On était à
Sonic Visions : quelques heures au Luxembourg et puis s’en va

Évènement à la double casquette, le Sonic Visions est à la fois un rendez-vous de découvertes musicales pour le grand public et un weekend d’échanges pour les professionnels. Festival renommé depuis sa création en 2008, nous avons passé quelques heures dans ce festival international avant l'impensable. Les oreilles au Luxembourg, la tête à Paris.

Vendredi 13 novembre. 19h20, on prend nos marques

Le festival a démarré la veille pour une journée réservée au métal avec Shining, Scared et Deficiency. De notre côté, on arrive en cette fin de journée de vendredi dans ce quartier de Esch/ Alzette à une vingtaine de minutes en train du centre de Luxembourg. Deux euros le billet. Pendant que des programmateurs de France, d'Allemagne et de Belgique jouent le jeu d’une sorte de speed meeting en rencontrant des groupes, dans une salle en dessous d'anciens hauts-fourneaux en face de la Rockhal, on entre dans cette très grande salle avec les premiers festivaliers prêt à attaquer une soirée de concerts. La bière se vend en demi à 3€, avec une consigne pour les verres en plastique. Le bar (photo) propose également du rhum, du gin et de la vodka, alors qu'un stand de douceurs sucrées se tient à deux pas avec des crêpes et des salades de fruits. Un deuxième bar se tient dans une autre salle à côté : la soif ne sera pas un des maux de la nuit. 

21h15, premiers concerts devant les scènes

La Rockhal est un immense complexe avec plusieurs salles de concerts, potentiellement quatre. Pour le Sonic Visions, trois sont ouvertes au public. On découvre très vite la Box, la plus grande salle ce soir, modulable en fonction de la jauge. Pouvant aller jusqu’à 4500 personnes, la salle est en petite configuration pour le festival. Sur scène on retrouve AaRON (photo) devant un public encore peu nombreux. Le chanteur donne de la voix, fait preuve d’humour et communique beaucoup avec les spectateurs entre les chansons. Pas spécialement fan du groupe on se jette dans le Club, la deuxième scène. Quelques centaines de personnes sont devant le rock brut du duo belge Black Box Revelation. A peine le temps d’en profiter, notre arrivée tardive nous fait uniquement kiffer les dernières chansons. En même temps les concerts sont courts, 45 minutes, tout juste le temps de se mettre l’eau à la bouche.

21h45, posés dans le café

Le saut d’une salle à l’autre se fait facilement, le lieu n’est pas bondé. Sans vraiment connaître le programme, on se fait une soirée à l’aveugle en bougeant de salle en salle. On débarque dans le café, endroit le plus cosi du festival. Sur scène Fickle Friends balance sa pop sur une scène bien trop petite pour eux : on se demande si des membres du groupes ne jouent pas en cuisine. Des abats-jour géants surplombent le public, et comme dans le reste du complexe, les affiches et des vinyls des concerts passées décorent les murs, de Prince à Depeche Mode, en passant par Slash. Avant de partir sur Jack Garratt - concert un peu mou même s'il possède une magnifique voix - une pancarte nous interpelle sur le bar. Elle propose une Corona achetée, une Corona offerte... voilà la bonne affaire du jour !

22h30, la fête est terminée

Entre deux concerts nos téléphones vibrent, les alertent s'enchaînent. Les fusillades à Paris sont dans toutes les bouches, et très vite les attaques deviennent le sujet de conversation principale dans les couloirs de la salle. Nos proches donnent des signes de vie, nous rassurons nos familles, alors que la peur au ventre, nous avons du mal à savoir ce qu’il se passe chez nous, et notamment au Bataclan. Difficile dans ces conditions de profiter des concerts. Tout devient dérisoire. Malgré tout, le jeune Rag N Bones Man nous fait oublier l’espace d’un instant ce qu’il se passe. Il a le style d’Action Bronson en moins roux, accompagné d’une voix soul qui prend tout son sens sur son morceau Hell Yeah, qu’il interprète à capella. De loin notre découverte de la soirée, on est tombé sous le charme du groupe. On terminera la soirée, après un bref passage sur le hip hop allemand de Corbi, devant la tête d’affiche de la soirée : Death Cab for Cutie. Le groupe joue mais pour nous l’esprit est ailleurs, l’ambiance n’est plus à la fête, il est temps de rentrer. Fakear commencera son set alors que nous sommes scotchés sur nos portables (photo) et les réseaux sociaux, à la fois déboussolés, la gorge serrée, et totalement impuissant devant les évènements tragiques de l’autre côté de la frontière.  

Jour 2. 13h20, paisible Luxembourg

Plutôt habitué à se réveiller avec avec la gueule de bois, c’est la tête lourde, branché sur les chaînes d’infos , qu’on attaque notre deuxième jour chez nos voisins. Plus d’une centaine de morts à Paris, des jeunes qui aiment faire la fête et aller voir des concerts. C'est nous, cela aurait pu être nous. On décide malgré tout de sortir de nos chambres et visiter la ville de Luxembourg. Car oui, en générale on ne s’arrête dans le pays que pour faire le plein d’essence, de clopes, d’alcool ou pour acheter ce fameux Toblerone géant. Beaucoup de touristes se promènent, comme nous, marchent et visitent entre la place Guillaume II et la place d’armes. Les prix des restos sont dignes des beaux quartiers parisiens : on croisera une tartiflette à 25€ et un plateau de sushi à 30. 

14h30, la dernière journée annulée

Vers 14h30, la nouvelle tombe : par solidarité avec les attentats de Paris, les concerts du festival sont annulés. La décision est logique, de toute façon, personne n’avait vraiment la tête à faire la fête ce soir. Notre weekend de festival Luxembourgeois s’achève. On prendra la route pour la France le lendemain.

Le Bilan

Dans cette salle devenue un passage obligé pour les artistes internationaux, le festival Sonic Visions offre trois jours de musiques et de conférences. Mais cette année, le vendredi 13 novembre en aura décidé autrement. Impossible de faire un bilan globale du festival, seulement l’envie se dire qu’il sera encore là l’année prochaine. Et que la fête pourra reprendre très vite ses droits.

Un récit de Quentin Thomé et Morgan Canda
Photos de Morgan Canda