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Le Main Square assiège la citadelle d'Arras

Les scintillantes têtes d'affiche nous faisaient saliver. Une citadelle d'Arras superbe, une sono au top, mais un lieu en sur-régime pour une ambiance trop souvent gâchée par l'immobilité d'un public préférant vivre les lives à travers son smartphone. On vous raconte nos 3 jours au Main Square. 

17h47, Arras nous ouvre ses portes

On arrive sur une fin d’après-midi ensoleillée à Arras, capitale du son pour 3 jours. Après avoir laissé notre voiture dans un parking gratuit, une navette nous emmène au camping situé environ à 15 minutes à pied du site du festival. Un petit camping (photo), pour 20€ les 3 nuits en plus d’un billet à 120. Une consigne nous interpelle : “pas plus de 12 canettes de bières par personne”. Étonnant. Tout est bien calme pour le moment. On se perd dans la nature de la ville pour rejoindre la porte d’entrée du festival. Étangs, nature, c’est buccolique, on se sent plus dans une promenade dominicale qu’à un before de festival.

19h32, débarquement à la Citadelle

On passe le porche en pierre de la citadelle, et nous voilà dans le Main Square. L’entrée est fluide et le lieu très charmant. Pas mal d’arbres, des bâtiments en brique rouge, une petite église. Deux immenses scènes se dressent, la Main Stage face à l’entrée, et la Greenroom un peu plus loin. C’est sur cette dernière qu’on ira vivre notre premier live : Lindsey Sterling (photo), une violoniste hip hop virtuose, qui met en scène ses compositions dans des chorégraphies endiablées. Une véritable star sur le net, elle conquit le public présent en virvoltant d’un bout à l’autre de la scène.

20h42, Go go aligot

On ira se prendre ensuite un casse-croûte imposant - sandwich saucisse aligot - sur une colline surplombant la deuxième scène, accessible par un petit chemin. Là-haut se trouvent entre autres des fouées, un stand du Gers, des ch’ti burgers. En redescendant, on est étonné d’entendre du son depuis la Greenroom : on avait appris l’annulation de George Ezra dans l’après-midi. Mais ce ne serait pas Isaac Delusion qui jouent là ? Mais oui ! Belle réaction du festival. On se prendra une petite bière pour fêter ca : pinte de HK à 6,5€, un prix en forte inflation par rapport au Nord-Pas-de-Calais.

22h20, Lenny Kravitz face à l’apathie générale

Il y a du monde. Le peuple s’amasse vers la grande scène pour la tête d’affiche du soir, Lenny Kravitz (photo). Mais  jamais l’ambiance ne décollera pendant l’heure et demi de concert. Pourtant, les tubes ne manquent pas sur scène ni la volonté de livrer un show technique, en se permettant même 25 minutes de jam session. Rien n'y fera, le public est statique, immobile, applaudit timidement. La performance n’est pas non plus grandiloquente, mais pousse quand même à remuer son popotin et chanter en yaourt les paroles. On en sortira frusté de ne pas avoir partagé un vrai moment live avec tous ces gens.

A la sortie, bouchon général : le site est sur-peuplé, entre les gens voulant changer de scène et ceux voulant sortir. Pendant ce temps là, Kodaline se poursuit sans nous. On se pose, nous, entre les deux scènes, dans une sorte de zone tampon sous les bois elle aussi entourée de stands restauration. Une proposition culinaire en tout cas diversifiée dans cette citadelle.

00h39, la motivation gagne enfin les troupes

Il faudra un Frah déchaîné pour sortir le public de sa torpeur. Shaka Ponk (photo) arrivera à faire remuer un peu plus le public de la grande scène, resté pour le groupe de rock français. Il lui faudra jouer les chauffeurs de salle, se jettant sans arrêt sur les premiers rangs. En clôture, Rone sera lui aussi à son meilleur niveau, pour un set qui tabasse, avec une sono de dingue. L'acoustique et le sound système des deux scènes du festival est au top, nos oreilles sont conquises. On lui décerne aussi le prix du plus beau pantacourt du festival. Un festival qui s’est vidé, beaucoup plus agréable à vivre, et avec des festivaliers motivés comme il faut. Manque de pot, fermeture des portes à 3h.

On pensait trouver un peu d'ambiance au camping en revenant. Mais l'endroit est mort, même à côté du bar 24/24 balançant un peu de son. On y prend quand même une dernière bière au bar et nous partageons un bon moment avec nos voisins de camp.

Jour 2. 11h23, Paye ta douche

La nuit fut à notre aise, ni trop chaude ni trop froide, mais avec un boucan pas possible dû au générateur électrique à côté de nous. On ira faire une toilette de chat au robinet, la queue de la douche étant plutôt longue ... pour un sésame à 2€ l'unité ! Un peu abusé quand le camping est déjà payant. Un café jus de chaussette plus tard, on se dirige vers le festival. Un petit train (photo) nous emmène en toute quiétude vers le début des hostilités.  

13h34, heureux comme un Ch’ti

Avant d’entrer dans la citadelle, on va d'abord se rassasier à l'extérieur : une fricadelle à une baraque à frites et une pinte à la buvette du club d'Arras. Sourires et convivialité épousent les traits du visage de ces gens du nord au soleil dans le coeur. On se pose dans le parc en face de la citadelle : calme, soleil et petite brise pour une portion de géant. Parfait. Direction l'intérieur du festival pour découvrir le rock classique et percutant venu de Liverpool des Circa Waves. Ca claque comme un bon Arctic Monkeys, avec l’énergie scénique et la fougue juvénile en plus.

16h02, Chill & pop

L'heure d'une sieste a sonné : la pop anglaise à suivre, c'est pas notre truc, de Twin Atlantic à Coasts. Un espace chill out (photo) s'est taillé une petite place, entre un barbier et des tatouages. Des tables de pique-nique y sont installées, mais pas un seul transat ou coussin. Pas vraiment de chill mais on pourra se reposer une belle heure dans l'herbe et au calme. Après un tour sur BRNS - qui nous rallongera la sieste de quelques minutes - on va sur la Main Stage pour Rival Sons.

L'ambiance est plutôt amorphe, les gens étant déjà positionnés pour Muse... dans 3h et ne prêtant pas trop d’attention pour ce qu’il se passe sur scène. Cela n'empêche pas Jay Buchanan et ses copains de balancer le bouzin, lui qui héberge plusieurs personnes dans son cerveau. Énergie rock qui contraste avec la pop mielleuse d'une grande partie de la programmation 2015.

20h02, Skip The Use lève enfin les foules

Les festivals, c’est leur deuxième maison. Alors un festival dans le Nord, région d’origine du groupe, on savait que Skip the Use (photo) seraient au rendez-vous. Et merci Matt Bastard : il réussit en quelques morceaux à bouger tout ce beau monde et à les retourner comme des crêpes. Il gueule, il saute, et nous entraîne dans sa folie. Voilà ce qui manquait au Main Square, de la folie. Un public bougeant de gauche à droite, dansant et sautant, il cisaille nos gambettes et on aime ça. Sans oublier un résonnant “la jeunesse emmerde le Front National” final.

Pour la suite, on aurait aimé voir Royal Blood devant la scène, on entendra seulement leur fougue rock’n roll de loin : rejoindre la Greenroom c’était perdre 20 minutes à transpercer péniblement une foule compacte, et oublier le fait d’être pas trop mal placé et d’espérer kiffer Muse.

21h47, Muse au talent

Tout à droite de la Main Stage, on se trouve un coin où l’on peut poser nos fesses sans pour autant être coincé dans la masse. La lumière s’éteint, et le dernier tube Psycho ouvre le show de Muse (photo). Le concert est un enchaînement des pépites rock du groupe, d’Uprising à Time is Runnig Out, montrant s’il était encore nécessaire le talent de Matthieu Bellamy. Le public a du répondant, mais peine à transformer ce concert en un pur moment de bonheur. Arrivera explosion de serpentins, confettis dans tous les sens... mais l’explosion humaine d’une foule en délire n’arrivera pas, énormément de gens préférant sortir leurs smartphones, quand d’autres l’ont constamment à la main.

Fin du concert, la guerre commence. On mettra plus de vingt minutes à faire 100 mètres pour rejoindre le coin bouffe entre les deux scènes. On entendra Charli XCX de loin, on n'aurait pas été contre faire nos biatch dessus mais pas envie de marcher La citadelle est sur-blindée, asphyxiée, assiégée. Moment détente tout de même : on prendra un bucket de poulet et rencontrerons des bretons exilés dans le nord. Un constat sort de notre discussion : pratiquement personne n'est bourré dans le festival, quand on peut observer la moitié des festivaliers être bien allumés à cette heure-ci partout ailleurs. Bière trop chère ? Beaucoup de gens qui rentrent chez eux ? Camping avec trop de restrictions ? Tout ça pèse sans doute pas mal sur la non-folie du festival.

00h42, la perf’ de Madeon

Comme la veille, l'ambiance se décante après le concert de la tête d'affiche. Moins de monde et enfin des gens qui dansent d'un bout à l'autre du festival. La performance de Madeon (photo) n’est sans doute pas étrangère à cette ambiance festival retrouvée. Il a à peine un poil au menton et nous fait bouger comme des dingues. Il saura jouer avec toutes les variantes que l’électro moderne connaît, sans atteindre le point de rupture Ibiza. On aura plus de mal avec Fakear, un peu trop planant pour un moment de la soirée où l’on aurait aimé décoller.

C’est avec des Anglais venus de Southampton qu’on partagera notre fin de soirée au camping, même si ce sont Wallons et Flamands qui ont passé en nombre la frontière. Même si l’ambiance n’est pas folle, on fera quand même pas mal de belles rencontres sur ce Main Square.

Jour 3. 11h34, la pluie s’invite

Réveil grisâtre et pluvieux. On ne pensait pas croiser madame la pluie, mais finie la canicule ! Des gens arrivent encore pour poser leur tente pour assister au dernier soir de concert. Le jeu en vaut la chandelle, effectivement. On retournera au bar du club de foot. "Alors ? Il est 13h30 ! Il était temps !" nous dira la patronne. Et deuxième tournée chez Jolivert, la baraque à frites du coin. Il se remet à pleuvoir, on profite un peu moins de ce moment gastronomique.

16h32, paroles à l’Afrique

Le premier concert de ce troisième jour sera étrange. 30 minutes de retard, un rappeur à la voix fausse, IloveMakonnen aura du mal à nous séduire. Au contraire, Tiken Jah Fakoly (photo) saura faire monter en nous les chakras de la danse africaine. On a compris comment kiffer un concert au Main Square, il faut aller jouer des coudes tout devant. Des paroles brutes, simples et efficace au nom de tout un continent, dans une ambiance des plus fraternelles. Dans les quatre premiers rangs, en tout cas. On va ensuite jeter un œil à Rudimental. Un peu tôt pour la drum'n bass ? Pas vraiment de veilléité à bouger son corps. La voix prend le dessus sur les basses, et comme d'hab ça s'agite tout devant sans bouger un pouce à ceux de derrière.

18h10, Iam la main sur le cœur

Ils feront chavirer nos envies. Et pour le coup, beaucoup viendront apprendre à l’Ecole du Micro d’Argent et l’Empire du Côté Obscur. IAM (photo) réussira la perf' de fédérer un public sous la grisaille pesante. Enfin du rap, papa ! Une belle heure de flow qui sollicitera la nostalgie et l’esprit samouraï des festivaliers, sans oublier un Mia détonnant pour un Akenathon en Sergio Tacchini style, la banane aux lèvres.

19h13, Samoussas saignants

Pour la suite, on fait le choix de la simplicité. Côté gauche de la grande scène cette fois, un bar et des toilettes à proximité, et tant pis pour Oscar et ses loups. On préfère profiter des lives jusqu'au bout sans se coltiner un bain de foule irrespirable. Ca ne sera pas forcement la meilleure des pioches pour Lilly Wood & Prick : des ballades pop, peu de motivation sur scène, le cocktail gagnant pour garder le Main Square dans son sommeil. Le premier "tube" viendra à la moitié du show, pour un 2ème acte plus incisif. Il est temps d'un dernier repas : direction les Caraïbes et ses samoussas et accras plutôt pas mal. Un stand pile au milieu des deux scènes. Vingt minutes d'attente où nos oreilles saigneront, tanguées en cacophonie entre Stay with me de Sam Smith sur la Greenroom et I will wait de Mumford & Sons sur l’autre scène.

23h06, Pharell Williams feat. Youtube

On reviendra sur la fin du concert de la Main, quelque chose d'efficace, mais pas trop à notre goût. On attend surtout le final, et mister Pharell Williams (photo). Moins de monde que la veille, mais un public toujours bien compact. L'Américain sera au rendez-vous : le public du Main Square, pas vraiment. Les gars jouaient sans doute à 1 2 3 soleil. Pourtant Pharell enchaîne les tubes, pour celui qui a rédéfini dans le dico le terme “tube”. Ceux qui ont fait tes soirées depuis 15 ans, de N.E.R.D. à ses collaborations (Snoop Dogg, Kendrick Lammar, Daft Punk…). Il faudra attendra Get Lucky et Happy pour que le public se réveille... Et sorte les smartphones pour filmer. Une armée d’écrans ! Dommage d'apprécier le concert de cette manière... Un dernier concert mitigé, entre joie d'avoir croisé un grand sur notre route et peine de se dire qu'on était très peu à bouger nos fesses ce soir.

Côté scène

Les ultra-bêtes de scène
Skip The Use, ils auront réussi l'exploit de mettre le feu à Arras

Le maître des platines
Madeon, un set intelligent et ultra bien ficellé

Incontournable
Muse, plus que des gars sûrs, un groupe immanquable

La découverte scénique
Lindsay Sterling, violon en chef d’orchestre pour live enivrant

Le coup de coeur
IAM, l’histoire du rap français devant les yeux

La confirmation nocturne
Rone, ça tabasse en règle sous la lune

Le manque de panache
Lilly Wood & The Prick, qu’on pensait beaucoup plus punchy en live

Côté festival

On a aimé :
- un cadre atypique et verdoyant, du camping à la citadelle.
- une sono d'enfer, rares sont les festivals à atteindre cette qualité.
- du choix niveau restauration dans le festival.
- bar 24/24 au camping, bières et américains inclus.

On a moins aimé :

- Beaucoup trop de festivaliers, la citadelle est invivable aux heures de pointes.
- Une ambiance très peu festive, et un public beaucoup trop sage. Et par pitié, stop les smartphones ! 
- 6,5€ la pinte dans le Nord ? Ch'ti pas content.
- Un camping un peu morose à 20€ les 3 jours, à 2€ la douche, avec une limite de canettes autorisées.
- Aucune déco, simplement des tables de pique-nique et stands de marques.
- Une programmation beaucoup trop pop anglaise et des concerts qui finissent trop tôt.  

Conclusion

L’aventure faisait rêver. Muse, Lenny Kravitz, Pharell Williams, peu de festivaliers leur diraient non. Mais nos trois jours furent d’un calme olympien, loin d’une ambiance festival chère à nos coeurs. Le Main Square a passé la dizaine, pour une 11ème fièrement affichée sold out. Mais à quoi sert de mettre des millions sur la table pour avoir en réponse un public en sardine sans la volonté de faire la fête ? A méditer pour la 12ème.

Récit de Morgan Canda
Photos de Xavier Schanen