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Comment organiser un festival gratuit en 2013 ? Rencontre avec Sylvain Briand, directeur du festival Catalpa

Les médias nous le répètent sans cesse : c’est la crise. Pour preuve, certains festivals s’éteignent, par manque de moyens ou d’aides publiques. Ce n’est pourtant pas le cas de tous. L’an dernier par exemple, les Eurockéennes de Belfort ont battu leur record de fréquentation. Plus surprenant encore, on voit fleurir de nouveaux festivals,  gratuits pour certains, à l’instar du Catalpa Festival. Nous avons rencontré Sylvain Briand, directeur et programmateur du festival mais aussi de la Scène de Musiques Actuelles d’Auxerre, Le Silex (antenne Régionale du Printemps de Bourges). Il nous explique comment et pourquoi il a lancé la première édition du Catalpa en 2012.

Pourquoi avoir lancé un festival gratuit en 2012?

Pour plusieurs raisons : le département de l’Yonne bénéfice historiquement d’une offre d’événements gratuits l’été avec Les Nuits Métisses, Garçon la Note, Lune Amitié, Garden Guinguette, etc. Ensuite, le Catalpa Festival repose sur les cendres du  festival aux Zarbs et sur celles des Nuits Métisses qui étaient gratuites. C’est enfin une réelle volonté politique de la municipalité d’Auxerre que de proposer au plus grand nombre une manifestation emblématique et fédératrice, sans contrainte financière pour le grand public. 

Pour ce qui est de la gratuité à proprement parlé, c’est un levier efficace pour implanter un festival rapidement, cela contribue efficacement au lancement de la saison touristique dans l’Yonne, et cela minimise les aléas de ressources billetterie, même si, à l’inverse, la gratuité freine les capacités de développement du festival.

Comment se répartissent tes ressources?

On est sur 1/4 de ressources propres, ¾ de ressources publiques. La mairie d’Auxerre contribue pour un peu plus de la moitié du budget général. Nous sommes également accompagnés par le Conseil Général de L’Yonne, le Conseil Régional de Bourgogne et une multitude de partenaires privés en numéraire comme en prêt de matériel. 

Comment tu travailles avec les institutions qui représentent quand même ¾ des ressources du festival?

Le Catalpa Festival est une commande publique de la Mairie d’Auxerre après avoir constaté le vide laissé par la disparition des événements majeurs qui l’ont précédé.  Nous travaillons très étroitement avec les institutions publiques qui financent l’événement et avec lesquelles nous avons co-construit le cahier des charges du Catalpa festival (mixité musiques actuelles/musiques du monde, co-voiturage, tri  sélectif,  lancement de la saison touristique dans l’Yonne, programmation grand public mais qualitative, large place faite aux groupes régionaux en début de soirée…).

Comment ça se passe avec les subventions d’une année sur l’autre?

En ces périodes de crise économique, il est très difficile de trouver des financements pour des opérations nouvelles comme le Catalpa festival et lorsqu’ils sont acquis, il ne faut pas négocier mais carrément se battre pour les conserver au moins au même niveau que l’année précédente. Pour ce faire, je mets en avant les vertus du Catalpa Festival à l’échelle du territoire : visibilité et attractivité, forte attente des publics, aboutissement de la saison du Silex, rouage majeur de secteurs économiques  clés comme le tourisme, besoin de proposer du mieux-vivre ensemble. Il faut aussi affirmer que l’Yonne ne doit pas rester en marge de l’offre musiques actuelles pendant l’été et démontrer à chaque moment le professionnalisme et la compétence des équipes du Silex qui porte le projet Catalpa.

Les financeurs te demandent des comptes sur la programmation?

Au départ, nous avons proposé un projet dont nous connaissions sa capacité à fédérer les publics comme les politiques. Un vendredi plutôt alternatif,plutôt jeune, un samedi plutôt généraliste et un dimanche plus familial. Après c’est une histoire d’actualité artistique, de disponibilité, de capacités budgétaires, de possibilités techniques,  de volonté de jouer au  Catalpa, de confiance avec l’équipe du Silex… Il me semble qu’une programmation, c’est toujours un compromis.

Coté dépense, comment cela se réparti?

1/3 des dépenses partent dans l’artistique, 1/3 en technique, 1/3 restant en production, communication et charges salariales.

Quand on organise un festival gratuit, on arrive à négocier les cachets des artistes?

Il n’y a aucun « geste » lié à la gratuité. Il y a sans doute des économies d’échelle grâce au Silex mais pas sur les têtes d’affiches. 10 week-ends sur l’été, avec un nombre limité d’artistes en tournée que tous les festivals s’arrachent, cela rend les négociations assez pragmatiques…  Cela n’empêche pas d’être en capacité de saisir les opportunités qui se présentent.

Donc il y a forcément des secteurs, comme la communication, où on se serre la ceinture?

Effectivement, petit budget, mais sur ce domaine nous profitons clairement d’économies d’échelle avec le Silex et le Jazz-Club d’Auxerre (Sylvain dirige aussi le Jazz-Club d’Auxerre). Beaucoup de partenariats presse écrite, radios, TV régionales, un peu de papier, beaucoup d’internet.

Les bénévoles ? Indispensable pour un évènement comme celui-ci?

Oui je confirme ! Une centaine de bénévoles sont actifs sur le festival aux postes stratégiques (accueil du public, bar, production, etc… ). Sans eux, pas de Catalpa Festival !

Et les revenus viennent d’où dans un évènement gratuit?

Bar, merchandising et les stands marchands. J’ajoute également qu’une partie de nos recettes sont reversées à l’association Passerelle (qui est une structure auxerroise d’accompagnement d’adultes en difficulté et qui tient l’espace restauration du Festival) et que l’ensemble des stands humanitaires ou de prévention sont gratuits.

Le Catalpa se déroule les 28, 29 et 30 juin. C’est un weekend ou il y a énormément de concurrence. Comment tu situes le festival?

Il faudrait que le Catalpa trouve une résonnance au moins régionale et dans l’ensemble des CSP et classes d’âge. C’est large comme cible … Pour parler de la concurrence, je pense qu’il y a de la place pour chaque événement et je trouve que le territoire s’organise plutôt bien tant en terme d’identité des manifestations que de répartitions des dates dans l’été. Par contre, je peux admettre que la gratuité du Catalpa a pu contrarier d’autres porteurs de festival dans la région. A nous de trouver et de proposer des modes de collaboration pour que chacun puisse s’y retrouver.

Coté programmation, tu peux nous expliquer ton choix?

Arno parce qu’il est magnifique en concert, que son dernier album est très abouti, qu’il fait le plein partout et qu’il porte sur ses épaules la communication du Catalpa édition 2 ! Stupeflip ne sont jamais venus dans l’Yonne, que c’est un projet OVNi complètement à part et à découvrir. Bombino est un artiste planétaire qui a déjà fait plusieurs fois le tour du monde grâce à sa musique qui se situe géographiquement parlant entre Memphis et Agadez ! Parce que c’est un artiste montant, qu’il y a une évidente convergence sur son travail et que tout le monde se l’arrachera d’ici peu !  

On presente aussi la finale du championnat de France de Air Guitar parce que le Silex est devenu un haut lieu de formation de champions et qu’on aimerait beaucoup que Guy Roux croise Gunter Love dans les rues d’Auxerre !.

Pour conclure qu’est-ce qui te pousse à faire un festival à Auxerre?

Le défi à relever en équipe, monter un projet global et abouti autour des musiques actuelles sur Auxerre, l’équidistance entre Carhaix et Belfort et le fameux micro climat d’Auxerre le dernier week-end de juin !

 

Un grand merci à Sylvain d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Crédit photo : Yann de la Calle