On était à
Rockomotives : musiques actuelles aux contours fous

C’est dans la région Centre, plus précisément dans la petite ville touristique de Vendôme, qu'a pris place une nouvelle édition du festival des Rockomotives. Ce festival à la programmation éclectique est organisé par une association, Figure Libre, qui défend avec une détermination sans faille la culture par tous.

Jour 1. 20h18, warm and cosy

Lundi 26 octobre, c'est notre premier jour à nous au Rockomotives, Rockos pour les intimes, le festival ayant débuté le samedi précédent pour le reste du monde. Prévu dans un lieu surprise, il fallait s’inscrire par mail à l’avance pour assister aux concerts prévus ce soir. On arrive donc un peu désarçonné dans une propriété privée : l’événement prend place dans un salon aménagé pour l’occasion en mini salle de concert. Environ 40 personnes sont là et le lieu n’aurait pas pu en accueillir plus. On commence par Angel (photo), de la pop tantôt rock tantôt psyché. Le tout est agréable à l’oreille et on tape gentiment de la pointe du pied. Ca reste calme, mais en même temps ce n'est que le début de la semaine et le format intimiste de cette soirée concert privé s’adapte parfaitement au cadre du début de semaine.

Après un bref entracte,  Dan de Dad Rocks nous entraîne dans des mélopées douces à la guitare et au piano, entrecoupées de légers soucis techniques et d’histoires abracadabrantes sur un contrôleur de train héroïque. Le concert procure l’effet d’une tisane relaxante, on boit un verre - offert! - à la sortie du concert et on file se coucher après une douce et bonne soirée. Concept intéressant, car le prix du concert était libre, chacun pouvait mettre la somme qu’il voulait.

Jour 2. 20h19, soirée à thème

Les concerts ont lieu ce soir dans la chapelle Saint-Jacques, réputée pour sa bonne acoustique. On commence par Beat Mattaz, du hip hop métissé avec une lichette d’électro. Le jeune homme nous fait une entrée en matière plaisante avec du beat box. On sent la volonté d’entretenir un rap de qualité tout en apportant un nouveau souffle, et les propositions s’écoutent avec plaisir. Le public est dense et composé en bonne partie d’ados. Le second groupe se nomme Set et Match (photo) et nous fait revenir à un rap très calibré, avec un flow irréprochable. Il faut aimer le rap pur et dur. La salle est pleine, même si le public est complètement statique.

23h02, la fraîcheur qui réchauffe !

Le dernier groupe de ce soir est Kacem Wapalek (photo), qui tourne déjà depuis quelques temps. La moitié du public est partie mais l’autre moitié rattrape avec force et enthousiasme ce vide. Le groupe était visiblement attendu et saura faire remuer les troupes lors de ce dernier round. Ils sont nombreux sur scène mais s’accordent pour occuper l’espace et le public de la bonne façon, en alternant flow péchu et morceaux davantage chantés. On a beau ne pas être très hip hop, Kacem Wapalek donne envie d’en découvrir un peu plus. On part quand même avant la fin du concert, il y a bien un bar sur place mais pas de restauration, et il est difficile d’apprécier un concert avec l’estomac dans les talons.

Jour 3. 21h18, fée moi danser

Toujours à la chapelle Saint Jacques, on arrive trop tard pour voir le premier groupe de ce soir, Pearlie Spencer, mais pile à temps pour découvrir une silhouette mi lutine mi mutine accompagnée de ses deux musiciens. Philémone (photo) nous propose une électro pop sage et colorée avec des textes poétiques et engagés. Une jolie voix qui sait s’imposer, qui divertit mais fait réfléchir, nous sommes conquis par cette exquise personne. C’est donc le coeur léger et le sourire aux lèvres que nous allons savourer un verre de coteaux du vendômois à 2,50€.

22h32, retour vers le futur

C’est avec surprise que nous entendons pour commencer Organic Bananas (photo), un duo masculin joue et mixe en live de la vielle alto. Un instrument loin d’être récent, que l’on pourrait même croire appartenant à un passé lointain. Et la surprise se mue petit à petit en curiosité ... comment diable ces hommes parviennent à produire un son électro? Car on peut bel et bien identifier au résultat un son électro, avec cet instrument d’un autre âge ! Le spectacle vaut le détour en tout cas, et la qualité du son en fait une vraie prestation. La soirée se terminera avec une salle quasi-vide et The Noisy Freaks, que l’on pourrait renommer Tribute To Daft Punk, étant donné la volonté du groupe de ressembler jusqu’à se fondre à nos deux célèbres DJ à têtes de robots.

Jour 4. 20h08, bis repetita

La soirée débute avec Dan, le membre du groupe Dad Rocks que nous avons déjà vu lundi soir. Le concert est le même, nul besoin de s’attarder dessus. Vient ensuite un jeune homme et ses claviers, Superpoze (photo). Sur un jeu de lumière aussi minimal et étudié que sa musique, le public se scinde en deux groupes : ceux qui s’assoient et observent le concert d’un regard lointain, et ceux qui se balancent doucement en souriant au rythme doux de cette électro mélodique et planante. Deux manières de profiter de ce set propre et bien calé. On profite entre chaque concert de la musique de Magnetic & Friends, des DJ qui s’occupent d’éviter le moindre silence, en passant et/ou mixant des chansons d’un peu toutes les époques.

22h52, shake your booties!

Le groupe suivant s’appelle Young Fathers, composé de quatre écossais. Ils réveillent complètement le public qui se lève et se met à danser sur des rythmes assez fous d’un mélange de world music, de groove absolu et décapant avec des percussions lourdes et tribales. Difficile de donner un genre à ce que nous propose ce groupe, mais il nous entraine de manière inéluctable dans leur monde, et l'on ne peut rester de marbre face à ces chanteurs hors pair habités par leur musique. Eux même dansent et s’agitent sur scène avec une énergie de feu. On se déhanche et on secoue les cheveux. La suite et fin de soirée se poursuit avec les Chapeliers Fous (photo) et leur swing vibrant. Avec une dominante à corde, le groupe qui est passé de musicien solo à quatre membres nous offre même un très beau morceau en acoustique, tout le monde joue le jeu, le silence s’installe donc pour laisser place à la mélodie magnifiée par la résonance de la chapelle.

Jour 5. 19h48, venons en au fête

Vendredi soir sonne l’entrée dans cet espace temps fantastique qu’est le weekend. Il est temps de rejoindre un lieu plus adapté aux festivités promises. On arrive ainsi au Minotaure, salle de spectacle de la ville de Vendôme,  et on remarque dès notre arrivée que le ton a changé : il y a foule aux portes et il nous faut attendre plus d’une demi heure avant de pouvoir entrer. On rate donc le début du premier concert et c’est un peu dommage. La salle de concert est à l’étage du bâtiment, on entre pendant le son électro d’ESB. Le trio est assez statique et semble au premier abord assez hermétique. Les trois hommes se font face et semblent jouer pour eux même. On reste quand même mais rien n’y fait, il fallait peut-être écouter depuis le début pour rentrer dans leur univers. Notre perplexité s’évanouira bien vite devant le deuxième concert : Jeanne Added (photo) a une voix à réchauffer le plus froid des festivaliers. Du rock savoureux au féminin et une présence scénique énergique répare la déconvenue du début de soirée. 

21h13, du rock qui s'est fait attendre

Les concerts se poursuivent avec le duo rock Peter Kernel mais la faim se fait sentir. On redescend donc au rez de chaussée pour aller voir l’unique stand proposant de la nourriture. La carte n’a rien à envier aux restaurant gastronomiques de la région : entre soupe, divers sandwichs et croques ou autres plats du jour, le tout à prix variant entre 2 et 5€, on se décide finalement sur un croque à la tome et au bacon et un autre à la truite fumée, fromages blanc et ciboulette. Un pur régal. On se ballade autour des quelques stands présents, entre préventions, informations et sérigraphie, avant de remonter prendre un demi au bar situé à l’étage, devant la salle de concert. Prix du gobelet: 50 centimes, mais celui-ci n’est pas consigné. On arrive pile à temps pour le show de The Do (photo), une des têtes d’affiches du festival. Le groupe nous livre un beau concert, la pop mignonne et colorée et le look de baby doll d'Olivia ravissent les jeunes et moins jeunes. La salle est pleine et le public acclame et ondule en cadence. Pendant 1h30, on a le sourire aux lèvres et on applaudit bien fort. L’enthousiasme est palpable sans que ça vire à l’hystérie, le tout se passe dans une ambiance chaleureuse et familiale. 

23h48, motivés des oreilles

Vers 1h du matin une explosion sonore nous sort de la salle de concert pour nous attirer vers l’espace du bar. Il s’agit de It It Anita (photo). Du hardrock, du grunge, du bruit, du gros pour ceux qui veulent pogoter et danser encore. Ca réveille avant d’aller dormir, on quitte les lieux vers 2h30 du matin mais la fête est loin d’être finie, grâce encore une fois à Magnetic and Friends qui s’occupe aussi tout en douceur de la transition fin des concerts à la fin de soirée.

Jour 6. 18h02, apérooooooooooo

Les Rockomotives proposent des concerts, set et autre apéros mix à toute heure et dans des cadres variés, du jeudi jusqu’au samedi. Si on ne peut pas assister à tout, on avait bien envie d’aller voir Holy Ships dans le parc du château de Vendôme, situé sur les hauteurs. C’est donc avec une vue imprenable sur la ville que nous avons savouré la musique de ce groupe dont le son évoque une pop très inspirée des sons new wave des 80’s. On arrive quelques minutes avant l’ouverture des portes du Minotaure pour éviter le gros de la foule et l’attente dans le froid. Nous commençons par le ciné concert présenté par Zenzile (photo). Une instru rock par moment et dub à d’autres sur un film mi fiction, mi documentaire qui semble dépourvu de toute narration. Il s’agit de Berlin, La Symphonie d’une Grande ville. L’intégralité du film est en noir et blanc, ce qui a un effet assez hypnotique pour un format de concert rarement (voire jamais?) vu en festival de musique auparavant.

21h21, ascenseur des sensations

Le début de soirée se poursuit avec Low Roar, un peu trop "low" justement pour un samedi soir. On attendra la fin du concert plus qu’on ne l’écoute, assis par terre tandis que certains festivaliers en sont à s’allonger et faire la sieste sur des chansons électro pop très très posées. Mansfiled Tya (photo), la surprise de la soirée se résume en deux mots et deux femmes. Entre comptines horrifiques, envoûtées et chansons souriantes, dansantes, sans complexes, les deux nantaises assurent ce show à deux voix idylliques qui sonnent un renouveau de la chanson française. Pour continuer sur la lancée de nouveaux souffles au pays des cuisses de grenouille, Feu! Chatterton balance un rock français à réveiller les morts, et ça tombe plutôt bien en ce soir Halloweenesque. Le charisme hanté du chanteur et son élégante moustache à la Gomez Adams ne laisseront personne indifférent. La fin du mois d’octobre a beau être frileuse, la température dans la salle de concert est restée à l’heure d’été.

23h34, son et lumière

On repart sur de l’instrumentale avec Ez3kiel (photo), un groupe tourangeau qui a déjà pas mal roulé sa bosse et est passé par quelques évolutions musicales et structurelles. La scène est partagée entre le groupe au premier plan et un imposant dispositif avec de multiples lumières au second plan. C’est donc un véritable spectacle graphique et sonore qui se déroule devant nous, avec une mise en scène étudiée et travaillée par les membres du groupe. Le résultat est esthétiquement réussi, on se laisse emporter. La soirée n’est pas encore finie mais la fatigue se rappelle à son bon souvenir après une semaine musicalement intensive. La chaleur est d’autant plus anesthésiante. On attend le début du dernier groupe, Mutiny on the Bounty, qui clot la soirée sur du rock soigné et technique mais quelque peu convulsif. C’est très entrainant mais la fatigue nous fera quitter les lieux vers 3h15 du matin, dans l’ambiance très motivée d’un public increvable qui semble pouvoir continuer à danser encore longtemps.

Le Bilan

Côté concert:

La valeur sûre
The Do, la pop qui n’a pas fini de faire parler d’elle.

La découverte
Mansfield Tya, à suivre de près.

Le son pour danser
Young Fathers, si tu veux remuer ton boule, fonce.

L’innovation
Zenzile en ciné concert.

Côté festival:

On a aimé :

- la diversité des lieux, des styles, des horaires
- un festival à portée de tous les budgets

On a moins aimé :

- un très léger manque de ponctualité (ouverture des portes, début des concerts)
- une attente assez conséquente à l’unique stand jetons pour les boissons le vendredi soir

Conclusion

Une semaine haute en couleurs musicales pour un public fidèle dans un festival à taille humaine, voir familiale. La diversité des lieux accueillants, les concerts nous ont conduit à visiter la ville de Vendôme à travers un parcours esthétique et ludique. L’association a une fois de plus atteint son but en nous faisant découvrir un grand nombre d’artistes, débutants et confirmés, locaux et internationaux pour une culture à valeur humaniste.

Récit et photos : Solenne Guellir