On était à
Les Ardentes, le festival qu'il manque à la France

Il était temps de passer la frontière pour aller vibrer aux Ardentes. Une programmation rap, hip-hop et électro de choix, un public belge chaleureux pour quelques jours de festival ensoleillés comme il faut. On vous raconte tout ça.

Jour 1. 18h12, Bienvenue à Liège

Voiture chargée à ras bord, nous voila partis pour la Belgique. Après quelques difficultés pour trouver le lieu du festival pas super bien indiqué, on gare notre voiture dans un parking à 5€ la journée. En route ensuite pour le camping, qui est déjà blindé de chez blindé : on doit aller jusqu’à la toute dernière zone, la rouge, pour pouvoir trouver un petit espace. L'ambiance est déjà chaude, et les afon des diables rouges se font entendre. On arrive le jeudi : la veille, Indochine, Ibrahim Maalouf ou Hyphen Hyphen étaient sur scène.

20h30, on est en finale

Ce n'est pas la musique, mais bien la demi-finale de l'Euro de football qui sera notre premier moment fort du festival. Passée la fouille de l'entrée, le soccer club du festival se trouve juste derrière avec un écran géant, et deux petits terrains de foot. On va dans un premier temps toper des tickets boissons, à 10€ les 8, ce qui reviendra à payer 2,5€ notre demi de Jupiler, bière belge par excellence. La zone se remplit de supporters français et allemands, et nous allons vibrer pendant 90 minutes jusqu'à la victoire de la France ! Nous pouvons désormais aborder notre festival beaucoup plus que sereinement...

23h12, premières notes de musique

On a déjà loupé pas mal de bons lives avec notre arrivée tardive et le match : Bagarre, Georgio, PNL, Feu! Chatterton, Action Bronson, mais pas de Young Thug qui a annulé au dernier moment. On avance dans le festival jusqu'à la scène Open Air, grande scène de ces lieux. Notre premier concert sera un DJ set de Mark Ronson. Une prestation digne des meilleurs sets de mariages, pour un type qui enchaîne des morceaux connus, sans trop remixer, et en parlant par dessus. On espère mieux pour la suite.

01h34, nuit d'été

La suite des hostilités se passe dans un grand hangar, où se trouvent les deux autres scènes du festival, la HF6 et la Aquarium. C'est d'abord Flying Lotus qui nous fera entrer dans ses mixes bien ficelés, un écran devant lui montrant ses animations transparentes. Wilkinson réussira beaucoup moins à nous transporter, pour de la drum'n bass trop peu tranchante. En tout cas, le festival ne manque pas de bars et il suffit de quelques minutes pour avoir son breuvage en main. On se permettra quelques rhums coca pour envenimer notre nuit, où nous pouvons tranquillement nous balader en t-shirt. Sur la scène de l'Aquarium, la crème de l'électro française s'enchaîne, avec Superpoze, FKJ et le final transsibérien de Thylacine.  

Jour 2. 11h23, la vie liégeoise

Contrairement à beaucoup au camping, nous n’avons pas d’arbres pour nous protéger du soleil. Il est donc impossible dès 9h de rester dans sa tente, transformée en four micro-onde. On finit donc notre nuit sur le pelouse, dans un camping à la fois tranquille et festif. Un groupe de reprise style country vient voir les campeurs et s’amuser avec eux. Il y a du monde aux douches de l'entrée, trop pour nous qui préfèrons nos lingettes et shampoing sec. Nous allons faire nos petites courses au supermarché du coin, pour revenir prendre notre déjeuner tranquillement.

15h12, Walifornia, dirty sound from Belgium

Retour dans l’enceinte du festival. On s’aventure dès nos premiers pas dans le Walifornia Park, zone chill et cool. Des artistes graffent chaque jour les différents groupes à l’affiche, on peut se faire tatouer, ou tout simplement se poser aux sons d’un DJ. On croise même deux baignoires tirées par une voiturette. Le festival s’étire lui le long de la Meuse, avec une grande allée qui mène d’abord aux salles intérieures dans la Halle des Foires, puis à l’espace de la grande scène. On trouve tout le nécessaire à festival dans cette grande allée : un tabac, un stand pour recharger son portable et des consignes gratuites, un distributeur de billet, des commerces, des assos et pas mal de restos assez variés. Il y a cependant beaucoup de stands publicitaires.

17h35, les papas dominent le game

Notre premier concert du jour sera celui de Guizmo sur la grande scène. Il débarque avec une canette de Hk et de l’origan, ce qui représente pas mal les textes du gars qui ne parle que de ça. Plutôt attachant, mais pas mal nonchalant, il est accompagné d’un DJ avec lui qui scratch. Le public répond à l'appel des gremlins, avec un pogo même, alors que la performance live n’est pas folichonne. On ira faire un tour sur la fin de Sniper. Oui oui, graver dans la roche ! Notre première jouissance scénique nous sera apportée par Jurassic 5 (photo). Comme au Cabaret Vert l’an dernier, quel bon moment de hip hop. On se retrouve face à deux DJ de folie, dont un qui vient mixer son vinyle sur une guitare platine. Sur scène les chanteurs s'amusent, jouent et chantent avec le public, ont le sourire, sont heureux et le transmettent. L'ambiance monte de quelques crans et le festival rassemble de plus en plus de monde, même si on peut se balader tranquillement dans les allées.

20h30, alcool fort et poulet

Après un bout de Ty Dolla Sign, on va découvrir Hollywood Porn pour une dose de rock et bonnes guitares liégeoises. Le poulet est sans doute n°1 au classement des denrées sur le festival. Notre équipe se divisera en deux, entre un sandwich sauce au poivre et tendre poulet, et des pilons de poulet grillés façon jamaïcaine. D’autres pourront préférer de très bonnes pita, des pizzas, des frites belges avec fricadelle ou encore des falafels. On ira goûter le Mojito proposé par la casa Barcadi, une maison sur deux étages avec des musiciens. Il ne sera vraiment pas au niveau. On reviendra ensuite à l’intérieur du côté de l’HF6 pour DJ Shadow : son ordinateur a rendu l’âme juste avant, et il s’en sort tant bien que mal. Le set ne décolle pas et reste très technique, très fin mais peu entraînant. Nous, on a envie de bouger les jambes.

23h12, Belgique mon amour

C’est tout le contraire du côté de la grande scène. La paire de 2manydjs envoie des beats : des remixes de Guns n’ Roses, jam, Stromae, des passages disco, d’autres techno, un set rassembleur qui ennivre les jeunes comme les plus vieux. C'est frais et varié, loin du DJ set de mariage de Mark Ronson. Pour la suite, toute la partie grande scène est fermée. Dommage pour le stand de jaggermaster qui proposait des shots à 2,5 euros. On pouvait même l’associer à une red bull pour tester les fameuses Jagger-Bomb. Derrière, Max Cooper prend le contrôle des platines, pour de la techno minimale assez répétitive. Peu de monde se trouve dans le hangar, proportionnellement à ceux qui discutent dehors, posés dans l’herbe face à la Meuse. La soirée se terminera avec mes très bons Rone et Worakls. Au camping, ça danse sur les tables du bar, et ça s’enjaille dans les campements.

Jour 3. 11h32, soleil intense

La chaleur est écrasante en ce samedi matin, il est compliqué de rester dans sa tente. La crème solaire est obligatoire. On va se balader du côté du coeur du camping. Un bar est donc à disposition des festivaliers, mais il faut sortir du camping pour aller acheter des tickets. Le festival propose des pâtes et des hot dogs pour manger, un petit dej’ solidaire à 2 euros le matin, et met même à disposition des micro-ondes pour réchauffer des plats. Une borne de recharge portable est accessible.

15h16, rap à gogo

On commencera les concerts un peu plus tôt aujourd’hui. On ira d’abord croiser la route de Scred Connexion. Pas grand monde pour les rappeurs français qui tentent tant bien que mal de faire passer leur flow. Ce serait pour le coup beaucoup plus torride avec Caballero et Jan Jass, rappeurs belges, qui feront sauter le public. Dans l'aquarium, Naïve New Beaters pâtira d'un mixage son de piètre qualité, et aura du mal à reproduire leurs prestations de Beauregard ou Garo. Sans doute le fait d'être en intérieur. On ira ensuite faire quelques parties d’un baby truqué au stand d’Oxfam, l’un des camps étant avantagé pour représenter l’inégal traitement devant l’impôt des riches et des pauvres.

17h32, détente et bières

L’heure est ensuite à la sieste. Au fond de la grande scène, on peut profiter de massages, d’un coiffeur et de plusieurs transats. On choisira de se poser tranquillement allongé devant Goat. Du très bon rock puissant et lourd surmonté de sonorités indiennes, aussi intense qu'original. Un choix osé de les avoir mis sur la grande scène, pour une musique qui en a sans doute dérouté plus d'un. Entre chaque live de la grande scène, c’est le stand géant de Jupiler (photo) qui prend le relais, à coup de danseuses, gros son et de fumée. La casquette Jupiler style rappeur sera d’ailleurs l’objet tendance 2016 des Ardentes, offerte pour 5 bières achetées. Rien de plus simple.

20h31, dans la cour des grands

BigFlo & Oli (photo) débarquent en terrain conquis, pour un déjà 3ème passage ici. Leur live a pris de l'ampleur depuis  leur début, et leurs fans aussi. Ça reprend leurs titres en cœur, alors que les deux frères semblent s'amuser toujours autant sur scène, sans que leur rap de qualité n'en soit dégradé. Une progression de fou pour ces deux petits de Toulouse, qui, si leur second album est au niveau du premier, squatteront les têtes d'affiche des festivals d'ici quelques années. Derrière, c'est l'heure d'aller manger un coup, on ira au stand cochonou qui nous aguichait depuis quelques jours. On loupe Alice on The Roof, alors que BigFlo & Oli signent des t-shirts à la boutique du festival.

23h20, coup de froid sur la Wallonie

On était donc rassasié pour assister à l’apothéose de notre week-end. Une envie très vite refroidie dès les premiers instants du concert de Pharell Williams (photo). Le producteur-chanteur semble totalement absent mentalement de la scène, déconnecté, sans doute avec quelques substances dans le corps. Rien à voir avec ce qu’il avait proposé au Main Square. Le public ne sait pas vraiment comment réagir, se demande même si ce n’est pas du playback. La troupe autour de lui semble aussi à la ramasse, bref, rien ne va dans ce live. Après 30 minutes de ratés, on décide de bouger. L’énergie sera pour le coup au rendez-vous de Joey Starr et Nathy sur Carribean Dandee : on aura par contre le droit à un concert brouillon, parfois inaudible, ponctué des “bras en l’air” du jaguar.

02h00, night club

On aurait sans doute dû rester sur Guts dans l’aquarium : nous avons pu apprécier trois morceaux de qualité, dont une sympathique reprise de Prince. La nuit totalement tombée, la scène HF6 est pleine à craquer. Il y a du monde aujourd’hui, et c’est tant mieux pour l’excellent live de Synapson (photo). Pendant une heure, il fait vaciller la grande salle devenue humide et enfumée, en faisant tranquillement monter la pression. On appréciera également les variations d’Onra dans l’aquarium, avant d’aller terminer notre dernière nuit en Belgique au camping.

On rentrera dès le lendemain matin en France, laissant Tyler The Creator, Nekfeu et Casseurs Flowteurs.

Le Bilan

Côté scène

Les papas
Jurassic 5, le passé, le présent, le futur.

Les fédérateurs
2manyDJ's, plus de Wallons, plus de Flamands, seulement des festivaliers.

La découverte live
Synapson, idéal dès la nuit tombée

Les bêtes de scène
BigFlo & Oli, un des meilleurs live du moment

La tuile
Pharell Williams, vraiment pas au niveau de son talent

L'animateur du Club Med
Mark Ronson, joignable au 0654272345 pour votre prochain anniversaire

Côté festival

On a aimé :
- une programmation hip hop et rap original, soupoudrée d'électro
- de la nourriture de qualité à pratiquement chaque stand
- l'accueil chaleureux des Belges, toujours le sourire, bienveillants et respectueux. Même remarque pour la sécu, ferme et sympa
- Le Walifornia Park, qui mériterait même d'être plus grand pour y chiller comme il se doit
- Pouvoir boire rhum et jagger en festival, c'est quand même bien

On a moins aimé :
- Deux scènes intérieures après minuit. On aurait bien aimé pouvoir danser dehors. En plus la qualité sonore n’était pas vraiment au rendez-vous
- Beaucoup de stands publicitaires
- Pas de toilettes sèches, malgré des toilettes propres sur le site (moins sur le camping …)

Conclusion

Par ses couleurs rap et hip hop, c'est clairement le festival qui manque à la France. Mais tant mieux ! Cela permet d'aller faire la fête avec nos voisins belges le temps d'un festival riche, intense et attachant. Les Ardentes fêtaient leurs 10 ans, avec un record de 90 000 festivaliers : les convois de Français qui viendront l’an prochain les feront passer on l’espère la barre des 6 chiffres.

Un récit de Morgan Canda
Photos de Jaufret Havez