On était à
Le Mama s’affirme dans la capitale

Après une première année à Bourges en 2009, le festival MaMA s’est installé dans le nord de Paris pour créer un lieu de rencontres et d’échanges entre professionnels de la musique. Entre journées dédiées aux conférences et soirées de pérégrinations musicales ouvertes aux festivaliers, retour sur nos trois jours au coeur de Paris.

Jour 1. 15h30, un festival pour les pros

Quand le public découvrira le festival un peu plus tard dans la soirée, le MaMA a déjà démarré depuis plusieurs heures. A quelques pas en dessous du Sacré Coeur, Le Trianon s’est mué en QG pour 4600 professionnels présents. Le programme est riche et s’installe jusqu’au Centre Barbaba à Barbès. Pendant trois jours, les intervenants vont défiler dans les conférences organisées pour parler autant de la mobilité des artistes, que du soutien aux musiques actuelles et des nouvelles technologies capables de faire progresser le monde de la musique. La salle principale du Trianon s’est pour l’occasion transformée en “MaMA Invent”, corner de l’innovation où chaque jour une dizaine de start-up viennent présenter leurs outils. A partir de 19h, place aux concerts. Mais pour éviter de rendre cet événement inaccessible, le festival a eu la bonne idée cette année de mettre en vente des pass 3 jours pour moins de 50€ pour 140 lives. Plutôt abordable et tentant.

20h15, premiers pas dans les salles parisiennes

Nos premiers concerts commencent au Divan du Monde. Cette petite salle chaleureuse - pour le moment assez vide -  accueille le groupe de trip hop Bristol (photo). Installé sur le balcon de la salle, sur des fauteuils vintage cosi, on regarde le concert une bière à la main. Très vite, on se dirige vers le Bus Paladium. A une dizaine de minute à pied, la salle accueille Tim Dup. Accompagnée de son piano, la voix du jeune Français est puissante et surprenante pour son jeune âge. Entre deux concerts, on en profite pour trouver de quoi manger. Pas de quoi grignoter dans les salles, à l’inverse du quartier qui propose en vrac fast food, kebab, chinois, ou des menus dans des restos ou des brasseries. On rate donc au passage quelques concerts : Last Train qu’on a eu l’occasion de découvrir à Bourges et d’apprécier à Rock en Seine, ou Aaron, dont on ne doute pas de leur tournée en festival cet été.

22h25, de salles en salles au coeur de Pigalle

Troisième concert, troisième salle : le Backstage. A l’arrière d’un pub irlandais à côté du Moulin Rouge, on y trouve le groupe Papooz (photo). Bien plus rythmé que ce qu’on a pu voir jusqu’à maintenant, le concert sonne rock avec un duo en devant de scène assez expressif. A peine terminé, on bondit dans la La Chaufferie de la Machine du Moulin Rouge. La salle porte bien son nom, la température est très élevée dans la toute petite salle à la déco brut, aux tuyaux apparents et à l’ambiance d’Alice aux Pays de Merveilles. Le déco colle d’ailleurs très bien avec The Pirouettes, groupe au beat rétro et à la pop électro. Les deux voix s’entrechoquent avec les claviers, c’est le bon concert au bon moment ! On terminera notre premier soir sur cette note punchy, repartant un peu mitigé de cette première journée. La soirée se terminera par des artistes croisés en festival : les Innocents au Divan du Monde, Verveine à la Chaufferie ou Jambinai au Backstage.

Jour 2. 20h25, le rock de retour au Bus Paladium

Comme la veille, les pros sont sur le pied depuis le début de matinée. Les festivaliers arrivent eux en fin d’après-midi avec les premiers concerts. Ce soir on attaque notre marathon au Bus Paladium. Le groupe Bombay (photo), qu’on avait eu l’occasion de croiser sous leur ancien blase Bombay Show Pig, redonne ses racines rock à cette salle mythique. Le concert est efficace, et après les quelques live un peu mou de la veille, on se réjouit d’attaquer notre deuxième soirée sur de si bon rails. On se promène beaucoup au Mama. Sur la route du Backstage on s’arrête quelques minutes au Comédie Café. Le bar n’est pas sur le programme, et pour cause sa playlist à base de Maitre Gims et Zaz ferait fuir un bon nombre de festivaliers. Mais la pinte est elle au prix du demi au Bus, on ne se prive pas pour en profiter. Politique de chaque salle oblige, chacun propose ses consommations à ses tarifs habituels, souvent loin des tarifs de festivals, ce qui permet aux bars du quartier de profiter de cette effervescence.

22h25, du Mali au Liban

Après les passages remarqués de Chapelier Fou et Jay Jay Johanson à la Cigale, on se dirige vers le Backstage et le concert d’Inna Modja (photo). Notre dernier souvenir de la jolie Malienne date de son tube French Cancan passé en boucle sur nos bandes FM il y a quelques années. Aujourd’hui la chanteuse s’est transformée : son concert est un mélange d’électro et de world music inspirée de ses racines africaines. Un plaisir pour les oreilles qu’on espère croiser cet été dans nos festivals world, soul et jazz. Mais pas de temps à perdre, à peine le concert terminé on retourne en direction du Bus Palladium se caler devant The Wantom Bishops. Voilà un concert qui nous en met plein les oreilles, pour un autre groupe qui pourra cartonner l’été prochain. Un blues rock tout droit débarqué de Beyrouth, harmonica à la bouche, avec des riffs endiablés et une énergie communicative.

23h35, un final en demi-teinte

Notre soirée aura été une succession d’aller retour entre le Bus et le Backstage. Ce dernier voyage nous emmène un peu plus loin en Orient. Pour la première fois depuis notre arrivée, il nous faut une dizaine de minutes de queue pour entrer dans la salle. Le bouche à oreille semble avoir fonctionné, il ne faut pas rater A-Wa (photo), un trio de soeurs yémenite qui avait fait sensation aux dernières Trans Musicales. Les chants traditionnels se mêlent à un beat électro efficace qui nous donne directement envie de danser. Le format court des concerts sur le festival nous permet d'apprécier parfaitement la prestation, sans pour autant en être lassé.

C’est donc monté à bloc qu’on se décide à terminer notre soirée au Divan du Monde pour la soirée The French Beat. A notre arrivée, l’excitation redescend rapidement devant le set de MiM au son trap bien trop prévisible malgré les quelques sons hip hop bien trouvés. A côté de lui on s’interroge encore sur la présence d’Anna Kova qui passe son temps à danser sans vraiment se soucier de ce qu’il se passe autour d’elle. Pas convaincu, on terminera la soirée sur une note bien plus positif et le set multi-style de Christine.

Jour 3. 20h45, la claque blues beatbox

Le festival est monté en puissance depuis l’ouverture et, vendredi oblige, l’ambiance a elle aussi grimpé d’un cran. C’est à La Cigale qu’on attaque notre dernière soirée. Loin d’être les seuls à avoir eu cette idée, on se retrouve vite dans une salle remplie, venue admirer tout le talent des superbes Heymoonshaker (photo). Décrit comme un groupe de beatbox blues, le duo semble de plus en plus à l’aise avec son public et communique énormément avec nous. Les musiques sont impressionnantes de justesse, en fermant les yeux : difficile de croire que la bouche de Dave Crowl est capable d’autant de sonorités pour accompagner le chant d’Andy Balcon. Bien monté le live alterne parfaitement sessions blues et solo de beatbox aux rythmes drum and bass jusqu’à l’apogée du show: la venue de trois violonistes et une contrebassiste sur scène et un final en apothéose.

21h45, sans trop perdre la Boule

A peine remis de nos émotions, c’est vers la Boule Noir qu’on continue notre parcours. Une salle qui réchauffe vite les esprits face au temps glacial extérieur. On y trouve au passage la pinte la moins chère des salles du festival, 6€. On tombe sur I Me Mine (photo), une pop puisante dans les gimmick Beatles, mais dopée à l’électro et aux refrains modernes. Dans la foulée, un surprenant quatuor Portugais, Paus, prend place avec ses batteurs en devant de scène. La salle s’est clairement vidée, et contrairement à La Cigale, la majorité des personnes présentes sont pros, facilement reconnaissable à leur tour de coup. On est donc très peu à profiter du set de rock psyché et du superbe jeu des batteur.

00h15, Rachid Taha a de la bouteille

Un des événements de la soirée se passe à quelques pas, au Divan du Monde : Rachid Taha y présente son projet Couscous Clan. La toute petite salle de la rue des Martyrs est pleine à craquer, et avec quelques minutes de retard le groupe débarque sur scène. Musicalement, le projet ressemble à ce qu’on connaît du chanteur algérien, des musiques aux sonorités orientales dominées par cette voix bien connue du chanteur. Sauf que le leader semble avoir abusé des happy hours du quartier et peine à proposer quelque chose de construit. Heureusement, bien soutenu par ses musiciens, le show ravit le public venu nombreux. On terminera notre soirée au même endroit avec le duo de techno orientale Acid Arab. Extinction des feux à 1h : les boîtes du quartier reprennent ensuite leur fonctionnement normal, et l’after se négocie à 15€. On préférera finir notre vendredi dans les bars du coin.

Le bilan

Coté concert

Le come back
Inna Modja, une identité retrouvée et séduisante

La confirmation
Heymooshaker, un live enivrant parfaitement construit

La découverte
The Wanton Bishops, puissance et intensité rock

Coté festival

On a aimé :

- Un pass 3 jours accessible, qui permet d’ouvrir le festival au grand public
Un festival dans des salles de qualité

On a moins aimé :

- Peu d’identité festival, chaque salle garde ses spécificitées. Mama ou pas
Les tarifs des consommations des salles du quartier
Pas énormément d’ambiance

Conclusion

Soucieux de proposer un programme aussi riche pour les pros que pour le public, le Mama propose trois jours de musiques à tarif accessible au coeur de Paris. A l’instar de beaucoup de festivals en salle, le Mama ressemble plus à une succession de concerts à Montmartre et Pigalle qu’à un festival, même si la proposition musicale reste riche et les soirées intenses.

Un récit de Quentin Thomé et Morgan Canda.
Photos de Morgan Canda