On était à
Rock en Seine : la renaissance

Les médisants diront que les festivals parisiens sont des repères à poseurs. Les vrais iront voir par eux-mêmes et seront surpris de la transformation de Rock en Seine avec une programmation bien plus rock que les années précédentes, un public totalement renouvelé et un quasi sans-faute du côté de l’organisation. Comme quoi, on ne fait pas toujours bien de s’arrêter à la première impression.


Jour 1. 17h08, Saint-Cloud, fais-nous transpirer

Arrivée sur les sentiers du parc de Saint-Cloud au son de la première chanson du live de Caravan Palace. Devant la grande scène, le public est déjà complètement à fond : les t-shirts collent, des gouttes glissent sur tous les fronts alors que la foule saute sur du Jolie Coquine et autres Suzy en symbiose sans se poser de questions axées sur la météo. Moins habitués à supporter les chaleurs de l’Afrique subsaharienne, on va plutôt faire une halte par la scène de l’Industrie et planer avec Adrien Soleiman qui joue malheureusement devant une fosse quasi vide. Pourtant ce mec vaut véritablement le détour et nous fera oublier la chaleur abrutissantes avec des sonorités fraîches et suaves. On ne peut décidément pas rivaliser contre l’electro-swing. Mais ceux qu’on attend plus particulièrement ce soir seront un peu plus loin sur la scène Pression Live, la plus excentrée du festival. C’est Slaves (photo) et leur garage punk crasseux, totalement britannique, complétement déjanté et absolument génialissime. Les deux gars de Kent gagnent immédiatement le coeur du public à qui ils font faire des câlins avant que le tout ne finisse en pogo, à Rock en Seine ! Nous qui étions restés, il y a deux ans, sur une note amère avec un public on ne peut plus mou, on croit rêver.

19h30, Rock en Seine pour tous !

Sur la colline verdoyante longeant la scène de l’Industrie, il y a nous, nos fish, nos chips et nos mushy peas à 13€50 (et un petit AVC au moment du passage en caisse) et juste en face sous les lumières rouges, Brian Jonestown Massacre et leur shoegaze parfaite pour nous détendre, nous rafraîchir et nous emporter par la douceur des riffs. La suite se passe sur la grande scène avec les Two Door Cinema Club (photo) et la bonne humeur incarnée dans ce grand groupe d’electropop qui fait taper tous les pieds de la foule, connaisseurs ou moins, jeunes ou moins jeunes. Car on croise de tout dans le public cette année, des parents, grands-parents, métalleux ou fashionistas. Bref, une grande réunion familiale estivale, un peu étrange mais qui fonctionne à merveille. Alors que la nuit tombe, on crève encore de chaud dans l’ouest parisien. Heureusement, du côté de l’organisation du festival, la canicule a été largement anticipée avec l’installation de brumisateurs et de points d’eau de toutes parts. Et peu importe la gadoue, tant que les gouttes dégoulinent dans le dos. 

21h20, la saison des amourettes

On décide de changer d’ambiance et on opte pour celle au goût de vieux saloon américain avec Clutch sur la scène de l’Industrie. Public aux longs cheveux grisonnants arborant des tshirts de vieux groupes de rock, il n'y a aucun doute, ce soir, la programmation pointilleuse rock a attiré plus d’un connaisseur. Ca pogotte sec sur le devant de la scène et ça danse jusqu'aux foodtrucks derrière la fosse. Le vieux rock, c'est tellement une valeur sûre... Déçus par Birdy Nam Nam l’année dernière au Fil du Son on choisit de re-découvrir Royal Republic (photo), les gentlemen scandinaves du rock n’roll. De la musique sexy et un chanteur à l’humour irrésistible, autant dire qu’on n’a pas été difficile à séduire par le savoureux mélange de Franz Ferdinand, the Hives et Fall Out Boy. Et là encore et toujours, une belle vitalité du public parisien visiblement bien plus enjoué par le line-up de cette année.

23h35, dernier train pour les étoiles


On arrive beaucoup trop tard pour chopper de bonnes places devant la grande scène bondée devant
The Last Shadow Puppets. Tant pis, de toute façon la prétention des emblématiques leaders du groupe, Miles Kane et Alex Turner, bien qu’accompagnée d’une précision musicale rare, c'est très peu pour nous. Et puis ça nous fait une plutôt bonne excuse pour aller voir Flavien Berger (photo) sur la scène Pression Live à la place. Finir la soirée en planant sur une voie lactée avec un gars qui cultive une réelle intimité avec son public, c’est quand même bien mieux. Pendant sa dernière chanson, il ira jusqu’à s’assoir parmi la foule dans la fosse, comme pour nous raconter une dernière petite histoire. On est sur un petit nuage et on quittera les lieux les yeux dans les étoiles. Ou presque. Pollution lumineuse tout ça, tout ça…

Jour 2. 15h00, au delà des concerts


On arrive tôt cet après-midi pour prendre le temps de découvrir les activités annexes aux concerts en commençant par le Village du Disque et ses stands de vinyles à gogo. Belle surprise, les vendeurs ont bien mis en évidence les dernières galettes des groupes présents sur le festival ce weekend et on finira par craquer par un légendaire the Teaches of Peaches. Petit plus, les stands proposent de garder les disques au chaud pendant qu’on est en concert et ce n’est clairement pas de refus ! Kaviar Special sera notre prochaine découverte sur la scène de l’Industrie. Un garage punk psyché rennais qui passe très bien sous le soleil brûlant de l'Arizona… euh pardon, Saint-Cloud. On les ajoute à notre playlist 2016 illico presto avant de partir faire un tour du côté de l’espace d’exposition Art Rock (photo) où différents artistes ont remixé l’affiche de Rock en Seine chacune à l’effigie d’un des groupes programmé ce weekend. Alors que les gens autour de nous prennent soigneusement chaque oeuvre en photo pixélisée, on se demande pour nos parts où est-ce qu’on pourrait bien toutes les faire rentrer dans nos salons.

17h09, les pogos de Saint Cloud reprennent de plus belle


Alors qu’on s’était bien rafraîchi avec une pinte de Grim à 8€ (gloups…), on va transpirer tout ce houblon sous 37°C avec les rockeurs australiens chevelus de cuir vêtus de
Wolfmother (photo) et une ambiance digne du Hellfest des plus beaux jours. On est bien moins enthousiaste devant la performance de Bring Me The Horizon, encore une fois, bien que la scénographie soit toujours aussi chouette. Toujours un peu de mal avec Oliver Sykes, le chanteur, tous ses fuck you d'adolescent en mal-être et un niveau de la propreté de voix qui nous laisse sceptiques.  On ne sait trop comment, on se retrouve au fond de la fosse bondée de la scène de la Cascade devant La Femme et on a bien du mal à accrocher à la poésie de métro parisien. En petite salle ce groupe nous a bien souvent fait planer. Entourés de 20 000 personnes, on a du mal à saisir toute la subtilité de la performance. 

21h20, pas le time de pleurnicher, le peuple veut danser !


On a essayé à tout prix d’échapper à la dépression musicale, pourtant omniprésente ce soir, mais ça n’aura pas été évident. On se fait malencontreusement embarquer devant
Sigur Ros où on fond de lassitude dans un coin de l’immense foule en nirvana. Il faut avouer qu’on est bien plus proches de la culture du pogo que de la musique progressiste et minimaliste… Our bad. Heureusement, cette année, il y a le “Dancing” ! Nouveau chapiteau / piste de danse où se tiennent entre autres ateliers de hip-hop, salsa et dj sets de techno. Certes, on fera la queue à l’entrée, comme pour rentrer en boîte, mais Chloé aux platines saura effacer nos frustrations et nous fera groover en attendant le début du live des Naive New Beaters (photo) à quelques pas de là. Du côté de la scène de l’Industrie avec les Naive ça fait la chenille et “des patates avec les mains” dans une fosse qui se remplit peu à peu avec les démissionnaires de Massive Attack dont le live bat son plein sur la grande scène. Entre les blagues, chorés désarticulés et autres excentricités des parisiens barrés, Izia fait irruption sur scène pour nous faire hurler de plaisir sur Heal Tomorrow. Groupie toi-même.

Jour 3. 16h23, début de journée sous le signe des mollassons


On entame la dernière journée dans le parc de Saint-Cloud sur la scène principale avec
The Editors et encore et toujours ce grand soleil qui tape sur la nuque. Le concert met des plombes à se lancer et quand la mayonnaise prend enfin et que la performance devient un peu plus dynamique, on doit déjà se dire aurevoir. Il faut dire que celui-là ne restera pas forcément dans nos souvenirs. S’en suit la nostalgie de nos années collège avec Sum 41 (photo). Même constat qu’à Groezrock, Deryck Whibley devrait définitivement mettre une croix sur le chant qui ne lui réussit plus trop, mais le choix du groupe correspond bien mieux au public de Rock en Seine. Malgré l’effervescence lorsqu’ils joueront leurs plus grands tubes en fin de concert, le tout reste plutôt ennuyeux et les mêmes interludes sont repris à chaque live. Sum 41, nous deux, c’est fini.

19h03, quand le roi entre en Seine


Bien trop de monde encore une fois devant la scène de la Cascade pour
Ghinzu qu’on écoutera de très loin après avoir passé un long moment dans la queue au bar. Il y a bien plus de monde aujourd’hui à Rock en Seine et ça se sentira tout au long de la journée. Comme quand on s’aventure aux toilettes. Trente minute de queue chez les femmes, des vessies qui se tordent et le stress qui monte alors que le grand nom de la soirée s’apprête à commencer sur la grande scène. Mémo pour plus tard : acheter enfin ce pisse-debout dont on parle depuis si longtemps. On dévale la colline de la grande scène à grande enjambées et on arrive pile sur la fin de I Wanna Be Your Dog émoustillées comme des jouvencelles. Iggy Pop (photo) est là dans toute sa splendeur, torse nu aux couleurs Doritos, voix sensuelle et démarche de cowboy. Il danse, il s’accroche aux bâches, il crache sur les photographes et enlace le public agrippé aux barrières… Pendant 1h15, rien n’arrêtera l’iguane et nous perdrons nos voix à crier à chaque début, milieu et fin de chanson. On peut mourir tranquille, merci Rock en Seine.

21h30, un cabaret psyché pour bien finir le weekend


Alors que le festival entier est en déplacement vers la sortie ou de plus petites scènes, on inhale de la poussière à foison. Trois jours de canicule et 110 000 personnes auront desséché le parc habituellement fréquenté par les familles boulonnaises. 
Pour bénéficier d’un peu de tranquillité, on ira casser la croûte devant la scène Pression Live avec des grilled cheese sandwiches à 1000 calories. Juste ce qu’il nous fallait. Il faut dire que le choix de stands bouffe à Rock en Seine est assez dément… à défaut de proposer quelque chose à se mettre sous la dent pour les toutes petites bourses. Pour le dernier concert du weekend, on opte pour Peaches (photo) sur la scène Pression Live et on ne le regrettera jamais. Un spectacle burlesque, osé, coquin, pétillant et explosif. Le genre de truc qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. Trois personnages hauts en couleur sur scène qui s’adonnent à une véritable performance physique et artistique. La chanteuse de glamrock / synthpunk finira son live dans une énorme verge gonflable portée par le public et nous fébriles mais extatiques. Holy fuck !

Bilan

Côté concerts

La découverte
Royal Republic, de la classe, de l’humeur et du punch.

La valeur sûre
Iggy Pop, et ça se passe d’explications superflues.

Le show extravagant
Peaches et ses danseurs à paillettes habillés en vagins.

Le show fitness
Slaves, plein des oreilles, plein les yeux et plein les pattes.

La déception
Editors, un concert qu’on aurait imaginé bien plus énergique

Côté festival

On a aimé

- Une programmation très rock cette année. On a fait le point, on pouvait faire tout le festival à base de riffs de guitare.
Un public renouvelé, plein d’énergie et de bonne humeur. Merci pour ce moment les gars !
Le système cashless, fluide, rapide et super pratique.

On a moins aimé

- Une programmation molle et étrange le samedi. On aurait préféré pouvoir se détendre le dimanche.
- L’affluence de l’excellente programmation du dimanche et ses longues queues. Plus de toilettes ! On ne le dira jamais assez.
- Le prix des consos toujours exorbitant. On a beau être parisiens, on saigne quand même.

Conclusion

Une édition explosive de Rock en Seine qui clôture la pleine saison des festivals en toute beauté. Des lives détonants, un public surexcité et de nombreuses conquêtes musicales et humaines. On est réconcilié, tout est pardonné. A l’année prochaine !

Un récit de Anja Dimitrijevic
Photos de Kilian Roy