, Bang on time, qui est une véritable tuerie. Stop all jerk alterne coup de force et légèreté avant de finir par un saut de batterie de Fred Gansart sur un appel puissant avec Wacha gonna do.

On l'attendait : la seule femme programmée de ce festival, Mina Tindle (photo), entre sur scène avec ses deux autres comparses masculins à la guitare. Des titres tirés de son nouvel album Parades avec Je sais, I command dont les voix s'entrecoupent en chœur pour former une seule et même unité puissante. Un set tout en légèreté pour ce petit bout de femme à la voix haut perchée. Certes, elle n'interrompt pas l'heure du casse-croûte, mais c'est une belle découverte pour la plupart.

21h, Retour émouvant pour les Innocents

Un accueil chaleureux pour les Innocents (photo), qui ne cachent pas leur bonheur de revenir sur scène après de longues années d'absence depuis la sortie de leur dernier album en 1999. La République chante à l'unisson lorsque les tic et tac de la pop française interprètent deux de leurs titres phares : L'Autre Finistère et Colore. Humour et proximité avec le public, sans batterie, les deux solides gaillards sont seuls face à une foule solidement amassée, mais il est clair qu'ils font le plus de bruit. On se croirait presque à la maison, au coin du feu, au plein milieu d'une soirée animée par la magnifique guitare électrique Gibson ES335 bigsby de J.P Nataf et l’acoustique Gibson J200 de J.C Urbain. De vieux classiques, des nouveautés avec les philharmonies martiennes tirées de leur troisième album Mandarine.

22h, Cali en plein trip !

Il est probablement la grande surprise de ce festival, tant la plupart n'aurait certainement pas parié un pesant de cacahuètes sur lui. Pourtant, c'est un Cali (photo) en chauffeur de salle que l'on retrouve, véritable bête de scène qui a su dompter les animaux sauvages qui ont fait le déplacement pour lui. A peine arrivé sur scène, Cali prend un premier bain de foule salvateur, avant d'être rattrapé par le service de sécurité. Incontrôlable Cali qui fait ensuite monter tous les photographes sur scène dès le deuxième titre, avant de chevaucher l'un deux avec un entrain non dissimulable : La vie quoi ! Vint alors le tour d'une jeune spectatrice invitée sur scène à qui il laisse le micro pour partager avec lui son titre Je m'en vais. D'un bout à l'autre, Cali court sur scène et entre en communion avec son public. Une cadence infernale tout du long, avec un final magistral sur Elle m'a dit qui clôt avec fougue trois soirs de concerts exceptionnels. Pour les heureux fêtards, on continue au Gibus rue Saint Maur pour l'aftershow organisé par l'équipe de Oüi FM.

Côté concert 

La valeur sûre
Noël Gallagher's High Flying Birds, parce que le spectre d'Oasis planera toujours quoiqu'on en dise.

La jolie pépite
Temples, pour son joli clin d’œil à l’acid rock des 60's et ses belles ballades psychédéliques.

T'étais où ?
Les Innocents, un retour gagnant pour ce produit 100% gaulois avec un nouvel album Mandarine.

Les bêtes de scène
The Strypes et Cali, deux entités antinomiques mais deux concerts explosifs ! Un Match nul France – Irlande, impossible à départager côté ambiance.

A suivre !
Fuzeta, de la folk audacieuse et efficace, pour un tout premier album qui ne saurait tarder.

Côté festival 

On a aimé :
La belle place de la République sous le soleil, bière à la main entre copains
La bonne humeur des organisateurs de Oüi FM et de l'ensemble des artistes
La programmation, alternant nouveautés, chansons françaises et artistes internationaux.     

On a moins aimé :
Les toilettes de chantier angoissantes gardées par des CRS
Que Noel Gallagher n'ait pas pensé à inviter son frérot

Conclusion

Sous le regard bienveillant de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité, ces soirs de concerts furent sauvagement délicieux : un cadre symbolique, une programmation audacieuse et éclectique, des groupes d'exceptions et un spectacle parfaitement cadré aussi bien sur le plan technique que pour l'organisation générale. Entre lâcher prise et professionnalisme, l'ensemble des artistes présents cette année n'ont pas manqué de séduire un public depuis trois ans fidèle à l’événement proposé par la plus grande radio rock de la bande FM.

Récit d'Aurélie Duhamel, photos de Marion Duhamel.