Et si vous tentiez une cure à Aix-les-bains ? Oubliez les eaux pures, si en juillet vous venez sur l'esplanade du lac du Bourget, c'est bel et bien pour une cure de son ! Pour sa 17ème édition, le festival Musilac propose une programmation colossale sur 3 scènes pour 4 jours de festivités. Avec une moyenne de 30 000 visiteurs par soir, l'événement savoyard a bien sa place dans la cours des grands. Un peu méfiants sur une organisation de telle envergure et dubitatifs, nous avons décidé d'en avoir le cœur net. Plongeons à présent dans ce qui est sans doute le plus grand événement pop-rock de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Jour 1. Jeudi 11 juillet. 18h11, prologue sauce vocoder et Génépi
A peine arrivé qu'on règle les démarches habituelles : bouchons d'oreilles et le, au combien utile, "cashless". Pour ce dernier, deux systèmes sont disponibles sur place : les bracelets pucés du fest ou le système du téléphone via un QR code. On a d’ores et déjà raté Gringe, sob. On était bien curieux. Mais on reste dans le thème avec le rap des bretons de Columbine et leur flow poétique. Leur style singulier séduit toujours autant la jeune génération. Après, le vocoder… t'aimes ou t'aimes pas. C’est pourquoi, pour se mettre dans le bain on rouille plutôt la buvette de droite, côté “montagne”, la préférée des locaux à ce qu'on nous a dit. D’ailleurs "Savoie représente", quelques bérets sont dans la place et les plus malins auront fait rentrer du Génépi pour pimper leur bière. On enchaîne avec la pop de Boulevard des Airs. On ne connaissait pas, une ptite découverte qui passe bien. Vivement la suite !
20h41, côté "Montagne", prêt à déguster !
S’en suit Garbage qui nous replonge dans les années 90. Ça fait toujours le taf après toutes ses années. On regrettera quand même le son un peu brouillon des guitares. Pas de quoi nous couper l'appétit pour autant : wraps, burgers, tartiflettes, argentin, tex-mex, caribéen, pizzas, flamenkuches, etc. on a décidément l'embarras du choix à Musilac ! On penche direct pour le stand Asie du sud avec un pad thaï et 2 nems en sus pour 13€. Pas donné et plutôt quelconque, mais copieux du moins. Nos camarades du soir craquent pour des churros à 5€ la dizaine. Va falloir ingurgiter tout ça au plus vite car arrive le set très attendu de Thirty Seconds to Mars. Le son est à la hauteur de l’affiche, ça envoie sévère et les frangins Leto feront monter beaucoup de monde sur scène. Les tubes sont relégués au vestiaire pour donner le champ libre à leur nouvel album.
22h54, can't hold us !
On sent que le fest trépigne à présent, tout le monde en attend beaucoup de Macklemore. Comme à son habitude le MC ricain a fait le show aidé de ses danseurs et ça a pris. Pourtant, étrangement, alors que tout le monde s’attendait à une véritable explosion, le son est bien plat par rapport aux autres artistes. On peut même se parler en fosse sans forcer. Ajoutez à cela la fréquentation moindre d'un jeudi et l'on n'aura pas exactement le "zbeul" escompté. La soirée se terminera en douceur avec Thylacine. On profitera de son electro vagabonde et nostalgique. Après avoir multiplié les belles rencontres à la buvette, on se rentre faisant l’impasse sur Süeür.
Jour 2. Vendredi 12 juillet. 19h55, trip-hop et triple hop
Des galères de train et une semaine chargée nous contraignent à ne nous retrouver qu’en début de soirée, chagrinés d’avoir raté Hyphen Hyphen. Trève de pleurnicherie, la soirée du vendredi s’annonce toujours comme la véritable entrée en matière. D'ailleurs, sur place, beaucoup de gens sont déguisés. A 20h05 on commence avec le trip-hop de Morcheeba. La chanteuse est toujours aussi envoûtante. Leur style a évolué en live, moins "ché-per", beaucoup plus solaire et grand public que ce qu'on avait pu voir au festival Décibulles en 2014. On appréciera une jolie reprise de Bowie. Autour de nous, le festival est déjà rempli et les buvettes tournent à plein régime. Sur le site on recense d'ailleurs cinq bières différentes, mais aussi un bar à vin et un autre à mojitos.
20h51, cheers buddy !
Premier festival européen pour George Ezra. Lucky we are ! Pour sa tournée, le jeune british est accompagné de septs zicos dont une section cuivre 100% féminine. Les balades folk s'enchaînent, sans trop décoller. Ses hits radio trouvent une plus grande résonance auprès du public. Un bon warm-up tout de même qui ensoleille le ciel voilé de ce vendredi soir.
La nuit est tombée sur Musilac pour offrir toute l'attention nécessaire à Christine and the Queens sur la scène Lac. Pyrotechnie et confettis pour une prestation très chorégraphiée avec de nombreux danseurs. Beaucoup moins notre came, on ne va pas jouer des coudes et on en profite en retrait depuis la buvette. Sur le chemin des toilettes, nous tombons sur une "Marseillaise" générale alcoolisée au stand Kronenbourg, avant de nous laisser tenter par un panini jambon cru bleu d'Auvergne, 7€ quand même … ouch !
23h22, une deuxième mi-temps beaucoup plus survoltée
Là, on commence à charger la mule avec les premiers riffs de Franz Ferdinand. Et quelle énergie ! La foule s'est sacrément massée à l'avant de la scène. Le chanteur en plus de tenir l'heure sur scène en costard, réalise la performance de tenir de longs speech dans un très bon français ! Le son est nickel, mais on pourrait attendre un tantinet de puissance en plus à la hauteur du groupe. Malgré les changements de running order, ça reste les patrons, et ceux-ci savent mener la barque. Suite au concert, rendez-vous aux fontaines à eau où on s'hydrate pour le dernier round, compatissant à la vue de la queue pour les toilettes des filles...
00h43, Berlin Calling
Il est l’heure les amis, la légende Paul Kalkbrenner prend place ! On regrette de ne pas pouvoir s'approcher tellement la foule est dense. On profite déjà sacrement de cette douce vague techno qui enveloppe tout le monde jusqu'au fond du festival. Rares sont les DJ aussi expressifs. On sent que Paul K. prend toujours autant de plaisir après toutes ces années de service. On avait peur que depuis lors, on nous l'ait survendu. Le son berlinois est parfait pour achever ce vendredi soir sur la grande scène. A 2h, le bringue reprend avec de la techno qui tape grâce à Contrefaçon au Korner. Mais on ne restera pas longtemps, même si c'est très tentant, histoire d’affronter raisonablement la 3ème journée. Les navettes du retour sont bien pratiques pour ça et nous offrent une chaude ambiance à cette heure avancée.
Jour 3. Samedi 13 juillet. 18h15, l'après-midi la plus chill
Les navettes sont blindées ce soir. Dur dur de rejoindre le festival depuis le centre et le soleil ne nous épargne pas. Mais c'était sans compter sur Barry Moore qui nous accueille dès l’entrée pour nous redonner la banane avec une reprise d’Eminem. Entouré de deux autres musiciens, l’irlandais donne un set pop agrémenté de pads, basse, piano et guitare. On est au Korner mais diantre que ça pulse. Ne négligez jamais les petites scènes ! L'occasion aussi pour nous de découvrir un peu plus l'ensemble des stands : marques commerciales, stand tattoos éphemères, trampoline, etc. Pendant que Yarol, le guitariste de feu de Johnny et bassiste de Winston McAnuff, se donne sur la scène lac, on reste au Korner pour se garder une place de choix ce qui va suivre...
19h34, bretelles, Bourbon et crâne de bouc
Voilà qui donne le ton de ce que les Knuckle Head nous préparent. Le duo guitare/batterie cogne sévère, pas besoin d’être plus nombreux sur scène ! Le batteur ultra-tatoué ne fait pas semblant et le premiers vrais pogos du festival démarrent. Leur dark country est le genre d'atmosphère qu’on attendait depuis un moment. Accents de blues et de stoner, on oublie 2 secondes qu’on est en Savoie pour se fantasmer au bord d’une station service désaffectée de l’ouest américain.
A peine le temps de se remettre qu’on décale pour la fin de Rival Sons sur la scène Lac. Rock psyché old school avec son chanteur charismatique, un guitariste looké comme jaja et un bon gros batteur. Mais pour nous, les envolée lyrique et la puissance sonore en façade n’effaceront pas la claque du show précédent. Les hostilités sont lancées sur le ton du rock !
21h20, les vétérans se font les griffes
Le trio légendaire des Stray Cats, sur les routes depuis 1979, arrive sur la scène Montagne. Une chose est sûre, le rockabilly a décidément bien la côte. Les puristes de toute la région auront fait le déplacement mais les plus jeunes adhèrent aussi sans réserve : la foule est clairement au rendez-vous. Contrebasse, sape, coupe gominé batteur debout... Comme d'habitude, tout y est. Ca swing et ça ne s'arrête pas, un sacrée level que les années ne sauraient éroder. L'une des performances remarquées de cette édition de Musilac, incontestablement.
22h53, things gonna be alright
Avec tout ces twists on reprend des forces avec une assiette végé bien garnie au stand de cuisine syrienne. 8€ le meilleur plan qu’on est eu jusque là ! Jain, seule sur scène va lancer la nuit avec un gros habillage lumière. On apprécie toujours autant les mêmes vibes d’Afrique du Sud, hérités de son enfance en baroudeuse. Elle joue beaucoup avec le public, tout en modestie et ça se déhanche enfin. On tape du pied et on lève les bras.
00h06, alleluia & rhum/coca
Après avoir laissé planer « Wannabe » des Spice girls en guise d'intro, Thérapie Taxi démarre direct en costume de cardinal et de bonne soeur pour déballer leur électro-pop bien péchue. Bien médisant, on les attendait au tournant et on doit dire qu'on a été agréablement surpris. Ils embarquent direct le public, la section guitare/batterie fait vraiment un plus ! Le trio déjanté, en plus d’avoir la primeur de distribuer du rhum/coca au premier rang, sera celui qui aura le plus fait chanter les festivaliers jusque là. Ça vaut le coup d’oeil en live.
1h10, la grande évasion
Aïe, la foule s'est déjà bien dispersé... Débute Arnaud Rebotini qui nous livre en live la B.O de 120 Battements par minute, récompensé du César de la meilleure musique originale en 2018. Son set est accompagné d’un piano et d'une formation classique alors qu'il oeuvre magistralement au centre. C’est céleste à souhait ! Bien dommage qu’autant de gens aient quitté la zone, mais c'est pas une mince affaire de passer après Thérapie Taxi. Quelques longueurs par moments, un final tout en douceur et un artiste pas tout à fait à l’aise avec la prise de parole... il n’en faudra pas plus pour finir de dépeupler le festival. Dingue pour un samedi soir !
On bouge vers la scène Korner voir Mokado et son électro-chill en mode solo avec ses pads. On ne réussira à rester que 20 pauvres minutes. C’est très bien mais... on n'a plus de forces.
Jour 4. Dimanche 14 juillet. 18h32, furia !
Le temps d'émerger, encore entêtés de la veille, ce à quoi s’ajoutent les navettes bondées et suantes, et on arrive seulement sur le festival pour Mass Hysteria. Pas de doutes, le groupe a une bonne base de fans hardcore. On retrouve surpris un ex-bassiste de Guerilla Poubelle dans la composition. Le son est poussé au max par rapport à tout le reste des concerts et le groupe parvient à ses fins en déclenchant un sacré circle pit. Alors qu'on n'est pas vraiment fans de la scène nu metal, on doit reconnaître qu’on s’attendait à moins bien, bien que la voix soit quand même un peu noyée par le reste.
20h10, l'heure du Bushido
La densité de festivaliers est sans précédent devant la scène "Montagne" pour les samouraïs du rap marseillais, preuve qu’ils font bien “une musique pas faite pour cent personnes mais pour des millions”. Impossible pour nous d'accéder au crash barrières ! Les légendaires IAM sont fidèles à eux-mêmes, le sourire aux lèvres, "avé l’accent", sur fond de basses démesurées et tout le fest danse le MIA. On reste souples et boulegans pour ce qui marquera la fin pour nous car malheureusement on s'échappe les yeux humides avant la fin du set pour choper le dernier train. Tant pis pour le rock...
Le bilan
Côté concerts
La claque
Le duo français Knuckle Head qui a mis le feu à grand coup de gasoline
Les patrons
Les écossais de Franz Ferdinand et leur rock toujours aussi électrique
L'icône planante
Paul K. et sa deep techno qui a enveloppé la nuit d’une atmosphère cotonneuse
La bonne surprise
Barry Moore et sa pop solaire qui reste en tête
Les inoxydables
The Stray Cats qui swinguent toujours autant avec leur rockabilly et rapprochent les générations
Côté festival
On a aimé :
- La diversité de la prog et des stands
- La présence de fontaines à eau fraîche
- L'amabilité des bénévoles et le nettoyage du site en continu
- Les promos SNCF associées et les navettes depuis d’autres villes
On a moins aimé :
- Les prix parfois élevés, rançon de la gloire...
- L'absence d’urinoirs pour femmes
- Les différences de volume considérables d’un show à un autre
- Les navettes pour l’aller depuis le centre, souvent blindées
Infos pratiques
Prix du festival
59 € par jour - 189 € les 4 jours - Pass camping : 20 €
Prix de la bière
5.5 € la pinte – 16,5 à 20 € le pichet de 1,5L
Prix de la nourriture
Portion de frite : 3 € / hotdog 5 € / Panini 7 € / plat de 8 à 15 €
Conclusion
On ne va pas se mentir, même si l'on était assez méfiants vis-à-vis de la programmation très pop, l'envie nous taraudait depuis fort longtemps de venir à Musilac balader nos esgourdes. La programmation est finalement très éclectique. Du nu metal à la world music, en passant par du blues, de la folk, etc. On sort rapidement du triptyque rock/rap/electro. Il va s'en dire que si vous rouillez la scène Korner, quelques pépites méconnues vous attendront. On a vraiment apprécié l'ambiance "village" sur place et l'accueil des savoyards. Néanmoins, prix à payer pour assister à une réunion de pointures françaises et internationales c'est une densité de festivaliers qui nécessite bien souvent de s’organiser et des tarifs conséquents. Mais malgré cela, on a passé un excellent moment à Aix-les-bains et on regrette de n'avoir pu assister au grand final. On reviendra assurément prendre le pouls au bord du Bourget l’année prochaine.
Récit et photos : Pawel