On était à
Chien à Plumes, dans la plénitude de l'âge

A 20 ans, on est invincible, et rien n'est impossible. L'édition 2016 du festival au poil de Haute-Marne promettait beaucoup, entre une affiche alléchante et un cadre naturel entre lac et forêt. La fête et la bonne humeur étaient bien là, pour un rendez-vous qui n’a pas manqué de force et d’enthousiasme.

Jour 1. 21h23, débarquement à la niche

Notre arrivée sur les terres du Chien à Plumes se fait tardivement, après un rodéo dans les allées du parking minées par des tranchées. Après une installation tranquille au camping, petit apéro au son de Julian Marley, que l’on entend très bien depuis notre campement. L’avantage ici : tout est à proximité, le parking, le camping et le festival sont à 5 minutes l’un de l’autre. Pas besoin de tout anticiper, on peut se laisser porter par nos envies. On passe les portes après une fouille bien minutieuse, et nous allons toper nos Nonos, la monnaie locale.

00h12, pas le temps de tergiverser

Convivial et chaleureux, le festival n'a pas changé : deux zones se dégagent autour de deux scènes, deux grands bars à bières, et de l'espace pour aller d'un stand à l'autre, resto comme commerces. Notre premier vrai concert nous plongera sans échauffement dans le bain : Mass Hysteria est venu balancer les vrombissements de leurs guitares (photo), pour une bonne heure de gentils pogos où tout le monde peut participer. Le set est plus accessible qu'au Hellfest, moins violent mais tout aussi efficace. Les gars sont heureux d'être là, et nous aussi. Une belle découverte terminera notre soirée : Dizraeli & Downlow (photo), un DJ et un rappeur, deux gars tout frêles et menus, mais qui assurent niveau style et présence scénique.

03h45, la flamme de l’after

Le camping est loin d'être aller rejoindre les bras de Morphée à la fin des concerts. L'ambiance est plutôt paisible : un grand feu a été allumé à base de palettes, et les oiseaux de nuit discutent et se réchauffent autour. D'autres dansent sous les mixs d'un DJ au cœur d'un chapiteau, où terminent la soirée au pied de leur campement. Il fait frais, les flammes sont donc les bienvenues.

11h46, les épreuves olympiques du camping

Certains sont aux JO à Rio, d’autres se préparent à affronter les disciplines matinales du camping du Chien à Plumes. L’épreuve des toilettes chimiques est insoutenable pour beaucoup, et pas mal de festivaliers déclarent forfait face à l’odeur. Ca se bouscule aux douches, toutes en extérieur, pour une montée en piste en rang de 6. Du côté du chapiteau central, les compétitions font rage : tournoi de passe-trappe et balle aux prisonniers, mais aussi une multitude de jeux de sociétés. Une séance de yoga est en cours, où un étrange être demande à des festivaliers de faire le tonneau.

16h23, une journée record

Il y a plus de monde aujourd'hui aux portes du chenil. Et pour cause, le festival affiche complet avec 8500 festivaliers au rendez-vous. Pour ouvrir le bal, Doolin’, un bien plaisant groupe aux sonorités irlandaises, allie violon, accordéon, flûte et guitare sur la scène Ponpon. Certains se laissent séduire par une danse, d'autres comme nous bullent au soleil. On accrochera moins au Delirium Psychédelic Orchestra, plus inégal, malgré une belle initiative locale. Une troisième mini scène se trouve elle à côté de la grande avec danse hip-hop le soir et les dénommés Ring’o Star la journée. Le concept est bien cool : faire monter des festivaliers pour qu'ils jouent d'un instrument sur une chanson de leur choix avec le groupe. Ca fait parfois mal aux oreilles, mais on se marre bien.  

18h20, swing & beer

L’après-midi avance et les fortes chaleurs s’estompent petit à petit. Les attachants français de Caravan Palace entrent en piste sur la scène Ernest. On se trémousse avec envie sur leurs anciens et nouveaux titres, un ensemble devenu finalement plus chill que dansant au fil des années. Un millésime 2016 entraînant, manquant peut-être d’un peu de folie. Par contre, le dernier né du groupe Wonderland envoie lui le bouzin. On se retourne, on a soif. A certains moments, on croirait qu'il y a plus de monde devant le bar à Mines que les concerts. Et c'est justifié : Chou triple, chou rousse, bête des voges, Der blonde, Der blanche, framboise ... Le houblon road trip de la région est sur les rails du bon goût. Il faut compter 3 nonos, soit 3,75€ le demi. Le Jeanlain est elle à 2,5€ le verre. Par contre, la suppression des happy hours qui faisaient notre bonheur l’an dernier nous a mis un sacré coup au moral.

21h, sans anomalie

Juste avant 20h, on fera un aller-retour pour toper nos pulls, pantalons et quelques coups de rhum il faut le dire. Griefjoy passe à la trappe... De l’autre côté du festival, Gaëtan et ses amis se font attendre. Et c'est tout sourire que Louise Attaque arrive sur la scène (photo). Après l'expérience mitigée des Charrues, on en attendait moins du groupe. On assiste à un beau live, sans fioritures, sans trop d’écarts et prises de risque, mais avec de l'énergie communicative à donner. La communion se fait d'autant plus sur les titres les plus anciens, moins sur leur nouvel album. 

23h21, mangeons du chat

Pour la suite, c'est l'heure d'aller casser la croute : l'un prendra une pizza, plutôt pas mal, l'autre des pâtes alsaciennes (photo) qui tiennent bien au corps. D'autres pourront aller du côté d'Africa Miam pour se faire un mafé. Pendant ce temps, le Lucille Crew ne nous emballe pas plus que cela, et on l'écoute d'une oreille en train de se remplir la panse. La suite ? les 4 garçons de The Shoes se pointent survoltés sur la grande scène : on peut enfin bouger, danser et perdre un peu le contrôle. Les giffs délirants de poulets dévorant des chats ou de la transformation de Michael Jackson illuminent le public, tout comme leur électro rock ultra bien ficelé et entraînant. On attendait que Kuenta i tumbu poursuivent notre lancée dansante, mais leur mise en scène avec animateur Club med a carrément desservi leur show.

Jour 3. 11h04, les pieds dans l'eau

Pas un seul nuage dans le ciel, une belle journée s'annonce. Pour aller toper des forces, direction le lac voisin, lieu de refuge et de détente des festivaliers. Un ventre-glisse s’improvise et devient le centre d'attention de tous. La fraîcheur du lac est vite passé outre pour aller piquer une tête et se rafraîchir. De notre côté on ira croquer un bout au resto de la plage, littéralement pris d'assaut mais très accueillant.

16h23, à votre bon coeur

Après un retour au camping pour remballer nos affaires, et les ranger dans la voiture, retour un peu fatigué pour cette dernière journée de festival. Zoufris Maracas lance les hostilités avec une musique souriante, à base de cuivre et de bonnes vibes. Du côté de la scène Ponpon, 3somesisters laissent perplexe pas mal de monde. Compliqué d’apprécier les extravagances du groupe. On en profitera pour aller se promener : des associations tel que Amnesty International, Greenpeace, ou d’autres contre l’enfouissement de déchets nucléaires sont présentes pour défendre leur cause. Certains font également leurs emplettes, se pressent à la boutique pour acheter une affiche collector, ou se détendre à l’aide d’un massage.

19h46, la fureur serbe

Comme la veille, les concerts ont un petit quart d’heure de retard. Ca trépigne d’impatience au pied de la grande scène : Goran Bregovic (photo) arrive avec son orchestre, avec son groupe et les chevaux sont lancés. Lui ne bouge pas de sa chaise, mais nous on saute dans tous les sens, les slams se font par dizaines et les pogos sont joyeusement sympathiques. Les effluves de poney se font sentir comme jamais, ce doux mélange de sueur et de saleté après 3 jours de festivités. Bella Ciao et Kalashnikov nous termineront, totalement lessivés par l’heure qui vient de se passer, malgré quelques problèmes de son.

21h12, un magnifique final

On écoule nos derniers nonos avec un verre de rouge de Saint-Amour et un Big casse-croûte très abordable. C’est le seul stand de nourriture géré par le festival, et qui acceptait la monnaie locale. On aurait aussi pu prendre un petit plateau de fromages du coin, sympathique initiative. La suite (et fin), ce sera avec Tryo, qui débarque avec quelques nouvelles chansons. Toujours autant engagé, toujours aussi souriant et heureux, un parfum de plénitude et de grande camaraderie s’empare de tout le festival au moment de leur concert. Sur scène, ils ne se contentent pas de jouer leurs morceaux, mais les réarrangent, les expliquent, les mettent en scène. Mali, Manu, Guizmo et Danielito sont toujours bien dans le coup. On laisse les derniers concerts derrière nous pour les quelques heures de route et les 12 cafés qui nous attendent le lendemain au boulot.

Le Bilan

Côté concert

L’éternel bordel
Goran Bregovic, un homme et son groupe faits pour les festivals

La perf’
The Shoes, un électro rock qui détonne

Coup de coeur
Tryo, rarement déçu de leur prestation live

La découverte
Disraeli & Download, attachant et prometteur

Côté festival

On a aimé :

- Du choix dans les bières, toutes bonnes et locales.
- La proximité de tout : parking, camping, lac et festival.
- Les activités du camping : les concerts commencent tard mais il y a de quoi faire avant.
- Plusieurs bénévoles étaient des réfugiés de guerre, eux qui n’ont pas le droit de travailler en France … Et ils ont assuré !

On a moins aimé :

- Les toilettes chimiques. A quand des toilettes sèches qui ne ressembleront pas à Bagdad en 3h ?
- Un peu moins de folie que l'an dernier, même si les festivaliers sont toujours au top de leur forme.
- Pas possible de payer avec les nonos sur tous les restos. On attend la monnaie unique !

Conclusion

Le Chien à Plumes a prouvé pour ses 20 ans qu’il en avait dans le corps et dans le coeur. Les festivaliers font tous partie d’une même et belle aventure, pour trois jours à la fois électriques et détendus. Le meilleur petit festival 2015 aux Festivals Awards mérite assurément ses lauriers.

Récit et photos de Morgan Canda, avec Hugo Mercier