On était à
La Ferme Electrique, un pèlerinage hors du temps

On est retourné pour la 3ème fois à Tournan-en-Brie. Pour sa huitième fournée, la Ferme Electrique a su de nouveau composer son affiche unique, mêlant des genres aussi différents que le cadre est idyllique. Les 800 fidèles ne diront pas le contraire, et le travail titanesque des organisateurs pour nous envoyer à l'autre bout de notre inconscient n'aura encore aucun mal à nous embarquer.

Jour 1, 16H05, le pèlerinage peut commencer

Crédit photo : Dominique Bourdin

Quand on arrive sur les terres de Tournan, on ne peut que ressentir une grande exaltation. Arrivés à la gare le calme et le soleil ardent règnent sur nous. Il faut marcher péniblement toute la longue avenue pour commencer à croiser quelques têtes joyeuses et entendre quelques sons dans l'air qui se font de plus en plus présents au fur et à mesure qu'on avance, pour finalement atteindre notre Saint-Jacques de Compostelle à nous, la ferme.

16H34, balancer la Quechua

Crédit photo : Isabelle Josset

Le camping est déjà bien investi et sa population a augmenté au regard de l'année dernière. On retrouve des visages connus, des nouveaux, qui nous invitent déjà à partager un emplacement en prévision de tous les apéros qui vont se perpétrer sur les deux prochains jours. Bien qu'habitués, cette impression d'avoir toujours vécu ici se répète. Sans traîner, on file sur le lieu de bataille.

18H17, bienvenue chez nous

Très peu d'attente à l'entrée, les bénévoles sont charmants et accueillent chacun avec chaleur. Cette année encore, une magnifique bannière taguée (photo) encadre fièrement l'entrée. Le festival conserve la recette qui fait son charme : un corps de ferme, deux scènes logées dans l'étable et la grange, des centaines de canapés, fauteuils et tables partout, le tout dans une décoration issue d'objets de récupération, vintage aléatoires et de constructions dans tous les sens.

22H08, libère tes mauvais chakras

Après une ou deux pintes à 5€ baignées dans des frites épluchées avec amour à 3€, on peut commencer à décrasser nos oreilles. Des sons et des couleurs partout. À l'Etable (photo), le duo Tomaga hypnotise avec ses percussions, à la Grange Last Night nous balance à un public déchaîné un mélange indéfinissable de cold-wave, punk/post rock. Quand c'est au tour de Hey Colossus, ce sont les basses bourdonnantes qui nous prennent dans un tourbillon de poésie noire très anglaise.

2H04, la notion du temps se perd

Et c'est pas fini. Reste les punks de Cocaïne Piss qui retournent l'étable avec les aboiements de la chanteuse perdue de vue car enfouie dans le public. Enfin, la soirée se clôt sur une douce transe avec Nova Materia. On ressort de cet enchaînement en ayant l'impression que tous ces groupes se sont retrouvés sur la même scène à faire un bœuf ensemble, tellement tout a sonné de toutes parts.

6H35, la fausse bonne idée du ragga sound system

Crédit photo : Tiffany Lesueur

Mais quelle heure est-il ? On ne sait plus trop ce qu'il nous arrive. Nouveauté au camping, un soundsystem accueille les fêtards qui veulent continuer la soirée. L'idée est chouette, sauf qu'elle a plutôt refoulé les gens à cause du style proposé : de la dub. Mais le vrai gros soucis c'est le son qui ne s'est jamais arrêté de la nuit. Jamais. Et c'était assez fort pour faire vibrer nos tympans meurtris dans la tente empêchant une grande partie du camping de dormir.

Jour 2, 10H du matin et toujours de la dub sous les tonnelles

C'est simple, le soleil s'est levé sans le moindre répit de silence, la deuxième journée s'enchaîne sans nous demander la permission. On commence sincèrement à saturer de l'extrême intempestivité du BOOM-BOOM-BOOM de la Backroom. Les campeurs se lient entre-eux pour demander l'arrêt du son, même une heure, pour dormir. Nos prières ne seront jamais entendues. On a plus qu'à aller se doucher et attendre l’ouverture.

17H51, on a attendu Ana

Stress pour ce petit groupe français d'En Attendant Ana (photo) qui doit ouvrir la Grange. Balances compliquées, ils démarrent avec un peu de retard mais ça n'en gâchera pas la performance. La chanteuse tout sourire envoie des ondes de joie et de bonne humeur, entre deux clins d'oeils complices avec le public où la famille et les amis sont au premier rang.

19H07, une orga remarquable VS le gros chill

Il est impressionnant de constater comment tout est mis en œuvre pour que le spectateur vive une expérience de qualité. On veut des frites : on est servis ; une pinte : on l'a ; soulager sa vessie : les toilettes entretenues, et c'est comme ça pour tout. Assis au coin canapé, il règne autour de nous une effervescence où l'on peut déceler deux vitesses : la nôtre, celle du chill ; et celle des bénévoles qui travaillent au charbon pour donner une satisfaction totale au public.

21H02, la claque extérieure


Entre deux concerts la Ferme propose une façon ludique de prendre son mal en patience : les performances extérieures. Il y a Chafouin avec sa batterie, sa guitare sur les genoux et ses consoles qui font des loops et crééent des nappes musicales tantôt hypnotiques, tantôt frénétiques qui canalisent l'attention de tout le public dehors. Plus tard en haut d'un mirador gronde la sombre voix de Chantal ½ Morte qui semblait nous annoncer l'apocalypse.

3H12, Guili Goulag et ça joue encore

Crédit photo : Pascal Rousseau

Un léger coma aux canapés plus tard et la fin du monde n'étant finalement pas arrivée, il est temps de réunir nos dernières forces pour le dernier concert. Guili Guili Goulag (photo), un nom aussi déjanté que sa musique, sont capables de nous provoquer un retour d'acide qu'on a jamais pris. Il est déjà 4h du matin que ça joue encore, et on en a même pas marre.

Le Bilan

Côté concerts

La fraîcheur
Gloriatrois chanteuses venues des 60's qui sentent bon le sable chaud

Le punk-rock-whatever 2.0
Last Night, qui nous font découvrir un genre hybride et inédit à nos oreilles

La coup de coeur
Hey Colossuspetits frères de Joy Division et de Swans

L'encenseur
Chafouin, qui à lui tout seul arrive à couvrir les balances des autres

Les fous furieux
Cocaïne Piss, tout est dit dans le nom.

Côté festival

On a aimé :
L'effort fourni sur les WCs entretenues, propres, toujours du papier et des douches améliorées
- La chaleur des bénévoles aux stands, toujours prêts à dégainer une crêpe citron-sucre ou une bière locale
- Les prix doux, les plats vegans, et des pintes cette année !
- Le public tout entier, respectueux du lieu et ouvert à la rencontre
- Les ventilateurs installés dans l'étable, anciennement une fournaise

On a moins aimé :
Le soundsystem, qui aurait pu être mieux géré niveau amplitude sonore et horaires
- Le manque de communication sur le line-up sur place, peu d'affiches difficiles à trouver
- Le manque d'ombre sur le camping

Conclusion

Beaucoup de gens encore sont devenus sourds après cette édition. À cause du bruit ? Non, mais par cette folle envie d'être constamment dans le flow, de virevolter d'un artiste à l'autre, de se mêler corps et âme à ces styles qui nous sont familiers mais aussi à ceux qui nous intriguent. Le festival a cette force, rendre une culture soi-disant élitiste, accessible. Une chose est sûre, la prochaine édition a déjà sa pré-inscription complétée.

Récit et photos (sauf indication) de Juliette Ortiz