On était à
Les Nuits Courtes, du rap, des potes et des lendemains difficiles

C’est toujours excitant la première édition d’un festival, on se demande si les organisateurs vont être à la hauteur, si le public va répondre présent, s’il ne va pas y avoir de problèmes techniques... Ce weekend on découvrait donc les Nuits Courtes dans le sud-Vendée, avec Gramatik, Chinese Man, Tryo, Bigflo & Oli et 6500 festivaliers... et on vous raconte.

Jour 1. Vendredi 20 octobre. 18h44, Fontenay nous voilà !

On ne va pas se le cacher, on ne se rend pas tous les jours à Fontenay-le-Comte. De prime abord, ce n’est pas franchement attrayant et on est un peu perdus pour se garer. On finit par trouver le camping du festival (photo) et parking camions à 1,5 km de la salle de concert. Car oui, même fin octobre, il y a un camping de prévu pour trois jours. À notre arrivée, le camping est vide de moitié - mais annoncé comme étant complet ; est payant (5 € / 3 jours), mais ouvert à tout vent... On ne comprend pas tout, mais ce n’est pas grave, ce week-end, on fait nos papas et on dormira en camion sur le parking qui juxtapose le camping. Le premier groupe est prévu pour 19 h et malgré toute la bonne volonté du monde, on sait déjà qu’on n’y sera pas. Entre apéros, installation, navette pour faire camping/village festif, retrouvailles et donc apéros... On est débordé !

21h37, « alors on n’entend pas Patrice ? »

Nous voilà sur le site de l’évènement... Première surprise, il y a une première fouille, sans contrôle de billets, qui donne sur un vaste espace extérieur avec un bar, une scène sous chapiteau, des stands... Cette première scène est en fait en accès libre, seule la salle de concert accessible plus loin est dédiée aux porteurs de billets. Ça donnerait presque envie d’appeler ses potes pour leur dire que Le Peuple de l’Herbe, The Geek x VRV, Charles X, Chill Bump... seront gratuits ce week-end ! On fait le plein de jetons et on se jette dans la salle. Patrice (photo) c’est un peu le bon copain que tu retrouves à chaque festival quand tu en as besoin, que tu suis sur Facebook par respect et que tu apprécies pour sa générosité et sincérité sur scène... Son sweggae music entre doucement dans les mœurs et ambiance les jeunes festivaliers. 

22h13, la Haute Patrouille contrôle l’ambiance

Dehors enchaîne directement Le Peuple de l’Herbe. Même si cette scène est en accès libre, il n’y a pas beaucoup plus de monde. L’espace est bien aménagé et bien éclairé et les gens sont dispersés entre les stands et le grand bar. On en profite pour s’acheter un gros burger, préparé avec soin et patience (surtout de notre côté) et on finit par se rapprocher du concert sur la fin. Le Peuple de l’Herbe qui tourne depuis 20 ans semble avoir un peu perdu de sa THC. Le set live est relativement mou et s’éloigne du cocktail hip-hop, electro, dub d’origine. À une table, un jeune homme nous maintenait que « non c’est pas possible, c’est pas eux sur scène... C’est plus tard ! » Pas le temps de niaiser, on court voir Stand High Patrol, sans leur MC Pupajim (photo). On avait un peu peur du paramètre DJ set mais en fait, c'est de la bombe, comme disent les jeunes des années 90’s. Leur duba-dup particulier sonne tout aussi bien avec quelques coups de scratch supplémentaires.

00h26, rien de Gramatik !

Notre courage ou notre soif nous feront louper la majeure partie de The Geek x VRV. Le groupe s’est déjà fait une belle réputation et l’atmosphère créée envoûte les échanges jusqu’au bar.
Il se dégageait une ambiance calme et chaude avant la tête d’affiche de la soirée, le fameux Gramatik (photo) !  Amoureux des sons funk, jazz ou soul associés à des beats plus electro, voire dubstep, il créée un univers bien à lui qui offre de quoi s’amuser. Tête d’affiche oblige, il a la possibilité de jouer jusqu’à 1h30 pour notre plus grand plaisir. Au passage, on notera que le son de la salle était vraiment excellent peu importe l’endroit où on se trouve. Ça change des festivals en plein air. Avec la fin de semaine, les ardeurs sont totalement éteintes pour une nuit courte mais on ira quand même faire un tour sur le camping en se disant qu’on fera mieux demain.

Jour 2. Samedi 21 octobre. 14h54, camping de fortune

La journée commence à la douce odeur du chlore de la piscine municipale face au parking et à la saveur d’une bière blonde bien fraîche. Il est temps pour nous d’emprunter un grillage dérobé et d’accéder au camping. La notion de « complet » est toujours aussi relative. Au bas mot une cinquantaine de tentes sont présentes sur un terrain qui pourrait en accueillir le double facilement. Le temps est mitigé et le vent assez capricieux pour emporter toute bâche ou tonnelle installée. Malgré le fait qu’il soit payant et que les concerts ne reprennent qu’à 19h, aucune animation n’a été prévue. Heureusement quelques jeux de société, un ballon de foot et de l’ingéniosité traînent dans les parages. Des joyeux lurons s’improvisent même architectes et décident de construire un labyrinthe avec des grillages et de la rubalise au milieu du champ (photo). Cette activité nous aura bien occupé deux heures pour un résultat à la hauteur de nos espérances. Dans quelques années, si on nous demande l’anecdote de cette première édition, on pourra se vanter de cette construction !

20h41, on va finir roadies de Jahneration

On arrive sur le site de l’évènement pendant Sianna, la Diam’s version 2017. Ça plaira certainement aux fans de Jul ou Niska, mais ce n’est pas trop notre tasse de thé. On prend notre joker pour ce concert et on attend avec la jeune génération de Jah dans la salle. Pour la cinquième fois de l’année, on croise Jahneration (photo) en festival. La dernière fois, c’était au Couvre Feu. Que dire à part marteler que c’est la révélation reggae 2017, que leur show sont bouillants et qu’il faut écouter leur album éponyme... Ils n’ont pas l’air de se fatiguer de cette tournée interminable alors que de notre côté l’heure passe trop vite.

23h04, big flow & holy concert

Décidément il semblerait que la Blanche de Namur à 5 € la pinte ait un effet d’attraction sur nous, elle nous fera louper le concert suivant. D’ailleurs avec la bière blonde Prima à 2,50 € le demi reste également accessible pour un festival. On se pose tranquillement à l’orée de chênes, en discutant avec des festivaliers. La plupart viennent d’Angers, Bordeaux ou Nantes et sont impressionnés par la qualité d’organisation de cette première édition. En attendant la foule de 3 000 personnes s’agglutine à l’entrée de la salle pour voir les enfants de la ville rose Bigflo & Oli (photo) qui sont venus avec une mégastructure qui en jette et accompagnés du champion de France de beatbox WaWad. Les tubes s’enchaînent et résonnent dans la salle comme des hymnes à la jeunesse. Le public cosmopolite est en feu et l’ambiance au top. Fin du concert : « ah’ c’est dommage, ah’ c’est dommage, que ça se finisse déjà... »

01h14, « petit boze par petit boze, toute la France voit en mauve »

Les tourangeaux de Chill Bump ne manqueront pas de nous rappeler que le bon hip-hop aux consonances ‘ricaines n’est pas mort et la scène chapiteau offre un son de bonne qualité. Au tour du bien-nommé Biga*Ranx (photo) de monter sur les planches de la salle. Son set actuel est composé d’une choriste et d’un DJ, les sonorités sont donc plus pauvres que lorsqu’il tournait avec de vrais musiciens. Mais son liquid-dub est toujours aussi plaisant à entendre. Des agents de sécurités contrôlent que personne ne fume dans la salle, un peu dur me direz-vous quand on chante « petit boze par petit boze, tout doucement t'augmentes les doses » ; d’ailleurs on voit quelques cigarettes au basilic tourner. La soirée se termine sur la proposition d'accueillants locaux de se rendre en after dans un appartement du centre-ville. Un truc comme ça, ça ne se refuse pas.

Jour 3. Dimanche 22 octobre. 16h18, on se ressource après une nuit courte

Le dimanche est nullement identique au samedi après-midi puisque les organisateurs ont fait le pari de faire commencer le festival à 15h30 pour le terminer vers 22 h. Horaires plutôt originaux mais pourquoi pas. Après avoir fait un traditionnel « à l’année prochaine » à nos amis de camping, on se retrouve sur le site pour le premier groupe, à savoir Charles X. Un peu dans la veine de Chill Bump, il fait du hip-hop aux influences jazz et soul. Celui qui annonce « smoke weed everyday » sur ses réseaux sociaux propose une musique envoûtante et planante : parfait pour débuter une journée de festival. 

17h02, Georgio vous emmerde

Dans la salle débute Georgio (photo) qui attire un public jeune. Accompagné du prodige Waxx, il balance ses titres à la fois narratifs et poétiques dont Héra est l’icône. C’est toujours plaisant de voir des rappeurs bosser avec des vrais musiciens sur scène, ça amène quelque chose d’intelligible aux paroles. On n’est pas spécialement adorateur de ce style mais disons qu’il sort du lot par un travail complet et cohérent. En fin d’après-midi, c’est Rhino feat. A State of Mind qui se frotte au public vendéen. Avec ses pads penchés en direction du public, il montre bien tout ce qu’il peut faire... mais on a du mal à accrocher. Peut-être que l’horaire y est pour quelque chose et que plongés dans le noir, on serait plus facilement rentrés dans l’ambiance. En attendant, on fait comme tout le monde, on va attendre l’arrivée du trio gagnant.

18h55, on souffle de la joie et respire de l’amitié

Dans une salle chauffée à blanc, l’indémodable groupe festif français Tryo (photo) est toujours aussi génial. On ne se lasse jamais d’entendre et de chanter les chansons de Mamagubida. Ça fait partie du patrimoine culturel français et leur dernier album Vent Debout rappelle leur engagement politique, comme dans leur chanson hommage au capitaine Watson. On croisera d’ailleurs Guizmo avec un sweat Sea Shepherd dans la foule. Pendant 1h10, ils déballent une petite partie de leur répertoire en essayant de faire plaisir à tout le monde : aux jeunes, aux vieux, aux fêtards et aux auditeurs de variété. La scénographie est simpliste mais voir un champ de drapeaux sur scène fait toujours son petit effet. On les sent heureux, sincères et leur plaisir est partagé par toute la salle. 

21h12, « I say Chinese, you say Man... Chinese ?! »

Il est seulement 19 h 30 mais c’est déjà l’heure de réduire sa consommation pour ceux qui comptent prendre le volant après la soirée... ce qui n’est heureusement pas notre cas. À l’extérieur, encore du hip-hop avec une touche plus world, Nomadic Massive qui réchauffe cette fin de soirée. Les esprits sont un peu absents et tout le monde attend la dernière tête d’affiche du week-end, le collectif Chinese Man (photo) qui vient présenter son dernier album Shikantaza. Les sons mélangent à merveille l’electro et des sonorités asiatiques. L’écran géant diffuse des animations d’une grande finesse et permet de s’imprégner de cette musique en ayant l’impression de voyager au pays du Soleil-Levant. Bon... ça ne pogote pas dans tous les sens, mais l’atmosphère électrique et la joie des festivaliers nous font comprendre que le concert est réussi. Au bout d’1 h 30, le public en réclame encore mais il faut bien se rendre à l’évidence : c’est terminé !

Le bilan

Côté scène

Ça dub grave ici
Biga*Ranx, formule un peu décevante pour une potion pourtant magique

La nouvelle page du rap français
Bigflo & Oli, un show complet pour une reconnaissance amplement méritée

Vous n’en avez pas un peu en rab ?
Stand High Patrol, un groupe qui se fait trop rare en festival

Y’en aura pour tout le monde
Tryo, petits ou grands, tout le monde y trouve son bonheur

Côté festival

On a aimé

- L’accueil des bénévoles et l’hospitalité des locaux, entre ouverture d’esprit et sourire
- La qualité du son / lumière et des installations irréprochables, pouvoir s’installer en gradin est un luxe en festival
- La scène en accès libre (gratuit) dehors qui permet de toucher un public qui ne serait pas allé au festival et d’ouvrir la culture à tous
- Un lieu dédié au festival avec des food-trucks délicieux, des parkings en nombre, une salle de concerts bien fichue, de vastes espaces extérieurs et un camping agréable
- Une programmation franchement prometteuse avec de belles têtes d’affiches et quelques révélations

On a moins aimé

- L’incompréhension autour du camping / parking camions : complet (sur un terrain de football à moitié vide), payant (mais avec des accès très peu surveillés) et sans animation
- Le prix du festival, 75 € + 5 € de camping pour 3 jours et 9 concerts payants en salle : on est dans la fourchette très haute
- Le style hip-hop / rap un peu trop sur-représenté, surtout sur la scène chapiteau
- Le temps des concerts... 1 heure pour la quasi-totalité des groupes (sauf exceptions), c’est vraiment trop peu
- Une décoration minimaliste, ça faisait un peu vide à certains endroits

Conclusion

Avec 6 500 festivaliers et 18 groupes accueillis, la première édition des Nuits Courtes est un vrai succès. L'orga semble avoir vu juste en proposant un festival en milieu rural et dans une période creuse. Bien sûr certains détails devront être revus pour parfaire l’organisation et toucher plus de personnes. Maintenant il ne reste plus qu’à asseoir cet évènement dans la durée pour lui offrir la visibilité qu’il mérite. Et pour ça, on se retrouve les 19, 20 et 21 octobre 2018 !

Photos et récit : Pierrot Navarrete