On était à
Dour 2019, aussi passionnant qu'éprouvant

Dour : a-t-on vraiment besoin de le présenter ? Avec 251 000 festivaliers cette année sur le gigantesque parc éolien à quelques pas de la frontière franco-belge, il se place comme l'un des plus gros rendez-vous musicaux européens. Préparez-vous pour cinq jours d'un marathon intense entre le réputé camping cinq étoiles du festival et ses scènes démesurées.


Jour 1. Mercredi 10 Juillet. 14h36, bienvenue au camping

Première étape : se garer. La chose n'est guère difficile car nous arrivons assez tôt, vers environ midi. La route n'était pas trop embouteillée avant le festival, mais on imagine qu'elle aurait été bien plus bouchée un peu plus tard. Une fois nos affaires sorties du coffre, on a l'agréable surprise de voir que la gestion de foule est efficace et que les entrées sont fluides. Il faut compter environ une grosse heure entre la voiture et l'arrivée sur le camping. Mais au delà de 14 ou 15 heures, l'attente sera probablement double !

Pour l'heure, l'ambiance est chaleureuse et tranquille. Les apéros commencent à se lancer autour de nous. L’entraide est globalement de rigueur : vous n'aurez aucun mal à vous procurer maillet ou sardines pour planter vos tentes ou encore à trouver une pompe pour gonfler votre matelas. 
 

22h07, le rituel Salut C'est Cool

Comme à l’accoutumée, Salut C'est Cool (photo) ouvre l'événement. C'est un peu une tradition, à Dour, de programmer ce groupe illuminé le premier jour. Cette fois-ci, ils jouent avec Macmann et on arrive sur « Salam Alaykoum », sur la Salle Polyvalente, un grand chapiteau au milieu du festival. Le public connaît la chanson par cœur, la scène de la salle polyvalente est déjà en feu ! Le sol tremble au rythme des hymnes du groupe qui enchaîne banger sur banger et s'egosille dans leurs micros. On se déplace un peu plus tard sur l'Elektropedia, la grosse scène dédiée à la musique électronique, où Anetha passe un gros set de techno qui galope et motive les festivaliers. La taille des écrans est énorme, on peut profiter de visuels de qualité sur des basses acidulées. Cette année, deux scènes ont été déplacées confirmant bien la nouvelle disposition du festival. Un petit problème demeure cependant : le son de l'Elektropedia déborde un peu sur la Boombox.
 

23h30, Vladimir Cauchemar et sa recette secrète

Vladimir Cauchemar (photo) est là avec un set rempli de remixes de sons de hip-hop et de trap et enchaîne avec des morceaux entre afrobeat et house. On retrouve vraiment la bonne vibe à laquelle il nous a déjà bien habitués et l'efficacité du set est détonante sur la Boombox. Petit apéro sur un camping serein et c'est reparti pour Amélie Lens sur l'Elektropedia. Elle délivre une techno énergique qui réveille malgré la fatigue du voyage. La curatrice de Dour se montre digne de son titre et connaît son public. 
 

Jour 2. Jeudi 11 juillet. 16h45, drum'n'bass et soleil

Si le temps était un peu nuageux ce matin, l’après midi est ensoleillée et on transpire sur l'Elektropedia. Bredren (photo) s'est rendu au festival en trio et envoie un gros set de drum'n'bass minimale. Il y a peu de monde sur la scène et la foule est tranquille mais l’amusement est là et les basses vibrent bien. On sent la qualité du sound system, littéralement énorme. Ce genre de gros morceaux n'est réservé qu'aux festivals de taille et impressionnent toujours autant. On rentre pour un court apéro pendant Spectrasoul, qu'on entendra depuis le camping, le volume de l'Elektropedia étant vraiment élevé. On reviendra pour le b2b de Skeptical et Alix Perez, les maîtres de la minimale, un peu avant un groupe qu'on attendait beaucoup.
 

20h28, Death Grips : une expérience hors normes

Death Grips (photo), on ne les avait jamais vu mais comme on s'y attendait, c’est du grand n'importe quoi ! Un son trop fort, MC Ride, le chanteur du groupe, qui crie littéralement pour se faire entendre… mais c'est aussi ça qu’on recherche quand on va voir le groupe : du brut de décoffrage, du sale, du gras. La scène n'est pas très remplie, une partie du public est complètement désorientée par la performance. Un peu plus tard, on passe par curiosité voir Orelsan, qu'on n'a jamais vu non plus. Il passe ses classiques comme « Le chant des sirènes », sur la Last Arena devant un public clairement accroché par l'énergie du rappeur.
 

00h05, Bjarki nous happe pour une heure

On l'attendait aussi avec impatience : Bjarki (photo), fondateur du label bbbbbb et grand expérimentateur de la scène techno. Et on n'est pas déçu, on dira même plus tard que c'est le meilleur set qu'on a pu voir à Dour cette année. Il fait danser une salle pleine à craquer avec une techno qui déferle. Les sonorités sont à la fois expérimentales et dance et le DJ arrive à mêler des passages surprenants à des morceaux qui tapent assez pour satisfaire n'importe quel amateur de bons kicks et il passe d'une techno énervée à une drum'n'bass inattendue. 

En rentrant quelques temps plus tard au camping, un petit creux se fait ressentir et on prend un pain saucisse. Erreur fatale ? D'un côté, la chose est conséquente et rassasie. D'un autre, l'idée de manger une saucisse dans un pain industriel agrémenté d'une simple sauce et d'oignons n'est guère engageante, surtout vu le prix, quatre tickets nourriture (onze euros les sept). Mais tant pis, on a faim.
 

Jour 3. Vendredi 12 juillet. 14h37, climat capricieux

Une des particularités de Dour est qu'il se situe dans un grand parc éolien. Et à raison, le vent souffle fort et les éoliennes tournent à une vitesse phénoménale ! Accrochez bien vos tentes et vos tonnelles, car elles risquent bien de s’envoler. Quelques averses pointent leur nez de temps à autre et à chacune on entend des festivaliers s’exclamer « DOURRRRREEEUUUUUH !!! ». Le campement est de plus en plus sale, le vent emportant les déchets et les tonnelle. L'orage finit par éclater et Dour s'exclame au premier coup de tonnerre. 

Pour ce qui est des douches, l'attente est interminable et en plus il faudra débourser deux euros pour y accéder. On décide de construire une douche artisanale dans notre camping avec une bâche, une tonnelle et douches solaires. Le système D fait toujours ses preuves !
 

22h17, I Hate Models fait tomber la nuit sur Dour

Le soleil se couche sur la plaine de Dour à cette heure tandis que I Hate Models (photo) arrose l'Elektropedia de kicks et basses saturées, ponctuées de synthés, nappes et percussions bien senties. Le set est à la fois sombre et dansant et l'artiste nous gratifie d'une techno innovante et de transitions déroutantes à l'instar de ses morceaux torturés mais le public est hypnotisé. La scène est d'ailleurs bondée tout comme le festival et la circulation se fait difficile. Paula Temple enchaîne et ne perd pas en énergie malgré l’artillerie déployée par son prédécessur. On est encore sur une techno brutale au tempo généreux. La température baisse, il ne faut pas oublier sa petite laine pour le soir à Dout, mais les scènes chauffent ! Panda Dub fait scène pleine de son côté et anime un show enflammé qui fait sauter le public.
 

1h26, Nina Kraviz being Nina Kraviz

Cette année à Dour, la programmation techno est très solide. On attendait donc Nina Kraviz (photo), qui rameute une foule compacte avant même le début de son set. Elle commence avec des sonorités expérimentales qui déroutent le public. Un peu décontenancé, il réagit tout de même, surtout après la première demie heure. Elle passe de classiques de Randomer à des exclus de son label Trip qui apportent un souffle d'énergie sur l'Elektropedia. On décide de se retirer pour prendre une petite pause de son et on peine à sortir tant la foule est dense. On se pose tranquillement pour récupérer quand on rencontre un festivalier très sympathique : « C'est le meilleur Dour de l’Histoire », nous confie-t-il. Scènes agrandies, site mieux organisé, son au poil sur les scènes, tout y est.
 

Jour 4. Samedi 13 juillet. 20h58, London vibes m8

La patience est de mise pour recharger ses batteries sur le festival car l'attente aux bornes prévues à cet effet approche le temps d'attente pour un médecin sans rendez-vous en heure de pointe. Mais après avoir achevé notre mission, c'est l'heure du concert de Skepta (photo), qui passe sur la Last Arena et envoie un flow grime. L'amviance est très très UK. Les basses sont bien présentes et les festivaliers chantent en chœur sur « That's Not Me », l'un de ses titres phares. Le son est plutôt chill, ce qui est appréciable à cette heure. Après trois jours de festival, on en a un peu dans les gambettes et on apprécie la modération du début de la performance. Pendant le dernier quart d'heure, le son s'énerve et le turn up est total. 
 

21h56, Triple Karmeliet et Avant-Garde Metal Day

Le Bar à bières spéciales, à côté de la Dub Corner a un emplacement finement stratégique, l'ambiance y est posée et on profite d'un son bien chill. Pertinent sachant que l'Elektropedia et son volume à réveiller un sourd ne sont pas si loin ! Le 33cL de Triple Karmeliet fait très plaisir et est complètement rentable pour deux tickets boisson par rapport à une pinte classique pour le même prix. Cependant, le burger pour trois tickets nourriture dans la même zone prête à rire : un steak reconstitué surgelé dans un pain froid et sec agrémenté d’une sauce douteuse. Encore un mauvais point côté nourriture pour Dour !

Prohaine étape, le fameux Avant-Garde Metal Day, qui a dédié la Salle Polyvalente à plusieurs groupes de metal entre quinze heures et minuit. Electric Wizard pose une ambiance bon enfant et fait résonner un bon stoner metal bien gras qui fait plaisir. On headbang lentement et on mange des gros riffs bien saturés. Le son est réglé n’importe comment, les aigus sont quasi absents, le chanteur fait n’importe quoi, mais c'est ça aussi le stoner. 
 

02h02, Ansome, le magistral point d'orgue de notre programme techno

En tant que grands amateurs d'acid, de techno industrielle et bien sombre, on était aussi venu à Dour pour voir Ansome (photo). Et quel set ! On est complètement décoiffé par le londonien qui déborde d’énergie et enchaîne pinte sur pinte. L'homme est connu pour être un surdoué de l'analogique et il le prouve une fois de plus avec une recette entre DJ set et live. On se fatigue et on reste du début à la fin avec grand plaisir. À la fin du quatrième jour, on n’hésite pas à dépenser l’énergie qu'il nous reste pour profiter pleinement d’une performance explosive. Pour finir la soirée, on se déplace sur la Petite Maison dans la Prairie, où Mall Grab envoie une techno d'un tout autre registre mais toujours bien énervée. On n'essaie même pas d’accéder dans le chapiteau tant la foule est dense en cette heure tardive et on écoute de l'extérieur en se reposant un peu, avant de rejoindre nos tentes.
 

Jour 5. Dimanche 14 juillet. 20h38, du rap pour commencer la soirée

Action Bronson pose un flow old school et enjaille bien la Last Arena, au concert de SC​H sur la Boombox, le marseillais envoie un gros trap et le public est là pour faire trembler le sol de la scène et fait un sans faute. Il est très à l’aise, confiant, fidèle à son style, chic et dandy. Si la foule est en délire et que l’ambiance est peut être la plus enflammée qu'on ait vu dans le festival. Sur la même scène quelques instants après, Flatbush Zombies (photo) donne un concert qui rend le public complètement fou. Le plancher rebondit littéralement sous les pieds des festivaliers. 
 

01h45, Hardcore jusqu'à la mort

On remarquera que la foule est un peu moins dense en cette dernière soirée. Un rapide passage par la Last Arena nous permettra de constater que Mr Oizo rassemble du peuple. Si mixer n'est pas son point fort, il arrive à conquérir un public qui le connaît en passant ses tracks phares ponctuées de quelques découvertes sympathiques.

Mais vient ensuite l'un des pionniers de la techno hardcore : Lenny Dee, qui joue avec le batteur adulé de la scène hardcore Maike. Le BPM monte d'un cran et le spectacle est sans concessions. Varié, il enchaîne avec du breakbeat, metal, hip-hop et drum'n'bass. Un grand moment de rave. Puis Casual Gabberz (photo) enchaîne avec sa signature très punk, son fameux "frapcor". La Salle Polyvalente est en feu ! Enfin, Sevenum Six, opère un live analogique acidore vers un hardcore bien gras et saturé avec beaucoup de nuances, ce qui n'est pas facile avec le genre. Bref, trois performances maîtrisées sous l'égide du gabber et qui donnent un dernier souffle avant la fin.
 

06h04, l'after

Esseulés après cinq jours de frénésie, c'est en compagnie de frites qu'on rentre au camping pour le fameux after qui dure jusqu'au lever du jour et même plus pour les festivaliers vraiment motivés. Et surtout, n'oubliez pas de boire de l'eau !

Le lendemain, on se réveille sous une température idéale pour démonter le campement et on ne tarde pas trop. Comme on s'y attendait, le camping est dans un état désastreux, comme si c'était, non pas les eaux d'Alphée et Pénée qui avaient visité les écuries d'Augias, mais bien le Saint Gange. Des monticules d'ordures minent le terrain et des objets volants non-identifiés planent à quelques centimètres du sol, emportés par le vent. Malgré tout, on quitte le festival avec le sourire et on a hâte d'y retourner l'an prochain !
 

Le bilan
 

Côté concerts

La grosse techno qui décoiffe
I Hate Models, Paula Temple et Ansome ont fait très très mal

Expérimentation électronique
Nina Kraviz et Bjarki avec des sets surprenants

UK vibes
Skepta, accent londonien et flow inarrêtable

Le dandy
SCH, une performance millimétrée. Il pose même pour les photographes devant les crashs.

Toujours aussi bon
Vladimir Cauchemar, une efficacité toujours aussi redoutable
 

Côté festival

On a aimé

- Un line-up techno plus que généreux
- Une grande diversité de musique alternative
- Les déplacements facilités dans le festival grâce à une meilleure organisation
- Un plancher sur toutes les scènes et les allées du festival pour réduire les levées de poussière
- Des stands et toilettes disposés vraiment partout sur le site
- Les espaces pour se poser bien répartis
- L'accent belge

On n'a moins aimé

- Des toilettes chimiques en 2019... rationnées en papier toilette. Réellement incompréhensible
- Les bénévoles n'ont pas toujours l'air de savoir si l'eau est potable ou pas
- Les déchets dans le camping à partir du troisième jour
- Pas de cashless
- La programmation bass music un peu faiblarde
- Une présence policière assez perturbante, surtout les deux premiers jours
- La Jupiler...


Infos pratiques

Prix des tickets
11 € les 7 tickets nourriture
11 € les 4 tickets boisson

Prix des boissons
1 ticket boisson le demi, 2 tickets boisson la pinte
1 ticket boisson le soft (Red Bull inclus)

Prix de la nourriture
3 tickets nourriture le cornet de frites
4 tickets nourriture le sandwich/burger/pain mexicain

Prix du festival
75 € le pass 1 jour, 170 € le pass 5 jours
Camping gratuit avec le bracelet du festival

Transports

En bus
Des bus font l'aller-retour de nombreuses villes françaises

En train
Descendre à la gare de Saint-Ghislain puis prendre la navette gratuite qui amène vers le festival

Conclusion

Dour 2019 fut une expérience éprouvante, exténuante et forte en sensations. Line-up aux petits oignons, camping bonne ambiance, organisation au poil malgré la taille du festival, disponibilité des stands sont autant de bons points que le festival a pu récolter cette année. Il faudra cependant se tenir prêt à affronter la poussière et la saleté, car le confort n'est pas de mise ! Et si Dour traîne avec lui une certaine réputation par rapport à son public, on n'a constaté aucun débordement cette année et des festivaliers plutôt tranquilles, ouverts et de bonne humeur. Après, il est vrai que l'humour belge...

Récit : Théophile Robert
Photos : Antoine Grynberg