On était à
Au Pont du Rock 2021, le monde nouveau

Habituée au vacarme estival, la mélancolie avait enveloppé la vie festive de la Bretagne. Quelques rares festivals audacieux ont fait le pari d’ouvrir leurs portes cet été, l’occasion de fêter la 31ème édition du Festival Au Pont du Rock, à Malestroit dans le 56. Un rendez-vous si longuement attendu, presqu’inespéré, qui a rendu nos retrouvailles avec la vie d’avant jubilatoire. Récit d'une soirée qui nous a fait chaud au cœur.

Dimanche 1er août. 18h47, on reprend les bases 

Quoi de plus symbolique qu’inaugurer son pass sanitaire pour entrer dans un festival ? L’attente et l’espoir d’y revenir devenaient insoutenables et intenables, nous l’étions en arrivant sur le site. Comme une envie enfantine de courir dans l’herbe pour venir se coller encore plus vite à la scène qui paraissait si lointaine, courir dans une plaine immense, entourée d’arbres grimpants sur une colline, créant un panorama de fond de scène naturellement évadant. Contexte actuel oblige, le site est évidemment entièrement réaménagé, avec une seule scène cette année. Cette adaptation paraît avoir joué en la faveur des festivaliers puisque nous découvrons étonnamment qu’à l’aube de cette quatrième soirée de concerts, l’herbe est toujours aussi verte et astiquée, autant d’espaces pour s’allonger et admirer la chance que nous avons d’être là. Pas question pour autant de se poser les mains vides. L’adrénaline d’être en festival nous appelle inconsciemment vers le bar où nous trinquons avec une Bonnet Rouge bien fraîche et nous nous requinquons d’énergie avec un classique combo jambon-beurre et barquette de frites chaudes pour 6,20€, le cœur déjà largement réchauffé par la jovialité et l’enthousiasme des bénévoles.

19h53, découvertes sociales et musicales  

Plusieurs sièges et bancs en bois aux couleurs de l’événement ajoutent un cachet familial et cosy au site. Plus loin, enfants, couples et amis prennent d’assaut les lettres XXL “Au Pont Du Rock”, posées aux pieds de quelques grands arbres, pour un shooting photo improvisé. Stationné dans un coin, le bus de l’association Relais Jeune 56 organise une de ses nombreuses actions départementales de prévention “dans le domaine de la médiation, du soutien à la parentalité et de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes”. Au centre du site, trônent de belles œuvres peintes sur des planches de bois. Une légère touche de décoration qui habille et colorie le site, sans indication supplémentaire sur l'origine de ces créations, un peu de lecture qui aurait pu occuper les moments de flottements entre les concerts. 

Fidèle à elle-même, l’insolente et toujours aussi engagée voix de Laurent Lacroust, chanteur de The Inspector Cluzo résonne soudain dans la plaine jusqu’ici restée silencieuse. A contexte particulier, tournée particulière. Pour leurs dates estivales, le groupe s’est entouré d’un violoniste et d’une contrebassiste pour reprendre leurs morceaux phares dans une version acoustique. Tout en douceur. Un renouvellement surprenant mais réussi pour ce début de soirée. “Penser global et agir local”, cette devise du duo historique les a poussé à reprendre un élevage d’oies Gasconnes pour lutter à leur échelle contre les dégâts de la mondialisation économique. Une prise de parole remarquée et applaudie qui a aussitôt fait patienter plusieurs dizaines de personnes devant le stand de la ferme “Lou Casse” où leurs produits sont en vente.

21h17, s’évader sans gêne   

A proximité immédiate de la régie placée face à la scène, une large plateforme PMR est dressée avec un accès direct et simple, une facilité de déplacement que nous constatons sur l’ensemble du site. Cette fluidité des trajets entre les points de rassemblement de la prairie s’illustre jusqu’aux sanitaires, l'un des critères fondamentaux pour passer un bon festival. Un nouvel aspect de nos craintes vite balayé par la propreté et le nombre largement surestimé de toilettes disponibles par rapport au nombre de festivaliers que nous étions. Nous saluons d’ailleurs les nombreux bénévoles équipées de sacs poubelles, chariots et pinces à l’affût du moindre bout de papier au sol, dont le travail rend ainsi le lieu impeccable. La volonté d’évoluer dans un festival propre est encouragée par les festivaliers eux-mêmes puisqu’une boisson est offerte pour un gobelet rempli de mégots rapporté au bar. 

A peine le temps de papoter que nous voyons la scène s’enfumée et les premières notes de musique du groupe Feu ! Chatterton retentir. Nous glissons entre la foule, naturellement et légèrement encore distancée, pour se rapprocher de la scène. Artistes débordant d’énergie et musiques issues de leur dernier album "Palais d’Argile" subjugantes. Le charme et la spontanéité d’Arthur, chanteur emblématique du groupe, a conquis les âmes jusqu’au bain de foule où mains et bras s’emmêlent lors "d’Un monde nouveau", criant de vérité aujourd’hui. Nos pieds tapent sur la terre, nos têtes tortillent et nos cordes vocales grondent, en dissonance avec les festivaliers autour de nous, non si enjoués que nous l’étions.

23h49, les conquérants

Avant d’entamer le dernier concert de la soirée, en tant que bons bretons, nous nous jetons sur des crêpes au sucre pour 2,50€. Petite désillusion, elles sont froides mais tendres et on s’en contente amplement.  L’ambiance s’est grandement réchauffée, en témoigne le paquito entre jeunes au bar qui s’installe ou le groupe d’une dizaine de copines quinqua qui galère à faire un selfie, aussitôt aidé par un bénévole de la Protection Civile qui passait là. L’amplitude des tranches d’âge qui se côtoie au Pont du Rock est véritablement singulière. On ne sait pas vraiment si c’est la programmation ou la renommée du festival qui favorise ce ralliement mais la magie est là. Tout comme les profils de festivaliers, où devant la scène patiente un mec en tongues déguisé en carotte, aux côtés d’un père de famille équipé de ses chaussures de marche, son bob et un gros sac à dos. 

Un style indépendant et libre, c’est celui qu’est venu nous offrir Arnaud Rebotini. C’est encerclé de claviers, synthétiseurs et autres machines remplies de boutons que le show de l’imposante carrure de l’homme aux cheveux de gel et moustache débute. La French Touch s'empare de la foule, les corps naviguent de droite à gauche et les bras se balancent sur un électro pétillant où les basses font bourdonner nos jambes. Nous regagnons notre couchage du soir avec un sentiment d’extase ultime, celui d’avoir pu revivre un instant coupé du temps, des contraintes, des restrictions, des limitations, des distanciations. De l’énergie nous en avons donnée, de la chaleur nous en avons reçue. Une jouissance festive permise par un festival qui par son maintien solidifie à nouveau son image et celle de la musique qu’il défend : résistante et provocatrice. 

Bilan

Côté concerts

Le tourbillon de scène : Feu ! Chatterton, envoûtant et gracieux, par la voix et par les corps 

L’anticipateur : Inspecteur Cluzo, un show sur mesure qui nous a fait redécouvrir le groupe

Côté festival

On a aimé : 

La propreté globale du site, des poubelles partout et des équipes dévouées
- L’étendue du festival, offrant de grands espaces de détente dans l’herbe 
L’amabilité des bénévoles et leur patate jusqu’à la fermeture

On a moins aimé :

- Le manque de musique ou d'animations entre les concerts qui faisait tomber l’excitation
Les touches de décoration un poil légères
- La rareté de la signalétique pour arriver sur le festival

Infos pratiques :

- Prix des boissons :  Bières 50cl - 7,00€, Vin rouge, blanc ou rosé - 5,50€, Soft (Breizh Agrume, Breizh thé, Breizh Cola) - 1,60€

Prix de la nourriture : Quiche aux légumes - 4,00€, émincé de poulet au curry ou kebab frites - 6,80€, cookie - 2,50€

- Prix du festival : 36€ par soir, gratuit pour les moins de 11 ans

- Transports : en voiture - 40min de Vannes, 1h10 de Rennes, 1h30 de Saint-Brieuc 

Conclusion

Le festival Au Pont du Rock a gagné son pari en ouvrant sa 31ème édition dans un contexte sanitaire instable et qui aura peut-être eu raison des ventes de billets, les festivaliers ne répondant pas aussi présents que les organisateurs l'auraient espéré. Peu importe, cette édition exceptionnelle aura permis aux artistes de rock de remonter sur scène pour des retrouvailles exubérantes dans un cadre chaleureux et pour une fois, intimiste. Nous, on a adoré. 

Récit et photos par Maxime Riou