On était à
Astropolis affirme sa maturité

Qui a dit que le festival brestois devait tirer sa révérence ? Trois jours, douze lieux, quatorze événements et cent artistes auront bousculé cette vingt-troisième édition. Astropolis cultive la volonté de se démarquer des autres. Des lieux uniques, la promotion des artistes locaux ou le développement de partenariats font partie de son identité. Retour sur deux jours d’un éclectisme impeccable.

Jour 1. 20h30, le dernier pub avant la fin du monde

Après trois heures de route en partance de Nantes et sous un léger crachin breton, nous arrivons à Brest. Il est 20h lorsque nous installons notre voiture non loin de la Carène en prévision de notre soirée. Les rues sont pratiquement désertes et nous profitons de ce moment pour prendre la température de la soirée au P'tit Minou, pub situé à 10 minutes à pieds du festival. La soirée "Allez Allez BRST" se déroule dans le cadre du festival de 18h à 23h30, et ce gratuitement. Cette fois c’est le collectif BR|ST qui prend les manettes du before. A notre arrivée, les gens s’entassent sous les parasols (oui !) pour fumer quelques cigarettes tandis qu'à l’intérieur, l’ambiance est chaleureuse et les gens avenants. Le punch à 3€ fera office d’apéro de lancement. Nous profitons des premières sonorités électro du weekend mais également des jeux de bars : babyfoot et fléchettes.

De retour sur le parking de La Carène aux alentours de 22h30, voitures et camions commencent à installer leur système son. Nous tapons la discut’ avec des voisins sur la soirée à venir. Pour nous, ce sera Bunker Palace à La Carène ! Ce lieu, réhabilité et inauguré il y a dix ans, a vu passer bon nombre d’artistes rock, punk, métal, électro.

23h20, les festivaliers rentrent au compte goutte

Lorsque nous débarquons, une partie des festivaliers nous attend déjà à l’intérieur, au chaud. L'entrée est rapide et l’accueil est enthousiaste. Comme il s’agit pour nous d’une grande première, on prend le temps de répondre à nos questions et nous présente le lieu et la démarche de La Carène, salle de musiques actuelles ouverte depuis 2007, au port de Commerce de Brest, et qui se trouve dans une impressionante batisse signée Jacques Ripault . Près de mille quatre cents personnes sont attendues ce soir. En entrant dans le hall, les gens sont dispersés, errant entre le bar, le coin fumeur et les transats mis à disposition. Le collectif nantais La Source est chargé d’assurer un set all night long. Pour se faire, les 4 Djs Dyffmann, Alexi, Vek et Roder se relaient derrière les « galettes ».

23h55, les frenchies en première ligne

Dans la grande salle, Flabaire a commencé son live depuis une vingtaine de minutes. Des boules à facettes de différentes tailles sont suspendues au-dessus de nos têtes pour une ambiance disco garantie ! Côté scénographie, un mapping complète le show visuel. Le membre du très en vogue label parisien D.Ko Records offre une house décomplexée devant un public réceptif et de plus en plus compact de minute en minute. Très concentré derrière son matos, il lâche par moment des séquences plus groovy.

Nous restons donc sans résister jusqu’au bout du concert avant de nous diriger vers le chill-out. Contrairement au hall, le bar n’est pas pris d’assaut. Il est temps de nous ravitailler, pinte de Kro à la main pour 5.5€, nous nous asseyons sur les fauteuils en sky blanc. Des arbustes, une projection sur écran géant et une musique lounge assure la tranquillité du lieu.

00h45, le funk a la cote

Retour dans la grande salle qui est désormais quasiment pleine. Pour autant nous disposons d’assez d’espace pour danser. Ce sera d’ailleurs le cas pendant toute la nuit pour notre plus grand plaisir. Motor City Drum Ensemble démarre son set en alternant house et techno avant de s’orienter vers le funk. Le trentenaire allemand confirme sa réputation de véritable digger en sélectionnant des tracks telle que Starlight - Index. La mayonnaise prend, les festivaliers sont conquis et ce malgré de légers accrocs lors des transitions. Pas d’importance, ça swing !

Les ovations du public accompagnent la fin du set de MCDE et l’arrivée de The Black Madonna, l'une des plus grosses pointures de la scène house music internationale. Avec sa dégaine quelque peu punk, elle est également une activiste et militante féministe qui travaille sur la promotion de DJettes de la scène électro. Casquette sur la tête et tatouages sur les bras, TBM entame un set soul et rock. L’énergie dégagée est impressionnante et nous restons une vingtaine de minutes avant d’être rattrapés par la soif et la faim.

03h20, The Black Madonna donne un dernier coup de collier

Un détour par le chill out puis par le coin fumeur : là encore nous ne sommes pas envahis par la foule. Nous notons également le peu d’attente dans les toilettes des mecs à l’inverse de celles des filles, rien de nouveau à l'horizon. Puis, nous nous mettons à la recherche d’un stand de bouffe, en vain. La Source, entourée d’arbres tropicaux muscle sa musique. Il en va de même pour TBM que nous retrouvons pour une énorme fin de set. Tout y passe, house, disco, techno, beat breakés, … Les spectateurs, en transe, tapent du pied sur le sol recouvert de gobelets - non réutilisables, dommage. Conquis par cette première soirée, mais n'ayant plus de forces, nous rejoignons notre voiture pour y passer une nuit au confort précaire.

Jour 2. 11h55, un réveil en douceur

Première étape de la journée, Beau Rivage X Piknic Electronik qui a lieu au Jardin de l’Académie de Marine. Le partenariat entre le Piknic Electronik de Montréal et Astropolis existe depuis cinq ans et met en valeur les artistes des deux scènes. Après avoir fait quelques courses, nous profitons de la vue sur la mer et de la tendre pelouse. Il est 13h30 lorsque le ciel se dégage et laisse place à un soleil radieux. Trop confiants, on prendra même des coups de soleil. Le nantais S8JFOU offre un live envoûtant à la centaine de privilégiés venus tôt en ce samedi. Derrière ses synthés modulaires, il joue une électro ambiante avec des sonorités tantôt acidulées tantôt orientales.

Les festivaliers arrivant massivement en fin d’après-midi, nous en profitons au préalable pour faire une sieste. S’en suivent Arno'n Joy et Blutch que nous n’écoutons que partiellement entre deux discussions. Pendant ce temps, des bénévoles distribuent des sacs poubelles pour faire le tri et font de la prévention. Les gens semblent concernés puisque le lendemain lors de notre passage, le terrain sera propre.

17h50, un peu de marche pour se dégourdir les jambes

Alors que les amateurs de musiques électroniques affluent toujours plus nombreux, nous décidons de rejoindre le Square Alfonse Juin pour écouter la dernière heure de Midi Deux Soundsystem. Le spot, situé à dix minutes à pied du jardin, surplombe la route et est matérialisé par de gros ballons jaunes. Ici, les spectateurs sont avachis dans l’herbe et des transats sont mis à disposition des plus chanceux.

Aux alentours de 22h00, nous prenons la route direction le parking du Parc des expositions. L’organisation du festival a mis des navettes à disposition en partance du centre-ville pour la somme de 5 ou 6€. Comme il est fortement conseillé de réserver au préalable pour éviter d’attendre, nous faisons le choix de la voiture. Peu de gens sont présents dans les parages. L’heure pour nous d’entamer un apéro, avant de filer vers le Manoir de Keroual.

22h30, l’excitation se fait sentir

Vingt-cinq minutes de marche au travers de petites routes et sentiers légèrement boueux suffisent à rejoindre le site. Le parcours est bien indiqué et de la prévention est faite pour préserver le lieu. Le Manoir de Keroual date du XVIème siècle. Plus récemment, il été volontairement incendié par les allemands en 1944 avant d’être réhabilité. Aujourd’hui le manoir appartient à la ville de Brest et accueille Astropolis depuis 2002. Il faudra ensuite, attendre près d’une heure pour accéder au site. Plusieurs fouilles sont effectuées pour répondre aux contraintes de sécurité. En discutant avec les autres festivaliers, on apprend que sept mille cinq cents préventes sont déjà parties. Les gens sont venus maquillés, déguisés, tout de couleurs vêtus. Les visages sont souriants, parfois marqués par les excès de l’après-midi. On y croise lycéens, étudiants, jeunes actifs, quarantenaires,…

00h00, bienvenue dans mon humble demeure

Pas de temps à perdre, nous marchons en direction de l’Astrofloor, une des cinq scènes présentes sur le site. A l’exception de La Cour, elles sont toutes couvertes à savoir un Dôme et trois chapiteaux. Une grande roue et des autos tamponneuses font également partie du folklore. On apprend en avançant que la météo, malgré la pluie fine, est plus clémente que l’an passé.

Nous arrivons donc devant le live de Jacques. Le chapiteau est quasiment plein pour le jeune artiste français. Comme à son habitude il est venu avec tout un tas d’instruments, d’objets et porte son veston vert et gris. Il allie percussions, synthés, colliers, guitare électrique,… et se prête même à quelques vocalises. L’ambiance augmente lorsqu’il gratte les cordes. Le jeu de lumières est accompagné de formes sphériques.

00h45, une petite visite s’impose

A la fin du live, nous choisissons d’en profiter pour gambader sur ce magnifique lieu afin d’en découvrir les différentes animations. Et bien évidemment d’acheter des tickets boissons. Plusieurs stands sont disposés de part et d’autre. Une fois de plus, pas d'attente. Tickets en poche, on atteint sans trop d’encombres l’immense bar central afin d’y ingérer une pinte de Kronembourg à 6€.

Vient alors Floating Points, adulé lors de son entrée. Il est l’une des têtes d’affiche de cette année. Le diplômé en neuroscience nous gratifie d’un set alternant les styles musicaux. Un festivalier nous demande même s’il s’agit du même Dj lors d’un passage plus groovy.

02h30, les scènes ont du (des) style(s)  

C’est alors qu’on décide une nouvelle excursion dans La Cour où Objekt délivre une techno capitvante. Dans la journée, la timetable avait été modifiée suite à la non venue de Karenn. Ceci est dû à une évacuation de l’aéroport de Paris qui a bien failli nous priver d’autres artistes. Nous nous frayons assez difficilement un chemin parmi les personnes entassées. L’atmosphère est assez féérique, lorsqu’on passe le portail, des fils blancs sont tendus et le mapping nous en met plein la vue.

Après une trentaine de minutes, on file vers le chill out en faisant un crochet par la scène Mekanik pour y apercevoir Manu Le Malin mais il est presque impossible d’entrer sous le chapiteau. Tant pis, on profite des douces basses de l’habitué avant de prendre un peu de répit puis on enchaine avec le set intéressant de DJ OIL. Changement d’ambiance, hip-hop et percussions rythmées font leur apparition. Les gens sont assis sur des tapis rouges et des sièges longs. Ils discutent paisiblement.

Peu avant 4h00, on fait notre come back du côté de l’Astrofloor pour accueillir l’un des patrons de la techno de Détroit, Jeff Mills. Le chapiteau est plein à craquer, les gens tapent du pied et se déhanchent. Lui reste stoïque derrière ses platines et balance des grosses tracks. On adore !

05h00, l’envie d’en découdre

On en profite pour se ravitailler, et reprendre nos esprits. De retour devant la scène Mekanik, les gens apparaissent plus dispersés. Les Casual Gabberz débarquent, ils sont d’une certaine manière les représentants français du gabber, un style né dans les années 90 aux Pays-Bas. Leur intro compile rap français, en l’occurrence Booba, et de basses monstrueuses. Il ne leur en faut pas longtemps pour retourner le chapiteau. On reste un petit moment avant de partir le sourire aux lèvres.

Avant de rentrer au Parc des expositions, on repasse une dernière fois par la Cour où l’organisation a concocté un B2B entre Joy Orbison et Barnt. Le jour est levé (photo), le crachin est encore là. On ne se laisse pas vraiment prendre par le duo des artistes, l’heure de rentrer semble-t- il… Ainsi, comme une partie des festivaliers nous rebroussons chemin puis trouvons un coin d’herbe afin de planter notre tente, au calme.

Le bilan

Côté concerts

Les apôtres  
Casual Gabberz, du gros pe-ra et des kicks prêts à soulever la bâche du chapiteau. 

La découverte
S8jfou, apporte une nouvelle fraicheur et devrait faire parler de lui

La déception
Joy Orbison B2B Barnt, la météo était pourtant anglaise…

Le clopeur
Dj Oil sait s’occuper de son paquet comme de son public

L’intello
Floating Points joue juste sur tous les fronts

Côté festival

On a aimé :
- Un lieu unique le samedi, avec des installations et un patrimoine extraordinaires
- Un contact facile et une volonté de profiter de la part des festivaliers
- La pluralité et la gratuité des événements organisés en journée
- Les bénévoles et le personnel, accueillants et sympathiques
- La qualité de l’offre culturelle !

On a moins aimé :
- Les verres à usage unique et l’absence de stands bouffe le vendredi
- L’absence de camping pour les festivaliers
- Le manque de diversité des boissons proposées, on aurait rêvé d'une bière locale
- Le système des tickets, nécessitant des allers-retours. Non mais allô ? On est à l'ère du cashless ! 

Conclusion

Comment pourrait-on se priver d’Astropolis ? Même situé au bout du monde, les gens font le déplacement pour ce qui est un des plus beaux festivals de musiques électroniques de France. Le festival persiste et signe. A l’image de la ville, Astro s’inscrit dans cette démarche culturelle à destination de tous les publics conjuguant gratuité et diversité. Dans cette politique de démocratisation, il est a noté une volonté de créer des ponts avec d’autres structures, d’attirer des gros noms et de mettre en valeur la scène locale. On peut l’observer à travers le nombre important de partenaires et de collectifs présents tout au long du weekend. On se dit à l’an prochain pour un nouveau pèlerinage !

Un récit de Florian Lebreton