On était à
Solidays : édition cuivre moustache

Après trois jours mi-parapluie mi-parasol à arpenter les scènes de l’hippodrome de Longchamps, Tous les Festivals vous sert un bilan non exhaustif du festival par ses reporters sur place.

Sold out avant l’ouverture, plus de 170 000 festivaliers, un record de 2 millions d’euros de bénéfice, le Solidays version 2013 fête avec brio ses 15 ans. Le festival organisé par Solidarité Sida se tenait le dernier week-end de juin : une affiche bien fournie (Guetta, C2C, -M-, The Hives, Wax Tailor …), trois jours de « mobilisation » contre le sida, et une ribambelle d’artistes qu’on avait envie de voir sur scène.

-M-, Breakbot, Bloc Party : un vendredi entre surprise et déception

Première bonne surprise : 5 min d’attente pour les navettes depuis Paris, et « seulement » 20 minutes pour entrer. Ça change des années passées, où ça pouvait se compter en heure. Pour commencer, Hyphen Hyphen sur la scène Domino. Le public est déjà surchauffé pour accueillir les quatre jeunes niçois pieds nus et visages peinturlurés. Une musique électrique, vibrante, et un groupe qui se la donne. Une vraie révélation scène, on attend leur premier album avec impatience. Les scènes sont éloignées entre elles, et il faut faire des choix. On entend des échos de Crystal Fighters et Skip & Die : beaucoup de festivaliers nous parlerons de la qualité de leurs concerts. Nous on choisit Breakbot. Mauvaise idée. Peu d’ambiance, sans doute victime de sa programmation à 21h alors qu’il fait toujours jour. Sa nonchalance nous ennuie. Son set ? Facile, avec peu d’inventivité dans le mix. Dommage car son électro-disco aurait pu enflammer les nuits du festival. On préfère bouger avant la fin.

Santa, Puss, Line et Zac forment Hyphen Hyphen / Crédit : Morgan Canda

Un petit tour par le Silent Disco (Dancefloor où tout le monde porte un casque pour entendre le mix), puis direction la grande scène et Bloc Party. Le son est bon, on apprécie. Mais le concert ressemble plus à une playlist Deezer qu’à autre chose. Sans pub, c’est au moins ça. Jeans, baskets, et chewing gum en bouche, le chanteur du groupe fait son job, secoue la foule sur Blanquet ou Helicopter, et puis c’est tout. La nuit tombe, la pluie avec elle. C’est l’heure de passer à table. On opte pour le kebab sauce Solidays: 7€ avec le supplément frites pas cuites. Installation du côté de la scène Bagatelle durant le concert de Saez. L’indigestion nous guète à écouter l’énumération un à un de tous les maux de ce monde, même si les guitares qui l’entourent envoient du gras.

La Mojo Party comme à la maison

Il est déjà minuit, et on reste sur notre faim. On croise C2C sur la grande scène en chemin pour la Mojo Party de -M-. Même s’il squatte toutes les affiches cet été, on est curieux de voir sa prestation en festival. On choisit d’ailleurs de louper 2 Many Dj’s, un déchirement. Tout droit sorti du Zénith de Paris, Mathieu Chedid débarque vers les 1h du mat’, 20 min en retard et balance : « Bon, ce soir on se fait un Jam, j’ai invité quelques potes ». S’en suit deux heures d’ivresse musicale improvisée, ”comme à la maison.” Une onde sensuelle avec le flow de Mc Solaar, auquel s’ajoute l’énergie éblouissante d’Izia et de Nash. Le final nous fait kiffer : on retrouve finalement les quatre de C2C venu mixer sur Mojo et Machistador. Un moment unique.

Le lendemain, on commence par un petit tour par le village des associations. Une tente géante rassemble au cœur du festival des bénévoles venus plaider leur cause. Pas seulement contre le sida, on retrouve par exemple Amnesty International ou Touche pas à mon Pote. Des pétitions côtoient des jeux ludiques et des happenings. Voilà un petit tour nécessaire d’une heure dans ce qui fait l’identité du Solidays. Après quelques sushis et du poulet des caraïbes de Montreuil au gingembre, on se dit qu’il serait temps d’aller danser un peu.

LilliBoy, chanteuse du groupe Deluxe, porte elle aussi la moustache

Le premier concert est une claque, Deluxe. (Bon, on a vu Tété avant, mais ça ne nous a pas laissé de souvenirs impérissables… ) On les connaissait de loin, ils nous ont transporté au plus prêt de leur son. Un look moustachu, des trompettes, et une musique qui envoie du bois. Pony, Mr Chicken ou Daniel font vibrer et suer les spectateurs. Un mélange de solo de cuivre, de basse et de rap pure souche, emmené par une voix féminine enivrante : une vraie recette à festival. La suite se passe sur la grande scène : les suédois de The Hives mettent le feu. Pas révolutionnaire, mais efficace. On nous fait passer le mot que Goose a tout déchiré sous le Dôme. Un passage au stand de bouffe du monde pour de la barback venu d’Argentine, une bière, et nous voilà de retour à la scène centrale pour Wax Tailor. Un vrai spectacle, en quatre actes, avec des musiciens, des featuring, et une mise en scène. Le « tailleur de cire » parle juste et mixe au millimètre, un DJ qu’on peut vraiment appeler artiste. 

Une nuit électrique à la Jungle Juice

La nuit tombe, l’ivresse se relève et le bordel s’annonce. C’est Parov Stelar qui lance la machine. Le bordel on vous a dit. Cléo Panther la chanteuse défoule les esprits, les cuivres ambiancent les jambes et les épaules, les basses assomment nos pauvres plantes de pieds. Manque que la moustache. Fin de concert, on se récupère. Au tour d’Asian Dub Fondation sur la grande scène. Pas de folie, rien de neuf par rapport à leur ancienne tournée. Leur musique reste dynamique, portée par leur « flûtebox », mais rien d’extra. La nuit électro peut commencer : les scènes Dôme et Domino resteront sous tension jusqu’à 5h. On retient surtout la Jungle Juice. C’est un peu la fièvre du samedi soir chaque année. Du Dubstep, de la Drum & Bass, des classiques remixés, des gros rappeurs black pour ambiancer. On l’épuise jusqu’au bout, et du coup pas de Para One ni de Surkin. Le retour vers Paris intamuros est une nouvelle fois rapide, des Sébastien Loeb moustachus ayant pris le volant des navettes. 

David Boring, Eurobélix et BB King composent le groupe Naïve New Beaters / Crédit Photo : Morgan Canda

Dernier jour, dimanche, et un réveil manqué. On arrive sur place vers les 16h, ça sent déjà la fin, même si les allées sont encore pleines. Des festivaliers continuent de faire le saut de l’ange, attachés à un élastique depuis une grue. Il nous faudra à terre près de 40 min pour glaner un délicieux wrap aux crudités. Niveau musique, le groove de Maceo Parker, entouré de ses saxophones, fait honneur au retour du soleil sur la grande scène. Les sonorités jazzy et funk résonnent contre les premiers dos déjà rouges. Asaf Avidan prendra la suite. Un bon moment pour faire la sieste. Entre temps, on a croisé de sacrés garçons. Seulement trois sur scène mais une énergie débordante : les Naïve New Beaters. Au milieu des palmiers gonflables, dans son costume de torero-inuit, le chanteur David Boring s’éclate, saute dans tous les sens et se fait très vite complice du public. Il fait chaud sous le chapiteau.

Tryo force la nostalgie du dimanche

Pour le couché de soleil, on choisit Tryo. Un concert très nostalgique, trop même. Ils ne font recette qu’avec leurs « vieux » morceaux, La Main Verte ou Désolé pour Hier soir, et s’offre même un medley de 6 chansons de leur tout premier album. Un bon moment, même si Mali, Manu, Guizmo et Danielito sont loin de leurs anciennes prestations. Django Django enchaîne : les quatre écossais façonnent un son métallique et électrique ultra envoutant. Peut-être trop d’attente de notre côté pour trouver le concert génial, mais l’ambiance est là, et fait bouger les festivaliers du dimanche sur Firewater ou Default

David Guetta clôturait l’édition 2013 de Solidays / Crédit : Céline Martel

Pour le final, on y va à reculons. La présence de David Guetta divisait. Surtout en clôture de Solidays, qui nous avait habitué à plus fédérateur (Manu Chao, Tikan Jah Fakoly, -M- …). Bon, nous, on est parti au bout de trois chansons, le style « Ibiza grosse machine laser dans tous les sens je lève les bras pendant les transitions de mes chansons » n’étant pas trop à notre goût. Le DJ s’est même permis des sortes de karaoké sur Blur et Bruno Mars. Pour autant, Guetta a fait scène (presque) pleine, a ramené un autre public moins habitué des festivals, et a permis à Solidays d’être sold out en 2013.

 

Côté concerts

La claque :
Deluxe. Ca swing, ca cuivre, ca rap et ca envoie du lourd.

Les bêtes de scène :
Naïve New Beaters. Look déjanté, énergie affriolante, ambiance assurée.

La surprise :
-M- et sa Mojo Party. Spectacle unique, un vrai moment de musique.

Le gros qui assure :
Wax Tailor. Plus qu’un DJ, un vrai artiste pour un show ultra original.

La révélation :
Hyphen Hyphen. Electrique, vibrant, source de jouvence pour l’avenir. A suivre.

La déception :
Breakbot. Trop tôt, mix trop simple et immobilité nonchalante mortelle.

Le final commercial :
David Guetta. Ibiza ne rime malheureusement pas avec Solidays. 

Côté festival 

On a aimé :

- Un service de bus de jour comme de nuit impeccable.
- Des bénévoles avec le sourire jusqu’à 5h du matin.
- La Jungle Juice. C’est le classique du samedi soir qui marche tous les ans. Un peu éméchés, on danse toute la nuit.
- Le « Die-in » organisé le Dimanche après-midi, où tous les festivaliers se sont allongés pour 5 min de silence contre le sida. 

On a moins aimé :

- Le prix des consommations. Le demi de bière à 3,5€, un minimum de 7-8€ si l’on veut manger correctement. Au total, un festival assez cher pour profiter à fond.
- Le temps d’attente. Des stands souvent débordés, sans parler de la queue pour les toilettes et le distributeur de billets.
- Un rendez-vous très « parisien » qui n’a peut-être pas le parfum « festoch’ » que l’on pourrait espérer

La conclusion

Comme depuis 15 ans, Solidays mobilise. Et trouve toujours du monde pour soutenir la cause. Des classiques qui reviennent tous les ans et qu’on aime retrouver, toujours quelques déceptions, mais de vraies bonnes surprises niveau artistes comme Deluxe ou Naïve New Beaters. L’ambiance est chaleureuse même si elle manque un peu de piquant. Pas de doute, on reviendra l’année prochaine : Solidays est incontournable dans le paysage des festivals.

Récit et photos : Céline Martel et Morgan Canda