Zoom sur
Art Sonic : le succès d’un festival à taille humaine

Après un succès historique de son édition 2022, un sixième complet consécutif et la célébration de ses 25 ans, le festival normand Art Sonic sera de retour avec son château d'eau, son camembert, une nouvelle identité graphique magique, des gros noms du rap français, des lives explosifs et une boum géante. 

Le festival indépendant et associatif Art Sonic revient lever tout Briouze, petit village de 1500 habitants situé à une soixantaine de kilomètres au sud de Caen, fin juillet pour deux jours, avec une prog' qui mêle les genres, des stars nationales e internationales et des petites pépites de découvertes. 

Le vendredi on décolle sans moufter dans l'univers synthétique rétro futuriste de Kavinsky, on s'accroche aux punchlines incontournables de Dinos, on se laisse fondre par la drill mélo de Tiakola et la voix envoûtante de Zaho de Sagazan, on fait grimper la cardio avec la techno house de Joachim Pastor et la Mouse Party explosive de Mehdi Maïzi.  

Le samedi, on passera des headbangings avec le groupe punk rap Ho99o9, à la vie en technicolor avec Julien Granel. On échauffera nos semelles avec les “Bedroom Producers” lyonnais Trinix spécialistes de mash-ups, on va hurler tout notre seum à pleins poumons avec les Vulves Assassines, mais aussi planer avec le tandem Creeds, aux platines et au piano, accompagné de Helen Ka, au chant, pour une expérience frenchcore tout en douceur. On restera scotché devant la voix magnétique de Jeanne Added, le rayon de soleil Lewis Evans, le flow unique de Josman et les fusions punk/trap Youv Dee.

Au de-là des têtes d'affiche, le festival Art Sonic a à coeur de faire venir des groupes en plein envol. On aura donc la chance de savourer de belles découvertes comme le punk hardcore hypnotique du groupe Birds in Row de Laval, le garage surf rock du trio parisien Gurl, ou la pop du Flérien Alizar. Et les plus petits ne seront pas en reste à Briouze grâce au programme spécial et gratuit du samedi, Kid Sonic, avec le spectacle pédagogique d'Égo le cachalot et un DJ set groovy de Dj Bluff. 

Mais comment fait-on pour proposer une prog' alléchante et éclectique quand on veut rester un festival à taille humaine ? Nous avons discuté avec Xavier Carjuzââ, responsable de coordination et de communication sur le festival pour en savoir un peu plus sur les valeurs et les engagements de l'événement. 

Crédit photo : Heysoap

- Comment prépare-t-on une programmation au festival Art Sonic ? Quelles sont les guidelines que vous suivez ?

Xavier Carjuzââ : La programmation démarre dès septembre. Nous avons tissé une relation de confiance avec certains tourneurs au fil des années, qui connaissent bien notre festival, son succès et son accueil chaleureux. En général, on commence par les têtes d’affiche puis on compose autour pour varier les styles et avoir de jolis enchaînements tout au long des soirées. Depuis 2016, le rap est devenu incontournable en haut de l’affiche, comme ça a pu l’être chez nous dans le passé (avec Saïan Supa Crew en 2002, La Rumeur et Les Svinkels en 2005, Joey Starr en 2007). Il y a des cycles dans la musique, et le rap est clairement le tsunami de ces dernières années. On a pu accueillir à Briouze la crème de l’urbain francophone, parfois au début de leur ascension, avec par exemple le $-Crew, Damso, Caballero & Jeanjass, 47Ter, Lorenzo, Ziak, Vald ou encore Orelsan. La relève est assurée cette année par Dinos, Tiakola et Josman qui ont raflé 7 prix à eux 3 lors de la dernière cérémonie des Flammes. Ces récompenses nous confortent dans l’idée que l’on propose ce qui se fait de mieux en terme de savoir faire.

On retrouvera évidemment sur l’affiche 2023 d’autres styles avec une grosse présence du punk qui est notre ADN depuis toujours, avec notamment les Vulves Assassines ou les américains d’Ho99o9 qui ont récemment retourné la MainStage du Hellfest. Mais aussi de grands noms de l’électro avec la légende Kavinsky, Joachim Pastor ou le nouveau phénomène Trinix, et ce qui se fait de mieux sur scène en pop avec Jeanne Added, Julien Granel ou l’incontournable Zaho de Sagazan. Après les années ne se ressemblent pas. Parfois tu ne sais pas quoi choisir tellement il y a de propositions différentes, mais il faut avouer que c’est de plus en plus difficile de trouver des artistes accessibles et de sortir son épingle du jeu. Nous avons une dimension délicate. Art Sonic est le plus important festival de l’Orne, mais reste petits face aux grosses machines qui s’imposent face aux tourneurs. Parlons chiffres. Notre budget de programmation est d’environ 300K. Ça peut paraitre confortable mais tu es très limité quand une tête d’affiche française que tu aimerais sur ta prog' t'en demande maintenant un tiers, parfois les 2/3 pour venir jouer chez toi. Et je ne parle même pas des artistes internationaux. On en est là...

Crédit photo : Heysoap

- Quelles sont les grandes évolutions dans le secteur qu’il a fallu prendre en compte pour cette édition 2023 ? A quels types de problématiques le festival a dû faire face ?

Xavier : C’est un vaste sujet. On est confronté depuis quelques années à une augmentation croissante des cachets artistiques, pour ne pas dire une explosion. Sans parler des autres augmentations côté technique, ou celles qu’on connait tous de la vie de tous les jours. On nous avait promis qu’après le Covid les choses allaient s’arranger, que les cachets des artistes allaient être revus à la baisse. C’est plutôt l’inverse qu’il s’est passé. Pour te donner un exemple, si on regarde les précédentes affiches comme celle de 2018, il nous faudrait presque 3 fois le budget artistique pour pouvoir se l’offrir en 2023. Or notre budget de production et notre dimension n'ont pas bougé. On nous impose également beaucoup de choses côté sécurité, avec les coûts et la logistique que cela repésente. Heureusement, notre équipe a de l'expérience depuis toutes ses années, mais ça devient très compliqué d’organiser un évènement comme le nôtre. Je ne parle même pas de 2024 et des Jeux Olympiques sur lesquels nous n’avons aucune information précise, alors que l’organisation de notre prochaine édition va démarrer dans 2 mois.

- Le festival Art Sonic respecte des engagements forts en termes d’accessibilité tarifaire. Pourquoi cette volonté de rester abordable et comment la conjoncture actuelle ?

Ce n’est pas facile, il faut savoir que depuis plusieurs années il faut qu’Art Sonic affiche complet pour amortir l’ensemble de ses coûts de production. Mais nous sommes portés par des valeurs associatives fortes. Nous souhaitons qu’un maximum de festivaliers puissent s’offrir un billet pour notre festival, pouvoir venir en famille sans avoir à sortir un budget vacances. Cette année, nous avons préféré une programmation curieuse pour conserver un tarif raisonnable, le prix du billet est resté le même qu’en 2022. Mais il n’y a pas que le prix du billet ! Il y a aussi les consommations sur place, la restauration, le bar, le merchandising. Nous y faisons également attention, sans oublier nos offres gratuites (camping, cashless, transports, Kid Sonic). C’est possible de faire du local et de la qualité et de conserver des prix justes. Je vais prendre un exemple très simple qui a le mérite d’être concret. Il n’était plus possible de proposer les mêmes plats que l’on proposait l’an dernier au camping. On est parti sur des galettes saucisses et un concept de bar à salades, avec des légumes et fromages produits localement. C’est simple, bon, nourrissant, local, pas cher et écologique puisque beaucoup moins d’emballage et de transports.

Crédit photo : Loewen

- D’où vient cet amour pour le circuit court ? Comment le festival choisit ses fournisseurs ? Qu’est-ce qu’il faudra absolument goûter cette année à Art Sonic ?

Le circuit court existe depuis toujours chez nous. C’est une question de bon sens. Notre merchandising est fabriqué à Caen, nos supports de communication imprimés à La Ferté Macé et à Vire et labellisés Imprim vert et PEFC. Nos partenaires techniques (son et lumière) sont  presque tous normands. Bières, cidre, coca, viandes, plats végétariens, frites, fromages, glaces… Tous ces produits sont achetés en local et servis par nos bénévoles. Ça nous parait assez naturel de proposer des produits locaux, de participer à l’économie locale, surtout que nous sommes entourés par le monde agricole, pourquoi se priver ! Cette année on retrouvera évidemment le célèbre camembert Gillot au barbecue produit à 3km du site du festival. Mais aussi de nouveaux brassins spécialement préparés pour le festival par La Trotteuse (Saint-Brice-sous-Rânes) et La Chahuteuse (Argentan). Et toujours à prix doux !

Crédit photo : Heysoap

- Le festival a fait 6 fois des éditions à guichets fermés. Mais… pourquoi ne pousse-t-on pas les murs chez Art Sonic ?

La question c’est pourquoi devrait-on raisonnablement le faire ? On connait nos limites mais on sait aussi celles de vouloir toujours plus. La crise économique et écologique nous oblige plutôt à conserver notre dimension à taille humaine, et même à penser autrement notre organisation notamment au niveau des transports. Nous sommes également limités au niveau de notre accueil extérieur, au niveau du camping et des parkings. Notre site est très apprécié car tout y est concentré. Les premières tentes sont situées à 50 m de l’entrée du festival et à 200m des premières terrasses de café. Faire grossir le festival impliquerait de déménager, ce qui est impensable pour nous comme pour les commerces de Briouze. Nous voulons conserver notre dimension à taille humaine (10 000 festivaliers par jour), rester dans le coeur de la ville tout en conservant nos tarifs accessibles et notre camping gratuit... Mais ça demande des efforts. Je pense que notre succès est aussi dû à notre format agréable et à notre accueil familial.

Crédit photo : Loewen

- Le festival Art Sonic a toujours porté des projets artistiques et les a mis en valeurs, entre des chartes graphiques très ambitieuses, le mapping vidéo… D’où vient cette passion ? Comment sont recrutés les artistes et les collectifs qui sont mis en avant par le festival ?

C’est vrai que ces dernières années nous avons particulièrement travaillé notre image, de l’affiche en passant par des déclinaisons remarquées, nos teasers en motion design ou plus récemment notre aftermovie des 25 ans avec un joli travail effectué en post-production. Je dirais que ça a vraiment démarré avec les artistes Kazy et Freak City. Et ça c’est intensifié après la rencontre avec Tizieu, qui réalise nos visuels depuis 2019. Nous sommes très complémentaires dans les projets ambitieux que nous construisons et sur les objectifs qu’on se fixe, notamment dans des déclinaisons originales. L’an dernier tous les artistes de la programmation avaient été redessinés façon manga. Cette année nous avons travaillé une affiche réversible à découvrir dans ses versions jour & nuit, dans un univers qui fait référence à la cartomancie, aux images d’Epinal, avec énormément de détails et de références diverses. Nous sommes allés au bout du concept en proposant un jeu de tarot collector, avec des cartes entièrement habillées aux couleurs du visuel.

Pour le mapping, c’est une nouvelle proposition artistique, un moyen d’apporter une prestation supplémentaire à notre festival. Il faut savoir se démarquer. Le château d’eau est iconique chez nous, c’était un moyen de l’intégrer complètement au spectacle. C’est un investissement financier mais le résultat sera incroyable. Depuis plusieurs années, le château d’eau était habillé par une banderole géante offerte par l’entreprise Borney. Là, on passe un nouveau cap. Le mapping sera réalisé par We are Kraft, une équipe également ornaise spécialisée dans l'audiovisuel et l'événementiel. Le mapping va fonctionner toute la nuit, de 22h jusqu’à la fermeture du site. Les premières images que l’on a pu voir sont très prometteuses. Ça va vraiment sublimer l’expérience que les festivaliers auront du festival !

Le Festival Art Sonic se tendra les 21 et 22 juillet 2023, à Briouze, en Normandie. Les pass 2 jours avec camping sont disponibles à 70€ sur le site du festival. 

Crédit photo : Heysoap