On était à
Main Square, entre surprises et amertume

Près de 120.000 festivaliers ont envahi la citadelle d'Arras pleine à craquer pour la 12ème édition du Main Square festival. Malgré une météo aussi diverse que l'affiche, les festivaliers étaient au rendez-vous, même si beaucoup étaient une nouvelle fois bien apathiques. Boue, gamelles, bières, nous étions au Main Square et nous vous racontons ces trois jours.

Jour 1. 16h30, entrée dans la citadelle

C'est sous un soleil invisible que nous franchissons les portes de la Citadelle. L'entrée est fluide et les bénévoles nous accueillent avec un grand sourire pour nous indiquer la direction à suivre. Nous découvrons le nouveau moyen de paiement que propose le festival : le Cashless. Laissez votre porte-monnaie à la maison, votre argent de poche se trouve à votre poignet. Il suffit simplement de recharger son bracelet à l'entrée du site. Après une légère appréhension, cela s’avère beaucoup plus pratique sur le long terme. Direction notre premier concert, Cayman Kings. Les lauréats du tremplin de l’année dernière débutent sur la scène Green Room. Le public arrive doucement et remplit timidement les lieux. Nous avions oublié le prix élevé des bières au Main Square : sept euros pour une 50 cl. Et un choix restreint : Heineken ou Desperados; nous restons sur notre soif.

19h00, que les festivités commencent !

Ellie Goulding enchaîne sur le Main Stage au son de ses nombreux tubes. Une performance et une mise en scène efficaces font danser les fans de l'artiste venus nombreux. Mais un bon festivalier se doit de bien manger ! L'odeur de la pizza nous attire et nous nous laissons tenter. Les prix sont encore élevés, notre petite pizza nous aura coûté huit euros. Nous nous déhanchons dans la queue, les oreilles pleines du concert qui se déroule en face de nous. Yelawolf s'est emparé de la Green Room pour notre plus grand bonheur. Son rap doux accompagné de guitares acoustiques fait danser le public venu braver la pluie du Nord. Une jolie découverte qui ravit notre palet auditif.

20h30, we’re singing in the rain !

Il est temps de se diriger vers le Main stage où Louise Attaque fait son apparition. Après la sortie de son nouvel album, le groupe fait la tournée des festivals et pose ses valises le temps d'un concert à Arras. Le charme opère. Le groupe commence sans attendre par l’un de ses plus grands titres, Invitation. Louise Attaque mêle tubes d'avant à ceux de son dernier album. Le public de la Citadelle chante à l'unisson sur son indémodable Je t’emmène au vent. Une osmose brouillée par les nombreux smartphones des festivaliers, brandis aussitôt pour capturer l'instant, savouré à travers un écran.

22h20, après la chanson française...

C' est au tour du géant américain Iggy Pop de prendre place sur le Main Stage. Dans les premiers rangs, et fiers d'y être, nous entendons un festivalier demander qui est ce Monsieur Pop. Nous sommes d’ailleurs surpris de voir si peu de monde. Son fameux titre Passenger ne se fait pas attendre. Une bête de scène qui nous offre plus d'une heure de pur régal autant sur le plan auditif que visuel. Après un tel concert nous sommes plus qu'échauffés : Flume mixe juste à côté, enfin c'est ce que nous pensons apercevoir. L'accès à la scène est très difficile, voire impossible. La pluie n'arrange rien et la boue apparaît : des gamelles et autres fabuleuses glissades nous attendent. Impossible de rejoindre la scène. On entendra de loin un set pas vraiment pensé pour le live, sans grande conviction ni originalité scénique. Dommage !

00h30, notre quête d’electro continue

Nous ne nous laissons pas abattre et nous reprenons notre quête d'electro après de nombreuses péripéties boueuses. La distance entre les deux scènes se transforme en réel parcours du combattant. Face à nous, Disclosure commence son set sur la Main Stage. Nous nous frayons un chemin assez facilement dans les rangs les plus proches des deux artistes. Le duo britannique fait son grand retour à Arras. Son fameux tube Latch ravit un public réceptif. Le concert fini, nous sommes surexcités, et bravons ce véritable marais qu’est devenu la Citadelle pour courir profiter des basses de Boys Noize, qui nous attend sur l'autre scène. Un set de folie pour clôturer cette première journée du Main Square. La pluie a sans doute rendu le public quelque peu frileux. Nous verrons demain si la tendance change !

Jour 2. 17h02, soleil, métal et hystérie

En ce samedi deux juillet, la météo se fait l’antithèse la plus totale de la veille : adieu pluie torrentielle et bonjour soleil torride. Pour remédier à la boue dans laquelle les festivaliers sont plongés jusqu’aux genoux, l’organisation met les bouchées doubles en aménageant l’espace qu’offre la Citadelle ; des copeaux de bois et de la paille recouvrent désormais le sol arrageois. Si l’on remarque d’emblée beaucoup plus de personnes présentes que la veille, c’est aussi l’ambiance qui détonne. Le public semble s’être réchauffé, plus enclin visiblement à faire la fête devant Mass Hysteria (photo) sur la Main Stage. Nous sommes irrémédiablement attirés dans les walls of death du groupe de métal parisien en dépit de quelques problèmes sur scène, notamment le dysfonctionnement d’une guitare et l’exécution de certains morceaux. Message d’espoir et appel à la lutte culturelle se conjuguent savamment sous le ciel bleu, jusqu’où parviennent les applaudissements des admirateurs de cet excellent cru issu de la scène métal française. Et pour être tout à fait honnête… on en redemande !

21h15, la progéniture s’éclipse de la scène

Passée l’hystérie métallique, Walk of The Earth et Flavien Berger, où nous en avons profité pour taper une pizza et quelques bières, c’est la jolie Marina Kaye qui prend le relais à la Green room. Sa douce voix et son jeune âge déclenchent l’admiration du public. En face, The Offspring (photo) fait le show. Certes, le groupe a repris ses titres phares. Certes, le concert était efficace. Certes, le public a majoritairement été séduit. Il n’empêche qu’une petite sensation de manque perdure, comme une impression d’avoir assisté à un spectacle sans surprise, sans interaction entre Dexter Holland et Noodles, comme dernièrement au Hellfest. L’illusion ne prend malheureusement pas totalement, malgré son caractère plaisant, et par moments jouissif. Demandez à ce fan belge moustachu et passionné, comme possédé, qui nous a fait danser avec lui sur le rythme endiablé de Self Esteem qu’il connaît par cœur.

23h08, raz-de-marée adolescent sur la Green Room

Alors que nous nous reposons dans la paille avec le concert de Macklemore et Ryan Lewis (photo) en fond sonore nous voyons des adolescents, et surtout des jeunes filles de douze à vingt ans, courir à en perdre haleine. Serait-ce un concert surprise des Rolling Stones ? Que nenni. Cette exaltation, cette fuite en avant, effrénée, n’a qu’un but et un seul : s’approcher au plus près du Fennec. Qu’il en a parcouru du chemin, Nekfeu, depuis son écrasante victoire à la première édition de Rap Contenders ! Il devient très vite proprement impossible de voir le concert pour les retardataires tant la scène est bondée. Pleine à craquer, elle pourrait exploser n’importe quand, galvanisée par le rapeur. Même les plus réfractaires au genre sont subjugués ; un véritable tour de force, la marque des grands. On a beau détester le rap, l’énergie que dégage le S-Crew sur scène est sans pareil et laisse tout le monde pantois. Un véritable temps fort de cette soirée, assurément.

00h00, une fin de nuit sous le signe de l’électro

Après les guitares, après les casquettes, place aux platines ! Un démarrage relativement calme de Birdy Nam Nam fait vaguement secouer les têtes, et… c’est tout ? Bien sûr que non. Une fois Defiant Order entamée, le trio français livre une performance survoltée d’un peu plus d’une heure. Les inhibitions s’effacent, les muscles se relâchent, le Main Stage retient son souffle avec plaisir jusqu’à la toute fin du set. La tête encore groovy, on se déplace vers la Green Room pour le dernier concert de la nuit… Salut C’est Cool. Les premières notes de Salam Alaykoum retentissent que déjà le public est conquis, acquis au groupe que s’arrachent tous les festivals. Le décalage techno absurde des Parisiens est l’occasion de tous les délires, de tous les sourires. La foule est bouillante, se déhanche dans tous les sens. Enfin ! La légèreté et le second degré du collectif nous fait ressortir de la Citadelle avec la banane, et l’envie de danser, encore et toujours plus. Oui nous sommes tous des fleurs.

Jour 3. 16h45, A-Vox signe son grand retour à Arras

Un dimanche sous un ciel couvert. Les festivaliers du Main Square auront donc bel et bien vécu les quatre saisons pendant trois jours. A-Vox apporte sa joie de vivre et illumine la Green Room ! Un frangin et une frangine, Anthéa et Virgile, dégagent une véritable bouffée d’air frais et remuent le public arrageois. Des drapeaux aux couleurs d’A-Vox flottent dans les premiers rangs. Même les derniers rangs semblent apprécier. A peine leur spectacle terminé, nous entendons retentir au loin les guitares du groupe Band Of Horses. Il est étonnant de voir si peu de monde devant un tel phénomène musical. Les nuages et le football auraient-ils eu raison des festivaliers ? Une aubaine pour nous puisque les premiers rangs sont très facilement accessibles. Une dose d'émotion lorsque le groupe termine son concert sur son fameux tube The Funeral

19h02, un peu de repos

La boue a laissé place à la paille. Installés par terre, une furieuse envie de nachos nous prend. C'était sans compter sur les nombreux, très nombreux autres festivaliers qui ont eu la même idée. Une queue interminable nous éloigne du stand, bredouilles et affamés. Un dimanche placé sous le signe de la bonne bouffe puisque tous les stands sont pris d'assaut. Tant pis, nous nous résignons et nous décidons de nous rasseoir dans le fourrage. C'est à ce moment que le concert de Years and Years débute. Un jeune homme débarque sur scène dans une sorte de pyjama à coeurs, mais peu importe. C'est une véritable pile électrique et les très nombreuses fans venues au premier rang pour leur idole ont fait tout autant le show ! Le jeune artiste n'hésitant pas à regarder le public droit dans les yeux et à leur parler directement, les remerciant pour leurs pancartes ou les complimentant sur leurs looks.

21h45, quand l’electro rencontre la folie du foot

La Green Room se vide de plus en plus. Entre le match de foot retransmis sur l'écran géant au fond et les Insus qui se préparent à entrer en scène sur la Main Stage, le public se disperse laissant le champ libre à Odesza. Nous décidons d'aller passer un bon concert d'electro plutôt que de camper devant la grande scène. C'est parti ! Des pogos, des danses, des cris, Odesza a retourné la Green Room avec ses sons transcendants, pour une performance surprenante. Loin de chiller, nous nous sommes déchaînés. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et le dernier concert de la Green Room se termine, les jeunes bénévoles encore au stand laissent éclater leur joie en tapant en rythme sur leurs comptoirs en métal aussitôt rejoints par les festivaliers encore dans un autre monde, dû à l’effervescence du concert auquel ils viennent d’assister.

22h20, le bouquet final

Il est temps d'aller voir les Insus (photo). Le trio Aubert, Bertignac et Kolinka fait danser une Main Stage pleine à craquer sur des sons indémodables tels que La bombe humaine, Argent trop cher ou encore New-York avec toi. Une osmose entre le public et les membres du groupe se crée instinctivement, avec plusieurs générations présentes. Tout le monde connaît les paroles ! Dommage qu'encore une fois, certaines personnes empêchent les gens de danser ou de chanter un peu plus fort que la moyenne, à coups de réflexions désagréables, de regards gênants, voire de gestes déplacés. Il est clairement impossible d'envisager les premiers rangs de là ou nous sommes. Le fond ne bouge pas beaucoup ce qui est vraiment frustrant. Puis nous apprenons rapidement dans le public que la France l'emporte face à l'Islande à l’occasion de l’Euro 2016, le groupe en profitera pour reprendre We are the champions de Queen repris à l'unisson par l’intégralité du Main Square. Le concert s'achève sur un rappel de quinze minutes. Mais à minuit pile, Cendrillon remonte dans son carrosse et  les guitares sont rangées. Nous n'avons plus qu'à repartir sous les ordres de la sécu, et bercés par le chant de festivaliers heureux. Remballez les grattes, la fête est finie.

Le bilan

Côté scène

La bête de scène
Iggy Pop, 69 ans et toujours présent !

Le maître des platines
Odesza, un set efficace et transcendant.

Incontournable
Les Insus, réunit les petits et les grands.

La découverte scénique
Mass Hysteria, des paroles et une rage qui remuent.

Le coup de cœur
Louise Attaque, le top de la chanson française.

Le plus loufoque
Salut c'est cool, un n’importe quoi de génie !

La bonne surprise
Nekfeu, une performance qui se finit par une fête géante.

Côté festival 

On a aimé :
La bonne humeur des bénévoles    
Le choix de nourriture
Une affiche diverse et quelques surprises !    

On a moins aimé :
Un public trop timide, voire briseur de bonne ambiance. Il est normal de bouger un peu pendant un concert, non ?
Un manque de personnalisation du festival
Des prix beaucoup trop élevés, et pas grand choix de boissons
Une sécurité qui empêche les slams et gronde les festivaliers, c’est malheureux...                              

Conclusion

Le Main Square a tout pour réussir : un bon emplacement, une bonne affiche, des bénévoles motivés... Mais un bon concert se retrouve facilement gâché par un public peu démonstratif. Nous restons sur notre faim. Une édition 2017 plus animée est-elle envisageable ?

Un récit de Lorena Caniaux avec Hugo Nikolov
Photos de l'équipe du Main Square, J. Pouille et N. Guihal