On était à
 Garorock, mains en l’air, pieds dans la boue

Le rendez-vous était pris une fois de plus pour se rendre dans la Plaine de la Filhole à Marmande. Malgré d’importantes intempéries, le public était présent pour un festival avec des ambitions toujours plus hautes. On vous raconte notre garo version 2017. 

Jour 1. 17h38, douche froide

Ce sont sous des averses à répétition que nous arrivons dans la commune de Marmande en ce vendredi 30 juin. La météo n’a pas menti, en plus des trombes d’eau que déversent le ciel, les températures sont peu clémentes et les bourrasques de vent sont à deux doigts de nous faire perdre nos tentes. Après s’être arrêtés dans l’un des nombreux parkings aux quatres coins de la ville, nous prenons l’une des navettes qui passe toutes les 20 minutes et nous dépose juste à l’entrée du festival. La pose des bracelets est fluide, un peu d’attente pour rentrer au camping, mais rien comparé aux 4h d’attente de la veille. Mauvaise surprise : la dark météo des jours précédents à transformé le camping en immense champ de boue : il faut néanmoins s’installer dans l’une des sept zones indiquées par des drapeaux. Pas mal pour se repérer et retrouver les copains!

20h13, divines vocalises

Il est temps de se rapprocher du son prometteur que l’on entend au loin. Une ouverture au fond du camping permet d’arriver directement sur l’entrée du festival. C’est donc les jambes déjà couvertes de boue que nous passons la fouille réglementaire pour pénetrer dans le deuxième immense champ de boue de la journée. Et il va vraiment falloir prendre son mal en patience, car les violentes averses sont loin de s’arrêter, et il n’y a absolument aucun moyen de s’abriter sur le site, à part en s’enfermant dans les toilettes chimiques disposées en plusieurs points sur le contour. Même avec un bon K-way, les pluies sont trop fortes et c’est donc dès le début de soirée que les festivaliers sont trempés et transis de froid. Nous nous réconforterons en écoutant la voix magnifique et puissante de Beth Ditto (photo). Celle-ci, loin de se laisser impressionner par le mauvais temps, parle avec son public, enlève ses chaussures par solidarité et nous offrira une performance vocale au top et aussi notre premier coup de coeur du weekend.

22h23, on a failli s’endormir

Il est plus que temps d’aller faire le plein sur nos bracelets cashless à la Garobank pour ensuite se prendre une grande binouze. Les bars sont assez nombreux et plutôt bien répartis sur l’ensemble du site, avec peu d’attente, mais toujours et irrémédiablement sous la pluie battante. L’inflation a touché le festival, avec une pinte de kro 1€ plus chère que l’an passé, pour atteindre les 6 balles. Et puisqu’on a vraiment besoin de réconfort, on penchera plutôt pour la pinte de 1669 blanche à 7,50€. On avale également à toute vitesse un cornet de frites bio à 3€ pour retourner ensuite devant la scène de la Plaine pour aller secouer nos capuches ruisselantes sur le rock de Foals (photo). Pas de chance, le groupe a prévu des chansons douces pour ce vendredi soir. Pas de pogos de fou furieux, même pas de sauts dans la boue. Le calme du concert combiné à la digestion nous tire des bâillements alarmants. 

On bouge. On navigue donc comme on peut jusqu’à la scène du Trec pour voir Little Big. Et là c’est tout le contraire : un set particulièrement explosif, des gens nombreux, entassés qui poussent dans tous les sens, ça a le mérite de nous tirer de notre torpeur. Le groupe est en pleine forme, nous joue leurs classiques et offre même un nouveau morceau. Sympas ces russes!

01h23, un ciel de Bretagne

Nous nous redirigeons vers les scène siamoises situées au bout du site : les scènes de la Plaine et de la Garonne sont collées l’une à l’autre et fonctionnent en alternance, pour un enchaînement sans accroc. C’est avec une curiosité certaine que allons voir jouer Kungs. Mais c’est finalement Diplo que nous voyons arriver sur scène, il semble donc que les deux artistes ont échangé de plage horaire au dernier moment. Le célèbre DJ fédère et il réchauffe l’atmosphère glaciale en enchaînant les tubes. La Plaine se transforme alors en immense club à ciel ouvert, avec des jeux de lumières imposants. Vient ensuite le jeune DJ Kungs, qui succombe à la lourde tâche de poursuivre après le gros succès du dinosaure. Il ne fait clairement pas le poids et, à défaut de trouver un abri pour souffler deux minutes, nous décidons de rentrer au campement aux alentours de 3h, trempés jusqu’aux os et frigorifiés, alors que les concerts sont loins d’être finis. On peut constater que l’ambiance du camping de Garorock est toujours aussi mouvementée la nuit, année après année, et ce peu importe le temps qu’il fait..

Jour 2. 11h34, système D

On se réveille dans l’humidité ambiante du second jour de festival. On se tente une expédition vers les sanitaires en dure du camping (photo), situés près de l’entrée de celui-ci. Bien mal nous en prend, il aurait fallu un radeau, ou bien des bottes de pêcheurs à la rigueur. L’espace est complètement inondé et aucune mesure n’a été prise par l’organisation du festival pour y faire face. C’en est trop, on quitte le camping, ses stands et ses animations pour aller dans Marmande boire un café et acheter des lingettes. Les chaussures de rando ne suffisant pas à protéger nos pieds désormais dégueu, on décide d’aller s’acheter des bottes pour avoir au moins les pieds au sec pour la deuxième soirée. Pas de chance, quelques milliers de festivaliers ont eu la même idée et au bout du troisième supermarché dévalisé, on se décide à acheter des sacs poubelles et du gros scotch. Les commerçants de la ville réagissent avec beaucoup de gentillesse et de bienveillance face à l’armée de mort-vivants qui viennent pourrir les rayons de leur magasin avec la boue attachée à leur pas.

19h38, Garo’glissade!

Après avoir grignoté sur le pouce, nous repartons en périple pour aller découvrir les artistes du samedi soir. Les averses ayant été plus rares et moins fournies en cette deuxième journée, la boue est désormais collante et nous manquons de perdre nos chaussures à chaque pas. On découvre qu’aucune mesure non plus n’a été prise sur le site des concerts pour éponger et rendre l’endroit plus vivable. Quel dommage quand on sait que d’autres grands festivals savent anticiper et s’adapter à ce genre de problèmes, en faisant venir de la paille ou du sable… On voit passer avec espoir quelques remorques de copeaux, qui sont déversés uniquement aux points de passage des camions. Tant pis pour nous visiblement ! On se dirige vers le concert de La Femme (photo), pour un son qui résonne bien new-wave. le concert est sympa, mais sans plus, autant écouter l’album au chaud. On entreprend un petit tour au Garoclub, qui est une scène beaucoup plus petite, en face des grandes scènes et réservée exclusivement à des set de DJ. Mais l’endroit est clos, les gens s’entassent, on s’enfonce encore plus dans la gadoue, alors on fuit, vite.

23h08, girl power

On retourne se fondre dans la foule devant London Grammar et on découvre la douceur et le talent des jeunes britanniques. Tout comme la veille avec Foals, on a donc droit à un bon moment de calme et de mélopée mélancolique et envoûtante. On savoure la voix d’Hannah Reid à travers la qualité optimale du système sonore des grandes scènes. C’est donc l’esprit relaxé et détendu que l’on s’avance vers M.I.A. Pour notre plus grand bonheur, c’est un show magistral que nous découvrons sur scène : l’artiste militante et engagée nous présente une scène habillée d’une grille en référence à sa chanson Borders. Le groupe est habillé d’orange, rappelant étrangement la tenue des prisonniers aux USA. M.I.A. est d’une générosité extraordinaire, elle chante, danse, ne cesse pas un seul instant de bouger. Des allers retours au sein même du public - tout le premier rang aura pu lui serrer la main - la toucher, la porter. Elle invitera même un bon nombre de femmes à venir sur scène danser à ses côtés, et pour chanter son génialissime titre ‘bad girls’. Lorsque l’on connait un peu cette artiste et sa démarche artistique, on ne peut être qu’impressionné par l’énergie déployée. C’est LE concert qui fait du bien, qui fait oublier la pluie, la boue, le froid et la mauvaise humeur.

01h43, ouh la gadoue!

C’est encore avec le sourire aux lèvres et le bonheur dans nos ptits coeurs que nous attendons la suite avec le DJ Vitalic. L’avantage de Garorock, c’est que vu que les grands noms se côtoient sur les deux scènes jumelles collées, nul besoin de parcourir les hectars du site pour apprécier les têtes d’affiches. Et quand on a dix kilos de boue accrochés à chaque chaussure, on est bien content de pas avoir à trop bouger. Pour le deuxième soir consécutif, le site se transforme de nouveau en immense club où les gens tapent du pied et sautent. Quitte à être crade, autant le faire jusqu’au bout ! Le set a été mené de main de maître du début à la fin, Vitalic étant une valeur sûre du monde de l’électro. Nous restons aussi pour autre grand nom, Mr Oizo, pour un concert tout aussi bien géré. La fatigue nous rattrapant, nous rentrons dormir sur les coups de 3h30.

Jour 3. 14h45, au calme, et au sec!

Troisième jour de festival, mais premier jour sans une goutte de pluie, ce qui est un véritable soulagement pour les dizaines de milliers de campeurs. Nous retournons nous promener dans la charmante ville de Marmande. Une nouvelle initiative a pris forme en cette année 2017 : l’association des commerçants de la ville a décidé d’établir en partenariat avec le festival un coin chill dans un parc municipal. Et quelle bonne idée ! Un espace baptisé Garozen avec du café, des viennoiseries, des boissons soft et fruits à croquer sont en vente à prix vraiment raisonnable. Des tables et des chaises sous des tonnelles, des chaises longues et même des séances de réflexologie et de méditation sont à la disposition du festivalier. Le tout avec une ambiance sonore à un volume reposant pour nos oreilles qui sont bien trop sollicitées le reste du temps. L’initiative, qui n’a pas rencontré un franc succès le samedi à cause de la météo capricieuse, a bien évidemment été très chaudement accueillie dimanche, car elle répondait à une demande de plus en plus croissante des festivaliers des éditions précédentes. Ce petit coin chill après les épreuves vraiment difficiles du weekend ressemble vraiment à un petit paradis qui nous permet de nous ressourcer un peu avant d’attaquer la dernière soirée.

18h57, c’est l’heure du goûter

De retour sur le camping, on voit même pointer à l’horizon trois ou quatre rayons d’un soleil timide. Il ne nous en faut pas plus pour aller se jeter sous la douche, même si elle est collective, froide et à même le bitume encore vaseux. Ce petit épisode frais fini de nous requinquer et nous décollons donc sur-le-champ vers les concerts. On arrive sur la fin de Milky Chance, groupe de rock allemand pour changer. C’est parfait pour se mettre dans le bain : une très jolie voix et quelques riffs plus tard, nous sommes d’excellente humeur pour aller onduler sur l’électro suave et psychédélique de Petit Biscuit (photo). Ce jeune homme au visage angélique nous transporte tant par sa musique que par sa gentillesse et son positivisme. On l’avait découvert l’année dernière sur la petite scène du Garoclub et son bonhomme de chemin l’amène aujourd’hui sur la même scène que les plus grands. Il rayonne visiblement de bonheur et nous vibrons avec lui.

21h28, le tour du propriétaire

Le dimanche soir est toujours un peu plus calme que les autres soirs sur Garorock, veille de lundi oblige. On se faufile donc jusqu’à l’espace food trucks, traditionnellement posé juste à côté de l’entrée, et on se décide assez vite sur un bagel végé à 7€ pour un résultat tout à fait satisfaisant. On se balade ensuite rapidement voir les animations mais il s’agit finalement des mêmes que d’habitude, Garorock restant extrêmement fidèle à son aménagement, année après année. Parfait pour les nouveaux ou ceux qui aiment la routine, mais peut provoquer l’ennui chez les habitués. On peut donc reposer nos guiboles et s’asseoir par terre car ô miracle, la terre a suffisamment séché pour accueillir nos postérieurs. On regarde donc de loin le concert de Mac Miller qui s’enjaille devant une foule bien moins dense et beaucoup plus agréable à vivre que les soirs précédents. On reconnait la qualité de l’artiste qui sait habiller une scène de sa propre présence physique et vocal. Devant le groupe de jeunes hommes BCBG Her (photo) qui joue sur la scène du Trec, un peu isolée des scènes siamoises, on retrouve le temps de quelques chansons pop notre âme de midinette.

23h03, bouquet final

La fin se fait sentir et on n’a pas l’impression d’avoir assez profité. Alors on fait un dernier tour un peu partout, au Garoclub notamment, qui finit de sécher tranquillement. On tombe sur Pouvoir Magique sur lequel on reste danser un peu. L’enclos est vraiment sympa quand les conditions y sont à peu près viables, avec son propre petit bar et son coin toilettes. Et pour le dernier temps fort du festival, on fonce vers la scène de la Plaine pour prendre notre dernier bain de foule en furie. On prend notre dernière baffe avec Justice, qui n’ont pas perdu de leur superbe avec les années. Un flot ininterrompu de jeu de lumière et de sons pour une apothéose. Toutes les conditions sont enfin réunies pour passer un vrai bon concert, un peu tard du coup et c’est bien dommage. Double raison pour profiter jusqu’au bout, à savoir une heure du matin, avant de quitter doucement les lieux et rejoindre le camping où les plus acharnés continueront jusqu’au petit matin. Cette année les festivaliers laisseront une plaine de la filhole en charpie en plus de la (très mauvaise) habitude de laisser des tonnes de déchets trainer à travers l’intégralité du camping.

Le Bilan

Côté scène

La claque
M.I.A., absolument jouissif.

La bonne surprise
Beth Ditto, une voix comme ça en live ça fait du bien aux oreilles.

Le ptit gars qui monte
Petit Biscuit deviendra grand

La déception
Foals, on voulait du gros rock qui tâche…

Les valeurs sûres
Justice, Vitalic et Mr Oizo. On prend pas trop de risques avec ceux là.

Côté festival

On a aimé :
- La programmation. A Garorock, toujours au top.
- Le Garozen : l’initiative à poursuivre, absolument.
- La disposition des points stratégiques du site : la situation des scènes, bars, toilettes et espace food truck optimale.
- Un bon choix en ce qui concerne la nourriture et la boisson.

On a moins aimé :
- L’absence totale d’anticipation ou même de prise de décision squant aux inondations. Le festivalier peut prévoir bottes et K-way, mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire face au désastre. De la paille ou même tout simplement du sable aurait été salvateur.
- Le camping et le site du festival manquent cruellement de spots poubelles.
- Le prix des pass qui augmente sans que la qualité de l’accueil des festivaliers ne suive.

Conclusion

En 21 ans d’existence, Garorock n’a jamais cessé de voir plus grand, pour accueillir un public toujours plus large pour une programmation toujours plus ambitieuse. Mais attention à ne pas sacrifier l’esprit et l’âme du festival sur l’autel commercial : continuez de nous surprendre et d’entretenir la cohésion et convivialité entre festivals, qui rend Garo comme un événement incontournable dans notre agenda.

Récit et photos de Solenne Guellier, avec Thomas Véro