On était à
Outlook Festival, le bonheur est dans le fort

Pour la huitième année consécutive, l’Outlook Festival a posé ses valises en Croatie. Organisé par des Britanniques, peuplé de festivaliers Britanniques, le festival a tout d’un rendez-vous incontournable du sud de l’Angleterre. Sauf qu’on se trouve à 1800 kms de Londres, dans une ancienne forteresse croate. Retour sur nos 4 jours au bord de l’Adriatique, dans un des plus beaux rendez-vous des Balkans.

Jour 1. 16h45, plage, dj, soleil : la recette d’une après-midi réussie

C’est en milieu d’après-midi qu’on attaque notre Outlook Festival, temple de la bass music depuis plusieurs années. Installé au bord de l’Adriatique en Croatie, le festival propose chaque aprem des "Beach Party" aux festivaliers. En une quinzaine de minutes, on relie le parking au site du festival et c’est sur la plage que nos quatre jours débutent, devant un set de Norman Jay. L’ambiance y est détendue, les bars servent cocktails et bières à des festivaliers hyper occupés à se baigner, bronzer et chiller devant les enceintes. On ne met pas longtemps à prendre le rythme et se mettre dans l’ambiance.

21h30, Flava D nous met dans l’ambiance

Situé dans un ancien fort, le site du festival est escarpé et étendu. Quatre zones se distinguent : la plage, où l'on a chopé nos coups de soleils plus tôt dans l’aprem, le port avec la grande scène, le fort et ses 7 scènes et la clairière avec sa scène éponyme anglicisée pour l’occasion The Clearing. C’est d’ailleurs là qu’on se pose pour notre premier concert nocturne, certes tardif, mais tous les sites sauf celui de la plage ouvrent à 20h. Sur scène c’est la jeune anglaise Flava D (photo) qui nous met directement dans le bain. Son set house-garage nous fait sautiller, sans non plus nous faire sauter au plafond, jusqu’à son remix de Rebound X de Rhythm and Gash, qui nous donne un vrai coup de boost pour attaquer une longue soirée de musique.

1h45, des scènes pas comme les autres

La suite de la soirée se passe en grande partie dans le fort, la partie la plus en altitude du festival. La plupart des scènes y sont installées. Toutes à tailles réduites, elles sont confortables, en plein air au milieu des ruines. On est proche des djs et des enceintes, les bouchons d'oreilles sont d'ailleurs vivement conseillés si l'on veut éviter les acouphènes dans 3 ans. On profite de ce moment pour naviguer d'un lieu à l'autre : on passe devant le set garage Zed Bias sur la scène The Void, la plus grande des 7, et surtout dans la Noah’s Ballroom (photo), la plus petite mais aussi la plus originale de toutes. Après quelques minutes de queue, et une bière chopée pour 30 tokens, la monnaie du festival, on pénètre dans la micro salle tout en rond. Clostro s’abstenir. Fermée de part et d’autre, seul le toit est ouvert au dessus des quelques mètres de murs. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est chaleureux ! Original mais pas forcément confortable pour les artistes, le turnover est tellement important que le public est plus curieux qu'attentif devant les sets de XTrah et Mad Fländer.

4h20, drum et house croisent le fer

N’oublions quand même pas que l’Outlook reste un festival référence pour sa programmation drum’n’bass. On s'arrête sur la scène mythique The Moat qui se situe dans les douves du fort pour la fin du set de Enei et le début des prodiges Ivy Lab. Le label Critical music a pris en main la programmation du tunnel ce soir, on a le droit à une drum’n’bass deep et technique bien ronde qui tourne sur un soundsystem à couper le souffle.

Mais pour terminer ce premier soir, on part user nos jambes sur un peu de techno et surtout découvrir pour la première fois la grande scène, à quelques minutes de marche en contrebas du fort. Presque totalement vide, ce grand espace semble bien trop large pour le festival et la dj Moxie (photo) se trouve bien seule. Mais qu’importe, on l'accompagne avec une une grosse centaine de festivaliers. Le set de la londonienne est planant et nous fait danser jusqu’au lever du jour, laissant refléter petit à petit le soleil sur le toit transparent de la scène. Une journée commencée et terminée au bord de l’eau, la boucle est bouclée.

Jour 2. 21h30, arrivée tardive mais mise en route expresse

Tout est bien organisé pour rejoindre le festival, de la liaison bus pour les festivaliers aux "shuttle" gratuits reliant directement le camping aux magasins les plus proches. Le camping est d’ailleurs plutôt bien foutu, « il s’est amélioré cette année » nous glisse un habitué croisé à l'entrée, directement relié au festival. De notre côté, comme pour énormément de festivaliers, c’est dans un appartement de la ville qu’on passe nos nuits, enfin ce qu’il en reste. Notre arrivée est donc bien tardive, mais on ne voulait pas rater le set de StrayDj producteur du trio Ivy Lab, Stray livre un set progressif du hip hop à la drum’n’bass rempli de dubplate du futur. C’est beau, fin et rond, on adore!

01h00, Boy Better Know met tout le monde d'accord

L’enchaînement est rapide, sur The Harbour, le crew Boy Better Know (photo) prend le pouvoir. Skepta et ses copains rassemblent, le public est venu en masse sans pour autant que l’on soit serré. Après une session de chauffe très hip hop, le groupe enchaîne ses titres grim dont Too Many Men repris en cœur par le public et joué deux fois pour l’occasion. Sur scène, c’est le feu, le frère de Skepta Jme saute partout tel un kangourou sous extasie. Rares sont les concerts hip hop qui font autant bouger, celui-ci en fait partie. Boostés, on remonte le chemin, avec des pourcentages dignes d'une étape de montagne, direction The Void à vitesse grand V. On se chope au passage un tacos à peine comestible, le choix culinaire n’est pas large et encore moins local (tacos, kebab, végé, pizza, indien et smoothie). Le shoot de tequila offert gentiment nous aidera à digérer tout ça.

00h20, My Nu Leng nous en met une

Quand on arrive dans The Void, c’est le bordel. My Nu Leng (photo) a pris les platines, et l'on part sur un set électro-house-garage sur-puissant à nous faire décoller les tympans. Impossible de classer le groupe, tous les styles y passent, la seule volonté du duo est de nous faire danser. C’est chose faite, nos jambes n’arrêtent pas de bouger, surtout sur le génial Set It. Dans la foulée, Cause & Affect prend le relais. On est dans la même lignée, d'ailleurs on s'est à peine rendu compte du changement. Le public, majoritairement britannique sur le festival, en redemande, et nous aussi.

5h20, Mefjus & Co. font lever le soleil

Pour terminer notre soirée, on se bouge avant la fin de Cause & Affect direction les 30 dernières minutes de Dub Phizix. Rien à voir avec la foule présente sur Boy Better Know, là on peut danser et faire des cerles de cinq mètres sans gêner personne. Sur scène, Dub Phizix accompagné de Strategy nous pond un mix de folie passant de son Buffalo aux classiques de Buraka Som Sistema. Ce soir encore la grande scène est presque vide, tant pis pour ceux qui ratent le Critical Souns System (photo) avec un B2B d’anthologie entre Kasra, Mefjus et Emperor. Les trois compères enchaînent leur productions respectives parsemées de quelques classiques à la vitesse d’un vrai set trois platines! On ne voulait pas dormir et visiblement eux non plus.

Jour 3. 16h00, pas de panique à bord

Samedi après-midi, le soleil frappe sur Pula. Pour nous rafraîchir, c’est dans une des dizaines de "Boat Party" qu’on passe l’aprem. A la barre, le label Exit et ses djs : Skeptical, D-Bridge et Mark System. Pendant 3h, on navigue au rythme de la drum deep tout en douceur, des djs, bière et rhum-orange à la main. Pendant qu’une partie du public danse sur le pont, d’autres se font tranquillement évacuer par des navettes, probablement à cause d'un mélange de mal de mer et d'insolation. Une après-midi parfaite, au large des côtes, avec nos 150 compagnons de croisière, en musique et sous la chaleur croate.

19h35, discussion entre amis

On profite des derniers rayons du soleil de la journée pour faire un tour sur la plage du festival. Blindée de djs, les groupes sont rares sur le programme de l’Outlook. On tombe sur l’un d’entre eux à la Beach Party du jour, Dagger Sound. Un peu plus haut, le chapiteau de la Knowledge Arena attire du monde. Dessous, deux des membres de Noisia font une conférence et échangent avec le public. On y apprend le processus de création de leur dernière collaboration avec The Upbeats, qui les rejoignent d’ailleurs sur scène. Tout le weekend, les djs ont défilé pour discuter avec le public de leur projet et de leur technique. Une belle initiative qui rend les artistes accessibles au public.

22h55, le fort est bien investi

Le programme est très riche à l’Outlook, que ce soit en drum’n’bass, en dub ou en hip hop, on y trouve tous les styles de la bass music au sens large. On attaque notre soirée devant la grande scène et The Beatnuts, groupe mythique du hip hop des années 90-2000, avec ses tubes Watch Out Know et No Escapin’This. Pour le coup, le groupe a pris un sacré coup de vieux et ne donne plus grand chose sur scène. L’envie n’y est pas, ni de leur part, ni de celle du public. On quitte rapidement le navire en plein naufrage pour rejoindre le fort. Au passage, on note le gros boulot de l'équipe déco du festival. Chaque scène prend part dans un endroit de l’ancien fort, et possède sa décoration personnalisée sans pour autant dénaturer le lieu magnifique. A cette image, la scène The Garden au milieu des arbres d’une petite forêt, de The Fort Arena 1 (photo) dans la cour de la citadelle, et de The Moat dans une des douves du château. Les recoins sont nombreux pour se poser, boire une bière. C’est d’ailleurs ce qu’on fait devant le set d’Elijah & Skilliam qui nous ferons l’honneur d’un petit morceau de Flava D découvert l’avant-veille.

01h15, Kate Tempest lâche son flow ravageur

Après un passage sur  Rockwell et l’arrivée des patrons hollandais Noisia sur la pyramidale The Clearing, on descend tranquillement vers le port et sa scène complètement vide. Sur les planches, c’est la superbe Kate Tempest qui balance le flow ravageur qu’on avait découvert l'hiver dernier aux Trans Musicales. Rien n’a changé, si ce n’est la présence d’un groupe à ses côtés. On est scotchés par la puissance vocale de la jeune Britannique et ses sessions slam qui feraient palir la moitié des rappeurs de la planète. Rien de mieux pour nous chauffer avant la tête d’affiche hip hop de la soirée : Run The Jewels. Avec seulement deux albums, Ei-P et Killer Mike sont déjà des valeurs sûres et le public ne s’y trompe pas, venu nombreux sur The Harbour. Les morceaux s’enchaînent dans une parfaite fusion des deux masters of ceremony avec leur classiques : Run the Jewels, Ho My Darling et Lie, Cheat, Steal.

04h20, Noisia et leurs copains s’éclatent à Pula

Dans la foulée, on pose nos oreilles sur The Clearing, scène dédiée à Noisia (photo) et leurs potes pour la soirée. Après le set des deux Hollandais, conclu en beauté avec un finish de haute voltige droppant Dead Limit et Mr Happy de Dj Hazrd, c’est les Néo-Zelandais de The Upbeats qui prennent la barre. Le set est tout aussi efficace que celui des deux boss de Vision. Les deux djs lâchent un mix de neuro funk violent terminant comme Noisia avec leur titre commun Dead Limit. Une grosse session drum qui claque et qui met l’ambiance dans le public comme sur la scène : une vingtaine de personnes sont derrière les djs à discuter, boire et profiter, avec un Thijs (Noisia) omniprésent et sautant partout sur le plateau. Le finish est un peu moins sexy avec Xtrah, qui nous sort un dj set old school sans break, mais qu'importe, on en a pris plein les oreilles toute la soirée.

Jour 4. 22h30, place au dub

Dire que la fatigue se fait sentir est un euphémisme. Le site est grand, on marche beaucoup et les nuits sont courtes. C’est donc de plus en plus tard qu’on entre dans le fort. Le lieu est un peu moins peuplé ce soir, et comme à chaque fois, on n’attend pas plus de 20 secondes avant d’être servis en bières, cocktails, vodka, Jager ou Rakija, célèbre eau de vie locale. Après un passage sur The Garden, qui se la joue house garage ce soir, c’est sur la Mungo’s Arena qu’on va faire vibrer tout notre corps. Stand High Patrol est aux commandes avec leur dub planante à faire briller le soleil. Les bass du system son nous portent les yeux fermés et on s'échappe sur les solos du trompettiste venu accompagner le groupe. On ne verra pas le connu Pupajim avec son flow ravageur, dommage.

02h30, dans la poussière, le son

L’avantage de l’Outlook, c’est qu’on passe rapidement d’un style à l’autre. On s’est fait une session dub, une session dubstep, et pour continuer on se dirige vers le set house-electro de Barely Legal. Long à se lancer, il nous fait presque oublier qu’on nage dans la poussière d’une terre asséchée. Entre deux pull up Chimpo nous fait l’honneur de venir balancer son flow, alors qu’il enchaînera dans la foulée de la dj sur la même scène. Dans la continuité, on teste The Bug et son "acid ragga set". Le set fouilli est surprenant mais on ne sait toujours pas si c’est dans le sens positif ou négatif du terme. La chanteuse qui l’accompagne tente de rythmer cela, mais rien n’y fait, ça ne prend pas et la scène se vide. On suit le mouvement.

04h00, Shy Fx, notre éclat final

Blindée à notre premier passage, on entre dans The Moat pour les dernières minutes du set de Bad Company. Il manque Dj fresh au quatuor d'exception composé de D-Bridge, Maldini et Vegas, mais cela n'enlève en rien la puissance du set ! On se croit en rave party, le set est sur un tempo très rapide et avec des transitions courtes réduites à l'essentiel. On reste jusqu'à la fin après avoir entendu mixer Take You Higher de Wilkinson sans les voix, et ça passe plutôt bien.

Sur notre chemin de retour on fait une halte sur la grande scène, histoire de voir ce qu’il s’y passe. L’ambiance est claquante, Shy Fx met le feu avec son set-medley. La playlist est large, on passe de The Prodigy au remix drum Damian Marley, en passant par Gorillaz.  Le set est rassembleur et festif, on ne pouvait pas trouver mieux pour notre dernier concert du weekend. Car même si le festival ferme dans 2h, c’est les jambes lourdes qu’on quitte le site, en voyant pour la dernière fois les vendeurs de "ballon" dealer shot d’air sec pour quelques Kunas. Les 12h de route pour rejoindre la France vont être longues et fatigantes après 4 jours de musique, de plage et de soleil.

Côté concerts :

La confirmation
Kate Tempest, son flow a de l’avenir.

Au top du hip hop
Run The Jewels, un vrai show hip hop à l’américaine.

L’ambiance
My Nu Leng, on ne s’arrête pas de danser.

La déception
The Beatnuts, dommage, sur le papier ça faisait rêver.

La découverte
Flava D, on n’aurait pas pu commencer mieux.

La drum quasi parfaite
Ivy Lab, bassline, diversifié et mélodique

Les tontons de la prod
Noisia au sommet de leur art

Back to the 90’s
Bad company, les trentenaires savent

Côté festival :

On a aimé :

- Le lieu magnifique et parfaitement aménagé
Tout est en anglais, tout le monde parle anglais
Les points d’eau gratuite
Les navettes qui amènent du camping à la ville
La vente ambulante de shooters dans des tubes à essai
Le boulot des équipes de nettoyage
Faire la fête sur un bateau en plein festival
Très peu d’attente malgrè les contrôles à l’entrée de chaque scène

On a moins aimé

- Le site particulierement dégueulasse après le passage des festivaliers
Le son souvent très fort
Le faible choix dans la nourriture et sa qualité
- Un public parfoit un peu trop énervé

Conclusion

Notre premier Outlook a tenu toutes ses promesses. Organisé par des Anglais, pour un public en grande partie britannique, le festival prend parfaitement possession du magnifique Fort de Punta Christo, sans lui faire pour autant perdre son âme croate. Des après-midis à la plage aux nuits du Fort en passant par les Boat Party, on retiendra de cette édition 2015 le plaisir d’avoir partagé une très belle expérience à quelques centaines de kilomètres de l’hexagone. Le soleil croate, la plage, la programmation ultra qualitative : pas étonnant qu’on ait été plus de 15.000 à faire le déplacement cette année.

Récit: Q. Thomé, David B. Gregoire Masson.
Photo: David B., Ross Silcocks, Dan Medhurst