On était à
L’écrin de verdure du festival du Poupet

La légende dit que pour aller à Poupet, des ruisseaux tu devras traverser, des collines tu devras gravir, et le panneau “Bienvenue en Vendée” tu devras rencontrer. Perdu dans la verdure choletaise, le festival en est à sa 29e édition et, particularité, s’étale sur tout un mois, à raison de deux ou trois artistes par soir. Tous les Festivals est venu y picorer quelques soirées.

Jour 1. 20h30, Retour vers le futur avec Benjamin Clementine

Pour cette première journée au Poupet version 2015, on arrive tranquillement au Théâtre de Verdure de Saint-Malo des Bois. Presque debout sur un tabouret très haut, les mains frôlant son piano à queue, l’Anglais Benjamin Clementine (photo) a la tâche, habituellement lourde, d’ouvrir ce mois d’hostilités. L’allure humble, un peu perdu sur sa grande scène, le chanteur et pianiste scotche pourtant rapidement l’audience avec sa voix grave et ses gestes lents. Le temps semble s’arrêter, les spectateurs clignent des yeux devant un artiste qui semble tout droit venu du passé. L’artiste effectue un coup de maître, sa nouveauté et son aura éclipsant presque Asaf Avidan, pourtant tête d’affiche ce soir-là.

21h54, Le prix de la graille

Boxs de poulet ou pâtes pour 3€, sandwiches saucisse ou jambon beurre pour 3€, Américain pour 5, les prix sont raisonnables sans être l’affaire de l’année non plus. Les frites remportent toutefois haut la main le test frites/mayo, avec de vraies frites coupées à la main pour 2€. Côté boissons, le demi est à 2,50€, le coca à 2. Tous les achats fonctionnent avec un système de jetons. A noter, l’existence de demi-jetons pour 50 centimes, permettant d’éviter d’arrondir les prix à l’excessif.

22h45, Asaf Avidan, un peu trop sage

Tête d’affiche du soir, Asaf Avidan (photo) s’est bien calmé depuis l’époque où, en juillet 2011, il réclamait à grands cris du whisky sur la scène des Vieilles Charrues. Depuis, il a fait une pause avec ses “Mojos” et se produit en solo. Seul, mais pas tout à fait, car quatre musiciens l’accompagnent sur scène. Le chanteur est toujours aussi possédé par sa musique, sa voix atypique enrichissant son univers complètement perché, mais le show est un peu trop millimétré. Asaf reste quand même le seul artiste à caser tranquillou un glockenspiel dans son set, et à avoir un roadie qui ne porte pas de pantacourts.

Jour 2, 21h30, Status Quo met Poupet KO

Retour sur place le 8 juillet presque une semaine plus tard. On a laissé passer Yannick Noah, Calogero, Patrice ou encore Florent Pagny. Le rock, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Cela fait plus de 50 ans que Status Quo (photo) se produit sur scène, et pourtant ils ont toujours des têtes de gamins heureux de faire leur premier concert. Après la courte prestation de Charles Pasi en 1ère partie, honnête mais traditionnelle, les gens commencent à danser avant même que le groupe n’arrive sur scène. Francis Rossi, le chanteur, collectionne les blagues sur leur ancienneté. “Alors, ça c’est une chanson qu’on a faite dans les années 30...40...50…70 ?” Contrairement à d’autres groupes du même âge, lassés de rejouer les mêmes chansons, Status Quo n’a pas oublié son public et joué ses célèbres In the army now et Whatever you want.

On avait prévu de venir assister à la fameuse soirée “Poupet Déraille Face B”, avec au programme Fatal Bazooka, Moussier Tombola et Bob Sinclar. Mais le travail en décida autrement. On ne doute pas du bordel occasionné.

Jour 3. 21h32, Bob Dylan, prévoir des jumelles

Beaucoup n’attendait que lui, même si sa soirée n’était pas complète. Mais première douche froide : “Nous n’avons pas l’autorisation de diffuser sur ces écrans les images du concert de ce soir”. Pas de smartphones, pas de tablettes, pas d’appareil photo, et pas non plus d’écran géant pour le concert de Bob Dylan. Une initiative grandiose pour les puristes de “l’expérience”, qui l’est sans doute un peu moins pour ceux qui ont payé 79€ et se retrouvent sur le côté, à plisser les yeux pour essayer de distinguer l’homme au chapeau sur scène. Des consignes pour recréer un contact avec le public ? Pas vraiment, car Dylan n’a lâché ni un bonjour, ni un merci ni un au revoir de tout le concert. Une attitude qui l’a fait frôler les huées avant un court rappel, après un set d’1h45 toutefois. Il est difficile de le juger sur la prestation, chacun ayant une relation personnelle avec ce monument de la musique. On trouve dommage qu’une occasion de voir un musicien tel que lui soit gâchée par une attitude plus que limite.

22h12, Le théâtre de Verdure se découvre

Comme on est un peu déçus par la prestation de Dylan, on en profite pour vous décrire un peu le cadre. Car le festival de Poupet peut déconcerter d’abord, à s’étaler comme ça sur un mois. C’est à l’intérieur ? A l’extérieur ? Sur de la pelouse ? Il n’y a que des vieux ? Point du tout. Au coeur de la vallée de Poupet se tient un grand chapiteau à deux pointes, couvrant une scène de taille respectable. Le public est assis soit sur des gradins en bois, soit debout, sur une pelouse synthétique qui descend en pente jusqu’à la scène. Cela crée l’effet d’un “mur de public”, rapporté par plusieurs artistes. Les concerts d’une même soirée sont généralement du même style, ce qui évite à des publics un peu trop différents (cf. Fatal Bazooka vs. Véronique Sanson) de se croiser.

Jour 4, 21h03, Ezra, la tête d’ange

Retour sur les lieux deux jours plus tard pour un petit gamin anglais. Le décalage voix/apparence de George Ezra (photo) surprend toujours. Une voix très grave qui sort d’une bouille d’ange, qui chante pour son meilleur ami et nous parle de son road trip aux quatre coins de l’Europe. On adhère totalement, le public un peu moins, clairement ici pour The Do. Le jeune (22 ans !) Anglais reprend même un titre de Bob Dylan, glissant avec un sourire qu’il se demande si le chanteur reprendra une de ses chansons un jour. On a nos doutes, vu notre expérience du musicien quelques jours plus tôt.

22h30, Olivia Merilahti, le petit chaperon gris

The Dø (photo) attaque tout de suite avec On my shoulders, leur titre phare. La foule répond du tac au tac, enchantée de voir enfin ceux qu’elle a attendus tout le début de soirée. La scène est très belle en gris bleuté et rouge, avec des sortes de cheveux d’anges tombant du plafond. Sous sa pèlerine grise, Olivia Merilahti ressemble à une apparition, ses transes étranges et sa voix aigue assurant le côté excentrique du duo. Au-delà de la musique, on est surtout frappés par la ressemblance entre Dan Levy et Johnny Depp. On savait que tu ne nous quitterais pas comme ça, Johnny.

Jour 5, 20h45. Feu! Chatterton se prend un vent

Véronique Sanson et la Famille Chedid ayant fait chanter le théâtre quelques jours plus tôt, nous revenons de ntre côté pour les nouveaux talents de la chanson française. Mais quand le courant ne passe pas, il ne passe pas. Feu! Chatterton sont accueillis poliment, mais comme on dit dans le public : “C’est tristounet hein !” On a l’impression d’écouter un Bénabar sous anxiolytiques, “Je t’ai toujours aimée” en fait pouffer certains de rire et lorsque la musique s’adoucit, on se rend compte du brouaha des conversations. Le groupe comme le public est un peu mal à l’aise, chacun cherche une sincérité quelque part. On a beau essayer, parfois ça ne passe pas, malgré toute la bonne volonté du monde.

22h15. Fauve, les diamants bruts

Le problème technique, il est tellement souvent là qu’il fait partie du collectif.” Un problème technique qui sera l’occasion de faire connaissance, et de tenter un petit blind test avec le public. Des petites coupures de courant qui stressent un peu le chanteur, ce qui lui vaut un câlin collectif du groupe. On avait vu Fauve (photo) à Rock en Seine, en 2013, alors qu’ils n’avaient pas encore sorti Vieux Frères, leur premier album. Depuis, ils en ont même sorti un deuxième, et ont bien huilé leur show. Quentin Postel hurle tes angoisses adolescentes jusqu’à la dernière, sans jamais perdre en musicalité et en rimes. Le set de Fauve est cathartique, on en ressort avec l’envie de shooter dans tous les cailloux et de mordre dans la vie.

Jour 6. 21h02, Le punk n’est pas mort

Dernier jour dans l’entre de Poupet. Pour tout vous avouer, on les avait un peu oubliés. No One is Innocent (photo) fait pourtant partie du paysage rock français, rangés quelque part sur une étagère de notre mémoire entre Trust et Les Béruriers Noirs. No One est pourtant sur les routes pour défendre son 6e album, Propaganda, avec autant de fougue qu’en 1994. A Poupet, les crânes dégarnis à la manière du chanteur Kémar Gulbenkian sont nombreux, et retrouvent leur jeunesse en sautillant dans tous les sens. Le punk rock du groupe est toujours efficace, et sa joie d’être sur scène fait plaisir à voir.

22h30, Des singes un peu fatigués

On a l’impression qu’ils ne se sont jamais vraiment arrêtés, de toujours voir leur nom sur telle ou telle affiche, de souvent les croiser en festivals. Et quand on voit l’énergie qu’ils déploient sur scène, on se demande comment ils font. Depuis le succès de The Geeks and the Jerkin’ Socks en 2011, Shaka Ponk (photo) a sorti deux albums, et même fait une pause. Si, on vous le dit. Pourtant, la setlist s’en trouve raccourcie, Frah et Sam sont moins aguicheurs qu’avant, un peu moins “dedans”. L’énergie et la communion sont là, mais sur des chansons que le public connaît moins. On se console avec Wanna get free, Sex Ball ou I’m picky, mais on regrette la sincérité de cette époque sans doute révolue.

Côté concert 

L’évolution fulgurante 
Fauve, des petits mecs un peu timides aux lions qui balancent leur énergie à la face du public

Le coup de coeur d’un autre temps
Benjamin Clementine, sa voix chaude et grave nous emportant au début du XXe siècle

Les vieux qui en ont toujours sous la pédale
Statuts Quo, la pêche et le sourire toujours au rendez-vous

Le vieux qui devrait s’arrêter
Bob Dylan, une expérience au goût amer

Côté festival 

On a aimé :
Les frites maison
La gentillesse des bénévoles
Le cadre tout vert, tout naturel
Les toilettes propres et dans un petit bâtiment

On a moins aimé :
Le site un peu saturé lors des concerts complets
Les côtes un peu raides pour accéder et repartir du festival

Conclusion

Les grandes stars du festival de Poupet, ce sont ses bénévoles, remerciés spontanément par quasiment chaque artiste. La séparation de la programmation en une multitude de soirées permet de choisir son thème, d’éviter les frictions entre des publics trop différents, et de faire durer le plaisir. D’un festival, Poupet a le cadre extérieur, les Ecocups et les américain/frites. D’un concert, il a la qualité et l’intimité.

Récit et photos : Liv Audigane