On était à
Solidays : l’esprit libre et le coeur vigoureux

La routine a du bon : troisième année que l’on revient prendre notre dose de bonne humeur sur les terres de Solidays, à deux pas de la capitale. Trois jours d’ambiance festive et fraternelle pour un rendez-vous qui porte des messages nécessaires au vivre ensemble. On a jumpé contre le Sida, voici nos péripéties festivalières.

18h00, les Soviet dominent les milliards

Beaucoup de monde converge vers l’hippodrome de Longchamp, aux portes de Paris. Mais Solidays a eu la bonne idée de faire poser les bracelets 2 heures avant l’ouverture des portes, ce qui fluidifie énormément notre arrivée. Un panneau nous remplit de plaisir : les perches à selfie sont interdites ! A peine le temps de retrouver nos marques sur le festival que l’on se jette sous le Domino pour Soviet Suprem (photo). Un groove balkanique feat John Lenine et Sylvester Staline, show surchauffé s’inspirant de la propagande URSS,  un live où le bordel et la bonne humeur finissent vite par s’imposer. En face, Bill Gates en débat au forum ne peut que constater : le communisme ça en jette.

21h12, 40 degrés dans la caravane

On retrouve des potes, puis direction l’autre bout du festival. On apprend que Biga Ranx a dû arrêter son concert au bout de 20 minutes sur la grande scène. Les allées du festival ont l’air plus grandes et espacées, ça circule bien. On se pose pour un premier apéro à la scène Bagatelle, au loin devant Palma Violets, avec une qualité sonore un peu pourrie pour du rock garage.

On retourne vers le Domino pour Faada Freddy, qui envoûte la salle avec son sourire et ses rythmes ensorcelants. Mais on attendait surtout le retour de Caravan Palace (photo), qui avait déjà fait bouger les popotins au Free Music le week-end dernier. Premières notes, la poussière s’élève, et la chaleur est asphyxiante. On tient quelques chansons avant de sortir du Dôme pour mieux apprécier l’histoire. Cela ne manquait pas d’ambiance, mais on a moins la sensation d’originalité et de découverte du style électro swing comme à leurs débuts.

22h21, Le petit coin de paradis

C’est la troisième année qu’on vous raconte nos aventures à Solidays, et il nous arrive encore de découvrir des endroits inexplorés. Nos potes nous dévoilent que derrière ce grand panneau “Au Bout du Monde”, ce n’est pas que le chemin pour rejoindre le camping. Au  cœur d’une forêt au calme improbable (photo), se dresse une dizaine de stands de bouffe, un bar, et une immense grange transformée en bar à vin. Charmant. Certains se prennent un burger bio au comté vendu par des Zadistes, qui nous offrent quelques cerises, d’autres un fouée poulet-curry pas si gras que ça. On décide de digérer sur Hanni El-Khatib : le Californien est en forme, et nous fait très vite perdre les calories en trop engrangées auparavant. Du riff sauvage et un saut de l’ange guitare en main dans le public.

00h12, le maître de cérémonie

La suite se passe dans le chapiteau blanc d’à côté, le Dôme, pour le set d’un des DJs du début de l’année The Avener. On en profite 15 minutes, il sait faire danser les festivaliers, même si c’est assez simple et répétitif. Il est l’heure de prendre une bière - on vous rassure, on en a déjà pris avant - non loin du César Circus pour la fin du groupe Clean Bandit. Pas trop de monde au bar, mais le demi de HK est à 3,5€, lourd tribut à payer pour notre dose de houblon. Sous le chapiteau, c’est une machine à tube efficace, mêlant électro dance et voix féminines, notamment sur leur Rather Be. Oui c’est eux !

Mais le peuple est déjà amassé devant la Grande Scène pour attendre un des maîtres de la techno moderne, Paul Kalkbrenner (photo). Un mix tout en montées en puissance, deux trois premières pour fluidifier le sang dans les jambes, deux trois autres pour absorber ton âme, avant d’avoir nos circuits névralgiques totalement envoûtés. Il amène néanmoins un public pas du tout “festival”, se foutant un peu des règles du bon vivre. On laisse terminer Paul K pour enfiler les casques du Silent Disco. Sous le César Circus cette année, il permet à beaucoup plus de monde d’en profiter. On s’amuse, on crie, on chante devant cette battle de DJs.

02h34, Quand la musique s’empare des DJs

La fin de la soirée sera électrique, mais avec beaucoup d’instruments sur scène. D’abord Thylacine, qui fait vaciller sa musique entre ses pads et son saxo, devant une vidéo voguant à son rythme. Puis Worakls, débarquant tout sourire en s’excusant poliment du retard technique à l’allumage. On ne regrettera pas : le Français nous propose un live enrobé par des violons, guitares et piano, la plupart des instrus joués par son papa himself. Comme sur Thylacine, on apprécie cette volonté de donner un élan musical au mix électronique, montrant qu’il y a désormais des DJs qui maîtrisent à la note leur solfège. On finit par un coup de speed sur la drum’n bass de Camo & Krooked : pas besoin de tisane pour aller au lit.

16h10, Soleil nous revoilà

Deuxième jour à Solidays. On prend une nouvelle fois les navettes depuis la Porte Maillot : rapide et efficace comme toujours. Comme pas mal de festivaliers, on se pose sur les pelouses du Bois de Boulogne avant l’entrée pour siroter quelques bières encore fraîches et discuter du programme du jour : The Vaccines ou Yaël Naïm ? Electro Deluxe ou Caribou ? On met cette fois-ci un peu plus de temps pour rentrer, et l’on commence à échauffer nos gambettes sur l’orchestre National de Barbès dont la musique rime avec le soleil et la chaleur de ce samedi. L'indien apprécie (photo). 

17h56, Comprendre la sexualité de tous

Des concerts non stop, mais également pas de quoi s’ennuyer autour. Comme tous les ans, plusieurs expos étaient proposées : d’abord la célèbre “Sex in the City”, qui parle ouvertement, avec humour et intelligence des pratiques sexuelles au 20ème siècle. La bande dessinée s’y est aussi mise, avec Zep et son Happy Sex (photo) : des petites histoires drôles et piquantes autour du sexe au quotidien. Au top ! On pouvait également se faire des parties de jeux de sociétés, du Karaoké avec des covoitureurs et se faire masser dans un nouvel espace détente. Dès qu’on jetait un coup d’œil le planning était déjà complet … Pas de shiatshu ni massage chinois, on se porte donc sur le concert de The Vaccines sur la scène Bagatelle. Un bon moment de rock made in UK.

19h56, Jamaïque et Caraîbes

Le soleil se couche petit à petit et les messages de paix continuent. Retour sur la grande scène pour l’Australien Xavier Rudd et son look d’enfer de saltimbanque, pour un mélange folk et reggae tranquille et reposant. On préfère aller sauter sur Chill Bump, ce qu’on aura du mal à faire vu la mauvaise qualité sonore du show. Un souci quand on n’est pas vers le cœur du chapiteau. C’est l’heure du repas : ça sera assiette créole (photo), avec accras, samoussas et sauce qui arrache la glotte. On se pose pour déguster ces mets dans l’oasis de sable en plein milieu du festival, proposant du thé et des sucreries orientales.

22h03, Quand les festivaliers deviennent loups-garous

Direction la GreenRoom, temple électro non-stop de Solidays. Un petit coin rond où les DJ se succèdent. C’est au tour de Cerrone, légende du dancefloor des 70’s. Il est loin d’avoir perdu la main, et enchaîne les pistes avec aisance et plaisir. On se presse ensuite au César Circus pour retrouver Rone : on sait de quoi il est capable, et nous joue ses gammes comme à son habitude. Les festivaliers montent en pression, s’enivrent, et se transforment au fil que la lune fait son apparition dans le ciel. On sent les jambes déjà fatiguées, la nuit est tombée. On a la flemme de traverser tout le festival pour apprécier Caribou, on reste dans le coin pour Electro Deluxe (photo). On ne sera pas déçu : ça groove, ça bouge dans tous les sens, la troupe balance une superbe énergie.

23h45, les Sud Af sont dans la place

Après une longue queue pour vider les vessies, on s’amasse devant la grande scène pour la tête d’affiche du soir. Comme chaque samedi soir à Solidays, c’est le moment hommage aux bénévoles. Autant dire que le public est peu réceptif, voir pas du tout devant le discours du patron de Solidarité Sida. Même chose sur I will survive, hymne du festival : constat amer que beaucoup de nouveaux festivaliers sont peu réceptifs aux messages de Solidays.

Bref, cela n’empêche pas Die Antwoord (photo) de débarquer tout feu tout flamme, avec un Ninja déguisé en Pikachu n’attendant pas 30 secondes pour se jeter dans la foule. Même si la folie ne s’empare que d’une minorité, pas mal restant statique, le concert monte en intensité jusqu’au I Fink U Freeky et Baby’s on Fire déchaînés des Sud-Africains. Des chorés déjantées, des sexes géants, une jolie paire de fesses, on sort en nage.

01h43, jusqu’au bout de la nuit

Après un petit repos des guerriers accoudés à des tables, la version nuit prend sa place, pour une soirée plus classique dans ses sonorités. Un Ed Rec House Party (photo), proposé entre autres par Busy P et Para One, répond au Nova Mix. Le premier est technique, porté par des vidéos subliminalement dansantes et parsemées de tube des années 2010. Le second est groove, nostalgique et fait voyager les sens du festivalier. Nos oreilles et nos jambes seront cependant emballées par quatre beatmakers du César Circus, Cotton Claw. Vu 10 min au Chorus, 15 à Bourges, ils avaient cette fois-ci une heure. Un défi totalement réussi, avec pour une fois des DJs qui balancent autant de bonne humeur que de savoureuses créations musicales. On ira faire un tour avant de partir sur Infected Mushroom. Du gros son, mais pas assez de cohérence pour nous faire rester jusqu’à la fermeture des portes.

Jour 3. 16h38, le moment solidaire

Plus dur sera le réveil. On revient la tête encore dans les nuages, mais voulant profiter à fond de ces derniers moments. Alors que Vianney caresse sa guitare et joue son désormais culte “T’es où ? T’es pas là”, on se faufile sous la tente géante des associations (photo). Un véritable temple de la mobilisation, de la solidarité, de la résistance à toutes formes de discriminations. On discutera avec des bénévoles du droit à l’euthanasie, droit des homosexuels, consommation locale de fruits et légumes, protection de l’Arctique, harcèlement des femmes dans la rue. Sans oublier de prendre deux trois capotes au passage. Pendant ce temps sur la grande scène, la cérémonie des Patchforks invite les festivaliers à se taire pour ne pas oublier les morts du Sida.

18h03, Retour des beats

On choisit d’aller voir ce que Yelle (photo) avait dans le ventre. Un show déjanté, festif et avec le sourire, mais passant par des chansons douces qui cassent la montée en puissance du concert. Cela ne nous empêchera pas d’y prendre notre pied. On bouge avant la fin : on passe devant la messe des Soeurs de la perpétuelle indulgence, en plein cérémonie de paix et non-violence, puis Damian Marley, pas loin de faire partie de la même mouvance, le déguisement en moins. Arrivée à Bagatelle, la marée humaine est présente pour Chinese Man. Au niveau de la régie, on aura du mal à entendre les beats du live : comme à Bourges, les MC prennent le devant de la scène et relayent les trois DJs à de la figuration instrumentale derrière.

20h00, Couleur et fraternité

A peine le concert terminé qu’on se dépêche d’aller sur la Grande Scène. On se faufile dans la foule, la musique démarre : quelques poches de couleurs commencent à exploser. Le tempo monte, et wahou : un nuage de couleur s’élève dans le ciel ! On ne voit plus rien, on saute, on rigole, on tousse. On est trempé de couleur, mais on est content. C’est parfois simple d’être heureux. Chacun prend sa petit photo pour les réseaux sociaux. Un peu d’attente - la moitié du public s’en va - et les plus célèbres des toulousains débarquent en fanfare. Zebda ne fait pas dans la demi-mesure, et nous font jumper dans une bonne humeur sans pareil. Le smile s’affiche sur tout les visages colorés, pendant que le groupe envoie un par un leurs messages de fraternité, notamment au courage des migrants.

21h45, Parov bis repetita ?

On s'éclipse avant la fin pour poser nos jambes avant le final. On se permet un méga sandwich raclette corse qui tiendra notre estomac pendant la semaine à suivre, tout en appréciant le concert explosant d’énergie de Saint-Paul & The Broken Bones. Une soul superbe qui ravit nos oreilles. Pause terminée, retour à la grande scène : la der des der a été confiée à  Parov Stelar (photo), pour son troisième passage d'affilé à Longchamp. Fastoche les programmateurs, quand on sait que les Allemands retournent tout sur leur passage. Le concert ne fera pas exception : l’électro-swing conquis tout un public, dans un show différent des années précédentes, plus technique, moins FM, proposant les titres de Demon Diaries, dernier opus du groupe. Il alterne les moments de folie, mais laisse une place plus grande à ses musiciens, saxophoniste en tête, pour des solos ravageurs. On repart avant la fin pour ne pas trop attendre les navettes du retour. Tout un festival est alors en transe, ça danse sur des kilomètres, propageant une nouvelle fois le message universel de la musique.

Côté scène

Les valeurs sûres
Paul Kalkbrenner et Die Antwoord, deux têtes d’affiche au top niveau

La ferveur fédératice
The 
Parov Stelar Band, on ne le dira jamais assez, c’est LA recette qui marche en festival

La bande à DJ
Worakls, dans une formule musicale portant le DJ à son meilleur

L’ambiance infernale
Soviet Suprem, dans la chaleur des sons électro balkaniques

Les bêtes de groove
Electro Deluxe, pour sauter et sueur sous les trompettes

La montée en puissance
Cotton Claw, ils assurent les fins de soirée avec énergie et sourire

La bonne humeur fraternelle
Zebda, l’accent toulousain qui donne le sourire

Le coeur de rockeur
Hanni El-Khatib, déchaîné sous le chapiteau

La déception
Chinese Man, dans une version live trop portée sur les MC

Côté festival

On a aimé :
Navettes efficaces, fluidité à l’entrée, de l’espace dans les allées, pas mal d’espace chill, Solidays chouchoute ses festivaliers.
L’identité solidaire et ouverte d’esprit du festival, imprégnant de bout en bout notre aventure.
L’offre restauration impressionnante, riche, variée et bonne.
Les perches à selfie interdites. Merci !
Nos têtes après la color party.

On a moins aimé :
Beaucoup de nouveaux festivaliers peu ou pas dans l’esprit Solidays.
3,5e le demi. Vous prenez toutes nos économies !
On doit souvent partir avant la fin des concerts pour arriver sur le début d’un autre, sans compter tous les groupes que l’on n’a pas vu.

Conclusion

Solidays est l’un des seuls rendez-vous parisiens où l’on aime retrouver la vraie ambiance festival. On y est décontracté, dans un lieu où tout est fait pour que le festivalier se sente bien. On jumpe tout en s’informant, on vibre tout en militant, et on apprécie cette ambiance fraternelle si particulière de ces trois jours à l’hippodrome. Mais la volonté d’attirer de plus en plus de monde a ses revers, effritant quelque peu le message de solidarité au coeur du festival. A trop vouloir être sold out, on espère qu’il n’en perdra pas cet esprit solidaire qui l’anime depuis sa création.