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Le Festival Visions veut arrêter de faire venir ses artistes par avion

Guillaume Derrien, le programmateur du festival Visions, nous parle de l'une des dernières initiatives écolos du festival : arrêter de faire venir ses artistes par avion. Ce projet, progressif et défricheur, aboutira dans plusieurs éditions et a surtout un but : questionner l'industrie musicale sur sa manière de consommer et de produire, de manière à pouvoir réduire son empreinte carbone. 

Le festival Visions n'est pas à son coup d'essai en matière d'écologie :  réduction des déchets du festival, réduction progressive de la quantité de viande consommée sur le festival, la fin du merchandising sur le site, etc. Le festival s'attaque désormais à la réduction des vols pour faire venir ses artistes. 

L'objectif

Le programmateur du festival Visions, Guillaume Derrien, parle très humblement de ce projet monté en interne. Le but de la manoeuvre, sans prétention de donner une leçon écologique, est de réduire petit à petit le nombre d'artistes qui prennent l'avion pour se rendre au festival, dans l'espoir que d'ici 3 ans, plus aucun artiste n'utilisera ce moyen de transport pour venir ambiancer les festivals. Ce projet trotte dans bien d'autres têtes. Les organisateurs en ont rapidement pris conscience : ils essayent donc de communiquer au fur et à mesure sur leur façon de procéder en espérant que, même si la mise en oeuvre n'est pas universelle et que chacun opère de la manière qui lui correspond le plus, l'objectif de réduction de l'empreinte carbonne soit diffusé. 

Comment ? 

Le festival opère progressivement en réduisant de 30% le nombre d'artistes de sa prog' se déplaçant en avion chaque année. Par exemple l'année dernière, ils étaient 12 artistes à venir en avion, ils seront 8 cette année, 4 l'année prochaine, et zéro dans deux ans si tout se passe bien. C'est une idée qui commençe à germer dans de nombreux esprits à travers le monde, et notamment au sein de groupes comme Coldplay qui ne tourneront plus avant d'avoir trouvé une solution pour faire des tournées au bilan carbone neutre, voire avec un impact positif. De nombreux artistes sont donc réceptifs à la proposition du festival Visions selon Guillaume Derrien, certains parce qu'ils n'aiment pas l'avion et d'autres parce qu'ils sont heureux de ralentir la cadence des tournées. Mais pour des artistes qui viennent de loin, comme c'est le cas pour la majorité des artistes du festival Visions, le prix du billet de train est souvent 3 voire 4 fois plus cher que le prix d'un billet d'avion low-cost. Donc, plus que changer le moyen de locomotion, l'enjeu est surtout de faire évoluer la consommation des prestations musicales et du booking. 

L'ébranlement du règne de la productivité

Pour l'instant, s'ils n'avaient pas eu de réticences du coté des artistes, Guillaume sait que du coté des bookers et des producteurs de tournée l'initiative ne sera pas toujours aussi bien reçue : "l’économie moderne des agents repose sur l’avion low-cost. On va se retrouver à un moment où il va falloir contester l’existence même de ces agences. Et elles vont être obligées de faire un gros travail, parce qu’en termes de retours des artistes et du public c’est plutôt le renouveau qui plait.". Cette idée, qui devrait de se répandre dans le milieu du spectacle va venir remettre en question la sur-consommation des vols low-cost qui permettent d'enchainer un nombre de dates record sur une période très courte dans un grand nombre de pays, voire sur plusieurs continents. Pour le programmateur du Visions, la perversité de ce système réside dans le fait que l'offre des compagnies aériennes est telle qu'elle permet aujourd'hui de pouvoir se rendre aux quatre coins du monde en l'espace d'une semaine, en faisant jouer les artistes dans une logique de représentations en chaine. Bankable certes, mais archaïque écologiquement... et humainement ? 

La mise en pratique

En pratique cette décision n'est pas avantageuse pour le festival financièrement qui devra prendre charge des frais plus élevés à cause de séjours plus longs et donc davantage de frais d'hébergement et de repas. Guillaume Derrien insiste "Ce n'est vraiment pas du tout pour faire des économies, mais vraiment par volonté politique". En effet, le Visions localisé dans le Finistère, à Plougonvelin, à 25km de Brest, est isolé géographiquement - et dans le "trou du cul du monde" les alternatives à l'avion ne se bousculent pas au portillon ou alors elles sont très longues et couteuses. Le festival change alors de stratégie pour opter davantage pour des artistes locaux ou venant des îles aux alentours comme la Grande-Bretagne. Le train et le bateau sont privilégiés et représentent de bonnes alternatives pour ce festival qui a contact direct avec l'océan atlantique et la Manche. L'idée, c'est que chaque festival s'adapte en fonction de sa spécificité géographique.

Un festival à l'ADN écolo

Et le festival Visions travaille d'abord sur lui-même avant de demander à ses festivaliers de faire attention à leur impact écologique : "C'est surtout l’organisation du festival qui est hyper consommatrice et productrice". De fait, avant de demander à ses festivaliers de venir avec leur propre gobelet réutilisable, le festival a d'abord réduit au maximum ses déchets, et avant de demander aux artistes de venir en avion, le festival s'est d'abord séparé de son merchandising. Le public du festival, habitué à ses engagements, est très réactif : "Nous on élève le niveau d’exigences et on nous suit".

Et si les engagements écologiques du festival vous ont donné envie d'aller visiter la région de Plougonvelin du 7 au 9 août 2020, cet organigramme finira de vous convaincre : 

Crédit photo : Hortense Giraud