On était à
This is not a Love Song, la vie en rose

Avec sa programmation indé de haut vol, son esthétique soignée et son ambiance fleurie et ensoleillée, le festival nîmois This Is Not A Love Song parade, et s’impose pour sa quatrième édition comme une alternative de choix aux festivals déjà bien installés de l’été. On a aimé, on vous raconte.

Jour 1. 20h00, arrivée en douceur et rendez-vous manqués

C’est sous le soleil que l’on découvre la belle salle Paloma, organisatrice du festival. Le show a déjà commencé, mais nous sommes, ou pensons, être prêts pour le retour de Ty Segall. Nous faisons littéralement fausse route : la signalétique, multiple, aux indications parfois contre-instinctives nous perd pendant de longues minutes. Ce petit labyrinthe ne nous laissera que le temps d’apprécier les dernières notes, lointaines. Une frustration qui nous met dans l’esprit du festival : ici, on prend le temps.

21h34, ça plane pour nous

Nous entrons dans le cœur du sujet dans une des deux salles intérieures. Ambiance intimiste, malgré son nom Destroyer nous apaise avec douceur et poésie, porté par le saxophone et la trompette qui subliment la prestation du chanteur. Agréable et idéal pour enchaîner avec Explosions in the Sky (photo) sur la grande scène extérieure. Sans parvenir à nous faire totalement décoller, le groupe instrumental nous embarque dans un voyage coloré, hypnotique et planant, avec quelques envolées percutantes.

22h42, en quête d’une friandise

C’est le moment pour nous de nous ravitailler au bar. Les prix - 5,50 euros la pinte - sont très raisonnables, mais l’attente pour une queue moyenne et étrangement disciplinée dure vingt minutes. Nous entendons également un festivalier parler d’une attente de cinquante minutes à l’un des footrucks pour un burger et des frites tièdes. Finalement abreuvés mais affamés de musique, nous partons découvrir la belle surprise Chocolat, un rock élégant et psyché aux coups de guitares effrénés.

23h40, ambiance Foals

L’impatience grandit avant la montée sur scène de Foals (photo). Nous sommes dans une foule conquise d’avance qui ne demande qu’à danser. Elle ne sera pas déçue. Dans une ambiance de stade, le groupe fait une entrée spectaculaire puis enchaîne les tubes, entre ballades et pop décomplexée. Le public saute, chante, slam et se déhanche. Le leader du groupe montre une belle débauche d’énergie en s’autorisant lui-même un slam sans cesser de jouer de la guitare…Classe et efficace, c’est l’apogée de la soirée.

01h03, fin de soirée guerrière

Fin du concert de Foals, une transhumance s’opère vers les deux derniers concerts en indoor. Pas emballés devant Protomartyr, nous tentons comme nous pouvons, un peu bousculés, d’accéder à la bataille qui a lieu dans la grande salle, saturée de monde. En vain. C'est donc devant un écran dans le patio que nous assistons à un set de Battles (photo) furieusement frénétique de batterie et de guitares, avec la certitude que les fans du genre sont déchaînes devant ce spectacle. Nous voilà en tout cas bien armés pour la journée du lendemain.

Jour 2. 20h40, la claque

A notre grand regret, nous manquons le concert de Lush, de même que les prometteurs No Zu et Weaves, mais cela est compensé par la claque du week-end : l'ovni Algiers (photo). Un chanteur de gospel à la rage animale, un batteur de métal, un DJ habité et un guitariste à l’énergie électrique… Le groupe offre une prestation intense voire violente, aux styles très variés, de la soul au rock, en passant par l’électro. Dommage que le public, sonné, n’ait réagi que timidement face à ce groupe qui ne démérite pas.

22h30, entre ciel et terre

Nous même un peu étourdis, nous partons prendre le grand Air (photo), sous une fine pluie. Après six années d’absence sur scène, l’attente est grande, et les deux membres le savent. Sur scène, ils affichent une grande concentration, presque froide, et offrent une prestation millimétrée, extrêmement fidèle aux versions d’origines. Un charme hypnotique opère malgré tout, le public s’emballe dès qu’il reconnaît les tubes, et les deux musiciens tissent une toile dans laquelle on se laisse volontiers piégés. Seule manque la touche de folie.

De la folie, nous partons en chercher auprès de LUH, Lost Under Heaven, qui joue en même temps. Le duo est une curiosité qui semble être hors de portée pour le commun des mortels. Le son est fort, et les cris de la chanteuse participent à une impression de lourdeur. Le style déchiré et mélancolique n’est pourtant pas désagréable, un je-ne-sais-quoi nous séduit et nous fait rester un peu plus longtemps. Le groupe gagne à être connu, ne serait-ce que pour sa prestation scénique.

00h03, en attendant Breakbot

Nous flânons dans l’enceinte du festival, admirons les immenses pivoines illuminées et les figurines de flamands roses plantées depuis l’un des poufs posés pour les festivaliers, puis déambulons, naviguant entre le rock testostéroné de Dinosaur Jr qui n’a pas pris une ride, la pop doucereuse de Omoh (photo) et la fraicheur groovy du jeune groupe Her. Sur notre route, nous tombons sur la chorale de Paloma qui réinterprète le titre My Number de Foals lors d’une animation itinérante. Belle initiative.

01h12, let’s get lost

Nous finissons dans la grande salle, devant le clou de la soirée, Breakbot (photo). Tandis que la sensation electro-funk se fait attendre pendant quelques minutes, la pression monte dans le public. Dès son arrivée, le public se libère et commence à bouger, en contraste avec l’attitude timide et distante du français, qui ne s’est détendu qu’en fin de set en revenant saluer son public. On le sent rodé, presque blasé. Mais il s'efface vite au profit d’un show plus qu’à la hauteur, de musiciens motivés et d’un rendu ultra-efficace et de qualité, refermant de la plus belle des manières cette deuxième journée.

Jour 3. 15h30, un festival qui se vit autrement

Nous arrivons dès l’ouverture du festival, afin de s’essayer aux ateliers et animations « Do It Yourself », proposés tout au long des trois jours et notamment lors des après-midis gratuits du samedi et du dimanche. Nous partons d’abord confectionner une couronne de fleurs, puis sérigraphier une affiche (que nous avons préférée à un bracelet ou un sac) et immortaliser tout cela dans la photo-cabine de la salle, mise à disposition gratuitement et que nous atteignons sans trop d’attente. De bonnes idées, à saluer, qui mettent le festivalier au centre de l'évènement. Nous voici fin prêts pour le début des hostilités.

16h34, Steve Gunn dégaine le premier

C'est confortablement assis dans le jardin éphémère du festival, une bière bien fraîche à la main, que nous nous laissons bercer par la folk et le rock romantique du très talentueux Steve Gunn (photo), qui malgré son nom n'est qu'amour. Sa musique associée au soleil camarguais et à une ambiance hippie décontractée donne lieu à un cocktail qui fonctionne parfaitement pour flâner en toute tranquillité et vivre le festival autrement.

19h58, c'est reparti de plus belle

On se promène d'espaces en espaces, pressés de voir le trio punk Metz (photo), que l'on présente souvent comme le « nouveau Nirvana ». Le changement d'ambiance est complet au moment de leur concert. Les morceaux sont saturés de guitares, pour le plus grand bonheur de leurs fans, présents en masse. Le groupe livre tout ce qu'il a, de manière parfois brouillonne mais toujours authentique. Que l'on aime ou pas, leur prestation ne peut laisser personne indifférent. Nos oreilles s'en souviendront pour longtemps.

21h41, l'acalmie

Nous sortons avec les tympans saturés et l'envie de découvrir des sons différents. Nous trouvons notre bonheur avec les surprenants Tortoise et leur xylophone, qui proposent une pointe de douceur et de relief dans un rock expérimental sur fond jazzy. On enchaîne ensuite avec le phénomène Girl Band, au projet pour le moins singulier. L'imprévisible chanteur est inégal dans sa performance, mais bien soutenu par ses musiciens, et offre des moments explosifs devant un public très partagé.

23h12, une chanson d'amour sous les étoiles

Nous terminons ce festival dans une atmosphère idyllique sous un ciel parsemé d'étoiles, avec la mélancolie expérimentale du groupe Beach House (photo). Les chansons sont belles, aériennes, bien interprétées, devant un public absorbé. Le tout nous semble pourtant trop sage, manquant d'envolées transcendantes. On apprécie sans être transportés, sans rentrer totalement dedans. Mais ça ne gâche en rien cette troisième journée, riche en découvertes musicales extrêmement diverses et riche en émotions.

Le bilan

Côté Concert

La bonne surprise
Algiers, des membres habités pour une prestation à couper le souffle

Le groove
Breakbot, ses tubes funky au groove irrésistible ne peuvent que nous emballer

La performance live
Foals, un concert digne du stade de France (si, si) avec un slam riffé au sommet

Côté festival

On a aimé :
L'ambiance fleurie et printanière de la déco    
L'absence de stands de marques     
Le prix des boissons    
Les ateliers, animations et la photocabine pour immortaliser cette édition    
La prog, bien dosée entre têtes d'affiches et pépites à découvrir

On a moins aimé :
- L'attente dans les queues, à l'entrée, pour le cashless, pour les boissons, la nourriture et les ateliers
- La mauvaise gestions des flux de personnes, empêchant une partie du public d'assister à un concert si elle arrive trop tard
- Quelques approximations sur les programmes dans l'annonce des     horaires de passage des groupes, frustrant pour les non-prévenus

Conclusion

Le This is not a love song a tenu toutes ses promesses musicales, scénographiques et météorologiques. Il gagne le pari d'être une parenthèse dorée qui se vit dans la douceur et la sérénité, et de placer le public comme un véritable acteur de sa vitalité. Quelques défauts restent à corriger, comme ll'absence d'un camping intégré pour vivre le festival en totale immersion. Mais avec seulement quatre ans d'existence, il parvient chacun année un peu plus à s'imposer comme un rendez-vous sudiste incontournable dans l'itinéraire des festivaliers.

Un récit d’Anna Cortese
Photos d’Adelap, Mélétopoulos et Olivier Scher