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Dans un cimetière de navires, un festival de musiques électroniques pour sauver la mer d'Aral

Véritable désastre écologique causé par l'homme, la mer d'Aral formait jadis l'un des plus grands lacs du monde situé en Ouzbékistan. Devenu une terre désertique et aride, le festival Stihia est né au cœur d'un cimetière de navires échoués par la catastrophe, et se donne pour but la revitalisation du lac. 

En Asie centrale, plus précisément en Ouzbékistan, s'étendait autrefois le quatrième plus grand lac salé du monde, approvisionné par ses fleuves voisins Amou-Daria et Syr-Daria. En 1960, les Soviétiques décident de cultiver les steppes du lac en l'asséchant, de sorte à y planter des hectares de blé et de coton. Aujourd'hui, la mer d'Aral a perdu 75% de sa superficie, et seule une partie divisée elle-même en trois bassins distincts, tente de survivre en pompant sur des lacs environnants.  Dans un discours prononcé lors de la 72ème Assemblée générale des Nations Unies, le président Ouzbek Mirziyoyev appelait la communauté mondiale à prendre conscience de la gravité de cette catastrophe et à faire pression pour sauver ce lac à l'abandon. 

C'est donc par cette prise de conscience qu'est né le Festival Stihia, qui signifie "les éléments", niché dans un cimetière de navires à Moynaq en Ouzbékistan. Là-bas, des milliers de personnes ont dansé la nuit du 14 septembre, jusqu'au petit matin, au milieu de bateaux échoués, véritable monument de la tragédie d'Aral. Le but : sensibiliser riverains et étrangers à la dessiccation, procédé d'élimination de l'eau, et encourager sa revitalisation pour qu'il redevienne, espérons le, l'un des plus grands lac du monde. 

Images satellite réalisées par la NASA. 

Pour cela, les sons hypnotiques, répétitifs et transcendentaux de la musique électronique qui coordonnent parfaitement avec l'image que veut renvoyer ce festival. Dans l'ivresse des profondeurs, le rythme des basses se dirige inlassablement vers cette mer perdue mais adorée, faisant écho dans toute sa mysticité aux faiseurs de pluies que pratiquait jadis les tribus nomades. Dans une interview pour le Guardian, Otabek Suleïmanov l'un des organisateurs du festival s'enthousiasmait fièrement "Remplissons la mer d'Aral d'un océan de sons. Si nous ne pouvons pas la remplir d'eau pour l'instant."

Côté festival, tout a été mis en place pour fédérer le plus de personnes possible autour de cette belle expérience. À 14h, des navettes attendaient les festivals venant des quatres coins du monde, à l'aéroport de Nukus de sorte à arriver sur le site de Moynak vers 17h. Plats traditionnels de la région et possibilité de camping et d'hébergement étaient aussi de mise sur le site. Plus tard une visite était programmée dans un musée local pour découvrir l'histoire de la mer d'Aral tandis qu'à 18h commençaient les festivités. Des rythmes cosmiques de techno et d'électro accompagnait le coucher du soleil et cela sans interruption jusqu'au petit matin du 15 septembre. Niveau programmation, aucune grosse tête d'affiche mais des artistes internationnaux tels que la dj berlinoise Dasha Redkina, l'artiste HVL résident de Géorgie ou le duo Interchain originaire de Moscou. Et des artistes locaux comme le projet post-numérique du groupe Orgatanatos, l'artiste KEBATO, propriétaire de la plus grande collection de vinyle à Tachkent, capitale de l'Ouzbékistan, et enfin SHMN propagandiste actif de la musique électronique dans le pays. Témoin d'une véritable cause, l'évènement a ramené ce week-end jusqu'a 7.000 personnes originaires de la région ainsi que des dizaines d'étrangers venus défendre cette mer avec l'espoir d'un jour pouvoir la sauver. 

L'assèchement de la mer d'Aral devient un réel problème de santé publique. De la poussière remonte des fonds marins, contaminée par des pesticides, et respirée ensuite par les riverains lors de violentes tempêtes de sable. L'air est pollué, des espèces de poissons meurent chaque année et tout cela contagionne la population alentour. Terres arides, cancers et cas d'anémies en augmentation, dans cette région le cas de mortalité est l'un des plus élevé au monde. Si nous pouvons changer les choses par la musique, on attend alors avec impatience la prochaine édition de ce festival engagé et très audacieux. 

Crédit photo : Stihia Festival, AFP, Paul Bartlett