On était à
La Ferme Electrique, le rendez-vous confidentiel

Pour sa 7e édition, la Ferme Electrique commence à être rodée. Même équipe aux commandes et même concept, en un peu plus grand. La programmation noise et rock’n’roll invite au voyage, dans des ambiances les plus contrastées, pointues, singulières et intrigantes. Nous avons passé deux jours dans l’ancienne ferme du Plateau, à Tournan-en-Brie.

Jour 1. 15h07, appropriation des lieux

À peine débarquées à Tournan-en-Brie sous un soleil de plomb, nous nous dirigeons naturellement jusqu’au camping du festival grâce à des indications disséminées le long de la route. Nous sommes accueillies sur place par des bénévoles tout sourire, heureux de nous prêter main-forte et de nous informer. Le site est encore relativement vide, nous avons donc la chance de poser notre tente sous l’une des rares tonnelles nous prodiguant un coin d’ombre. Beaucoup n’auront pas cette chance et cuiront tout le week-end sous le cagnard.

17h01, à la ferme des merveilles

L’ouverture tarde et fait monter le suspens. L’ancien corps de ferme propose deux scènes, une dans la Grange, et une plus petite dans l’Étable. Le décor, fait à partir d’objets de récupération, est saisissant : un peu glauque avec des têtes de poupées et des mannequins dans des cercueils, très vintage avec des fauteuils et chaises disposés dans tout l’espace. La cour est encerclée par le coin canapé, le merch, la chapelle aux pianos, et des nouveautés : l’atelier de création de fanzine, de musique sur vinyle, et deux stands de tatouage. L’offre est tellement captivante qu’on en oublierait presque que se jouent des concerts.

21h05, punk’s not dead

Ça tombe bien, Blurt vient justement de commencer son set sur la scène principale de la Grange. On retrouve trois papys pleins d’une étonnante énergie qui nous offrent des morceaux de post-punk entraînants, le tout mené par un saxophone bluesy à souhait. Le groupe, fondé en 1979 par le leader Ted Milton, échauffe une salle en ébullition. On se rend ensuite dans l’Étable pour voir Massicot (photo), un groupe de jeunes punkettes trépidantes qui secoue le public au son d’un violon criard. Mais la salle étant assez restreinte, le public s’entasse péniblement devant la scène pour voir le groupe genévois. La frustration générée par le manque de place reste à apprivoiser.

00h20, retour vers le futur

Toujours dans l’Étable, l’air se fait plus respirable avec The World (photo). La musique du trio rouennais ne peut laisser personne indifférent : les mélodies et les synthés nous emportent tout droit dans un générique des 80’s, avec une fraîcheur moderne proche de la French Touch. Le style divise mais le succès l’emporte pour le public qui reçoit toute l’énergie du groupe. Le jeu de lumière très réussi contribue à ce voyage tout en couleur. Pause dîner, l’odeur des frites maison embaume la cour. 6€ le sandwich saucisses-frites, les prix n’ont pas changé et le sourire en accompagnement toujours assuré.  

01h36, dernière ligne droite

Requinquées par le repas, on va voir Usé. “Le mec est sur une batterie tout seul et il fait des trucs complètement dingues” nous ont assuré des festivaliers croisés en chemin. On s’y rend donc avec hâte et en effet, on assiste à un set d’une puissance inespérée. Malheureusement, la sauce est répétitive et oublie de monter, ce qui ne prendra pas vraiment sur nous. Autour de nous par contre, la foule se laisse aller à des pogos et des slams à en faire trembler les murs. Nous partons avant la fin pour aller déguster une bière de Brie au bar (photo). Artisanale, du terroir des alentours et savoureuse, pour un prix relativement raisonnable à 7€ la pinte. Le coucher se fera dans un camping bien trop silencieux.

Jour 2. 10h30, en attendant dodo

Le réveil est difficile. La chaleur nous arrache de la tente et on court chercher un café à 1€ proposé par le staff. On compte deux douches composées chacune d’un petit ballon d’eau d’où sort un tuyau par lequel l’on peut se rincer à l’eau glacée. C’est rudimentaire, mais ça réveille. On se rend ensuite au centre-ville pour retirer de l’argent puisqu’il est impossible d’utiliser notre carte bancaire sur le site. Un concert est donné sur la place du village auquel quelques personnes croisées au festival assistent à la terrasse d’un café. De retour à la Ferme, nous tombons sur un jeune homme qui expérimente les différentes sonorités que peut faire une voiture (photo). Nous est proposé en activité extra-festivalière un tournoi de pétanque en plein soleil, mais nous préférons rejoindre le camping où beaucoup de festivaliers somnolent sur l’herbe. Après une sieste collective, c’est déjà l’apéro entre campeurs.

18h20, retour aux choses sérieuses  

Tentées la veille, on découvre un nouvel atelier, celui de création de fanzine. Sur une grande table est mis à disposition crayons, feutres, tampons et magazines pour créer sa propre page au gré de sa créativité. Toutes seront montées pour créer le fanzine qui sera distribué à tous les participants. Le concept est si plaisant qu’on en rate Heimat. On se rattrape sur Les Agamemnonz, un quatuor de rouennais surprenants (photo). Leur univers évoque des thèmes très différents : vêtus de toges, pieds nus, leur surf music nous emmènent autant en Grèce Antique que dans une B.O. d’un Tarantino. Leurs chorégraphies et leurs rythmiques feraient danser n’importe quelle jambe, certains festivaliers se lâcheront dans un twist. Le moment est léger et donne une nouvelle énergie pour le reste de la soirée.

20h40, chaud cacao

Le soleil commence à décliner, la température baisse et on se ferait bien un petit plaisir en s’empiffrant de Chocolat (photo), un groupe montréalais à tendance 70s’. Nous les avions d’ailleurs croisés à la Villette Sonique en 2015 : entre synthé, solos de guitare et même un saxophone, la musique fait danser un public tout sourire. Un véritable échange se crée entre la foule et les musiciens, le premier rang se prend dans les bras en sautant comme des puces. Le temps de nous remettre de nos émotions et on remet ça avec Electric Electric. Avec un son dissonant et distordu, presque mécanique le trio redonne un petit coup de boost. On frôle cependant la crise d’épilepsie avec des lumières blafardes qui font un peu trop mal aux yeux.

23h02, création de vinyle

C’est l’heure du dîner. En dehors du classique saucisses-frites, un stand de tajine est proposé, poulet et végétarien pour 6€. Les parts sont correctes, ni trop ni pas assez. En dessert, des crêpes à 2€ sont servies avec amour encore. Direction un nouvel atelier, qui propose de composer sa musique qui sera gravée en temps réel sur un vinyle (photo). A disposition des objets à percussion uniques, des boîtiers avec des dizaines d’effets possibles, une boîte à rythme et un micro. Il suffit de laisser libre cours à sa créativité. Il faudra quelques minutes pour que la machine datant de 1946 nous produise le vinyle.

00h45, Chirac si tu nous entends

En arrivant à la Grange pour assister au concert de Balladur, on est surpris de ne voir absolument personne sur scène. Seul un petit amas de personnes semble former un cercle au milieu de la fosse, et pour cause : les musiciens de Balladur (photo) se trouvent au milieu de la salle, au même niveau que le public. Ils commencent alors leur set grâce à une énorme table de mixage qu’utilise l’un, et une guitare/voix pour l’autre. Les deux artistes se font face et s’envoient une balle d’énergie pure pendant une heure. Malheureusement, cette proximité avec la foule en excite plus d’un et certains se permettront même d’allumer des pétards au plus près des musiciens. Par mesure de sécurité, nous partons à l’exposition des artistes. Sérigraphies, fanzines, BDs, t-shirts, tote bags à l'effigie du festival. Si c’était possible, on repartirait avec tout ce qui est proposé.

Le Bilan

Côté concerts

Le coup de coeur
The World, un son original qu’on entend rarement en live.

La confirmation
Chocolat, pendant un moment on s’est crus en 1971, le LSD en moins.

Les multivitaminés 
Les Agamemnonz, une musique digne d’une BO de Tarantino et une bonne humeur sans égal.

Côté festival

On a aimé :
- L’univers décoratif, toujours aussi fou et recherché
- Tous les stands sans exception, aussi intéressants les uns que les autres
- La qualité du son, la plupart n’ont pas nécessité de bouchons d’oreilles
- Le sourire et la sympathie des bénévoles
- Le bon esprit des festivaliers, ouverts et heureux
- Les prix inchangés et abordables, avec enfin des pintes !

On a moins aimé :
- Le strict minimum du camping, deux douches rudimentaires, des toilettes nauséabondes vite devenues le musée des horreurs, le manque d’ombre.
- L’affluence trop grande dans l’Etable, qui manquait d’air.

Conclusion

La flamme de la Ferme Électrique est toujours bien ardente. La programmation singulière, le lieu atypique au décor imaginaire, l’originalité des stands et l’ouverture d’esprit générale sont les ingrédients clés de ce festival plus que réussi. Même si des améliorations sont à faire au niveau du camping. Sold-out avec 600 spectateurs le samedi soir à 20h, l’événement commence à être victime de son succès.

Récit et photos : Antonia Louveau, Juliette Ortiz