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Les festivals devront baisser le son des concerts d'ici un an

Les festivals mais aussi les discothèques et les salles de concerts vont devoir diminuer les décibels de leurs événements après une nouvelle réglementation dont le but est de protéger l'audition du public. Des mesures déjà contraignantes pour les acteurs du milieu et le public.

Faudra-t-il demander à son voisin de droite de parler moins fort pour pouvoir entendre le prochain concert de metal comme il se doit au Hellfest 2018 ?

Un décret publié il y a plusieurs jours a annoncé les prochaines mesures à appliquer d’ici un an dans tous les lieux qui diffusent de la musique amplifiée. Faisant suite à un article de la loi Santé de 2016, visant à protéger l’audition du public, les lieux devront mettre entre autres à disposition des bouchons d’oreille gratuits, des zones de repos auditif et évidemment baisser le son.

Pour être plus précis, la limite de décibels fixée à 105 depuis 1998 doit passer à 102 décibels (le seuil de la douleur correspond à 100 décibels), en moyenne mesurée sur 15 minutes. On passe même à 94 décibels pour un public d'enfants de moins de six ans. Cela s’applique aux discothèques, salles de concerts et aux événements plein air qui n’étaient jusqu’ici pas concernés. Et qui dit événements plein air dit festivals. On ne va pas pleurer pour seulement 3 décibels, si ?  Pourtant si. Il faut savoir que l’échelle de mesure des décibels n’est pas linéaire : 3 décibels en moins c’est diviser l’intensité sonore par deux. C’est tout de suite plus frappant.

Des mesures contraignantes

Là où les discothèques peuvent baisser le potentiomètre, c'est «beaucoup plus complexe» pour les concerts, note Angélique Duchemin, coordinatrice nationale d'Agi-son, structure créée par les acteurs du spectacle vivant pour servir d'interface sur ces sujets avec les pouvoirs publics. Des «contraintes assez fortes» qui impliquent «des coûts supplémentaires» d'équipement pour les exploitants de salles et les entrepreneurs du spectacle ajoute-t-elle.

En effet, les endroits concernés devront afficher en continu le niveau sonore, l'enregistrer et tenir ces enregistrements prêts en cas de contrôle. Il faudra aussi, mettre à disposition des bouchons d’oreille gratuitement, informer le public sur les risques auditifs et créer des zones de repos avec un niveau sonore ne dépassant pas 80 décibels ou au moins alterner les décibels pour les petites salles ne pouvant pas mettre en place ce dispositif. Les organisateurs d'événements en plein air devront également effectuer des "études d'impact" pour évaluer l'effet du bruit sur le voisinage. Tout ceci a un coût auquel s’applique un risque de sanctions en cas d'infraction : une contravention de 1.500 euros, 3.000 en cas de récidive et la confiscation du matériel de sonorisation.

Des réactions immédiates

Pour Aurélien Dubois, le président de la CSCAD (la Chambre syndicale des cabarets artistiques et discothèques) et également président de Concrete, ce décret est “une aberration”. Inquiet pour la fréquentation, il déclare « C'est énorme, le public ne va pas comprendre. Le son, c'est l'ADN des grands clubs. Avec cette nouvelle réglementation, on va tuer la culture des clubs et des festivals, mais aussi les autres. Un concert de metal à 102 dB, ça n'existe pas. Des artistes refuseront de venir jouer en France à ce niveau sonore. Après les attentats, le tourisme festif et culturel est déjà en berne, si en plus on ne fait pas confiance aux professionnels, on va perdre tout le monde. Une bonne partie du public nous reproche déjà de ne pas mettre le son assez fort. Notre métier n'est pas compatible avec une diffusion à 102 décibels.” Il préfère cibler l’usage abusif du casque audio au quotidien“Je ne crois pas qu’aller une fois dans le mois à un concert ou dans un club pour écouter de la musique fort – des endroits où des bouchons d'oreille sont à disposition – soit plus dangereux qu’écouter de la musique à fond dans le casque tous les jours.”

«Moi je ne peux faire que plus fort, je ne peux pas faire moins fort», confirme Matthieu Rendu, ingénieur du chanteur colombien Yuri Buenaventura, dont l'orchestre compte des percussions et des cuivres produisant déjà un volume «extrêmement fort» sans amplification. «Et un public qui applaudit, qui hurle, ça va au-delà de cette limite»

 «Avec la batterie seule, on peut déjà être à 101 décibels» explique Joseph Gatineau, ingénieur du son pour le groupe Radio Elvis.  . «Mais un batteur, si c'est du rock, on ne va pas lui demander de jouer au balai...» ajoute-t-il.

Les professionnels ne sont d'ailleurs pas les seuls malheureux dans cette histoire, le public aussi.

Si l’initiative n’a pour but que de préserver nos oreilles, car il faut savoir que 6 à 8 millions de personnes sont touchées par des problèmes d'audition en France, selon l'association JNA, elle risque cependant de continuer de faire grand bruit dans le monde du son. Mais attention à ne pas dépasser les 102 en protestant…

Crédit photo : Solarine event's