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La taxe streaming, une bonne nouvelle qui devrait rapporter 15 millions d’euros en 2024 à la filière musicale

Le gouvernement a annoncé le mercredi 13 décembre une taxe sur les revenus des plateformes d'écoute de musique en ligne dès 2024. L'objectif est de financer le Centre National de la Musique créé en 2020.

Après un vote positif du Sénat en novembre, le Gouvernement a annoncé mercredi dernier la mise en place de la taxe streaming. L'épilogue d'un combat qui dure depuis plus d'un an entre les pros taxe streaming d'un côté et les "anti-taxe" de l'autre parmi lesquels on retrouve, sans surprises, entre autres Apple, Deezer, Meta, Spotify, YouTube et TikTok qui préférant une contribution volontaire autour de 14 millions d'euros pour l'année 2025. Cette proposition a été affirmée de nouveau mercredi dernier à travers un communiqué commun avant l'annonce officielle du Gouvernement sur la taxe.

Ainsi, la contribution fiscale des plates-formes de streaming par abonnement et des plates-formes gratuites de partage de contenu sera « d’un taux de 1,2 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France », a annoncé le Ministère de la Culture dans un communiqué. « Les plates-formes ayant un chiffre d’affaires de moins de 20 millions d’euros ne seront pas assujetties », est-il encore précisé. Ce qui devrait être le cas de la plate-forme Qobuz par exemple. Elle « devrait rapporter 15 millions d’euros » l’an prochain, a annoncé le Gouvernement vendredi, et probablement plus dans les années à venir.

La taxe financera directement le Centre National de la Musique

L'objectif affiché de cette taxe est simple : financer le Centre national de la musique (CNM), une instance placée sous tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication créée en 2020 pour soutenir la filière musicale française, à l’instar du CNC pour le cinéma. Il prend la suite du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz. Jusqu’ici le CNM est principalement financé par les entreprises du spectacle vivant. Cette taxe sera directement redistribuée par le CNM.

Comment est financé le Centre National de la Musique ?

Le CNM repose aujourd'hui sur trois ressources : une taxe sur la billetterie des spectacles, une participation de l'Etat pour couvrir les frais de fonctionnement du CNM et contribuer aux soutiens transversaux, et une aide des organismes de gestion collective des droits. Jusqu'à maintenant c'est essentiellement le spectacle vivant qui participe le plus au financement du budget du CNM. Un secteur pourtant touché plus longuement par la pandémie. A noter que ce sont les musiques actuelles et de variétés uniquement qui doivent s'acquitter de cette taxe, les musiques classiques ou lyriques s'acquittent de la taxe sur les spectacles d'art dramatique, elle aussi à hauteur de 3,5% sur la billetterie. Le vendredi 15 décembre le conseil d’administration du CNM a d'ailleurs adopté le budget 2024.

Le financement global de ce budget 2024 repose à la fois sur des ressources pérennes et sur la mobilisation de ressources exceptionnelles. Les ressources pérennes sont prévues à hauteur de 80,3 millions d'euros :

- 32 millions d'euros de produit de la taxe sur les spectacles de musique et de variétés, dont le rendement prévisionnel prend en compte l’indisponibilité de certaines grandes scènes en amont et durant les Jeux Olympiques et Paralympiques,

- 27 millions d'euros de subvention pour charge de service public, versée par le ministère de la Culture,

- 3 millions d'euros de contributions des organismes de gestion collective (SACEM, ADAMI, SPEDIDAM, SCPP, SPPF), partenaires du CNM et de la filière,

- 2,7 millions d'euros d’autres recettes affectées

-  et 640.000 euros de ressources propres.

​"Ce budget intègre également un complément de financement pérenne de 15 M€, en cohérence avec l’adoption prochaine du Projet de Loi de Finance 2024 et l’instauration d’une taxe sur le streaming gratuit et payant" détaille le site du Centre National de la Musique.

Les champs d'intervention et d'accompagnement du Centre National de la Musique 

Ce budget a donc pour objectif d'accompagner le secteur, en particulier grâce à ses aides dites sélectives. Ce vendredi, les moyens d'interventions ont aussi été validés par le conseil d'administration. Elles représenteront 66,7 millions d'euros et seront réparties comme suit :

- 2 millions d'euros à destination des auteurs et autrices / compositeurs et compositrices,

- 9,8 millions d'euros pour la production de spectacles,

- 17,7 millions d'euros pour les salles et festivals,

- 8 millions d'euros pour la musique enregistrée,

- 2 millions d'euros pour l’édition musicale

- et 400.000 euros pour les disquaires. 

Ces dispositifs sont complétés par des aides transversales vers l’ensemble des professionnels, à hauteur de 26,8 millions d'euros, notamment pour le soutien aux transitions et au rayonnement international de la filière.

"En plus de ces aides sélectives, le Centre National de la Musique assurera la gestion en 2024 de 25,5 millions d'euros de droits de tirage pour accompagner les investissements dans la production de spectacles et poursuivra le déploiement du plan pluriannuel de transition des salles et festivals (« plan lieux ») à hauteur de 29,6 millions d'euros" peut-on lire sur le site interne du CNM.

Les festivals financent aussi le Centre National de la Musique

A travers la taxe sur les spectacles de musique et de variétés les festivals contribuent aussi au financement du CNM. La taxe sur les spectacles de variétés est perçue à hauteur de 3,5 % sur les recettes de billetterie (hors taxes) ou sur le montant des contrats de cessions (hors taxes), dans le cadre de représentations gratuites ou à billetterie gratuite. Il est prévu que cette taxe rapporte autour de 32 millions d'euros en 2024.

Concrètement, lorsqu'un billet est vendu à 52,75€ TTC, soit 50€HT, 1,75€ sont versés à ce titre au CNM. Cette taxe est donc uniquement dédiée au spectacle vivant qui la paye seul depuis la création du CNM.

Comment le Centre National de la Musique aide les festivals ?

Le CNM a plusieurs dispositifs pour accompagner les festivals. L'aide aux festivals est le principal dispositif : "Elle vise à soutenir les festivals évoluant dans un cadre professionnel, contribuant à l’intérêt général de la profession et présentant une certaine prise de risque artistique et économique" explique le CNM. 156 festivals se sont fait accompagner à travers cette aide d’après le rapport d’activité 2022 pour un montant total inférieur à 4,5 millions d'euros. 

Concrètement l’aide aux festivals est attribuée par une commission composée à la fois d’artistes, de producteurs de spectacles de toutes tailles, d’organisateurs de festivals de toutes tailles et de professionnels issus de métiers de la technique et de la communication. L’aide demandée ne peut excéder 10% du budget prévisionnel du festival et est plafonnée à 200.000€. Les critères d’attribution sont détaillés sur le site du CNM. La commission s’est réunie 5 fois en 2023 pour attribuer cette aide.

L'aide aux diagnostics accompagne aussi certains festivals, tout comme l'aide à l’investissement. "Ce dispositif a vocation à soutenir des investissements, programmés dans le cadre d’une stratégie systémique de transition et de développement durable, contribuant à l’évolution du modèle économique et/ou à la modernisation des lieux de diffusion du spectacle vivant de musique et de variétés" détaille la plate-forme du CNM.

A noter qu’en 2022 le Fonds exceptionnel d’accompagnement à la reprise d’activité du spectacle vivant musical et de variétés a aussi bénéficié aux organisateurs de festivals et de concerts.

Une taxe qui stabilise le financement du Centre National de la Musique

L'annonce de la taxe streaming est donc une bonne nouvelle pour le financement du CNM et par son intermédiaire pour les projets qu'il va soutenir. Comme l'a rappelé Pascal Nègre dans sa tribune paru dans le journal Le Monde "Alors que, pendant des décennies, la politique publique pour la musique, « live » comme enregistrée, a été le parent pauvre de l’action culturelle, un outil commun et ambitieux a été mis en place en 2020, sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron : le Centre national de la musique (CNM). La question de son financement est au cœur des débats de la filière, car les enjeux d’émergence, de diversité des esthétiques musicales, d’égalité femmes-hommes, de transition écologique, notamment, impliquent de nouveaux moyens. Sans eux, dans quelques années à peine, le mainstream, qu’il soit nord-américain ou coréen, aura tout écrasé, dans les hit-parades comme dans la programmation des salles et des festivals."

Cette décision a notamment été saluée par l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), le Syndicat des musiques actuelles (SMA) et le Syndicat national du spectacle musical et de variété, le PRODISS, dans un communiqué commun ce jeudi : "En lui octroyant un schéma de financement complet et pérenne, ce dispositif donne au CNM les moyens de conduire une politique publique ambitieuse et de long terme en faveur de la musique, des artistes locaux et de la diversité. À travers le CNM, jeune établissement public, les professionnels pourront se fédérer et, ensemble, structurer le financement de la création dans sa diversité, favoriser son rayonnement à l’international ou encore accélérer la transition à la fois numérique et écologique. Autant d’enjeux d’avenir indispensables à la préservation de notre tissu de production et de notre souveraineté culturelle".

De leur côté, les plateformes, Deezer et Spotify en tête, ont fait savoir leur mécontentement. Spotify, numéro un du streaming musical en France, par l'intermédiaire de son directeur général Antoine Morin a même évoqué lors d'une interview pour FranceInfo de "désinvestir" la France au profit d'autres pays comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni.