On était à
Rock en Seine: l'astronomique festival parisien

Le plus parisien des festivals nous présentait sa 12e édition ce weekend dans le domaine national de Saint-Cloud aux portes de Paris. Pas moins de 120 000 festivaliers se sont pressés aux portes de Rock en Seine pendant les 3 jours sold-out. L'édition 2014 s'illustrait sous le signe de l’astronomie : entre concerts, expos et foodtrucks, voici notre voyage astral dans la galaxie Rock en Seine.

Jour 1. 20h05, la blonde qui a pris un coup de vieux

Après un long moment passé dans les transports en commun, nous voici enfin à Saint-Cloud, là où les métros parisiens achèvent leur long parcours. Nous entendons déjà le tube « Call Me » de Blondie (photo) détonner au loin et nous courons tant bien que mal vers la Scène de la Cascade tout en essayant déjà de repérer tous les stands intéressants sur notre chemin. Nous voici donc devant le groupe de rock iconique recomposé des années 70. Soyons francs, la chanteuse a pris quelques décennies dans la voix (et pas que) et nous essayons en vain de nous échauffer devant quelques tubes mais sans réelle conviction. Tant pis, ce n'est que le début. Et alors qu'un double arc-en-ciel se lève au dessus de nos têtes, nous décidons d'aller chercher l'aventure ailleurs.

20h55, « Liberté, égalité avec les Hives ! »

Sur la Grande Scène débute le live des The Hives (photo) … avec un micro qui ne marche pas. Mais il en faut bien plus pour décourager Howlin' Pelle Almqvist (répétez doucement après nous). Dès les premières notes, les suédois déboîtent tout sur place mais à leur grand désespoir, le public est très très mou. On entend à peine quelques cris timides et applaudissements presque forcés à la fin de chaque chanson. Il faudra attendre Main Offender pour que quelques âmes décident à se mettre à sautiller pudiquement. Le chanteur essaye pourtant de motiver les troupes mais il n'y aura rien à faire, la sauce ne prendra pas et le concert se terminera avec un arrière-goût de raté, malgré volonté des rockeurs suédois.

22h19, les « freaky » qu'on « like » vraiment « a lot »

Heureusement, le public qui attend Die Antwoord (photo) devant la Scène de la Cascade est tout autrement motivé. Il est même survolté et dès les premières notes. Ca chante, ça crie, ça se trémousse et ça fait bien plaisir. Les sud africains envoient leur sauce au cours d'un live survolté et on perd quelques kilos à sauter sur leur rock-electro-dubstep en criant des paroles très approximatives anglo-afrikaans imitant la voix de licorne de Yolandi. Autour de nous tout le monde fait pareil !

A la fin de ce concert, une grande partie des festivaliers court vers la Grande Scène pour voir les singes de l'arctique, concert dont on fera l'impasse. Ce qui nous intrigue réellement ce soir ne va pas tarder à commencer sur la Scène de l'Industrie, la scène des belles découvertes de ce festival à la programmation pointilleuse et éclectique. Nous sommes donc ravis de découvrir une formule toute différente du DJ danois Trentemoller qu'on avait l'habitude de voir en DJ set de house minimal : un quintet qui s'adonne à un live de très grande qualité musicale qui bascule entre rock, new wave et electro et nous fait tout simplement rêver. Public conquis, regrets, zéro.

23h56, l'heure est au ravitaillement

Tellement pris par la programmation du festival, qu'on en aurait oublié de manger. Pour vite pallier aux estomacs qui ne tiennent plus la route, direction une des nombreuses zones fooding du festival. Ce soir c'est la zone nourriture du monde qui gagne au concours des papilles en demande. On ne résiste pas devant le stand des Caraïbes (photo) et c'est devant une assiette mixte samoussas, boudins et autres papillotes du bonheur qu'on écoute le set de Superdiscount 3 derrière nous sur la Scène Pression Live. Une fois rassasiés, on arrive sur la Grande Scène à temps pour le rappel de Arctic Monkeys. C'est propre, bien exécuté mais il manque toujours un peu de saveurs et d'improvisation. On est rassuré, on n'aura visiblement rien loupé..

Jour 2. 17h00, de la soul made in Alabama à l'électro-pop de Reims

Ayant mal calculé notre trajet jusqu'à l'autre bout de Paris, nous n'arrivons qu'un peu tard en ce deuxième jour mais nous tombons bien heureusement sur une des meilleures surprises de cette édition de Rock en Seine. C'est une sorte d'Elton John à la voix afro accompagné d'un orchestre dynamique et un peu foufou qui échauffe le public sur la Grande Scène sur des sons dignes des plus beaux gospels de Harlem. Nous faisons donc la connaissance de St. Paul and the Broken Bones ! Parfait pour un début de deuxième journée dans l'herbe. Mais nous ne pouvons trop nous attarder, nos chouchous ALB (photo) nous attendent sur la scène de l'Industrie. Un live plein de peps, de sourires et de fraîcheur, on leur retournerait bien leur It's nice to see you again et il nous tarde déjà de les revoir.

18h13, pas d'ennui, pas de répit

La bonne humeur étant définitivement installée, on se promène sur l'immense territoire de Rock en Seine en profitant des différents stands sur place. On s'essaye au blindtest avec Deezer (photo) et au stand de rafraîchissement Nestea (quoi qu'au vu de la température de l'été indien parisien, ce n'était pas tout à fait nécessaire) avant de nous poser sur la pelouse plus intimiste de la Scène Pression Live pour découvrir Clean Bandit qui fait déjà bien bouger les festivaliers. Ils nous touchent en plein cœur en reprenant un tube incontournable des années 90 : Show me love de Robin S. Alors que tout le monde chante en chœur, le groupe d'electro britannique sautille joyeusement sur scène. Même si la musique ne casse pas la baraque, l'échauffement est de qualité en ce début de soirée.

19h19, bordel et camelbaks

Nouvelle découverte sur la scène de l'Industrie, c'est le groupe bordelique bordelais Cheveu qui met le feu à tout ce qu'ils trouvent devant eux : guitare, micro public, c'est la folie ! Un mix de rock, drum n' bass, scream et autres genres musicaux improbables, ils rassemblent un public mi-perplexe mi-ébahi. Ils ont de sérieuses ressources d’énergie et d'humour et ne perdent pas leur temps sur scène. Tant mieux, ce soir on est d'humeur. Mais toute cette motivation donne faim et nous nous dirigeons vers la zone foodtrucks. Et là, devant le camion de burgers élu de notre cœur, une queue monumentale... On préfère donc faire la connaissance d'individus à l'attirail fort intéressant (photo) sur la butte à côté de nous et parler camelbak et possibilités de gruger de l'alcool dans l'enceinte du festival. On prend note.

20h57, le flow de Brooklyn

Alors qu'une bonne partie des festivaliers se dirige vers la Grande Scène pour regarder le, très certainement impeccable, live de Portishead, nous optons pour une nouvelle découverte sur la Scène de l'Industrie. Il s'agit du rappeur brooklinois Joey Bada$$ (photo). Il fait bon parfois de retrouver la fraîcheur street américaine et le rappeur ne manque pas de faire participer le public à son show. Il ponctue ses propres compositions de gros classiques de hip-hop US à l'aide de Dj Statik et fait vibrer le public en compagnie de son acolyte Nyck Caution, un ado à la bouille innocente et au flow époustouflant. Vraiment badass !

22h12, le magret et ses flumes

Fini de faire nos gangstas 'ricains, sur la Scène de la Cascade commence un Dj set très attendu de cette édition de Rock en Seine : Flume. Un set doté d'impressionnants visuels prenants et à la qualité graphique irréprochable … accompagné de mix tellement peu recherchés que FG Radio pourrait lui donner quelques cours. Du moins c'était notre ressenti. Le public, peut-être un peu moins casse-bonbon que nous, lui, s'y prête à cœur joie. Tant pis, on va profiter de la panique pour aller nous chercher à manger dans la zone terroir. Le choix est grand et alléchant ; alors on est plutôt merguez, aligot ou magret ce soir ? Va pour ce dernier (photo) Servi par des moustachus à l'accent du sud-ouest, ce qui ne manque pas de leur donner un charme supplémentaire, 3 bouts de gras et 4 tonnes de confit d'oignon dans du pain moite et le tout à pas moins de 6€ ma p'tite dame. Pour couronner l'ambiance il se met à pleuvoir. Qu'importe, le pain est déjà imbibé, on ne sentira pas la différence.

23h14, entre le mosh et les timides, on a fait notre choix !

Un peu dépités par les épisodes précédents, nous avons profité de notre avance sur le programme pour bien nous positionner devant la Grande Scène pour le concert de Prodigy (photo). Seulement voilà, bien placés au devant de la scène, on se retrouve au début du concert dans un énorme pogo. A moitié surpris, à moitié morts de rire, à moitié étouffés nous tenterons d'en sortir rapidement pour essayer de profiter du concert. Malheureusement, dès la sortie de la zone moshpit, on rentre dans la zone «public ennuyeux» où des flamby essayent de protéger leurs nanas de ces sauvages qui jumpent en les éloignant à coups de coude tout en bougeant leurs bassins comme devant le plus médiocre set de Calvin Harris. Retour dans le pogo. De toute façon au concert de Prodigy c'est « the place to be ». Niveau performance musicale, rien à signaler, c'est toujours la même setlist qu'il y a 10 ans, mais une fois tous les 2-3 ans, ça fait du bien !

Jour 3. 16h05, le rock'n'roll n'est pas mort !

Le public est un peu différent devant la Grande Scène en ce troisième jour. Les t-shirts French Bastards ont été remplacés par des vieux Rage Against The Machine et autres Ramones ressortis du fond du placard. Et pour cause, c'est les rockeurs australiens de Airbourne (photo) qui vont mettre le feu cet après-midi ! Un chanteur-guitariste complètement barré et sa clique de headbangers investissent tout l'espace devant eux allant jusqu'à courir dans le public et se casser des canettes de bière sur la tête pour en asperger les gens devant lui. Si on ne connaît que très peu leur musique, et le peu qu'on connaisse vient de nos jours Guitar Hero, nous sommes tout à fait impressionnés par ce concert qui restera dans les anales des meilleures performances à Rock en Seine !

17h54, girl power !

Après un bref détour par la Scène de la Cascade pour découvrir que les nanas de Warpaint ne vendent pas autant de rêve qu'on nous l'avait fait croire, retour sur la Scène de l'Industrie pour découvrir Brody Dalle (photo) , l'ex chanteuse des Distillers, qui elle, pour le coup, envoie du pâté ! Un peu émoustillés de voir cette icône punk en concert, nous sommes tout de même déçus par la qualité du son sur notre scène chouchoute qui n'avait pas fait de fausse note jusque là.

Il y a beaucoup de choses à voir et à découvrir cet après-midi mais nous faisons le mauvais choix de quitter la punkette australienne pour voir un morceau du concert de Selah Sue. Sa belle gueule et magnifique voix n'y feront rien, nous nous contenterons de l'écouter parfois sous la douche.

19h02, une vraie Electric Lady

Encore une nana nous attend sur la scène de la Cascade. On ne savait pas à quoi s'attendre avec Janelle Monaé (photo) qu'on avoue ne connaître uniquement via son feat avec Fun, et on sera très agréablement surpris de découvrir un show de soul r'nb type Outkast. Danseuses, cuivres, costumes blanc et beaucoup de classe, le tout saupoudré du sourire craquant de la diva-en-devenir, de sa voix extrêmement bien maîtrisée et d'une ambiance très romantique. Elle finira même son live en se jetant en slam dans le public tout en murmurant des « I Love you » à tous les fans qui la porteront. On succombe au charme.

20h09, estouffade corse et touareg du désert

Il est grand temps d'aller casser la graine. Le choix se portera sur le stand qui nous fait de l’œil (ou plutôt des nasaux) depuis le premier jour. Ce stand corse qui trône devant la Scène de l'Industrie avec les odeurs divines qui s'en dégagent. Une estouffade et une chiffonnade (photo), on n'a aucune idée de ce qu'on va manger mais ça paraît succulent. Et quoi de mieux pour accompagner ce banquet qu'une nouvelle découverte musicale tout à fait originale ? Un ovni à Rock en Seine : Tinariwen, des touaregs en tenue traditionnelle qui jouent un mélange de rock, de blues et de musique venue tout droit du Sahara. Un mélange que nous n'avions jamais croisé auparavant mais qui va faire son petit effet. On veut en voir plus !

Suite au concert, en vagabondant, on croise des festivaliers qui avaient opté pour le live de Lana Del Rey pendant ce temps là et qui ont pris leurs jambes à leur cou après avoir été quasi-tétanisés par un playback complètement foiré et une performance ennuyeuse comme un jour de pluie. En même temps vous l'aviez cherché...

21h30, les roux ont une âme

C'est encore une super-nana qui prend le micro sur la Scène de la Cascade. La petite timide en trench à l'accent britannique et à la frange rousse La Roux (photo) enchaîne tube sur tube et esquisse des sourires visiblement gênés à chaque explosion d'enthousiasme du public. On pourrait prendre cela pour de l'arrogance, on optera plutôt pour de la modestie et une gaucheté pudique. Au fil du show coloré par des spots aux tons sucrés venus tout droit du pays des licornes, nous nous rendons compte qu'elle n'a peut-être que deux albums à son actif mais qu'elle a des tubes à revendre. Une très belle ambiance dans un public … majoritairement féminin tout de même.

Cette 12e édition de Rock en Seine se clôt sur la Grande Scène avec Queens of The Stone Age dont nous ne verrons pas la prestation. Qui plus est, la fatigue commence à faire ses effets néfastes et un peu ennuyés, nous décidons de reprendre la route vers l'est parisien un peu plus tôt. On aurait pu attendre un final un petit peu plus explosif à vrai dire, peut-être qu'il a eu lieu sur une des autres scènes avec Kavinsky ou Cut/Copy.

Côté concert

La claque
Airbourne, ces gros tarés !

La découverte
Joey Bada$$, la badassitude brooklinoise

La loose
Lana Del Rey, et son fail du playback

La confirmation
Die Antwoord, tout simplement monstreux

La grosse déception
Flume et ses mix de supermarché

Côté festival

On a aimé :

- La scène de l'industrie qui présente de jolies découvertes musicales
- Un service super rapide au bar et CB acceptée ! Innovation !
- Poubelles, cendriers de poche et gobelets consignés : on ne nage pas dans les déchets et on apprend les bons gestes écocitoyens
- Beaucoup d'animation et d'endroits pour chiller tout simplement. On regrette de ne pas en avoir davantage profité.
- Une belle organisation de la RATP qui gère bien le flux de festivaliers à la sortie tous les soirs.

On a moins aimé :

- Un public mou du genou (et c'est peu dire sur The Hives !)
- Des artistes qui mettent des étoiles dans les yeux mais moins de pâté sur scène
- Un terrain immense qui fait faire beaucoup de marche. Et le sport on n'aime pas trop ça !

Conclusion

Bien que festival phare de la fin de l’été, Rock en Seine n’a pas grand chose de révolutionnaire comparé aux grands évènements de l’Héxagone, si ce n’est un gigantesque terrain à Sant-Cloud et des activités pour s'occuper du matin au soir. Malgré la programmation, Rock en Seine a plus des allures de rendez-vous parisien que de gros festival de l’été et cela en partie à cause d’un public peu motivé… L’ambiance n’a donc pas toujours été au rendez-vous du côté du public même si la scène de l’Industrie nous aura fait faire de très belles découvertes musicales tout au long du weekend.

Récit et photos : Kilian Roy et Anja Dimitrijevic