Selon les 1833 festivals recensés par L’officiel 2018 de la Musique, la France est l’un des plus vastes terroirs de rencontres entre professionnels, journalistes et festivaliers. Et l’attaché de presse se positionne comme le pivot entre tous ces acteurs de la culture, à la croisée entre relations presse, accompagnement des journalistes, artistes, et bilan final. Quatre professionnels du secteur nous ont parlé de ce métier et nous racontre l'envers du décor.
Ophélie Surelle, attachée de presse sur le festival Les Nuits Secrètes pose le ton : “Être attaché de presse c’est comme si tu étais commerciale sauf que tu ne monétises pas ton objet.” L’essence du métier réside dans le fait de savoir vendre un projet, un festival, artiste ou société. “Les relations presse s’inscrivent dans une stratégie de communication. Tu dois vendre une information et la rendre intéressante pour tes cibles. Pour les Nuits Secrètes c’est toujours très agréable de vendre aux journalistes les parcours secrets qui font l’originalité du festival. Tu montes dans un bus sans savoir où tu vas, juste que tu vas voir des concerts secrets dans une église, un parc ou un musée, mais c’est la surprise”. Ophélie, qui a monté sa boite il y a maintenant 2 ans, propose ses prestations dans plusieurs secteurs de la culture. Musique, cinéma, ou arts graphiques, sa force de frappe est toujours la même, connaître son sujet sur le bout des doigts et développer des axes de lectures pour chaque média. “Un jour, je me suis retrouvée à un concert de rock pour voir les Triggerfinger. Après leur concert, je suis allée leur parler pour leur avouer mon mécontentement. Pourquoi n’étaient-ils pas assez connus ? C’est comme ça que j’ai commencé à travailler gratuitement avec eux pendant deux ans, et que j’ai découvert le métier d’attachée de presse.” Il n’est pas obligatoire d’avoir une formation spécialisée pour percer dans le métier, et c’est souvent l’expérience qui fait le curriculum vitae. Virginie Pargny, attachée de presse sur le festival Yeah qui se déroule chaque année dans le Vaucluse, a “fait une licence de médiation culturelle à la fac, ce qui veut un peu tout et rien dire, mais c’est surtout avec la pratique et les stages que je suis arrivée jusqu’ici.”
Ophélie Surelle, attachée de presse Les Nuits Secrètes
Delphine Diard, attachée de presse sur le festival Les Rencontres TransMusicales, est “née à un an près du festival Chalon dans la Rue à Chalon-sur-Saône, qui est un des plus grands évènements de théâtre de rue en France. Depuis toute petite j’ai accès à la culture et c’est venu presque naturellement dans mon parcours qu’il fallait que je continue à défendre ça.” Chacun à son parcours, tout comme Guillaume Duchêne qui est “ arrivé dans le milieu par la porte du chargé de production après avoir fait un premier stage en administration." Guillaume Duchêne est attaché de presse pour l’association lyonnaise Arty Farty qui s’occupe du développement des cultures indépendantes, fondatrice depuis 2003 du festival Nuits sonores "J’avais un profil qui touchait un peu à tout et connaissait bien l’équipe d’Arty Farty. Puis ils m’ont proposé de rejoindre l’aventure pour le poste d’attaché de presse. J'étais débutant, je n’y connaissais pas grand chose, mais en vue de mes initiatives j’ai progressé et pris un peu plus d'autonomie avec le temps.” Si nos autres attaché de presse sont indépendants et prestataires, pour Guillaume, être “responsable des relations média en interne permet d’être plus proche des projets dès le moment où ils sont pensés. On les suit de A à Z et on a des relations au quotidien avec toutes les équipes… Je ne dis pas que c’est mieux qu’être un indépendant mais en tout cas j’ai l’impression que ça permet de comprendre les idées à leurs naissance et peut-être mieux adapter la stratégie média.”
En amont du festival, un travail de petites-mains
Guillaume Duchêne, attaché de presse pour l’association Arty Farty organisatrice du festival Nuits sonores
Lors du festival, les missions d’un attaché de presse varient. Les Trans Musicales, qui fait partie des plus gros mastodontes de France, avec 400 journalistes présents en 2017, emploie plusieurs attaché-e-s de presse sur l’évènement. L’un est responsable des grands médias, l’autre s’occupe des journalistes étrangers et des stagiaires sont engagés pour les plannings promotionnels. Delphine Diard se charge de la presse régionale, web et de la partie partenariat. Cette dernière n’est pas rattachée aux fonctions générales d’un attachée de presse, mais de plus en plus de structures la demandent. Ici, on gère les conférences de presse et négociations de partenariats, en plus des accréditations, validation des plannings et interviews des journalistes. Mais avant de contacter qui que ce soit, il faut passer par la phase préparatoire entre ciblage des médias, dossier et communiqué de presse. Ophélie des Nuits Secrètes a son bagage d’expérience et comme tout attaché de presse qui se respecte, son premier outil reste son carnet d’adresse. “J’ai un fichier presse de 3000 contacts. Ce dossier est réparti en plusieurs catégories qui vont avoir elles-mêmes des sous-catégories. Par exemple, j’ai un fichier musique, et puis des sous-fichiers : rock, electro, etc… Ou encore un dossier Hauts-de-France et un autre Avesnois, pour les médias locaux et régionaux.” Cibler les journalistes est la première étape avant d’aborder les autres missions. “Ce qui compte c’est de donner la bonne information à la bonne personne”. Une fois que ce ciblage est fait, le communiqué de presse sera utilisé tout au long de l'année pour annoncer des changements de programmation, le lancement de la billetterie ou tout autre information, jusqu'à la date du festival.
Maillon fort entre artistes et professionnels
Virginie Pargny, attachée de presse sur le Yeah! Festival
Jusqu’alors derrière un bureau dans un travail de fouille et de contacts par mails ou par téléphone, c’est à présent sur le terrain qu’il gère le vif du sujet. Parmi les demandes des médias, on trouve essentiellement les interviews d’artistes et demandes de captations photographiques. “ En arrivant, le but c’est d’avoir ma liste d’accrédités et d’accueillir les journalistes physiquement et de les accompagner. Une fois que tu es sur le terrain tout est très compliqué. Notre rôle c’est de simplifier leur vie, avec une liste de contacts pour les artistes, en les aidant à faire leurs plannings, ou en trouvant des axes pour leurs questions...” assure Ophélie, des Nuits Secrètes. Même chose du côté de Virginie du festival Yeah, qui parle de “connexions” entre organisateurs, artistes et journalistes : “Courir de partout et faire des connexions entre tout le monde. C'est un gros travail de coordination. “
Mais parfois, les annulations de dernière minute viennent renverser le calibrage des plannings et peuvent bouleverser toute l’organisation d’un festival. “Dans ces moments-là c’est très compliqué." assure Virginie du festival Yeah. "Quand un artiste annule, nous on est déçu c’est sûr mais c’est surtout que ça chamboule tout le travail fait derrière.” Les contraintes ne sont généralement pas propres à l’attaché de presse et c’est l’un des plus gros inconvénients du métier. Dépendant de tout le monde, tout le temps, ce professionnel de l’entremise est tributaire de son équipe, de sa direction, des informations qu’on lui transmet et qu’il doit relayer … “Et puis, tu as les imprévus, relance Delphine Diard. Cela nous est arrivé l’année dernière sur les Trans Musicales. Premier jour de festival on apprend la veille le décès de Johnny Hallyday. Alors là, branlebas de combat, les journalistes qui devaient venir annulent leur venue, et nous derrière on doit annuler la promo des artistes qu’ils devaient interviewer, annuler leurs chambres d'hôtel pour certains, et puis se passer des retombées au niveau médiatique…”
Même si certains coups durs touchent directement le travail de l’attaché de presse, lorsque tous les astres coordonnent et que les vents de panique laissent place à la magie du festival, c’est un véritable moment de satisfaction qui submerge nos entremetteurs médiatiques. “Je me souviens d’une fois où on a fait jouer Acid Arab, c’était en 2014. J'étais à l’arrière de la scène, je regardais le concert et là Jean-Luc Brossard, notre directeur, nous a tous embarqué derrière la scène et toute l'équipe est arrivée, c'était un moment de fête incroyable. On se prenait dans les bras, toute la pression retombait... Ca restera un de mes meilleurs souvenirs de festival.” déclare enthousiaste l’attachée de presse des Trans Musicales.
“Le dossier de presse c’est un peu la bible du festival”
Delphine Diard, attachée de presse du festival Les TransMusicales
Une fois le festival terminé, l’attaché de presse retourne à son ordinateur pour la dernière étape de prospection et pour la rédaction de sa revue de presse. Comme l’explique Guillaume Duchêne "Il ne faut pas confondre dossier de presse et revue de presse. Le dossier de presse c’est un peu la bible du festival. C’est ce que l’on donne aux médias en amont, pour présenter le programme de l’édition : le choix des artistes, l’édito, les valeurs du festival, ses projets associatifs, ainsi que toutes les informations pratiques : couchage, prix, transports, restauration… La revue de presse en revanche, c'est ce qui se fait en aval du festival. Là le travail va être de répertorier tous les articles des journalistes sur l’édition passée, les vidéos et citations sur le festival... " Travail d’archivage, Ophélie Surelle “collecte les articles déjà sortis” et “rappelle les journalistes qui n’ont pas encore publié les leurs. Une fois que tous les articles sont rédigés, je réunis le tout que je classe et compile pour faire une jolie revue de presse.” Enfin, le dernier palier et pas des moindres est celui des remerciements. “Beaucoup de journalistes sont en situation précaire, car ils sont pigistes par exemple. Et ce genre de journalistes qui sont venus par leurs propres moyens, qui ont défendu le projet et qui ont pris du temps à t’écrire un article, il faut prendre le temps de les remercier.” conclut Delphine Diard.
Après des années à être le chef d’orchestre entre médias, artistes et organisateurs, d’autres métiers sont venus s’atteler à celui de l'attaché de presse. Le community manager, apparu à l’avènement des réseaux sociaux, s'empare de ces nouveaux espaces de communication pour federer des communautés virtuelles et attire d'autres formes de médias à s'interesser à l'évènement. “Avant les médias étaient très facilement repérables, car il n’y avait pas autant de supports médiatiques. Et il y avait moins d’évènements aussi. En général on envoyait un communiqué de presse par la poste avec un disque du festival et c'était réglé. Maintenant on se retrouve avec le digital et avec une explosion des médias, sur internet, papiers, radio, télé.” explique Delphine Diard avant de reprendre “alors on se met au niveau, et cette année, en plus de notre dossier de presse qui s’est concentré sur les 40 ans des Transmusicales, on a créé une “web app” Trans Music Maps. Cette application permet de voyager à travers toute la programmation depuis le début du festival, c’est innovant, ludique et très moderne et on espère attirer d'autres publics avec ça.”
Selon Guillaume Duchêne des Nuits sonores “les évolutions du métier s’adaptent aux évolutions du paysage médiatique. Mais même si les usages changent, notre métier restera toujours primordial pour un festival et plus globalement pour une structure culturelle.” L’attaché de presse est un socle d'échange entre professionnels, artistes et médias. Et même s'il connaîtra encore de nombreuses évolutions, celui-ci n’est pas prêt de disparaître.
Interviews : Léa Mabilon et Romain Jumeau
Crédit photo de couverture: MaMa Festival & Convention