On était à
Hellfest, à la mort, à la vie

Born to lose, live to win. Sous l’oeil de feu Lemmy, ce Hellfest version 2016 nous aura encore servi une superbe édition. Du metal à tous les étages, une ambiance intense et fraternelle, et un festival toujours prêt à ravir ses festivaliers. Une nouvelle fois, notre coeur a brûlé de mille feux en enfer.

Jour 0. 18h43, temps d’installation record

Après une route entre averses intenses, grêle et éclaircies, c’est le soleil qui nous accueille lors de notre arrivée en Loire-Atlantique. Notre GPS nous fait faire le tour des patelins aux alentours de Clisson, pour tomber par hasard sur un parking pratiquement vide. Coup de chance, la plaine verte est à 5 minutes à pied de l’Orange Camp, là où nos amis ont établi notre campement ! Comme l’an passé, on mise sur cet endroit ombragé et peu boueux, qui sera parfait pour nos trois jours. On pouvait d’ailleurs y rentrer sans bracelet, pratique. Après quelques bières, on file récupérer nos bracelets : là encore pratiquement pas d’attente. Que demande le peuple ?

23h30, faites chauffer les braises

Après quelques courses et un repas bien mérité, direction le Metal Corner pour se dégourdir les jambes. On passe à travers d’autres campements (White, Red …) bien plus saturés en gens et en boue. Mais dès l’approche de l’entrée du camping, de la sciure a été répartie en masse sur le sol. On avance comme sur un nuage, les pieds presque au sec. Boutiques, restos, HellCult, rien n’a beaucoup changé sur cette partie du festival. 20 minutes pour charger notre carte cashless, système de paiement dématérialisé pour la deuxième année consécutive, avant d’aller découvrir le décor post apocalyptique du Hellgate (photo) : un bar se niche dans le creux d'un immeuble délabré donnant sur une rue mal famée, où une palissade regorge d’affiches de concert rock du futur, missile nucléaire planté au milieu. Un vrai plaisir pour les yeux et notre imaginaire. Le bar propose aussi autre chose que de la bière, comme du Ricard ou du Jager. Sur le retour, les premières joutes de caddies se préparent. Hellfest is back.

Jour 1. 10h12, live ou farniente ?

Alors que des amis partent pour profiter des premiers concerts, The Shrine, Witches ou encore Monolord, on se réveille tranquillement. Chacun peut vivre son festival à sa vitesse. La matinée est ensoleillée, et on se permet même une petite bronzette. Du côté de l’hypermarché, la consommation bat son plein. Deux scènes se sont montées devant. Côté douches, même topo que l’an passé : un pass H2o est disponible à 6 euros pour pouvoir y accéder. On avait anticipé l’histoire en prenant des maillots de bain pour profiter des douches extérieures, à la brésilienne, et ne pas faire les 1h de queue nécessaire pour les cabines. L’eau est on ne peut plus fraîche mais ça ravive les neurones !

14h45, hold the door : braveheart is coming

C’est le moment d’aller franchir les portes de la cathédrale d’entrée. Mais cette année, la fluidité n’est pas au rendez-vous. Plus de monde, plus de sécurité, il faudra à chaque fois entre 30 minutes et 1 heure pour pénétrer sur le site. Alors que le Bal des Enragés dynamise la Main Stage 2, on retrouve l’univers et la déco si particulière du Hellfest, ses bars en taules rouillées, sa tête de mort géante, et son arbre symbole. Notre premier vrai concert sera celui de Mass Hysteria, qui rendra les festivaliers totalement fous, avec un braveheart hallucinant et un morceau joué au coeur d’un circle pit. Une belle entrée en matière. On fera ensuite une grosse demi-heure de queue au merch pour se procurer les t-shirt officiels de cette année. Petite astuce, il faut s’y prendre tôt pour espérer de trouver la bonne taille !

16h55, transformation totale de la Warzone

On avait également hâte de découvrir la nouvelle Warzone, qui avait été très compliquée d’accès l’an dernier. La déco est monstrueuse, avec une enceinte digne d’une prison au milieu d’un désert mexicain, ses barbelés et ses miradors. Pour le live, c’est Vision of Disorder qui se charge d’animer la bataille. A l’arrière, des escaliers de bois ont été construits vers une zone de restauration. Trône en son coeur la gigantesque statue de Lemmy Kilmister, emblématique leader de Motörhead décédé en décembre dernier. Une petite crypte permet aux festivaliers de déposer des offrandes. Killswitch Engage prend la suite des hostilités. Riffs accélérés et duo de voix font du groupe une belle découverte. Pendant ce temps là, Anthrax joue avec le public sur la grande scène et Bullet For My Valentine assure pour les ex-teenagers nostalgiques, plus si imberbes et boutonneux que ça.

19h45, les moules de l’enfer

Côté nourriture, les Hell Moules font leur apparition ! Marinière, roquefort ou thaï, c’est plutôt bien servi. On goûtera également une très bonne tarte aux fraises. Beaucoup plus de plats vegans sont proposés, tendance grandissante chez les métalleux, même si cela n’atteint pas au niveau de ce qu’on avait pu goûter au Groezrock. Nos amis pratiquants auront pu notamment déguster des falafels à toute les sauces. Le Hell Snack, seul resto payable en cashless, a lui augmenté ses propositions, avec des petits menus à 5-6 euros pour les petites bourses. Côté concert, Hatebreed met le paquet sur son live, du bon gros hardcore qui fera pogoter avec énergie la Main Stage 2.

23h10, Rammstein, wunderbar !

Notre première soirée sera 100% Main Stage. On se transformera en elfes confédérés pour Dropkick Murphys, sauce irish et cornemeuses qui nous donneront le smile jusqu’aux oreilles et nous feront perdre un portable dans le pogo. La suite sera monstrueuse, avec l’arrivée de la machine Rammstein. Une puissance ravageuse sortie d’outre-tombe, et un spectacle pyrotechnique impressionnant, entre lance-flammes et artifices dans tous les sens. On pouvait presque sentir la chaleur des flammes nous friser les sourcils. Les festivaliers sont les uns après les autres absorbés par les rythmes réguliers et tranchants, comme sur Du Hast et Amerika. Comme au Download, tout le monde sera unanime sur la performance. Après la prouesse allemande, l’entrée en matière de The Offspring est insipide. Son mal réglé, voix fausse et un Noodles en parka qui semble totalement ailleurs. Les premiers morceaux serviront à faire les balances : l’ambiance monte un peu, avec les tubes qui s’enchaînent. Mais le concert reste sans grande saveur.

Jour 2. 11h50, tri, café et câlins

Pas de soleil pour notre réveil du matin, mais des pains au chocolat et du café. Il faudra traverser le pont jusqu’aux stands installés dans la ville de Clisson pour trouver la saint graal caféiné. Des free hugs sont distribués à la pelle par une troupe tombée de nulle part. Le parking d’un concessionnaire moto s’est transformé en terrasse pour accueillir Pimp My Falafel, un food truck original. On vient ici chercher la calme et la tranquilité, avant de s’attaquer à la longue journée de concerts. Au camping, des sacs sont distribués pour faire le tri : une opération très respectée par les festivaliers et ce jusqu’au grand départ.

14h23, le centre de loisirs est ouvert

Notre compère, qui avait paumé son portable dans le pogo de la veille, le retrouve aux objets trouvés. Improbable. Un portable qu’il est tout de même très compliqué de charger, car seulement un camion propose ce service pour tout ce beau monde. Comme tous les ans, beaucoup transforment leur après-midi en moment shopping. Le géant Xtrem Market propose toujours toute sorte d’attirail pour des métalleux très friands d’être au top de la mode. Pas mal de marques proposent aussi des activités, comme un karaoké du côté de Blablacar.

16h02, United colors of Hellfest

60 000 personnes par jour, pas un flic, et pas une bagarre”. Cette phrase du leader de Mass Hysteria pourrait résumer l’ambiance quasi parfaite qui règne sur les terres du Hellfest.. On ne dira jamais assez combien on aime les festivaliers du Hellfest, à la moyenne d’âge plus élevée qu’ailleurs, mais à la motivation extrême, venus des quatre coins d’Europe. Beaucoup de vikings nordistes, suédois, finlandais, mais aussi des allemands et hollandais. On discutera avec des Irlandais (photo) qui nous diront le plaisir qu’ils ont de pouvoir se la coller dans un festival metal depuis quelques années.

17h20, les vieux tiennent la baraque

Comme la veille, l’entrée est plutôt longue. Le festival est encore plein à craquer et chaque scène déborde de vitalité et d’envie. Par contre, beaucoup moins de queue au guichet cashless. Ceux de la Warzone sont même déserts… En ce milieu d’après-midi, ce sont les cinquantenaires qui ont pris possession des lieux. Alors que Foreigner fête ses 40 ans sur la Main Stage 1, on préfère aller admirer la permanente bleue du chanteur de UK Subs (photo). Les punks sont toujours là pour mettre l’ambiance. Après un remontant et une petite sieste, on ira écouter les dernières notes de Sick of it All, aussi bons qu’au Groezrock, groupe qui fête eux leur 30 ans. Le guitar hero Joe Satriani prendra la suite, pour une technique d’enfer et quelques riffs déments faisant frétiller nos petits doigts. Nouvelle attraction du festival, une tiroliène est installée au dessus des main stage pour des descentes qui resteront dans les mémoires de ceux qui auront eu la chance d’y participer.  

19h40, dans la Valley du stoner

Le vent souffle sur les plaines, et Akim le fils du forgeron fait du headbanging. Ce soir, on placera notre dévolu sur la tente des stoners, du fuzz ou autres langoureux mixages de rock’n roll désertiques. La veille, certains d’entre nous auront apprécier la furieuse douceur d’Earth, mais aussi les sympathiques The Melvins, avec un leader touffe à la Tahiti Bob sur le crâne. Aujourd’hui, on s’installe à l’extérieur devant l’écran pour Goatsnake et ainsi entrer dans le vif du sujet. On est surtout en train de boire des coups, il faut l’avouer. Mais le bourdonnement des guitares nous emmène sereinement vers la suite. Une très belle suite. Ligne de basse bien présente, riffs saturés ficellés comme il faut, et grosse caisse qui résonne dans le thorax, Hermano fait crépiter les jambes du public. Le chapiteau sera plein pour les attendus Fu Manchu, qui seront se poser en bel artificier du genre, en rajoutant quelques bons gimmick rock et dosant parfaitement chaque instrument.

00h20, au nom du père, du fils et de Lemmy

Il y avait un trou dans notre running order. A peine sorti de la Valley, le peuple tout entier s’agglutine vers les Main Stages. C’est à nouveau un feu d’artifice qui viendra combler le coeur en chocolat de tous les nounours de l’enfer. Un spectacle au son de Motörhead, en hommage à Ian Fraser, alias Lemmy Kilmister, plus que jamais icône rock, carrément canonisé saint du metal au Hellfest ce soir. Sur les tshirts, sur les scènes, dans les guitares et dans les têtes, l‘hommage est partout. Le guitariste de Motörhead Phil Campbell viendra prononcer un émouvant discours, les larmes aux yeux, lui qui avait participé à l’un des morceaux de Twisted Sisters plus tôt dans la soirée.

Pas de Korn pour nous, déjà vu l’an dernier. On ira découvrir Gutterdämmerung, un ciné-concert avec au casting Iggy Pop, Joshua Homme ou encore Lemmy Kilmister. Un groupe en ombres chinoises derrière l’écran nous joue la bande son et quelques classiques, devant un film en noir et blanc racontant l’histoire biblique du rock’n roll. De superbes images pour une histoire bien mystérieuse, voire incomprise. Une belle expérience pour clôre notre samedi.

Jour 3. 12h15, bon appétit metal

Dernier jour en compagnie du diable. On mange du côté du Metal Corner : une très bonne galette saucisse bio pour l’un, un hot dog américain pour l’autre, des nouilles au curry pour le reste. C’est dimanche, et le dimanche, on s’allonge dans l’herbe et on bulle. Autant le faire avec une grosse sono. C’est pourtant avec un gros circle pit et plein de majeurs en l’air que Municipal Waste lance les hostilités dès le bon matin. Vintage Trouble fera groover le rock’n roll, Dragon Force le rendra symphonique.

L’énergie viendra surtout de notre scène française : d’abord No One is Innocent, ultra communicatif avec le public, dans la même veine que Mass Hysteria la veille, faisant suer un public qui en redemande. Bis repetita avec Gojira, fine fleur de l’heavy metal français, présent pour la 4ème fois au Hellfest. Le public est déjà conquis d’avance, ce qui n’empêche pas le groupe de tester de nouvelles chansons de leur album. Entre temps, Tarja nous aura plus casser les oreilles qu’autre chose, pour un live bien baclé par l’ex chanteuse de Nightwish, qui a sans doute dernièrement passé plus de temps chez son chirurgien esthétique que dans un studio de musique.  

16h12, Muscadet et skate

Côté cuvée française, le muscadet est aussi sur le podium. Un tonneau géant fait office de bar à vin, derrière la presque verte “forêt du muscadet”, où rouge, blanc et rosé sont proposés au verre et au pichet, avec 1,5L pour 22 euros, un prix bien correct pour un vin qui se boit très bien. A l’entrée du festival, une cuvée Hellfest est même proposée. Le pichet de bière est lui à 12,5 euros, avec 2 euros de consigne pour le pichet. Mais pas possible de le rendre. Verre à la main, on peut profiter des performances de skateurs dans leur cage juste à côté.

17h45, Black, trash et death metal au rendez-vous

Notre bande se sépare ensuite, entre l’intense lourdeur rock de Kadavar et les musiques number 1 aux Charts chez les Hobbits, Blind Guardian. Tout le monde se réunira pour apprécier la rage de Slayer, pour un métal décapant donnant envie de faire des combats de chars d’assaut. “Kill the Kardashians” insiste le désormais emblématique t-shirt du guitariste Gary Holt. Hell yeah ! Côté trash, death ou black métal, on aura peu fréquenté les scènes cousines Altar et Temple. C’est moins notre tasse de thé, mais les chapiteaux n’auront pas désempli des trois jours. Nos voisins de camp nous parleront de la force du duo guitare-batterie-voix d’Inquisition, ou d'Abbath qui s’est bien sorti d’un pain technique le vendredi, des communicatifs Entombed A.D., vodka à la main, ou du metal symphonique de Moonsorrow le samedi.

19h20, les vikings ont toujours raison

La flemme se fait ensuite sentir. Le site du festival n’est pas à l'asphyxie, mais chaque déplacement est bien souvent une mission. A gauche de la Main Stage 2, on a le cul posé dans l’herbe, de l’espace, un coucher de soleil, et on bien. On aurait aimé aller voir Rival Sons sur la Valley, ou Wall of Jericho à la Warzone. On restera avec les vikings d’Amon Amarth, et on ne regrettera pas notre choix. Têtes de dragons en pierre, flammes, marteau géant et pétards, la voix grasse et rauque du leader en impose, tout comme son énergie débordante et son émotion très touchante. Les suédois nous inviteront à trinquer dans leur corne. Skoll !

23h10, la der de Sabbath

Après un bon live de Megadeth, on attendait beaucoup de Ghost. Sans doute trop. Ils avaient promis un show spécial, il aura été fantômatique. Leur live très pop, s’habillant des traits d’une messe religieuse, s’adressait à un public connaissant déjà le groupe, conquis et reprenant en coeur les morceaux, mettant de côté les non initiés, sur un goût d’inachevé. Même si le petit feu d’artifice final aurait pu nous convaincre.

La grand messe adviendra surtout avec le dernier concert en France de Black Sabbath. Comme il y a deux ans, l’intensité de leur musique nous prend aux tripes. Au premier abord, Ozzy Osbourne ressemble désormais plus à un animateur de la kermesse de fin d’année de Poudlard. Mais à 68 ans, il en a encore un peu dans le ventre, et le prouve pendant 1h30. Et quels putains de musiciens : le guitariste Tonny Iommi est impressionnant de puissance et de justesse, tandis que le nouveau batteur Tommy Clufetos se place en maître du genre avec un solo fantastique. On vit le concert de l’intérieur, les pieds ancrés dans la légende, emmenés dans les origines du heavy. Paranoid clôturera le live, et notre festival. Retour de nuit en voiture, guidé par une lune aux reflets rouges et aux cornes dressés sur la tête.

Le Bilan

Côté concerts

Les patrons
Rammstein, puissance de feu pour un show de fou

La fierté
la scène metal française, entre Mass Hysteria, No One is Innocent et Gojira, plus vibrante que jamais.

La bête de scène
Amon Amarth, les vikings savent mettre l’ambiance

Les découvertes
Hermano et Killswitch Engage, deux façons de vivre intensément le rock.

La déception
The Offspring, pas d’énergie pour un set bien faiblard

La tuile
Tarja, tout était faux dans ce concert

Côté festival

On a aimé :
Le festival ne se repose pas sur ses lauriers et chouchoute ses festivaliers, avec l’agrandissement de la Warzone, une parfaite gestion de la boue et des déchets au camping. 
Une déco toujours impressionnante, de jour comme de nuit. Mention spéciale à la nouvelle Warzone et au Hellgate.
La qualité du son de chaque scène, digne d’un Zénith.
Le respect et la politesse entre festivaliers. Rare de voir une telle cohésion, alors que toutes les générations se mélangent.
Énormément de choix niveau nourriture, et une gamme végétarienne / vegan en amélioration. Le Hell Snack s’est lui aussi amélioré, proposant des formules accessibles.
Des toilettes propres, très propres, étonnement propres ! Merci à l’équipe de nettoyage, vous êtes les anges des headbangers.

On a moins aimé :
Des déplacements souvent compliqués d’une scène à l’autre, beaucoup de queue le vendredi notamment pour le cashless, et une impression de festival bien plus bondé que l’an dernier. Le festival parle d’une hausse de 7%. Ne faudrait-il pas réduire un peu la jauge l’an prochain ?
Bouchons d’oreilles obligatoires, et parfois même pas suffisants devant une sono trop forte qui décolle les tympans
Avec le succès grandissant, difficile de satisfaire tout le monde en billet. Un tarif élevé, presque 200 euros, et un sold out désormais inévitable.
Les verres et pichets non consignés.  

Conclusion

Chaque année, le Hellfest confirme son statut de festival référence en France. Un monde à part où chaque festivalier peut lâcher ses émotions au sein d’une atmosphère humaine et bienveillante. Un record a été battu avec 180 000 personnes présentes, mais un site qui est arrivé à saturation. On ne doute pas que le festival trouvera la solution pour rendre l’expérience encore et toujours plus grande et intense

Un récit de Morgan Canda (avec Anja Dimitrijevic)
Photos de Kilian Roy