Pour cette deuxième semaine, le Chorus Festival nous réserve de belles découvertes et des soirées pleines de surprises. Pas mal de hip-hop, un peu de voyage à travers le monde et toujours quelques beats électroniques.
Jour 1. 13h17, digestion avec Her
Des trombes d'eau s'abattent sur La Défense en ce jeudi midi et c'est sous le chapiteau du Magic Mirror que bon nombre de naufragés ont trouvé refuge. Tant mieux pour Her (photo). Le groupe joue devant une salle comble, ce qui n'était pourtant pas gagné d'avance avec un set programmé à 13h15 un jeudi. L'élégant duo, toujours en costards sur scène, a su envoûter la salle de sa pop mélodieuse. Les cadres, traders et autres boursicoteurs de la Défense sont emballés. Pour un peu, ils en oublieraient presque de retourner bosser.
18h35, les talents de demain en piste
Retour à la Défense, où la pluie n’a pas cessé. A notre grande déception, on apprend qu’on a loupé Inuït. Pour ces deux soirées du Prix Chorus, les concerts gratuits commencent à 18h tapantes et se terminent à 20h : compliqué pour les gens venant d’un peu plus loin… Deuxième surprise de la soirée, le festival organise des “soirées découvertes” avec des associations de jeunes du 92, du coup le public est majoritairement mineur. A peine notre état des lieux fait, Léonie Pernet arrive sur scène et commence son set tranquillement au piano avant d'enchaîner à la batterie qu’elle maîtrise parfaitement, elle qui à joué de la baguette pour Yuksek avant de se lancer en solo. Malheureusement le caractère mélodique de sa musique se laissera ternir par la horde d’ados qui parle et rigole un peu trop ; on a bien compris qu’ici tout le monde n’est pas sur la même longueur d’onde.
KillASon (photo) prend la relève : ce danseur hip-hop lâche le ring ce soir pour prendre le micro et nous balancer ses beats qui tapent fort dans les caissons du Magic Mirror. Vraie bête de scène et chauffeur de foule, à base de “Swag Motherfucker” et de “Niggaz” à tout va, il ravira le jeune public et nous aussi par la même occasion. Et comme rien ne lui suffit, il lâchera le mic en fin de concert pour nous faire une grosse session de danse. On comprend pourquoi il ne pèse que 50 kilos tout mouillé quand on voit comment il se donne sur scène.
Jour 2. 18h, deuxième round de jeunes pousses
Nous sommes maintenant prévenus des horaires, on arrive donc pile à l’heure pour 3somesisters. Et le moins que l’on puisse dire est que nous sommes visuellement surpris. 3 hommes androgynes et une femme nous attendent, tous vêtus de costumes en jean représentant des habits venant de différents continents. Cette pop mutante mélangeant airs orientaux, tribaux et musique électronique nous laisse perplexe, une sorte de David Bowie du monde 2.0. Tantôt calme, tantôt rythmé, on ne sait pas trop de quel pied danser mais on apprécie le spectacle tout de même, ainsi que le jeune public présent sous le Magic Mirror.
Arrive ensuite le tour de Clément Bazin (photo) qu'on a hâte de découvrir pour ses talents au SteelPan, instrument venu droit des Caraïbes aux sonorités plus qu’appréciables. Et il ne déçoit pas, l’ancien musicien de Woodkid mélange avec brio le pan et le pad, pour nous donner une électro aquatico-tropicale, de quoi régaler nos oreilles et faire bouger l’ensemble du Chorus. Une très belle découverte que l’on souhaite vite revoir sur une grande scène. Le dernier participant du prix Chorus 2016 s’appelle Palatine. Le quatuor nous invite dans un voyage contemplatif, ils nous racontent des histoires, en français comme en anglais, sur un fond de ballade folk rock. Malheureusement certains ados, le diable au corps, auront du mal à se calmer après le live de Clément Bazin, et casseront la tranquillité musicale qui règne dans la salle.
Jour 3. 18h15, début de soirée Chill
Le week-end commence sur une bonne surprise avec l’arrivée d’un camion-dj en extérieur entre les deux scènes. Une dose d’électro posée nous accompagne pendant qu’on siffle notre première bière, bien méritée. En plus le soleil est au beau fixe, que demande le peuple ! Le début des hostilités commencera à 18h45 avec l’arrivée d’un crew de rappeurs qui chauffera gentiment la foule amassée au pied du camion.
19h15, Fluctuat Nec Mergitur
Ce n’est pas Stormzy qui commence mais finalement Jazzy Bazz, après un changement de programme à la dernière minute. Qu’importe, on est là pour la musique et pour le show, et nous sommes agréablement surpris par ce rappeur. Un hip-hop des années 90 envahit le grande scène avec punch, malgré quelques couacs et départs ratés, on ne leur en veut pas. Après tout, il n’était pas prévu qu’ils jouent ce soir. Le public parisien apprécie ce MC qui fait l’apogée de leur capitale. On sortira de la salle avec cette devise reprise par le rappeur : “Battu par les flots mais jamais ne sombre” !
On enchaîne sur Littlz simz sous le Magic Mirror, où une jeune rappeuse londonienne balance un hip-hop venu tout droit des USA avec des notes jazzy. Et ça va vite, très vite ! Du haut de ses 22 ans, elle entraîne la foule avec elle, la faisant danser et chanter dans la langue de Shakespeare, pari osé mais réussi. On décide d’écourter notre passage sous le chapiteau pour aller mater les graffeurs à l’extérieur (photo) en train de réaliser une grande fresque à la bombe, chapeau l’artiste.
20h45, c’est un appel à la révolte, cousin !
La grande scène les attend avec impatience, Georgio (photo). Sortez des clichés sur le rap français, ces quatre-là, armés de leur polo Fred Perry "à l'ancienne" et de leurs têtes de sympa, en ont dans le ventre et vont nous livrer un live plein d’énergie du début à la fin. A peine commencé que le public est déjà séparé en deux pour une battle entre les deux rappeurs, et ça ne s’arrêtera pas de si peu : et voilà que ça descend dans le public, que ça nous fait chanter “mort aux vaches” et engage des pogos pour notre plus grand bonheur. Décidément cette soirée rap est pleine de précieuses découvertes et puis d'ailleurs ... on a rarement vu le public du Chorus aussi chaud ! Alors que le live de Lomepal commence, on décide qu'il est l’heure de faire une pause ravitaillement et reprendre notre souffle.
22h25, le papa du Mali
Le king du rap jazz français est là, j’ai nommé Oxmo Puccino (photo). C’est parfait pour se remettre dans le bain en douceur. Artiste connu et reconnu pour ses textes bien léchés, on se laissera porter par son flow clinquant le tout accompagné par des musicos rodé à la perfection. C’est propre, c’est beau, visuellement et textuellement, rien à redire. Le public quant à lui, bien plus connaisseur que nous, l’accompagnera au chant du début à la fin. De son côté, Dj Pone revient aux sources de sa musique : le hip-hop. Et il s’est offert un beau cadeau pour ses 38 ans, quasiment tous les artistes avec qui il a pu collaborer sont là ce soir : Scred Connection, Triptik, Gérard Baste des Svinkels ou encore Orelsan des Casseurs Flowters. Que de bons guests pour une superbe compil' hip-hop français des 20 dernières années. L’ambiance est bonne, ça slamme même sous le Magic Mirror ! Petit bémol, l’engouement de la salle retombe une fois le défilé de rappeurs fini, avec un dj-set sans trop de saveurs.
00h20, Straight Outta South Central
Welcome to the East Coast, this is Los Angeles ! C’est sur une démo de scratch que The Pharcyde débarque sur la grande scène. Retour aux classiques du hip-hop pour un show à l’américaine avec un bond de 25 ans en arrière, sur fond de clips old school. On se croirait presque autour de la piscine de Dr Dre dans Straight Outta Compton ! C'est à se demander pourquoi le hip-hop a évolué quand on voit un concert comme ca ! Le public est au taquet et nous aussi, on n'aurait pas demandé mieux pour cette fin de soirée rap.
Jour 4. 18h30, Into the Mountain
Une fois n’est pas coutume, en ce samedi du deuxième weekend du Chorus, la pluie est de retour. La Défense s’est désemplie par rapport à hier. On fait avec, ça nous fera plus de place pour danser. La soirée commence sur Palatine, que l’on à déjà croisé jeudi, vainqueur du Prix Chorus. Rien de plus niveau set que jeudi, on décide donc de patienter dans la grande salle pour accueillir Gunwood Circle (photo) comme il se doit. Et nous voila transportés au milieu des montagnes américaines, portés par un trio en perfecto/chemises de bûcheron. Digne de la BO d’Into the Wild, leur folk rock country doublée de la voix rocailleuse du chanteur et d’un petit harmonica marche à la perfection. On aime beaucoup, et le public du Chorus, quoi qu’un peu timide, a l‘air d’apprécier aussi. Si vous avez prévu de traverser la route 666 ou l’Alaska bientôt, prenez donc un CD de Gunwood Circle avec vous, pour la route !
19h45, douceurs d’un début de soirée
Et le premier concert du Magic Mirror commence avec Dusk Totem, un groupe d’indie pop tout en douceur, à base de bonnes vibrations et de paillettes. La chanteuse nous fait danser, elle qui saute dans tout les sens, et nous envoie des messages d’amour. Le public quant à lui est visiblement plus intéressé par la chanteuse que par la musique… S’en suit Ibeyi (photo), les deux soeurs jumelles qui interprètent avec émotion les origines lointaines de leur famille cubaine et de la culture Yoruba. C’est harmonieux, la prouesse musicale est à retenir ainsi que le voyage réalisé par leur scénographie. Malheureusement à ce stade de la soirée on commence un peu à traîner des pieds, on aurait aimé quelque chose d’un peu plus punchy.
21h35, Sage, bien trop sage
Après une courte pause dîner, on se presse sous le Magic Mirror, qui est remplit à craquer, pour aller voir Sage (photo), bien installé derrière son piano, prêt à nous livrer sa douce pop électronique. Même constat que pour Ibeyi, bien que le registre soit tout à fait différent, le calme de son début de concert et la digestion n’aident pas à se plonger dans sa musique, bien que le chanteur se prenne au jeu avec les fameux “A poil” et propose au public de le rejoindre après son concert pour se dévêtir ! Fort heureusement, passé la moitié de son set, sa musique reprend de l’énergie ; parfait pour nous remettre dans le mood avant Acid Arab qu'on attend avec impatience. Enfin du son qui tape, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce groupe porte bien son nom ! De l’électro bien acidulée aux sonorités orientales. On reste dans le thème de la soirée avec quelques décibels et des grosses basses en plus. Le public à l’air tout aussi ravi que nous de ce changement de tempo : la soirée débute enfin !
23h10, les maîtres du Swing
On se demandait ce qu’il se passait depuis la fin d’Acid Arab alors qu'on voyait la salle se vider petit à petit, mais c’est au moment de rentrer sous le Magic Mirror que tout s'explique… Les trois frangines formant A-Wa sont visiblement très attendues, le chapiteau est plein à craquer, et il y règne une chaleur étouffante. Ajoutez à cela une ambiance de folie menée par la folk’n beat yemenite des trois soeurs, et le chapiteau devient insupportable pour nous. On laisse la place aux plus courageux qui s’éclatent, chantent en coeur et tapent des mains à tout va. On se prépare de notre côté pour les stars de la soirée, la joyeuse bande de Caravan Palace (photo). Ce groupe d’électro-swing français qui sillonne les routes depuis 2008 va nous scotcher sur place, ça faisait très longtemps qu’on n'avait pas vu un show aussi énergique ! Du premier rang jusqu’au fond de la grande salle, tout le monde saute, twiste, tape des mains, le tout avec un sourire scotché jusqu’aux oreilles. Tellement d’énergie dégagée et transmise au public dans ce live et les chemises des musiciens ne pourront pas vous dire le contraire. On notera aussi le défilé de mode de Zoé Colotis, la chanteuse, qui à chaque interlude musical ira changer de tenue. S’il y a un groupe à ne pas louper cette année, et à tout jamais, c’est bien eux.
Jour 5. 16h, il a pas dit bonjour !
Madame météo a entendu notre appel, et en ce dernier jour du Chorus règne un soleil magnifique sur la Défense. Comme à son habitude, le festival propose un concert gratuit le dernier dimanche, avant sa soirée de clôture. Le thème de la journée est de nouveau le rap et c’est Vald (photo) qui entre en scène. Le rappeur d’Aulnay-Sous-Bois ne nous dira même pas bonjour en arrivant sur scène, assez comique quant on fait le rapprochement avec le tube qui l’aura fait connaître : “Bonjour”. Mais on ne lui en veut pas car il va nous livrer un live explosif, mêlant textes injurieux et rimes bien léchées. On passe de chansons sérieuses à d’autre totalement WTF dans une ambiance bonne enfant. Le sol tremble sous les sauts du public pour un finish plus que bordélique sur le fameux “Bonjour”, ah quand même ! Vald aussi repart visiblement heureux, une culotte sous le bras récupéré pendant son live. Le Chorus se vide à nouveau pour ne faire rentrer que les personnes munies d'une place payante pour le soir, et c’est long, très long.
18h06, premières parties
Il est l’heure d’aller se chercher une bière fraiche pour aller se poser au pied du camion-dj. Comme le vendredi, des rappeurs s'enchaînent sans trop de saveurs pour autant. Direction le Magic Mirror où S.Pri Noir nous proposera un bon rap de lascar, pas tout à fait de notre goût mais le public semble se prêter au jeu. Il nous fera chanter sur une belle reprise d’Alborosie qui fera du bien à nos tympans. Arrive ensuite Gnučči, l’ovni exubérant de la soirée, et son DJ au couleur de l’équipe de France. La rappeuse suédoise, inspirée par l’univers de l’Afrique du Sud et de l’Eurodance, nous livre un show survolté et entraînant. Elle va au contact du public, twerke à tout va et nous fait même des blagues en français. A la sortie de la salle et on se rend compte que peu de gens suivent, effectivement il n’y à plus qu’un concert avant la star de la soirée. Bons moutons que nous sommes, on décide de passer à côté de Token pour être bien placés dans la grande salle, au milieu d’une marée d’adolescentes en furie venues voir leur idole.
20h45, what’s going on here?
Le concert n’a même pas commencé et on voit déjà la sécurité s’affoler et courir dans tout les sens. Effectivement le surplus de monde dans la salle provoque de nombreux malaises du côte des jeunes filles du premier rang. Un peu flippant pour un festival plutôt connu pour être tranquille.. et puis sous la pluie glaciale d'un mois d'avril à Paris ! L’arrivée du messie, Nekfeu, (photo) est assez spectaculaire, tant par son attirail à led que par les écrans géant projettant de superbes animations colorées. Mais le plus impressionnant restent les cris de la foule, tant d'euphorie c'est une première au Chorus. N'étant pas de grands connaisseurs du rap, on a du mal à comprendre pourquoi Nekfeu soulève autant les foules. On ne peut cependant se plaindre ni de l’ambiance ni du show, même si nous ne sommes pas tout à fait emballés. Il faut dire qu’il voit les choses en grand : bonbonnes de co2 au pied de la scène, canon à confettis, ballon gonflable géant surfant dans les mains du public et il ira même slammer dans un bateau gonflable sur la foule pour clôturer son live. Bon, ben ça, c'est fait...
Le Bilan
Coté scène
Les gars à suivre
Georgio, la relève du new rap old school est là.
Le monde en musique 2.0
A-Wa, leur chant yemenite vous porteront loin, très loin.
La découverte
Clément Bazin, l’électropicalité qui ira loin.
Les bêtes de scènes
Caravan Palace, de quoi vous faire suer 50 litres d’eau en moins d’une heure
Le WTF assumé
Vald, des barres de rap
Côté festival
On a aimé :
- L’arrivée du camion-dj pour commencer les soirées tranquillement
- Le prix Chorus, ça fait plaisir de voir du soutien pour les jeunes artistes
On n'a moins aimé :
- Une programmation un peu trop lente pour un samedi.
Conclusion
Comme à son habitude, le Chorus nous a présenté, cette année encore, aussi bien des talents en bonne voie que des artistes confirmés. On notera encore le côté très convivial et chaleureux du festival, qui ne se sera pas laissé griser par le bitume environnant, ainsi qu’un programmation au petits soins, notamment pour les deux soirées hip-hop que nous avons, à notre grande surprise, particulièrement appréciées.
Récit et photos de Kilian Roy (avec Laura Bruneau et Manuel Alligné)