On était à
Chorus épisode 1, le parvis de toutes nos envies

Pour la troisième année consécutive, retour sur le bitume du parvis de la Défense pour le festival Chorus et ses deux weekends de découvertes. Et ce n’est pas les tardives giboulées de mars qui vont arrêter notre folle envie de recommencer la saison des festivals.

Jour 1, 16h37, TGIF !

En ce vendredi, patron a offert l’après-midi. Direction le parvis de la Défense pour profiter du before du Chorus ! Après les deux voire trois fouilles et palpations réglementaires orchestrées par les cerbères postés à l’entrée, place à la musique avec Broken Back (photo) qui ouvre cette vingt-huitième édition du festival. Ce premier concert est gratuit, mais il est encore tôt et la foule n’est pas encore au rendez-vous. Qu’à cela ne tienne, Jérôme – au chant et à la guitare – et Sam – aux percussions – qui composent le groupe Broken Back sont heureux d’être sur scène et de jouer dans ce cadre intimiste. Peu à peu la fosse du Magic Mirror gagne en spectateurs. Après une bonne demi-heure, Broken Back termine son set par Happiest Man On Earth, son premier single réclamé par quelques aficionados.

19h40, le “rock-in-chair”

Mais la vraie soirée d’ouverture dans toute sa splendeur ne commence qu’à la tombée de la nuit. C’est au début du concert de Dionysos (photo) qu’on passe à nouveau les portes du Magic Mirror. A notre surprise le lieu s’est transformé en deux heures. Le parterre de l’avant scène est rempli à ras bord de chaises et le public sage et bien installé devant Mathias Malzieu qui semble livrer une sorte de one-man show. Surpris, on se renseigne auprès de nos voisins qui nous dévoilent que c’est les artistes qui ont demandé cette configuration particulière et un public restreint pour leur show de ce soir. On se retrouve donc un peu en retrait, coincés entre la régie et l’entrée de la salle derrière un public qui sautille désespérément sur son siège comme ligoté face à des pulsations extrêmes. Il finira par protester en bondissant de sa chaise dès les premières notes de Jedi, tube emblématique du groupe mais devra se rasseoir pour supporter un slam sauvage du chanteur en 2e partie de la soirée. Un peu saoulés, on profitera de la fin de concert pour faire l’état des lieux du festival.

21h04, l’afterwork prolongé

On découvre ainsi un nouvel espace bar dans le genre “saloon” à côté du Magic Mirror, parfait pour s’abriter quelques instants du vent et déguster une première Grolsch, à 6 euros tout de même, avant de rejoindre la grande scène et la non moins fameuse frange de Lou Doillon. Nous sommes un peu perplexes de découvrir une scène bien “nue” sur laquelle on ne retrouve aucun effort de déco ou de mise en scène. Le concert se fait dans la pénombre, à la seule lumière de quelques lampions de fête foraine sauvages pendouillant du plafond. C’est une belle ambiance intimiste pour un concert tout en douceur. Le public flâne et papote petit verre de rouge à la main. Il faut dire que la fête ne tape pas son plein et que l’apéro semble s’allonger à la Défense. .

22h21, lâcher de fauves

Et ça ne va pas davantage prendre de peps lors du concert de Pain Noir. L’ambiance prend des allures de fin de boum, on est à deux doigts des fatidiques slows avec l’amoureux de 6ème B. D’ailleurs des couples s’enlacent et se bécotent et les corps tanguent sous les paroles mélancoliques des comptines electro-folk suaves du groupe clermontois. Nous, on est plutôt à deux doigts de la sieste. Mais ça, c’était sans compter sur l’hyperactivité quasi-animale d’Izia (photo) qui nous attend sur la grande scène, décidément très féminine ce soir. La diva à l’éternel poum poum short sautille de part et d’autre et nous fait rapidement tomber les manteaux et secouer nos queues de cheval sur des airs que ne nous connaissons même pas. Ce soir on aura découvert une des rares artistes qui plutôt que d’être déconcertée par un micro qui rend l’âme en plein live, le prend comme un challenge et poursuit son concert en acapella comme si de rien n’était et nous fait frissonner jusqu’au bout des orteils. Conquis nous sommes, en transpiration aussi.

23h20, vous reprendrez bien une pilule ?

Alors qu’une partie du public s’apprête à quitter les lieux, elle est attirée comme par hypnose par le rythme des percussions qui détonnent au Magic Mirror. Sur scène, Maestro et trois personnages tout droit descendus de la DeLorean de Marty qui ne tournent pas autour du pot et prennent à coeur leur mission de nous faire danser de façon incontrolable sur leur post-punk kitsch qui pourrait s’apparenter à un David Bowie complétement saoul dans un bar underground de Manchester. Ouais, rien que ça. Et pari réussi en plus !

00h38, il n’est pas encore l’heure de la plage

Le thermomètre ne cesse de perdre en centigrades alors nous sommes pressés de retrouver la plage tropicale des Naive New Beaters (photo) sur la grande scène en cloture de soirée. Mais à notre grande surprise, pas de palmiers gonflables ni de flamants roses improbables sur la scène, juste quelques lumières vertes qui transforment les musiciens et leurs nouveaux costumes de scène en iguanes. Le public s’est à moitié évaporé du chorus et l’immense espace du chapiteau manque de chaleur et d’engouement. Une apparition surprise d'Izia pour un Heal Tomorrow en folie ramènera un peu de chaleur mais il est loin le concert délirant des parisiens aux Soirs d’Ete 2014. Bah alors le public, vous êtes fatigués ?

Jour 2. 18h30, soirée orient’élektro sous la pluie

En ce deuxième jour de festival, le public ne semble pas pressé. On entâme la soirée avec l’electro alternative de Stamp (photo), la relève d’Ez3kiel. Ces 5 parisiens nous emportent dans leur musique sombre et entrainante, portée à merveille par une Saz électrique, sorte de luth kurde qu’on a rarement l’occasion de voir sur scène, et des visus psychédéliques. Un groupe qu’on n’avait encore jamais eu l’occasion de voir et qui réussit à conquérir le public dès les premiers riffs. On est dedans et on les suivra de près.

19h10, Odezenne, trop zen



On se déplace sous le chapiteau pour une des scènes montantes du rap bordelais, Odezenne (photo). Malheureusement nous ne savons pas trop sur quel pied danser, à mi-chemin entre le rap hipster et le rap nouvelle génération, les deux rappeurs se balancent leur lyrics entre eux et ont du mal à chauffer le public. On notera tout de même la qualité du son et de leur flow, même si on à l’impression d’écouter l’album sur d’énormes enceintes. Le duo se réveillera sur la fin et le public en sera ravi, pour notre part on reste sceptiques. L’italie est également à l’honneur ce soir avec Aucan, formation de deux artistes aux multiples facettes musicales. Leur musique électronique progressive et hypnotique, mêlant techno progressive et rock trash, peine elle aussi à nous redonner un coup de boost. Pourtant, on ne peut leur reprocher technicité et entrain : ils se donnent à fond, enregistrant clavier, percussion, voix et guitare en direct, le tout samplé ensuite pour balancer leur son.

20h25, Thylacine hallucine

Pauses ravitaillement et soulagement s’imposent mais c’est stupéfaits qu’on aperçoit une queue de plus de 20 mètres pour accéder au saint Graal : les toilettes. La situation restera chaotique toute la soirée. Nous retrouvons donc les mêmes lacunes que l’année dernière du côté de l’orga qui a encore visiblement mal jugé la quantité de houblon qui allait être déversée dans leurs toilettes chimiques ce soir. Côté nourriture le seul et unique stand du festival nous aguiche avec ses sandwichs américains pour la “maudite” somme de 10€, comme dirait l’autre. Au visuel, le sandwich vaut son pesant de cacahuètes, malheureusement les saveurs n’y seront pas vraiment. Côté musique, arrive le set d’un artiste qu’on attendait avec impatience ce soir. Découvert déjà l’année dernière au Chorus sous le chapiteau magique, Thylacine squatte cette année la grande scène armé d’une scénographie digne des plus grands. Malgré quelques petits problèmes techniques et une dent de sagesse qui l’aura fait baver pendant ses solos de saxophone, l’angevin nous fera voyager pendant tout son set parfaitement maitrisé. Rien à ajouter, on retournera le voir avec grand plaisir.

22h04, Worakls et ses copains

Joachim Pastor entre en scène sous le Magic Mirror, armée de sa techno groovy, bien lourde, de quoi faire remuer les popotins dans le public. Ce parisien, membre de Hungry Music, collectif composé de Worakls, N’To et lui-même, nous entraine sur ses mélodies électroniques pendant 50 minutes pendant lesquelles l’ambiance ne redescendra jamais. Du plaisir en barres. On enchaine directement avec Worakls Band, le célèbre DJ est accompagné de 3 violonistes, pour son live. Allier grosse basse électronique et instruments à cordes ? Rien n’est impossible quand on est face à ce prodige. Malgré quelques phases un peu longues, l’ensemble est propre, envoûtant, quasiment hyponotisant, digne d’une bonne BO de film épique. Qui à dit que la Philharmonie de Paris ne pouvait pas s’inviter sur le parvis de la Défense

00h05, un fakir qui manque de tours de magie

Cotton Claw (photo) les gagnants du prix Chorus 2015 sont de retour sous le chapiteau. Quatres as du pôtard qui envoient un son électronique bien jaugé. Malheureusement le passage de Worakls aura éssouflé le public, le chapiteau se fait un peu vide et l’ambiance n’y est pas vraiment. On notera tout de même l’évolution du groupe qui s'accompagne d’une nouvelle scénographie très réussie. En cette fin de soirée où l’ambiance est déjà bien retombée, Fakear arrive sur scène accompagné de ses musiciens, c’est décidément une mode au Chorus. Et ce n’est pas lui, pourtant tant attendu, qui réussira à nous refaire bouger. Pourtant on a peu de choses à reprocher musicalement parlant mais pour une fin de soirée, on aurait apprécié un son plus péchu.

Jour 3, 18h10, Du chill au soleil

On commence ce dimanche en douceur avec Robert Glasper Experiment, fraichement débarqués du Texas. Quoi de mieux pour commencer une après midi en musique qu’un jazzman au piano accompagné de musiciens tout aussi impressionnants que lui ? On écoute avec plaisir malgré un surplus d’autotune sur les vocals et une ambiance plus que terne. On se réveille après cette pause jazz avec le son de Tiwayo, groupe de rock parisien à l'allure rétro, autant dans les choix vestimentaires que dans le choix des instruments. Une bonne guitare qui tache, un clavecin digne des tubes rocks des années 70... Le groupe enchaine ses sons ponctués de quelques belles reprises.

19h50, are you ready to get funky ?

Ce soir les artistes les plus attendus ce sont bien General Elektriks. Des artistes hors du commun qui nous en mettent plein les oreilles. Un punk à chien au xylophone/batterie, un funkman pailletté à la basse, mêlent le rock électronique à la funk avec brio. Hervé Salters en tête du groupe n’arrêtera de nous impressionner durant tout le show : mais diantre, comment est-ce possible de jouer du piano en sautant dans tout les sens ?! La grande scène est en extase.  

21h45, c’est pas du rap c’est de la musique

A l’heure du dîner ce soir, on se laisse tenter par une tartiflette à 8€ et une bonne Stephanus, célèbre bière Gantoise, à 4,50€ le demi tout de même. Conclusion : oubliez l’américain, plongez vous dans les éfluves de fromage savoyard ! La barquette de patates à peine engloutie, on speede pour voir La Yegros, chanteuse argentine à l’énergie intarissable. On a rarement vu le chapiteau aussi bondé. La cumbia résonne jusqu’aux os portée par la superbe voix de Mariana. La recette parfaite pour amener le soleil sud-américain dans nos oreilles.

Du côté de la grande scène, on peut dire que les jeunes BigFlo & Oli jouent désormais dans la cour des grands : scénographie vertigineuse, écran géant et un DJ dans les cieux, leur meilleur pote Wawad, champion de france de beatbox. On avait hâte de les revoir et on sait pourquoi, ces deux petits savent mettre l’ambiance et emporter le public dans leur délire.

23h02, Jain dans la vague métissée

Après cette bonne séance de rap français, c’est dans une toute autre ambiance qu’on découvre la ravissante toulousaine du nom de Jain. Sa voix baigne dans un océan de douceur quand elle s’adresse au public puis nous scotche par sa puissance lorsqu’elle se met à chanter portée par une pop électro aux influences africano-orientales. Seule au milieu de cinq écrans dont les visuels intriguent et font voyager, la jeune chanteuse a réussi à remplir le Magic Mirror à craquer. On a du mal à avancer mais ça ne nous empêchera pas d’apprécier le moment partagé avec cette artiste si prometteuse.

23h45, le pouvoir de la voix

Arrêtez tout, balancez cette guitare qu’on ne saurait voir, rangez votre batterie à la cave et planquez ce violon sous votre lit, il est temps de se mettre au gospel ! Un genre tout aussi efficace pour mettre l’ambiance et pourtant bien plus bluffant. En cette fin de weekend, le grandiose Faada Freddy et ses quatre acolytes de chant nous téléportent au seul son de leurs spectaculaires voix. La chaleur revient dans la grande salle malgré le retour de la pluie battante avec cette performance hors du commun. En reprenant le métro en direction du centre parisien, on sait déjà que la mélodie de We Sing in Time nous trottera dans la tête jusqu’au prochain rendez-vous musical.

Le bilan

Coté scène

Les gars à suivre
Stamp et leur saz hypnotique

La bête de scène
Izia, l’enfant sauvage

Le mou du genou
Fakear qui a perdu du punch

La confirmation
General Elektriks, de plus en plus déglingués et ça fait du bien

La claque
Faada Freddy, comme quoi 5 voix suffisent

Côté festival

On a aimé :
Un festival sans prétention et un public très mixte, détendu et à l’écoute de nouvelles découvertes
Le Magic Mirror, une scène intimiste toujours aussi accueillante et esthétique
Une décoration en extérieur très travaillée cette année. Notre fil Instagram apprécie.
Les concert gratuits de l’après-midi sans pourtant perdre en qualité de programmation
L’arrivée de la Stephanus, les fins zythologues apprécieront !

On n'a moins aimé :
- Des prix qui sont toujours un peu à l’image qu’on se fait du quartier de la Défense : vertigineux.
Le manque cruel de toilettes qui nous crispera plus d’une fois
Pas d’eco-cups cette année, au delà de l'appauvrissement de notre collection de gobelets de festivals, l’écologiste en nous a mal.
Une scénographie plus que simple pour certains concerts, laissant transpirer un froid étrange.

Conclusion 

En ce premier week end du festival Chorus, on peut dire que tous les artistes ont bien répondu à nos attentes. Toujours autant de belles découvertes musicales et de rencontres humaines sur le bitume des Hauts-de-Seine, un rendez-vous immanquable du début de la saison des festivals et un réel coup de coeur de notre équipe.

Récit et photos de Kilian Roy, avec Anja Dimitrijevic, Jaufret Havez et Laura Bruneau