On était à
Nouvelle(s) Scène(s) : l’éveil du printemps

C’est le printemps. L’heure de migrer sous de nouveaux tropismes musicaux et fêter la fin de l’hibernation. Pour l’occasion, Niort fait éclore la septième édition de Nouvelle(s) Scène(s), invitation à butiner de bar en bar à la découverte des talents de demain. Les soirées s’allongent, les terrasses s’allument : le printemps des musiques émergentes est arrivé.

Jour 2. 22h30, nuit à la fraîche

Notre train va entrer en gare de Niort... ici Niort. Pour les correspondances…On sort sur le quai en gare transis par la fraîcheur de la nuit, les paupières encore engourdies par la tiédeur du train. A peu près aussi endormis que la ville, on traverse le centre à la recherche d’un signe d’effervescence. L’an dernier, le festival avait été l’occasion de découvrir Bagarre, Kuage, Grand Blanc, Flavien Berger et Ropoporose. Autant dire que l’on attend notre nouveau lot de jeunes pousses avec impatience.

23h10, jeunes pousses et petite mousse

Deuxième soirée déjà pour le festival. La nuit nous emporte au bar l’Entr’acte, baigné par la pop-surf lumineuse de quatre illuminés belges du jeune groupe namurois Italian Boyfriend (photo), quatuor formé autour du duo de BRNS. La petite salle est pleine à craquer, et le public déborde dans le hall du Moulin du Roc où une tireuse à bière (4-7€) à été ajoutée en renfort. On se réveille, mieux, on s’éveille : leur musique est fraîche et désaltérante, comme la mousse qu’on attrape au passage. Dans le bar au milieu de la ville endormie, le concert a un petit goût de soirée d’été. Les belges s’amusent du public bavard et rieur : le chanteur se moque de nous, de lui, et même parfois de sa propre musique.

23h50, papillons de nuit

On s’extirpe du bar, passe devant le Duplex où le concert de Camp Claude bat son plein et l’on rejoint la salle de musiques actuelles de la ville, le Camji où la soirée doit se prolonger. La file qui s’allonge devant l’entrée nous donne l’occasion de feuilleter le programme du festival, et de découvrir le périmètre des concerts : 10 bars et salles de concert du centre accueillent 31 jeunes groupes issus du paysage des musiques indé et alternatives.

Du haut de ses sept printemps, le festival peut se vanter d’avoir trouvé son public : ce soir, ce sont près de 200 personnes qui resteront à la porte de la salle du festival victime de son succès. Attirés par la lumière, on pénètre juste à temps dans le hall grouillant de monde. Ici tout le monde se connaît, se retrouve, s’enlace, s’esclaffe. On en oublierait presque de rejoindre le DJ set house-club de Robin Steiner où s’ambiançent déjà quelques centaines de personnes.

01h20, parade de l’animal sauvage

Pour être honnête, on attend surtout l’arrivée de Killason (photo), qui fait déjà parler de lui comme l’un des artistes les plus complets de la scène hip-hop. Difficile de lui coller une étiquette : débarqué en manteau à fourrure sur scène, il opère rapidement sa mue en oscillant entre un flow de rap grandiloquent en complet cuir-lunettes-noires et des parenthèses de chant suave. La performance est une vraie parade animale : rappeur, beatmaker, Killason est aussi danseur, et pas des moindres puisque le programme nous apprend qu’il est affilié à l’un des crews les plus repérés en danse hip-hop, le Wanted Posse. Dans la salle comble de curieux, tout le monde est sous le charme du MC et de ses uppercuts vocaux.

Jour 3. 15h, baskets-lunettes-casquette

Même lieu, autre ambiance. Là où nous nous trémoussions la veille en début de soirée, les bacs à disques ont débarqué, et avec eux quelques dizaines de mélomanes en mal de vinyles à dénicher. On attrape au passage une gazette du festival rédigée par des étudiants des écoles alentours. Sur la pelouse synthétique, sous les palmiers et la verrière, l’illusion fait le job et l’on a instantanément la sensation d’avoir quitté l’hiver. Dehors, le temps est radieux et dans les rues, la panoplie baskets-lunettes-casquette semble comme de rigueur.

Dans les rues piétonnes, on se faufile jusqu’au Pilori où Moon Gogo marie le son mélancolique et dur du geomungo, instrument traditionnel coréen à six cordes, à la guitare, au clavier et au chant. Le public est familial et les bambins perchés sur les épaules oscillent au son de l’entêtante mélodie.

17h40, la course du soleil

Drame (photo), c’est le nom du groupe du prochain concert. Annoncée dans un ”lieu surprise”, la sauterie aura lieu dans la « faille de la Brèche », comprendre la tranchée de la place centrale verdoyante qui mène aux salles de cinéma. A part quelques (très) curieux, le public s’installe tout autour de la fosse et contemple le concert du dessus. Une expérience déroutante, au son d’un concert à l’allure cinématographique : la musique galope, se lance dans des crescendos sans limite et nous coupe le souffle sans jamais trébucher. Une ambiance quasi nocturne alors que le public lézarde au soleil.

18h45, émotion chez les muses

Le concert à peine fini et un café attrapé en route, nous voilà en train de grimper la rue jusqu’au Musée d’Agesci qui a laissé l’art vivant se mélanger à ses collections antiques. Au travers du public et des corps nus de marbre qui se dressent parmi les spectateurs, Stranded Horse AKA Yann Tambour et Boubacar Cissokho (photo) entremêlent les sonorités ancestrales de leurs instruments respectifs. Le premier à la guitare, le second à la kora, instrument à cordes d’Afrique de l’Ouest, ils oscillent entre une folk poétique et solaire et des chants traditionnels à la limite de la transe. Entre deux chansons, ils tentent de détendre l’atmosphère par quelques blagues. En vain, le public trop intimidé par le cadre et la performance est impossible à décoincer.

21h30, et au milieu coule une Rivière

D’ailleurs, pour parler timidité, c’est au prochain artiste qu’il fallait s’adresser. C’est au Duplex qu’on le rejoint, après un saut éclair au minuscule pub Le Tintamarc où Braziliers rock la casbah toute entière. Côté Duplex donc, on découvre O aka Olivier Marguerit (photo), frêle brun aux yeux clairs, aussi inoffensif et modeste que son nom. Un orteil dans la Rivière, sa chanson phare, et nous voilà immédiatement rafraîchis. Pour dresser notre soirée, il déshabille les grands thèmes de la vie, et y pose un regard aussi aigu que sa voix juvénile. Au climat de la soirée, nous l’accompagnons jusque dans la reproduction musicale de sa mise au monde. La renaissance est complète.

23h20, le climat est changeant

Après un début de soirée si doux, il était temps que quelqu’un vienne nous secouer. Un job pris très à coeur par Rubican (photo), que l’on redécouvre plus qu’on ne le découvre. Parce que Rubican, aussi connu sous le nom de Pierre-Louis François, c’est aussi Headcases, son premier groupe, ou encore Luis Francesco Arena. Ah, et c’est aussi la guitare de Prince Miaaou. Bref, un mec dont on a du mal à comprendre la modestie apparente, et qui gère son set d’une main de maître. Multi-instrumentiste multi-genres, le one-man-band nous balade du rock anglais abrasif à la chanson française sans sourcilier, avec des arrangements ciselés de près.

00h20, faire son nid dans la nuit

Juste le temps de faire un tour sur la terrasse lounge du 11bis réchauffée par le DJ set soul-funk de A side B side, et nous filons retrouver le bar de l’Entr’acte pour les dernières minutes de Mouse DTC (...pour Dans Ton Club). La salle qui semble n’avoir jamais désempli depuis le début du weekend rebondit au rythme des bonds de la chanteuse et de ses loupiotes LEDs accrochées au bout des seins.

Entre temps, dans le cinéma du Moulin du Roc vidé de ses sièges, le Club a ouvert ses portes. C’est Bajram Bili qui ouvre la danse de la soirée électro. Annoncé sous la bannière « techno » sur le programme, on est surpris de la finesse et de la précision de la performance. Montées ultra progressives, sonorités minimalistes, soutenues par des rythmiques lourdes et une scéno lumière monumentale, on est vite absorbé.

02h10, rafale sonore et visuelle

Le temps d’un rapide changement de plateau et c’est Maestro (photo) qui s’empare de la nuit. Là encore, la nouveauté a germé dans l’existant : Maestro est le mélange improbable de membres de Vitalic, Discodéine et Bot'Ox, mais aussi des Rita Mitsouko. Au milieu de tout ça, alors, il y a quoi ? Une nu disco ultra-british au style nonchalant et dépravé, assez pêchue mais finalement peu nuancée.

La soirée finira à l’aube, avec la performance la plus singulière du weekend : Molécule, alias Romain Delahaye, présente son projet « 60° 43' Nord », résultat sonore d’un périple de 5 semaines à 7000 kilomètres au bord d’un chalutier au coeur de l’Atlantique Nord. Vagues sauvages, coque qui craque, il a collecté les sons et composé son album à bord. Ce soir, les images accompagnent la musique pour une déferlante sonore et visuelle.

Le bilan

Côté scène

La brise d’été
O, poids plume au coeur lourd

Le coup de vent frais   
Rubican, le pouvoir d’un trio en solo

La montée de sueur
Killason, torride animal nuptial

Le coup de soleil
Maestro, trop chaud, trop tôt

Côté festival

On a aimé :
Les scènes aussi variées que les styles
Le public niortais moins pipelette que l’an dernier
L’atmosphère intimiste des bars, pubs, lounges, clubs
Le dépliant du programme, aussi beau que pratique et lisible
Tout le dispositif autour du festival qui lie les scolaires de la ville aux artistes (gazette, avant-premières, rencontres…) que l’on découvre au détour d’une discussion

On n'a moins aimé :
Les coins de restauration quasi-inexistants, ce qui contraint à quitter le festival pour combler sa faim
- Les bars pris d’assaut : bientôt il faudra doubler l’offre musicale pour satisfaire tout le monde !

Conclusion

En mettant dans un écrin des jeunes talents au succès prêt à éclore, Nouvelle(s) Scène(s) a un petit quelque chose de grisant : on sait que l’on y découvre sans trop le réaliser ceux qui feront le paysage musical de demain et l’on papillonne de nid en nid dans la ville à la recherche d’un bon son à butiner. Le festival célèbre aussi la saison des amours musicaux : les guitaristes des uns sont les batteurs des autres, et les passés des premiers font les futurs des seconds. La musique comme microcosme vivant, muable et changeant prend tout son sens, et l’on quitte le festival vitaminés par ces bons sons qui n’en finissent pas de bourgeonner.