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MDL Beast Festival ou les dessous du soft power saoudien

 Le festival MDL Beast s'est tenu du 19 au 21 décembre à Riyad, capitale de l'Arabie Saoudite. Localisation rédibitoire pour une communauté bien informée sur les dernières actualités du pays, notamment sur la politique Vision 2030 du prince Mohammed Ben Salman. Un important boycott a précédé le festival, mais n'a pas empêché celui-ci d'avoir lieu et d'attirer 400 000 personnes.

En vu d'une époque post-pétrolière, l'Arabie Saoudite tente avec son programme Vision 2030, lancé par Mohammed Ben Salman en avil 2016, de faire vivre le pays de la culture et du tourisme, pour ne plus reposer entièrement sur le commerce de l'or noir. Le festival MDL s'inscrit complètement dans ce programme culturel. Le festival promettait d'allier art, musique et culture sur 3 jours avec la crème de la crème. Il s'est offert David Guetta, Martin Garix et Afrojack, réunissant sur pas moins de cinq scènes des artistes électros locaux et internationaux. Le programme est alléchant, la com' a été faite à merveille, s'assurant le soutient de plusieurs influenceurs et personnalités publiques comme Alessandra Ambrosio, Ed Westwick ou Irina Shayk. Mais ce coup de com' n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd pour ceux qui se souvenaient de l'assasinat de Jamal Khashoggi, le 2 octobre 2018.

 Dans la presse et sur les réseaux, les critiques se sont faites entendre à propos de ce festival : il n'était qu'une des expressions du soft power saoudien pour faire avaler la pillule Khashoggi, journaliste du Washington Post assassiné et découpé dans l'ambassade saoudienne à Istanbul pour avoir tenu des propos critique sur le prince Salman. Pour beaucoup, l'image du pays, associée irrémédiablement à sa politique peu glorieuse en matière de Droits de l'Homme, ne peut pas s'éclipser derrière un festival électronique, aussi branché soit-il. La mannequin Emily Ratajkowski, par exemple, a refusé de participer au programme promotionnel que proposait le festival - une publication sponsorisée contre un pass VIP, une formule qui a permis de faire rentrer des brochettes de stars au festival. 

En matière des droits de l'homme, le pays a affectivement de quoi redorer son image. Si l'affaire Khashoggi dépassait l'entendement pour l'Occident et n'a pas pu être étouffé, le pays n'en est plus à son coup d'essai concerant la censure. De nombreux blogueurs et journalistes saoudiens ont été arrêtés et torturés pour leurs écrits, certains comme Raif Badawi, frolant la mort. Si le pays s'ouvre désormais au tourisme en délivrant des visas pour activer une nouvelle économie, auparavant le pays était clos et ultra-conservateur, exercant une véritable pression patriachiale sur les femmes, le hijab y étant obligatoire. La politique du prince Mohammed Ben Salman laisse à entendre que les lois semblent se détendre, mais il n'en est pas moins que 200 arrestations ont été faites suite au MDL, dont 120 pour tenues indécentes lors du festival. Les 80 autres étaient des arrestations pour harcèlement après la plainte de nombreuses femmes sur les réseaux sociaux. Le festival a été décrit comme un "festival d'aggressions sexuelles", plusieurs femmes affirment qu'elles ne pouvaient pas danser sans qu'on les touche. Probablement que l'ouverture que tente le pays vers l'extérieur n'est pas motivée par les bonnes raisons, car la cupidité n'a jamais marché main dans la main avec l'intégrité. 

Crédit photo : Huda Bashatah