On était à
Les Eurockéennes de Belfort, la folie des grandeurs

Les Eurockéennes, c’est le festival aussi vieux que nous dont on a tout le temps entendu parler, avec qui on a grandi et qui amène toujours de bons souvenirs. Pour sa 29e édition, on est reparti à sa rencontre, heureux de retrouver son vieux poto avec qui faire les quatre cents coups. On vous raconte donc nos 4 jours de gaieté à Belfort.

Jour 1. 19h53, enfin arrivés

Il nous en aura fallu de la patience pour enfin atteindre cette terre promise des Eurockéennes. Après de longues minutes dans les bouchons menant au parking, puis d’encore plus longues entre ledit parking et l’emplacement du camping, nous plantons nos tentes à la hâte, pressés d’acquérir notre première bière sur le site du festival et de dodeliner de la tête aux doux sons des artistes présents. Notons que ce sont plus de 130 000 festivaliers (un record !) qui participent à cette édition. Notons également que le camping a déménagé depuis l’année dernière : plus proche du site, très vaste et bien agencé, nous en sortons sans nous perdre et prenons la direction des navettes. Si la file d’attente nous fait d’abord peur, c’est rapidement et avec fluidité que nous nous engouffrons dans ces bus blindés de festivaliers qui entonnent les chants grivois de leur région dans la joie et la bonne humeur.

20h47, apéro ?

On débarque sur le site du festival frais comme des gardons et on se dirige instinctivement sur la Grande Scène en suivant un mouvement de foule. Passée une petite colline, on se retrouve face à une marée humaine qui assiste à la performance de PNL. Les fans du duo chantent les paroles comme si leur vie en dépendait. On prend un peu peur, du coup on préfère se réfugier au bar le plus proche pour y chercher une bière générique. 7€ la pinte en comptant les 1€ de consigne, à force d’écumer les festivals on finit par trouver cela presque normal. Joyeuse surprise cependant : le cashless ne fait pas loi. On peut encore payer par carte bancaire dans tous les stands du festoche et ce dernier prend dix points dans notre coeur d’un coup. Il en prendra cent de plus lorsque l’on découvrira des distributeurs de liquide sur le côté.

21h44, que la musique soit

C’est à la Greenroom, la deuxième scène principale sponsorisée par une bière relativement connue, que les choses commencent pour de bon. On se cale devant Soulwax et dès les premières notes on se prend une raclée d’énergie dans la tronche. On ne s’attendait pas à un show de cette envergure dès la première soirée, d’autant que le son de la scène est tout bonnement parfait. Détail non négligeable et qui a beaucoup aidé à apprécier le concert : la température baisse et on ne transpire plus comme dans des étuves. Pour fêter ça et nous remettre de nos émotions, on se re-dirige vers la Grande Scène où devrait se produire sous peu le grand, l’incontournable, l’icône rock Iggy Pop. Ca ne rate pas, monsieur débarque avec autant de fougue qu’un pitbull en rut et on se demande comment, à 70 piges passées, il arrive encore à se déhancher comme ça sans se péter le col du fémur.

00h17, techno, toujours pareil

On s’assied dans un petit coin mignon comme tout, féérique presque, où lumières bleues et roses s’entrelacent autour de plusieurs arbres. De loin, on perçoit un “boum boum” qui nous hypnotise un peu et nous rend curieux. On découvre sur la scène de la Plage Nina Kraviz et sa techno envoûtante. Son set durera une heure trente et sera donc estampillé d’office “show le plus long de la soirée et du festival entier”. En un sens tant mieux, car on n’avait absolument pas envie qu’il s’arrête et on ne regrette pas le moins du monde avoir raté DJ Snake à l’autre bout du site. Lorsqu’il est l’heure de rentrer on craint d’avoir cette fois-ci une longue attente au niveau des navettes. Eh bien figurez-vous qu’on a attendu dix minutes (oui vous avez bien lu : DIX) pour monter dans l’une d’elles. Arrivés à notre tente, on se rappelle qu’on a le ventre vide depuis un bail et on remercie le ciel que le stand à pizza du camping soit encore ouvert à 3H du mat’. Pour 8 petits euros, elle nous aura sauvé la vie.

Jour 2. 10h20, on prend nos marques

“Vous voulez une bière ?” Il n’y a pas de doute, si l’on entend ça au réveil c’est qu’on a les meilleurs voisins de tente du monde. On refuse poliment et on part chercher un petit déjeuner, ou à défaut, un stand pour recharger son portable. Ca tombe bien : le camping possède les deux. A l’heure du déjeuner on se gave d’un énorme burger (à 7€) et d’une gigantesque part de pastèque (à 2€) qui nous calent tellement qu’ils nous donnent la sévère envie de roupiller dans un coin d’ombre. On lutte comme on peut contre l’abrutissement causé par la chaleur et on s’écoute d’un peu loin le DJ du camping qui passe divers sons du haut d’un bar. On se balade ensuite parmi les rangées de tente tout en essayant de ne pas penser à cette envie pressante qui nous ronge le bas-ventre. C’est que la plupart des toilettes du camping sont déjà inutilisables tant elles sont crades, mais hormis ce petit hic, il règne sur ce lieu de vie une incroyable atmosphère de bonhomie.

16h23, Le train-train s’installe

C’est avec un peu d’avance que nous quittons notre tente. Nous voulions en effet absolument nous rendre au festival par le chemin des rails, ces fameux rails sur lesquels grand nombre de festivaliers ont trébuché en rentrant à pas d’heure des années durant et qui fait partie intégrante de l’ADN des Eurocks. Il nous était évidemment impossible de passer à côté. Débarqués sur les lieux, nous nous surprenons à entendre des morceaux de metal assez connus provenir de la scène de la Loggia. On décide d’aller voir pour ne finalement rester devant Rhinoféroce Crüe que quatre minutes précises. L’idée d’un set de DJ metal n’a absolument aucun intérêt à nos yeux. On préfère nettement aller se sustenter (oui déjà, à 17H, c’est quoi le souci ?) dans un boui-boui qui sert des ravioles fraîches saveur épinard et ricotta. Elles n’ont malheureusement de “fraîches” que le nom et la pasta box entre nos mains met du temps à se vider.

17h47, petite mousse et Tash

On éponge tout ça avec une bière blanche qui se trouve être 1€ plus cher que la bière blonde. Si vous avez compris pourquoi faites-le nous savoir parce qu’on cherche encore. On sirote notre pinte doucement alors que Tash Sultana monte sur la Greenroom, pieds nus sur un tapis oriental. Très vite, la jeune femme fait frissonner nos avants-bras entre solos de gratte et voix diaphane. Elle nous prodigue toutes ses good vibes australiennes dont on ne refusera aucunement l’offre. Evidemment elles partent aussi vite qu’elles étaient arrivées quand Alkpote débarque en hurlant “PU-PU-PU-PUTE” sur la scène de la Plage. D’abord un peu sonnés, on se surprend nous aussi à hurler des vulgarités crasses sur quelques morceaux en riant, mais on ne sait toujours pas si le rappeur, lui, était sérieux ou non.

21h03, Prêts à se crêper le chignon

Un stand de crêpes bretonnes nous fait de l’oeil au loin (oui on a encore faim, arrêtez de nous juger ok) et celles-ci font largement le taf pour pas trop cher. On profite ensuite d’un trou dans notre emploi du temps pour aller se vider la vessie et on découvre des toilettes incroyablement propres où le papier ne manque pas et où aucune odeur ne vient attaquer les narines. Un véritable bonheur. A 22h15, Gojira s’empare de la Greenroom. Violents et majestueux, les garçons ont même sorti les lances-flammes à l’avant de la scène. “Vous avez vu, on s’est pas foutus de votre gueule !” Les frères Duplantier vont même jusqu’à échanger leurs places pour un morceau, comme quoi ils savent vraiment tout faire ceux-là. Une fois la performance terminée, on court vers la Grande Scène voir Editors. Est-ce vraiment utile de vous dire que le set est calibré, d’une justesse folle et que le final est de feu ? Seul bémol : les basses de la Grande Scène sont beaucoup trop fortes. On en vient plusieurs fois à se boucher les oreilles pour empêcher les tympans de trop vibrer.

01h32, Avec Moderat(ion)

Là où les Eurocks ont extrêmement bien géré, c’est l’accès aux personnes handicapées. Tout a été prodigieusement bien pensé pour les PMR et l’on trouve même un bar où l’on doit commander sa boisson en langage des signes. On dit chapeau et on dit surtout bravo. De notre côté, la fatigue commence à nous dévorer furieusement et on peine à garder les yeux ouverts. C’est pourquoi, alors qu’on s’était boosté pour assister au concert de Moderat, on décide d’y couper court quand on se rend compte que leur prestation ne nous fera pas rêver plus que ça. Partir du concert en avance à cela de positif qu’il nous permet d’avoir là encore des navettes assez rapidement. Au camping, alors qu’on était prêt à rendre les armes et à se lover dans notre duvet, on se motive finalement à faire un beer pong avec nos voisins. C’est évidemment à ce moment-là que la fatigue nous quitte et on reste éveillé jusqu’au petit jour à essayer de viser ces fichus gobelets rouges.

Jour 3. 11h10, Chauds les larrons, chauds

Se réveiller trempé de sueur dans une tente surchauffée est une expérience qu’il faut vivre au moins une fois dans sa vie si vous souhaitez vraiment apprécier une douche. Ces dernières sont au nombre d’une trentaine sur le camping et après une grosse demi-heure de queue, on en apprécie chaque goutte qui ruisselle sur notre corps. Spacieuses, intimes et même pas glacées, les douches des Eurocks sont un grand oui. Sauf qu’on est sec en à peine quinze minutes. Qu’à cela ne tienne : si certains ont une petite piscine dans laquelle patauger en face de leur tente, d’autres se rendent carrément sur Belfort grâce aux navettes de la gare à la recherche d’un véritable centre aquatique. D’autres encore baroudent jusqu’au lac le plus proche dans lequel ils espèrent pouvoir piquer une tête, malheureusement en vain, car les nombreux lacs alentours sont interdits de baignade.

16h57, les festivaliers aussi font des balances

Sur le site des Eurockéennes on trouve de tout. Un stand Coca-Cola bourré de brumisateurs, un stand Deezer où l’on fait des combats de playlists, un stand Arte où l’on se fait prendre en photo... Puis il y a le stand des balançoires. Perchées sur un étage, pile devant la Greenroom, elles sont la détente incarnée et on les a beaucoup (trop) utilisées et beaucoup (trop) appréciées. Lorsqu’on en descend et qu’on se met à chercher un peu par pure curiosité, on se rend compte que les stands de nourriture ne proposent aucun plat vegan et très peu de plats végétariens. Comme c’était un peu la déception dans notre petit coeur en mousse, on a posé nos fesses dans l’herbe et on a profité des rayons du soleil affaiblis par le vent qui se levait progressivement.

19h00, de la soul pour le coeur

C’est alors que les français de Her foulent la Grande Scène. Adorable soul pop sans artifices, on aurait pu trouver le groupe tout juste mignon et vite l’oublier ensuite s’il n’y avait pas eu Thomas, le bassiste. Ah, Thomas. Le roi du concert. Complètement déchaîné, presque digne d’un Tim Commerford ou d’un Flea, il a tous les yeux du public rivés sur lui. Ca brandit son téléphone de toute part pour immortaliser ses phases. Une fois le set terminé, on se dirige sur la scène de la Plage, on enlève ses chaussures pour avoir les pieds dans le sable et on danse au rythme de Tuxedo, groupe de soul grisante, tandis qu’un sublime coucher de soleil colore le site d’une teinte sorbet orange. C’est à ce moment-là, accompagné de ses nouveaux potes du camping, qu’on se dit que tout se passe finalement pas si mal. Sauf qu’on va rapidement déchanter.

22h15, Explosion en plein vol

On avait plutôt hâte d’aller voir Explosions in the Sky ; le post-rock planant c’est parfait pour le début de la nuit et sur le papier ça nous donnait vraiment envie. Il a cependant fallu se rendre à l’évidence après quelques minutes : le concert ne prend pas. Le public n’est absolument pas réceptif au groupe qui, de son côté, manque terriblement de vigueur. On quitte la Greenroom sans regrets mais avec pas mal de déception. On joue ensuite des coudes pour entrapercevoir les Dropkicks Murphys qui donnent tout à coup de morceaux celtique et de bon gros rock crasseux comme on aime. Le problème c’est qu’il y a beaucoup plus de monde présent ce soir-là que les deux jours précédents. Résultat : on se fait bousculer de partout, on se marche dessus et on ne voit rien de la scène. Le live de Chinese Man sera de fait une tannée sans nom. Plus préoccupés à ne pas se faire écraser ni pousser dans tous les sens, on oublie tout bonnement de profiter du live.

01h45, la fête du k-way

L’orage gronde juste au-dessus de nous. Agglutinés pour le dernier show de la soirée, on attend patiemment Justice qui sont censés arriver d’une minute à l’autre. La pluie sera plus rapide. Il tombe sur les Eurockéennes des trombes d’eau, le tonnerre éclate, le vent souffle fort et des éclairs pourfendent le ciel au-dessus de nos têtes encapuchonnées. Le duo ne vient toujours pas et on nous annonce au bout d’une bonne vingtaine de minutes qu’on attend que la météo se calme. Fort heureusement celle-ci semble nous avoir entendu et laisse le concert se faire. Nous assistons alors à un jeu de scène et de lumière incroyable, qui battra à plate couture le son. Efficace sans vraiment tout faire péter, Justice fait musicalement le minimum. On reste quand même par principe, et parce que la boue sur le retour nous fait peur. Quand il nous faut finalement rentrer, on découvre une file d’attente bien trop longue pour les navettes et on se résout à reprendre les rails dans l’obscurité, des ampoules plein les pieds.

Jour 4. 13h37, RIP les chaussures blanches

Les variations de température ont eu raison de nos cordes vocales et la plupart d’entre nous n’arrive plus à se faire entendre. On ne sait plus où donner de la tête entre la chaleur, les orages, la pluie, le froid de la nuit et le soleil du matin. On commence à rassembler ses affaires et à ranger son matos avec un petit pincement au coeur. C’est que pour la plupart, le retour se fera dès le dimanche soir après seulement quelques concerts. Ce fut d’ailleurs notre cas. On fait mille promesses de retrouvailles aux copains d’à côté, on partage une dernière bière symbolique et en milieu d’après-midi on file ranger sa tente et son sac dans le coffre de la voiture. Affublé de son imperméable, on prend pour l’ultime fois le chemin du festival. On découvre des Eurockéennes bien boueuses sous une pluie battante qui ne veut plus en finir.

17h01, on ne se laisse pas abattre

Rocky amène un peu de soleil sur scène et arrive à attirer pas mal de curieux. Son électro-pop teinté de R’n’B est tout ce qu’il nous fallait pour oublier le sale temps. La bonne humeur de la chanteuse est contagieuse et l’on danse avec elle dans la boue. De toute façon nos chaussures sont déjà fichues depuis la veille donc on arrête un peu de faire la fine bouche et on se décide à bien profiter avant le départ. Une fois le groupe parti, on se tourne vers un stand coquin comme tout qui nous faisait déjà de l’oeil les jours précédents. On découvre le concept de la Tulipe : un bol comestible composé de différents plats de viande et de frites. Parfait pour tenir au corps ou pour prendre 3kg en quinze minutes.

18h58, Ce n’est qu’un au revoir

Pour notre dernier concert de la journée, on a choisi les britanniques de Royal Blood. Les deux hommes, affublés uniquement d’une batterie et d’une basse, réussissent à nous ramener le soleil (ironique venant d’un groupe anglais, non ?) avec un show endiablé, imposant, profond et sur-efficace. On quitte la Grande Scène à regret et on repart du festival en ratant Phoenix, Savages et Arcade Fire, entre autres. Nul doute que le final fut grandiose, d’ailleurs les vidéos que nous envoient les copains restés sur place nous le prouvent bien. C’est décidé, on a beau puer la mort et avoir dormi dix heures en trois nuits, l’année prochaine on reviendra.

Le Bilan

Côté concerts

L’énergie pure
Soulwax, LE groupe des festivals par excellence

Le truc inutile
Rhinoféroce Crüe, pourquoi ?

La découverte
Tash Sultana, brrr les frissons

Les darons
Gojira, toujours au top

La bonne humeur
Tuxedo, pour oublier ses soucis

Côté festival

On a aimé :
- L’accès facilité aux personnes handicapées, qu’elles soient moteur, malvoyantes ou malentendantes. Un exemple à suivre.
- Les toilettes sur le site du festival. Propres, nettes, sans bavures.
- Les différentes activités, on n’a jamais le temps de s’ennuyer.
- Les douches du camping, le grand luxe.
- Les stands de nourriture, il y en avait pour tous les goûts.

On a moins aimé :
- Les toilettes du camping. Pas écolo pour un sou et un peu répugnantes.
- Le manque de choix de nourriture végé et/ou vegan.
- Les basses trop fortes de la Grande Scène les deux premiers jours, ça nous a un peu gâché le plaisir.

Conclusion

Ce qu’on retiendra de cette édition des Eurocks c’est qu’elle fut particulièrement dense. En quatre jours, le festival a encore une fois prouvé qu’il était une référence dans le milieu des festivals français. Un cadre magnifique, une ergonomie dingue, de l’espace et une organisation quasi-parfaite, il ne nous en a pas fallu plus pour être totalement séduit. A part peut-être une programmation un peu trop mainstream, mais ça c’est juste nous qui chipotons.

Un récit d'Antonia Louveau. 
Photos de Jaufret Havez