On était à
MaMA Festival & Convention 2019, à Pigalle la nuit, tous les festivaliers sont au gin

Cette année, pour sa 10e édition, le festival le plus éclectique de la capitale a encore frappé fort nous offrant une programmation riche (plus de 120 concerts!) avec beaucoup d’artistes encore trop méconnus et dans 10 salles mythiques du quartier de Pigalle, à Paris. L'organisation est bien rodée, le logo est partout alors que le festival a investi la promenade du boulevard Rochechouart. Nos coups de cœur musicaux et les flops de ces trois jours, nos découvertes des lieux de “la night” sous la pluie fine d’octobre, nous vous dirons tout (ou presque) de ce que nous avons retenu du MaMA.

Jour 1. Mercredi 16 octobre.  20h pile, que le MaMA commence 

Alors que nous passons par l’Elysée Montmartre pour récupérer nos places, nous prenons la mesure de l’organisation faramineuse du festival. Le staff qui nous accueille est débordé mais ultra pro. Dans le quartier illuminé et bondé de Pigalle où se côtoient touristes, sex shops, fastfoods et autre kebabiers, le logo du festival s’affiche partout. Mais nous arrivons déjà un peu tard pour parcourir les stands du festival sur le boulevard en train de fermer (des labels de musique, des stands de merchandising et de vente de bières artisanales). Pour tout vous avouer, nous ne trouvons pas que c’était nécessaire de se donner autant de mal, il n’y a pas grand chose sur les stands et peu de monde pour les parcourir.

Il faut dire aussi que nous allons rater une partie de ce qu’est le MaMA, un rendez-vous pour les professionnels de la musique, qui viennent assister aux très nombreuses conférences des labels et découvrir des (bébés) artistes émergents. C’est aussi la raison pour laquelle il y a à boire et à manger parmi la sélection musicale, c’est le grand écart qui nous fait tourner un peu la tête quand on regarde la line-up de ces trois jours.

21h, ya esta el Carmen

Nous commençons l’immersion musicale au Carmen, un bar à gin rococo aux mille et un miroirs. C’est parisien, ancien-régime-rétro et tellement adapté aux propositions musicales du festival. Une petite foule se presse dans la belle salle où la scène est installée sous une boule à facette.  La belge Tessa Dixson nous fait grâce d’une performance pop-indé-rock énergique et tout en élégance. Sa voix grunge ravit un public déjà conquis qui en redemande. Elle nous invite tous à Bruxelles. Mais nous on préfère quand même le Carmen et ses moulures au plafond. On enchaîne, toujours au même endroit parce qu’on veut finir nos gins cardamome et rose, avec la chanteuse Oh Mu qui ne gagne pas franchement notre intérêt : les paroles en français sont faciles et les mélodies déjà vues.

22h15, d’une Tessa à une autre il y n’y a que le rap metal

Nous enchaînons avec un cocktail que nous envisageons explosif au Magnum Club, un club de Pigalle d’une autre époque (celles des stripteseuses et du disco) avec ses banquettes rouges et ses armatures dorées. Le chanteur sénégalais 5Y (photo) s’avance dans ses bottes léopard, peu de curieux sont là pour assister à ce qui va suivre. Il chante et rappe en anglais, japonais, wolof, français et en arabe sur un afro beat pour le moins énervé. On a parfois du mal à suivre. Nous sommes surtout conquis par son sourire ravageur et la fièvre qui l’anime. Il veut nous faire danser, nous les timides français. Il repart en nous saluant tous personnellement. Nous espérons qu’il n’est pas déçu du voyage depuis le Japon. 

Puis nous prenons la direction du Backstage By the Mill derrière la Machine du Moulin Rouge, à quelques mètres de là, pour assister au concert sans aucun doute le plus chiadé de la soirée : celui de la française Tessa B. Dès le premier morceau "Jamais", nous apprécions le soin apporté à sa prestation à base de long pony tail et chorés en compagnie de deux danseurs. Les textes sont intelligents et les musiques originales : du R&B au reggaeton. Nous voyons bien qu’elle fera bientôt partie des artistes français dont on parle partout, et ce sera amplement mérité.

23h, en piste electro(s) à la Machine

Nous avons raté Blick Bassy à la Machine mais c’est le jeu de ce festival qui ne peut être envisagé qu’en acceptant de faire des choix hasardeux, parfois heureux. Nous regardons distraitement le set électro d’Aedan mais nous trouvons cela très plat et convenu. Nous préférons mille fois celui de Calling Marian (photo), la française que nous avions déjà croisée au festival Les Femmes S’en Mêlent et dans les soirées Barbieturix, dans la même salle et à peu près aux mêmes horaires. Cette fois, la techno acide se marie à la perfection avec la vidéo projetée derrière la table de mixage. On reste scotchées par la maîtrise des mélodies et les enchaînements au poil. 

Vers minuit et demi nous reprenons le chemin du Magnum Club pour retrouver une vieille connaissance de festival (la Douve Blanche, Dour etc.) : Ouai Stéphane et ses sons de bric et de broc. Mais nous sommes un peu déçues. Où est passé la carpe qui parlait pendant le set ? Il y a bien une main en bois qui sert de térébenthine et l’horloge qu’il remonte avec minutie mais on ne retrouve pas l'énergie de l’an passé. Et c’est surtout le public qui reste timide. Nous quittons les lieux, car nous sommes en pleine semaine tout de même, et il nous faut regrouper nos forces pour ce qui va suivre demain.

Jour 2. Jeudi 17 octobre. 21h, détox au gin

Nous sommes un peu malades et fatiguées de cette semaine de boulot et la pluie qui ne cesse pas d’être au rendez-vous ne nous motive pas beaucoup plus à arpenter le quartier. Il y a quand même un rendez-vous que nous n'aurions pas manqué, celui avec l’américaine Madison McFerrin (photo) aux Trois Baudets, petite salle cosy du boulevard. Confortablement assises, nous ne perdons pas une miette du spectacle. La chanteuse est seule avec son micro et ses loops, elle nous réchauffe le coeur. Tout est parfaitement maîtrisé, les voix, le rythme, l’histoire de sa plus grande bévue qu’elle nous raconte pendant 10 longues minutes sans jamais nous ennuyer. Nous ressortons des Trois Baudets plus détendues que jamais.

23h, toi sur mes épaules au Carmen

Nous filons un peu plus légères sous la pluie vers le Carmen où nous attendent gin et CORPS, pour une soirée électro qui s'assume. La voix du chanteur français est si grave et suave, les paroles sans queue ni tête, le gin si bon, nous sommes fatalement embrigadées de force. “Carcasse brisée dans la plaine, toi sur mes épaules. J’ai marché sur l’autoroute”. C’est trop court, et le public est frustré. Nous aurions aimé aller voir Ramo au By the Mill et bien d’autres mais nous déclarons forfait, la semaine de 40 heures a eu raison de nous.

Jour 3. Vendredi 18 octobre. 21h30, 360° boulevard Rochechouart

Encore une fois, les obligations de la semaine nous font arriver tard et nous manquons la belle voix d’Ada Lea aux Trois Baudets. Pour nous rattraper nous courrons à la Boule Noire, toujours sur le boulevard, pour entrevoir le concert d’Angie. Nous sommes horrifiés et ne restons que quelques minutes : la pop décongelée de la suédoise ne nous fait ni chaud ni froid. Mais de la Boule Noire à la Cigale il n’y a qu’un pas, alors nous arrivons, un verre de London Mule à la main dans la mythique salle parisienne transformée ce soir en arène electro. Accroché tout autour de la fosse, sur les pilliers des balcons et derrière la scène, un sound system permet une immersion à 360 degrés pour le set de Molécule (Acousmatic) (photo). C’est un spectacle absolument magique, nos oreilles en prennent pour leur compte. Cela faisait longtemps qu’on avait pas eu une découverte de cette ampleur : le son est soigné, des voix humaines résonnent en échos réguliers sur les différentes enceintes et nous avons des frissons qui nous parcourent le corps toutes les 5 minutes. Derrière les platines, au côté du DJ de Molécule, un ingénieur du son aux cheveux blancs frisés semble s’être échappé des locaux de Radio France dont il arbore fièrement le t-shirt. Le public en délire demande un rappel : voeu exaucé.

23h20, friday night fever à Pigalle

Dans la nuit brumeuse, les queues s’allongent pour rentrer dans les salles de concerts de Pigalle. Au Carmen nous attendons gentiment notre tour. Nous rentrons finalement pour assister à la fin du concert de Dampa, un dernier gin parfumé à la main, signature du festival pour nous. Nous n’aurons pas autant de chance avec la queue interminable pour rentrer au Backstage by the Mill assister au concert très attendu de La Chica. Nous abandonnons, déçues mais certaines de trouver ailleurs de quoi nourrir nos oreilles. À deux pas, la Machine du Moulin Rouge nous ouvre les bras. Nyoko Bokbae commence à peine son concert. Entre rap et pop, wolof et français se confondent sous nos yeux ébahis. C’est surtout la prestance de ces deux jeunes qui attirent le plus notre regard : leurs mouvements sensuels et leurs voix graves nous donnent envie de partir en soirée curieuse avec eux dans les rues de Paris. Dans la même idée, Ascendant Vierge, plus electro, toujours aussi parisien, nous fait nous sentir au bon endroit.

00h15, et la température monte, monte, à la Chaufferie

C’est à la Chaufferie que notre soirée s’embrase vraiment. Nous nous sommes préservées jusqu’ici mais nous n’avons plus le choix : nous allons danser jusqu’à plus en pouvoir. Fatal Walima avec son petit bob veut nous épuiser. Et avec les sons endiablés, rythmes latino américains, brésiliens et on en passe, qu’il enchaîne comme des petits pains, parfois entrecoupés d’une petite house travaillée, nous avons le souffle coupé. Même plus le temps d’aller prendre un verre. Il faut rester danser sur la suivante !
Parfaite transition, le britannique Poté s’installe derrière les platines et déroule un set maîtrisé où les influences africaines et caribéennes côtoient un son de party house. Nous quittons la Machine tard ce soir, heureuses du résultat. Si nos jambes n’en peuvent plus, nos oreilles sont comblées.

Le bilan

Côté concert

Les années 2000 en France ne sont pas mortes
Tessa B, sa voix, sa jeunesse, ses paroles et ses danseurs si sérieux.

Le style punk electro dans un salon rococo
CORPS, parce que nous aussi on veut marcher sur l’autoroute....

Le rayon de soleil soul d’automne
Madison McFerrin et sa magnifique voix douce et sans fioritures

L’electro 360 ° à la Cigale
Le spectacle sans égal de Molécule. C’était MA-GI-QUE.

Côté festival

On a aimé:

- Le Carmen et ses gins
- La multitude de salles, ambiance tournée des grands ducs à Pigalle
- L’application MaMA, pratique pour s’y retrouver et argumenter sur le prochain concert à voir

On a moins aimé :

- Le côté “entre-soi” professionnel, peu propice aux rencontres
- Le regret de ne pas pouvoir assister aux conférences

Infos pratiques

Prix boissons:
- Variable en fonction des lieux. Gin-tonic au Carmen : 8€; 10€ à la Machine du Moulin Rouge et à la Cigale; 11€ au Backstage by the Mill.

Transports:

Métro Anvers ou Pigalle (ligne 2)

Conclusion

Le MaMA festival est à la fois surprenant et convenu. Surprenant avec sa programmation musicale avant-gardiste qui fait de grands écarts et quoi de plus rafraîchissant que d’arpenter les rues de Pigalle en ne sachant jamais ce que va nous réserver une salle, un artiste. Beaucoup de nouveautés donc, et c’est ça qui rend ce festival si excitant. Evidemment parmi les artistes inconnus nous avons aussi eu notre lot de déceptions. C’est le jeu ! Mais convenu aussi, car le festival arrive à maturité et s’inscrit maintenant dans le paysage du quartier à grands renforts d’affiches et de stands un peu partout. La maîtrise nous a rendu parfois nostalgiques d’une forme de spontanéité, que l’on conçoit difficile dans une ville comme Paris. Et puis l’identité visuelle ne nous a pas convaincue non plus car pour un festival aussi particulier et unique on voudrait encore plus d’audace et de jeunesse. On revient donc l’année prochaine avec beaucoup d’attentes et de curiosité.

Recit: Fanny Salmon
Photographie: Anais Mastrorelli