On était à
Rock’n Solex : La fête en roue libre

Plus ancien festival étudiant de France, le Rock'n'Solex affiche, pour sa 47ème édition une sereine vigueur et une programmation pointue. L'événement rennais qui anime chaque année le campus de Beaulieu a offert une belle fête de cinq jours à un public jeune et enjoué.

Jour 1. 20h32, le fest­noz ouvre les hostilités

Un festival de plus de 40 ans a forcément ses marques de fabrique, même si cela n’apparaît pas de prime abord à chaque festivalier. Outre les célèbres courses de solex qui parsèment le campus jusqu’au dimanche de longues lignes de pneus, c’est d’abord le festnoz qui ouvre le bal le premier jour. Au foyer de l’INSA, l’ambiance était surchauffée par la petitesse des lieux et la ferveur des danseurs.

21h04, Guingamp impérial en terre rennaise

Cette année la programmation misait clairement sur la qualité plutôt que l'audace, avec une réussite indéniable. Le duo qui ouvre le bal balance d'emblée une grande claque pleine d'un swing élégant et énergique. Le Bour / Bodros (photo), ou comment un accordéon et un saxophone peuvent enflammer une gavotte ou une ridée sans que jamais le groove ne retombe. Les jeunes trégorois d'Hopopops n'ont ensuite pas démérité, offrant une musique dansante aux influences très manifestes mais multiples, qui ne demande qu'à mûrir.

23h12, Ça chauffe au foyer

A ce moment là de la soirée, l'atmosphère est déjà étouffante et les bénévoles ne chôment pas au bar du « foy' ». Question danse, ambiance et fréquentation, le rock'n'solex est typique du fest­ noz étudiant rennais : plein de jeunes qui découvrent cette culture parce que l'occasion se présente, qui ne savent pas danser et bousculent avec bonne humeur un public averti .

00h45, Fusion des genres

Tout ce petit monde cohabite dans un espace pas franchement dévolu à la danse et sur des musiques qui débordent souvent avec bonheur le seul cadre « traditionnel ». C'était notamment le cas avec les nantais virtuoses d'Esquisse (photo),dont le style assez jazzy mélangé de musiques des pays de l'Est a montré une vraie classe et une redoutable énergie. Restait au trio Plantec de conclure la soirée, rythmes et basses électro convolant sauvagement avec la guitare et une bombarde débridée. Tout le monde en est reparti avec le sourire et la sueur au front, dans un campus pour un soir encore préservé du gros son en extérieur.

Jour 2. 18h54, métissage à tous les étages

Tandis que quelques bénévoles, secouristes et futurs festivaliers improvisaient une partie de foot sur les pelouses bordant l'accès au site, nous découvrons la version 2014 de Rock’n Solex. Même organisation générale pour des visuels plus épurés, des stands de nourriture aux toilettes sèches en passant par les stands de tickets valables un seul soir, comme d'habitude. Bus dévolu à la prévention avec notamment bouchons d'oreille - qui n'allaient pas être un luxe -, distribution de cendriers de poche, sécu et secouristes en nombre, bénévoles à patrouiller régulièrement sac à la main pour garder le site propre ... le déroulement était bien balisé.

19h34, Ça commence !

Comme souvent, pas grand monde pour le premier concert de soirée, The Probs. Mais déjà une bonne ambiance. Rapidement, le chapiteau se rempli. Tandis que la deuxième scène, dédiée aux platines pendant trois jours, affiche ce soir des sound­systems dont on dira plus tard combien ils étaient cool, le public convergeait nombreux vers l'épicentre de la programmation.

21h03, Scarecrow, attention blues explosif

Très attendus, les toulousains de Scarecrow (photo) n'ont pas déçu. Leur mélange de blues roots et de culture hip­hop a bien mûri et l'énergie est au rendez-­vous. Mais pas que. Ces gars là ont visiblement des choses à dire sur le monde d'aujourd'hui, plutôt que de bricoler des paroles passe­partout sur fond de gros groove qui tache. Ambiances multiples sans redondance, vrai travail sur le son (acoustique ou non), belle présence auprès du public. Un des premiers temps forts du festival.

22h02, Alborosie en terrain conquis

Rien à voir, cependant, avec les deux grosses machines implaccables qui allaient suivre. Au premier rang desquelles est venu le prince Alborosie (photo), dispenser en terre conquise un reggae impérial, très maîtrisé et servi par un groupe impeccable. Grosse ambiance partout, du fun en barre, et un répertoire clairement connu de beaucoup et vraiment attendu.

23h34, Naâman, détonnant et sans complexe

Dans la foulée, et sans pâlir de la comparaison avec son aîné italien, a déboulé Naâman (photo) et son DeepRockers crew, là encore pour un reggae brassant de multiples influences, complètement décomplexé et généreux, énergique, et surtout dépassant un certain nombre de clichés du genre. La nouvelle génération s'embarrasse peu des identités à l'emporte pièces, et elle a bien raison. Grosse claque bien fraîche dans ce pic de la soirée.

00h23, Pendant ce temps là, sur la deuxième scène...

Autant dire que, malgré la qualité de leurs passages et de leurs intervenants, les gaziers d'I­-Skankers qui officient sur la 2ème scène ne peut pas trop se battre contre les blockbusters jamaïcains de la soirée. Nous en sommes restés là, n'attendant pas Griz et son dubstep soul pour regagner nos pénates en prévision des jours à venir. Première déconvenue pour certains festivaliers : le choix compréhensible et audacieux des programmateurs de ne pas communiquer les horaires de passages des groupes pour ne pas avoir des pics d'affluence démesurés. Résultat : certains sont arrivés sur le site au moment où se terminait le set de ceux qu’ils étaient venus. Bon, ceci dit, le son durait jusqu'à plus de 3h du matin, alors...

Jour 3. 21h12, électro bigarrée

Arrivés trop tard pour profiter de Chill Bump, nous avons découvert en JabberWocky (photo) la sensation attendue du soir. Public en masse et très en forme, il ne fallait pas démériter et le groupe n'a probablement déçu personne. L'électro-pop bien troussée, puissante et servie par la belle voix impliquée de la chanteuse aura fait son effet tout au long d'un set festif et bien rythmé. Comme la veille, le son était partout assez énorme. On espère que les étudiants du campus de Beaulieu ont déjà bien révisé leurs partiels : faute de quoi ils allaient être condamnés à réviser en rythme. Le public était très largement jeune et fêtard, avec une tendance au déguisement intégral en fourrure.

22h37, Les Champions sur le ring

Grosse baffe ludique et échevelée, le set des Jukebox Champions (photo) est une vraie démonstration de force. Très funk/hip­hop, le groove incessant et protéiforme du duo a déployé tous les artifices d'un show très pro, contournant avec malice et inventivité l'écueil visuel du Djing, avec chanteurs, Vjing débridé, grosse présence physique tous azimuts et cette joie du jeu avec le public et entre eux qui en a bluffé plus d'un. Calibré, peut­être, mais jamais too much.

00h12, Sensuel et brut, Worakls emmène

La démarche de Worakls (photo) est tout autre, mais s'est révélée aussi convaincante. Tantôt épurée et envoutante, tantôt puissante et entêtante, la musique du parisien a pris le temps de développer son univers devant un public bien dedans. Et pour ceux qui déambulent sur site sans s'arrêter à la musique, il restait les longues rangées de buvettes et des pelouses tranquilles où s'asseoir un moment. Un brin déçu de devoir rater Digitalism, que nous ne demandions qu'à découvrir à l'épreuve du live, nous avons quitté l'enceinte du rock'n'solex en slalomant entre les pistes des course qui avaient débuté dans l'après midi. Ça et là, d'autres festivaliers poursuivaient hors site cette soirée placée sous le signe du gros beat qui tabasse. Eh, les gars, gardez­-en sous le coude, il reste une soirée avant la quille.

Jour 4. 19h20, transe technoïde

Impératifs personnels incontournables, pas de Cassius ni de The Hacker pour nous ce soir. Nous avons donc réemprunté les allées de Beaulieu avec l'envie de découvrir des artistes jusqu'alors réduits à un nom sur une prog. Il allait falloir compenser. Et dans l'ensemble, la soirée a tenu ses promesses, même réduite à sa portion congrue.

19h32, Jus de kiwi et soulsistas

D'abord avec la prestation de FKJ (photo) bidouilleur multitâche en temps réel, distillant samples de soul, boucles de guitare élégante et funky, claviersplanants en ensemble composite et jamais disparate. Bien accueilli, le Kiwi à dreadlocks a pu repartir la tête haute après un set convaicant, malgré le contexte pas évident d'ouverture de soirée.

21h22, Plus de monde à nourrir qu'à râfraichir... ça ne va pas durer !

Plus que les autres soirs, l'affluence n'était pas au rendez­vous à cette heure précoce de la soirée. La suite a confirmé que la soirée emblématique de début de week­end pour l'étudiant rennais est le jeudi, pas le samedi. Jusqu'à plus de minuit, heure de notre départ, le moins que l'on puisse dire est que l'affluence s'est faite plus progressive et nuancée que les autres soirs, peut­être en raison aussi de la programmation pointue de ce dernier soir.

22h05, Clara Moto, l'Autriche lumineuse

En tout cas, ça n'a pas empêché l'enthousiasme d'être de mise quand est arrivée Clara Moto (photo) Simple, presque réservée derrière sa table de DJ, la jeune autrichienne déploie progressivement une musique de plus en plus affirmée, toute en nuances et aux influences plus diverses que ne le laissait paraître le début de set. Pour finir, c'est dodelinant au son obsédant de rythmes lourds et efficaces que nous avons du nous résigner à quitter le champ de bataille nocturne quand d'autres montaient au front. Fleur au fusil et avec l'insouciance benoite qui sied aux gens confiants en une soirée épanouie et des lendemains sans regrets.

Du côté concerts 

La bête de scène.
Jukebox Champions, bluffants d'inventivité et de cohérence.

Le show qui assure.
Alborosie, royal et efficace.

La découverte.
Naâman, frais, décomplexé et conquérant.

La confirmation
Scarecrow, dans une démarche originale trouve toute son efficacité sur scène.

Du côté festival 

On a aimé :

- L'organisation rodée du festival, la disposition du site et la facilité d'accès, bien que tout se passe dans Rennes et que l'accès soit uniquement piéton
- La cohérence de la programmation chaque soir
- L'ambiance tranquille et festive qui fait la marque du rock'n'solex depuis longtemps

On a moins aimé :

-­ Le son parfois trop fort et surchargé en basses par moments
- L'absence d'horaire de passages affichés
- La qualité de la bière...

Conclusion

Edition pointue et très dansante, la 47ème année du Rock'n'Solex a démontré que le festival reste sur des rails solides et sans concession. Le public venu nombreux et souriant a profité d'une organisation misant sur « le changement dans la continuité » et la douceur avec l'instauration de la 2ème scène et quelques autres modifications plus modestes. Pas de faux pas, pas de manque criant pour un événement très maîtrisé de bout en bout. Compte à rebours enclenché vers la 50ème rugissante.