On était à
Nuits Sonores 2023, 20 ans (et 4 jours) sans dormir

Nuits sonores : 20 ans, c’est plus de 150 artistes répartis sur l’ensemble des days et des nights. Pour fêter ce 20e anniversaire comme il se doit, le festival lyonnais investit pas moins de 9 lieux différents de la métropole.  Entre les Days qui repoussent les limites des quais de Saône et intègrent pour la première fois le club Azar et les Nights qui offrent un plateau de trois lieux de fête différents laissant la possibilité de choisir sa propre expérience de nuit, cette intense édition d’anniversaire est déjà iconique. 

Night 1, Mercredi 17 mai. Fagor, pour la sixième et dernière édition

En cette première nuit de festival, nous nous dirigeons tout droit vers les mythiques Usines Fagor-Brandt. Emblématiques et industrielles, ce sera la dernière édition du festival dans ce lieu. Pour clore ce chapitre de son histoire, les Nuits Sonores ont fait des usines le cadre de quatre grandes messes fédératrices organisées autour d’une seule scène centrale, avec une scénographie entièrement repensée et une jauge réduite. L’identité visuelle du festival pose de plus un regard sur les éditions passées des Nuits Sonores avec notamment une rétrospective de clichés du festival à la place de l’ancienne scène immersive 360°. Fagor est plus chill cette année, on y circule mieux, on y attend moins et ce n’est pas pour nous déplaire.

Passé l’entrée, nous nous retrouvons plongées dans l’ambiance hallucinée des années précédentes créée par les lumières colorées et autres néons, ainsi que nos coins chills préférés, équipés comme à leur habitude de petites tables et transats. Nous passons très rapidement par l’espace cashless où l'attente se faisait rare pour notre plus grand bonheur. Direction ensuite le bar pour engranger un maximum d’énergie pour la soirée avec deux matés. 

Côté musique, notre nuit aura été bercée par Moderat qu’on ne présente plus, mais également par Clark qui aura violenté la foule en alternant vitesse rapide et kicks énervés, tout en la rattrapant délicatement avec des sonorités plus douces. Richie Hawtin quant à lui aura su nous séduire avec une techno expérimentale et minimale qui nous aura mis en transe. Côté scénographie, room design et au vu de la présence d’une scène unique, nous sommes ravies de constater l’effort effectué : le lightning est sublime, le son est parfaitement réglé et cerise sur le gâteau, le grand espace offre à tous la place nécessaire pour danser en toute sérénité. On aperçoit les festivaliers courir vers la scène en dansant, verre de bière à la main, sous les projecteurs arc-en -ciel. Des basses claires résonnent et nos battements de cœur s’alignent. C’est un peu l’idée qu’on se fait du paradis.

Day 2. Jeudi 18 mai, Les Jours Sonores

Pour leur 20ème édition, les Nuits Sonores ont concentré leur programme sur… les journées. En investissant la Sucrière et les quais de Saône de manière inédite et en s’implantant pour la première fois entre les murs du Azar Club, le festival nous offre 4 scènes : le Sucre et son rooftop, la Salle 1930 et sa scéno vertigineuse, l’Esplanade et son pouvoir chill et le Azar pour sa baie vitrée. L'ancien modèle “A day with …” laisse place à un line up représentant plus largement leur ADN artistique. 

A peine rentrées sur les lieux du festival, nous sommes happées par l’esplanade ambiancée par Hyas b2b Mimi et leurs sonorités breakbeat. Difficilement (car le son est si bon) nous arrivons à reprendre notre exploration. Nous repérons les accès aux différentes scènes, aux bars, aux toilettes et au cashless. La signalétique étant efficace, nous n’avons pas de mal à nous diriger sur le site. Au premier regard les files d'attente semblent effrayantes, mais on constate que le service est efficace et nous nous trouvons abreuvées sans grande attente. Mention spéciale aux urinoirs féminins qui auront su soulager les files d’attente des toilettes et qui nous auront permis de gérer notre vessie en toute sérénité.

Côté musique, la salle 1930 sera aujourd’hui dédiée à des sonorités plutôt rap, de quoi ébouillanter une foule lyonnaise avide de punchlines. Sur scène on trouve notamment Winterzuko & Realo ou encore Amne, qui ont balancé des poids lourds sur un public déchainé. Nous décidons de monter au Sucre, et après un peu d’attente pour faire la file, nous y retrouvons l’hyperpop énergique et maîtrisée d'Eloi, perchée au-dessus de la capitale des Gaules. Nous finirons les days sur l’esplanade, bercées par un LSDXOXO explosif et rapide. Un peu trop d’attente à notre goût pour rentrer au Azar, nous laissons cette scène pour un autre jour, malgré notre envie de taper du pied sur la techno de Mac Declos, Vel ou encore Hector Oaks.

Night 2. Jeudi 18 mai, H7, Garçon Sauvage x House of Briantz vient mettre des paillettes dans ta vie

Après avoir accueilli le closing des Nuits sonores 2022, le H7 est devenu l’un des trois lieux du programme de nuit de cette édition d’anniversaire, mettant en avant les collectifs locaux de la scène lyonnaise. Ce soir on s’y retrouve pour une soirée des plus joyeuses. La désormais mythique soirée résidente du Sucre depuis plus de 7 années, Garçon Sauvage, s’empare de cette nuit. GS pour les intimes, a transformé la nuit lyonnaise en y apportant sa singularité et sa liberté de ton, on se devait donc de venir assister à cette grande messe queer. A l’occasion des Nuits sonores, Garçon Sauvage invite House of Briantz, le collectif de performeur.euses le plus bouillant de la capitale des Gaules. Véritable miroir d’une jeunesse queer qui s’assume, on regarde avec des étoiles dans les yeux ces magnifiques personnes performer sous les applaudissement d’une foule extasiée.

A l’image de l’ensemble des lieux couverts par les Nuits sonores, le H7 nous a immédiatement plongées dans une humeur joyeuse et safe. Entre les lumières arc-en-ciel, les néons bordant le HEAT et le public heureux et bon enfant, nous avons été happées dans l’atmosphère très good mood de la soirée. Aux abords de la scène, on trouve deux ÉNORMES boules à facette, qui à elles seules suffisent pour remplir le hangar d’une infinité de scintillements. Mais comme il n’y a jamais trop de boules à facettes, le heat, qui est la partie extérieur du H7, est aussi recouvert d’une bonne centaine de boules à facettes. Dans le public on ne sait plus où donner de la tête : drag queen et king, sequins à perte de vue, coiffures exubérantes et make up ultra élaborés… Que ce monde est beau.

Côté musique, les DJs s’en donnent à coeur joie et guident la foule avec une main de maître. Passant de l’électro à la disco ou encore de la funk à la techno, ils imposent une ambiance groovy et insolente qui n’en finit pas de nous faire suer. Big up à HAAI qui aura posé un set généreux, alternant subtilement entre les différentes textures, basses et mélodies de la musique. Quel magnifique spectacle ce fut. Si vous voulez tout savoir on aura également fini par faire sauter nos habits. Puisqu’on vous dit qu’on était à l’aise.

Jour 3. Vendredi 19 mai, Au Transbordeur, la terre a tremblé

En ce 3ème jour de festival, nous nous rendons à la salle de concert mythique lyonnaise, le Transbordeur, pour un open-air rétro-futuriste conviant des artistes de tout horizon, passant de la cold wave au post punk et à la techno, le tout dans un agréable soleil de fin de journée.

A notre arrivée sur place nous explorons les deux scènes : le Club Transbo, fidèle à lui-même, envoie un son bien équilibré au public. Malgré la trip hop du duo parisien UTO qui ambiance la salle, nous préférons retourner à la scène extérieure pour profiter du soleil. Le temps de prendre une bière (très long temps d’attente au bar, comme toujours ici), et nous voici au pied de la scène, attendant avec impatience la venue de Rendez-Vous et de sa post-punk énergique. Nous ne sommes d’ailleurs pas déçues de leur performance puisque dès leur arrivée sur scène, le groupe parisien a su retourner le public qui n’a pas attendu très longtemps avant de se jeter dans de joyeux pogos. On peut dire sans exagération que les mecs nous ont roulé dessus à coups de riffs bien saturés.

En sueur (pour ne pas dire en nage complète) après le concert, nous profitons du reste de l’open-air dans l’espace chill extérieur, proposant tables et bancs permettant à tous de se retrouver dans une atmosphère joyeuse et conviviale. On aurait bien tenté d’aller tenter l’ambiance à au Club Transbo à l’extérieur, mais l’attente excessive nous a découragées. 

Night 3. Vendredi 19 mai. Nuits Sonores x Crack Magazine, concoction de polyrythmies pulsées

Pour continuer dans la même lancée, nous décidons de nous rendre au Sucre pour la soirée en collaboration avec le média culturel, indépendant et anglais Crack Magazine, avec un line-up consacré à la dark disco et la new wave. 

Le Sucre étant un lieu emblématique des Nuits sonores, nous sommes ravies d’y entrer dans ce contexte festif. Nous partons en transe dès que les premières sonorités extra-atmosphériques arrivent jusqu’à nos oreilles. Les artistes ont su maintenir une progression musicale tout au long de la soirée, montant en énergie et en bpm, passant de l’italo disco de Shubostar pour finir sur les grooves industriels et techno d’Elena Colombi

L’effet de l’iconique rooftop du Sucre est toujours aussi intense. Entre amis, perchées au-dessus de la Saône avec une douce brise de printemps dans le cou, il faisait particulièrement bon d’être en vie à ce moment-là. La sérotonine inonde notre cerveau. 

Day 4. Samedi 20 mai, Sur les quais de Saône, une exploration euphorique des genres musicaux

Après quelques jours de festival, nous sommes ravies de commencer ce Day 4 en se faisant bercer par de la bonne dub. On se cale à l’arrière de l’esplanade, sur des transats au soleil avec un maté en main, la vie royale. Le soundsystem reggae Channel One, le plus connu et le plus apprécié du Royaume-Uni, nous régale sur leur selecta 100% vinyle.

Fortes de notre mise en jambe, nous profitons d’une petite accalmie dans la queue pour aller enfin au club Azar afin nous rendre de ce lieu encore inexploré. Nous sommes agréablement surprises par l’organisation du lieu, par le grand bar ainsi que la grande baie vitrée donnant une vue des quais de Saône. Aux platines nous retrouvons Voices From The Lake, offrant une expérience hypnotique entre techno et dub ambient. 

Nous profitons ensuite du reste de notre terrain de jeu pour voyager entre les différentes scènes et influences musicales avant de sentir la faim nous tirailler le ventre. Plusieurs food trucks sont à la disposition des festivaliers, permettant un large choix de plats disponibles : pâtes fraîches, sandwichs et poke bowls ou encore cuisine franco-vietnamienne. Le hamburger végétarien des années précédentes étant toujours gravé dans notre mémoire, nous nous hâtons de le retrouver. L’offre de restauration est à la fois engagée et qualitative, de quoi satisfaire nos papilles exigeantes. 

Nous partons finir ce Day dans la salle 1930, dominée par des sonorités techno. L'impressionnante scéno principale est composée de grands miroirs placés stratégiquement au-dessus du DJ Booth. Ils permettent à la fois au public de voir les artistes performer, mais aussi d’avoir une vue directe de la foule qui danse. Ingénieuse manière de remplir le champ de vision des festivaliers, il y a presque un rendu psyché de l’installation qui peut aller jusqu’à faire tourner la tête. Nous profitons donc de la vue ainsi que de l'excellent lightning, sur la techno percutante et légèrement acid d'Ellen Allien

Night 4. Samedi 20 mai, clap de fin pour Fagor

Le set d’Ellen Allien nous aura fait dépenser un max d’énergie. Alors en arrivant à Fagor, nous nous jetons sur les stands de nourriture. Tout comme sur le site des Days, l’offre est variée : on y trouve de la cuisine libanaise, de la cuisine réunionnaise ou encore de la street food. 

Une fois le bidon bien tendu on se sent alors d’attaque pour aller swinguer sur l'électro pop ultra dansante d’un duo belge que l’on découvre. Par leur live, Charlotte Adigéry et Bolis Pupul installent une ambiance décalée et stimulante. L’alchimie musicale des deux artistes se ressent, ils répandent rapidement à la foule leur esprit déluré. Arrive ensuite la référence des références, The Blessed Madonna, qui vient récupérer une foule chauffée à blanc. On la connaît pour son authenticité sur scène et sa tracklist house parfaitement composée. On ne quitte pas la scène, on essaie de savourer chaque notes, chaque festivalier dans lequel on se cogne, on observe chaque détail, parce qu’on réalise que ce sont les derniers moments du festival dans les usines Fagor, qui sont sur le point d’être revendues. Pas le time pour se laisser envahir par la nostalgie, Partiboi69 et LB aka Labat ne sont pas là pour être sensibles, mais plutôt pour nous envoyer dans la stratosphère. On oscille entre guetto house et miami bass, un petit menu préparé à 4 mains qui saura satisfaire tout le monde. 5h, on se fait gentiment raccompagner à la sortie par le staff sécurité, faut dire qu’on a un peu de mal à laisser le clap de fin résonner sur Fagor.  

Closing Day. Dimanche 21 mai, On a trouvé le sens de la vie

Avec une programmation tenue secrète jusqu’au dernier moment, le Closing des Nuits Sonores a fait monter le suspense et c’est avec beaucoup d’impatience que nous arrivons sur le site. Au moment de croiser les affiches annonçant la timetable de la soirée, le nom de Sama’ Abdulhadi nous saute aux yeux. La DJ et militante palestinienne est l’une de nos figures préférées du monde techno. Accrochées aux barrières au premier rang, nous profitons de l’énergique fin de set de l’iranienne Neza Azadikhah, qu’on avait déjà eu le plaisir de découvrir au Sucre en janvier dernier. Grand sourire aux lèvres, les bras tendus vers le public, Sama’ prend les platines. Elle lâche drop après drop et nous enchaîne dans une salle 1930 qui tombe des nues devant le pouvoir de la DJ. On sue à grosses gouttes, les ampoules se forment sous nos pieds, mais rien ne peut calmer la frénésie.  

On s'extirpe du set de Sama’, à la recherche d’une brise qui apaisera notre feu interne. Le soleil commence à se coucher et le ciel se pare d’une toile rose orangée. La proximité de l’eau avec la présence de la Saône, ainsi que les nombreuses places assises permettent aux amis, aux couples, aux festivaliers solo de s’offrir un temps de pause dans cette effervescence. 

On ne résiste pas à l’envie d’un coucher de soleil sur le rooftop du Sucre. On y retrouve François X b2b Vel. L’énergie dégagée par leur duo met le feu à la foule, et nous montre qu’on a en réalité bien plus d’énergie qu’on ne le croit. Nous profitons de la terrasse pour prendre l’air et observer les festivaliers déambuler en dessous de nos pieds. On redescend tranquillement pour aller tasser le sol sur le set de Mall Grab qui clôturera ces Nuits sonores dans la salle 1930. Le groove hip hop et house de l'artiste est la note finale parfaite pour cette édition d’anniversaire. Tonton Laurent Garnier ayant dû annuler son classique set de clôture, on s’inquiétait un peu du challenge que le remplaçant avait à relever, mais le pari a été réussi.

Le bilan

Côté concerts

Le plus électrique
Ellen Allien pour sa techo acidulée, rapide et sans répit

Le cathartique
Rendez-vous pour les pogos et leurs riffs de guitare sauvages

L’iconique
Sama’ Abdulhadi pour sa puissance et l’énergie et l’amour transmis au public

Côté festival 

On a aimé : 

- Une prog superbe pour les Days, totalement upgradée 
- Une mention complète des allergènes, et une offre food gourmande, diversifiée et engagée
- Les urinoirs féminins 
- Les stands de prévention en nombre et des bouchons d'oreille dispo un peu partout 

On a moins aimé : 

- La queue pour rentrer au Azar ou au Sucre pendant les Days
- Le son au Azar, parfois largement trop fort
- Une prog' un peu complexe à appréhender entre les différentes formules, lieux, horaires...

Infos pratiques 

Prix des bières : entre 7€ et 8€

Prix de la nourriture : entre 7€ et 11€

Prix du merchandising : entre 8€ pour un tote bag et 30€ pour une veste

Prix du festival : 

Days : 37€ tarif plein, 33€ tarif réduit
Nuits : 33€ tarif plein, 29€ tarif réduit
Closing : 39€ tarif plein

Conclusion

Si vous avez sauté tout le report pour aller directement à la conclusion, sachez que cette édition d’anniversaire des Nuits Sonores : 20 ans sans dormir, était une pépite absolue. L'association organisatrice Arty Farty a su réinventer le format de son légendaire festival, grâce à une programmation concentrée sur les Days, qui se tenaient sur le site emblématique de la Sucrière, pimpé par une réorganisation de l’espace pour intégrer les quais de Saône, offrant au total quatre scènes. La programmation éclectique et innovante a réinventé notre rapport au dancefloor, mais nous a aussi permis d’étendre nos sensibilités musicales.
Nuits Sonores étend toujours plus son influence, désormais acteur essentiel des grands enjeux de demain. Notez le dans vos agenda, chaque année, pour le week-end de l’Ascension, c’est à Lyon que tout se passe. 

Récit et photos : Sanam Aleboyeh et Léa Perez