On était à
Groezrock festival : l’assemblée générale des punk-rockeurs

Cette année encore, on s’est donné rendez-vous à Meerhout, petite commune néerlandophone de la province d'Anvers, pour la 26e édition du festival Groezrock. Rendez-vous emblématique du punk-rock et du hardcore du nord de l’Europe, c’est la cérémonie d’ouverture de la saison estivale des festivals belges : au programme Deftones, Stick To Your Guns, Pennywise… On vous raconte nos deux jours de pogos sur l’herbe.

Jour 1. Samedi 29 avril. 13h48, on ne badine pas avec la Police belge


Notre application météo nous avait fait embarquer bottes de pluie et kways. C’est pourtant avec quelques rayons de soleil et pas un brin de boue qu’on arrive sur les terres promises du Groezrock pour la troisième année de suite. Dès la première porte, nous tombons nez à nez avec un dispositif de sécurité bien plus costaud qu’à l’habitude. Tous les détenteurs de sacs à dos ou de bagages un peu volumineux sont appelés à se ranger en ligne devant la police belge, qui fait renifler les paquets aux chiens de détection. Nouvelle surprise arrive à la deuxième porte où on nous annonce que les sacs à dos sont tout simplement interdits sur les prémices du festival cette année, ordre des forces de l’ordre belges. On nous enverra donc déposer nos affaires dans de minuscules casiers pour la modique somme de 7€ par jour… On aurait aimé être prévenu en amont, on se serait organisé autrement.

15h05, comment claquer son budget festival en 1h


Heureusement, on connaît le meilleur moyen pour oublier efficacement les encombres des bagages et il s’appelle “Just Like your Mom”, le stand vegan du festival, dont on attendait les savoureux burgers depuis un an. Un petit demi en main et direction le premier concert de la journée avec le groupe australien Clowns, qui oscille entre jovial hardcore et bon petit punk-rock à la fraîche. Le groupe déverse une belle énergie contagieuse sous le chapiteau du Back to Basics stage déjà plein en ce début de festival.

On prend une petite pause pour nous procurer des tote-bags au Festival Market (photo) pour compenser la confiscation de nos sacs à dos… et on ressort 1 heure plus tard avec dix vinyles, trois t-shirts et cinq appels en absence de notre banquier.

16h40, on s’échauffe les cordes vocales


C’est donc les épaules bien chargées qu’on ira rejoindre les Menzingers sous le grand chapiteau violet du Main Stage. Un peu de douceur et de chants en choeur, rien de tel pour se remettre dans le bain des concerts. Le groupe est rejoint sur scène par le chanteur de Flatliners - leurs fidèles compagnons de tournée qui se produisaient plus tôt dans la journée -, pour clore le set avec In Remission, devant un public plus que conquis. Voilà pourquoi on revient tous les ans !

Les paupières un peu lourdes, on se pose dans l’herbe devant la petite scène Watch Out (photo), café dans une main pour reprendre des forces après 4h de route et des rouleaux de printemps vietnamiens dans l’autre pour palier aux munchies incessants, et on découvre le néerlandais Tim Vantol. L’ancien bassiste d’Antillectual s’est lancé en solo en 2009 et est aujourd’hui une des références de la folk punk. De quoi nous donner l’envie de chevaucher un gros chopper, ou un canasson pour les plus écolos d’entre nous, et d’aller se balader dans les contrées sauvages américaines.

19h07, que des copains à Groezrock !


Pendant ce temps-là se produisent sur la scène Back To Basics Cro-Mags, du hardcore trashcore de stoner très old school. Un peu trop pour nous en tout cas... on fera du coup plutôt le choix des joviaux Bouncing Souls sur la Main Stage. Ca dépote, ça ténorise, ça pogote… et ça finit par saigner du nez dans un circle pit (photo). Eh oui, les risques du métier de punk-rockeur… Les Bouncing sont à leur tour rejoints par les copains de Menzingers sur scène. Comme quoi, le Groezrock, c’est vraiment une bonne petite sauterie des familles.  

En quittant le chapiteau, on est attiré comme par hypnose par le son émanant de la petite scène et le metalcore de Wolf Down qui beuglent désormais avec une voix masculine après le départ de leur frontwoman en 2014. La scène Watch Out, avec un grand nombre de groupes émergents programmés sur tout le weekend est très bien placée, au carrefour des chemins du festival, et donne une belle visibilité à des groupes qui méritent d’être découverts.

21h04, “Fuck nazis, fuck fascists !”


On s’embarque dans notre 12e repas de la journée - oui mais que voulez-vous, c’est trop bon - une soupe de cacahuètes au stand vegan et deux sandwiches au pulled pork à 9€ la portion. On a officiellement dépassé la barre des 4500 calories journalières. On savoure le tout sur les grandes tables de pique-nique dans un espace musical totalement schizophrène : d’une part Underoath gronde sur la grande scène à notre droite, et de l’autre le stand Jagermeister passe de la Makina des 90’s à fond les ballons. Migraine assurée.

On s’entasse ensuite comme des petites sardines grillées devant la scène dédiée au hardcore Back to Basics pour les légendaires Stick To Your Guns (photo). Malheureusement le son est quelque peu mal réglé et la batterie est beaucoup trop forte par rapport au reste cassant un peu les chants provenant de la fosse. Comme toujours, le chanteur engagé pousse un gros coup de gueule contre les nationalistes et les fascistes de tous bords et tous pays.

22h56, le quart d’heure engagé


On poursuit sur la lancée antifa avec un bon vieux groupe à l’ancienne Anti-Flag (photo), tout aussi expressif au sujet du fascisme montant, aux USA comme en Europe, leurs paroles engagée attisent la foule et provoquent une vague de majeurs en l'air. Ceux dont les disques rayés doivent encore trainer dans un discman rangé au fond de la cave de nos parents, livrent une prestation de folie où stagedivings et chants en choeur de s’arrêtent jamais. Le chanteur, Justin Sane, a toujours la même voix. 30 ans de métier et pas une rayure sur la corde. Le bluff est total, le coup de coeur est indéniable.

On finit cette première soirée devant la grande scène avec une des têtes d’affiche du festival, les Deftones, qui ont mis le paquet sur un spectacle de lumières digne des plus grands sets d’EDM et qui nous donnera rapidement la nausée. Le chapiteau est loin d’être plein à craquer, le groupe un peu trop mou pour une fin de soirée… Etait-ce réellement un bon choix dans la programmation ?

Jour 2. Samedi 30 avril. 13h05, le plein de découvertes et de vitamine D


Sur la grande pelouse arrosée de soleil, les festivaliers commencent la journée avec une petite mousse pour certains ou un grand verre de paracétamol effervescent pour d’autres. Notre premier choix de concert de la journée se portera sur le groupe californien de punk-rock Nothington, superbe découverte et merveilleuse mise en jambe pour la journée.

On découvre ensuite l’énergique duo guitare-batterie canadien féminin Mobina Galore (photo) dont le combo de voix rauque-mélodique s’associe à la perfection. La batteuse tambourine, chante et secoue sa queue de cheval en même temps, le charme opère, les jambes s’activent et la poussière se lève devant la petite scène. Bon ben il nous reste plus qu’à retourner au Merch pour acheter leur dernier disque. Adieu le PEL.

15h20, le cours de crossfit le plus efficace de ta vie


On se fait rapidement alpaguer sous le chapiteau du Main Stage pour Zebrahead. On arrive pile-poil sur une chanson improvisée par le chanteur qui incite les festivaliers à s’enquiller de la bière jusqu'à s'en péter la vessie. Bonne idée ! Les gars lancent un concours de crowdsurfing, deux bravehearts, 43 circle pits, encouragent un mec déguisé en bouteille de bière à se lancer sur la foule avec son bateau pneumatique et invitent des fans à se trémousser sur scène. Autant dire qu’on ne s’est pas ennuyé pendant 1h. On en ressort les narines pleines de poussière et une grosse bougeotte dans les jambes.

17h05, seuls les Russes boivent plus que les Belges.. et encore.


On prend une pause bien méritée pendant les concerts de l’après-midi, l’occasion de faire quelques rencontres. On tombe donc sur une joyeuse bande de flamands francophones qui desserrent les cordons de la bourse et nous payent, une, deux, trois… d’innombrables tournées de Jupiler, tout en nous apprenant un sport local qui consiste à ventriglisser sur les tables du festival cirées de bière. Il nous faut pas plus de neurones pour nous lancer, fringants comme des étalons, avec nos nouveaux BFF, dans le pogo de H2O. Et on peut vous affirmer que Toby Morse, leader emblématique du groupe sait y faire. On distingue plus de pieds en l’air et d’hommes volants que de têtes dans le public. Une ambiance comme jamais, pour un finish bordélique au possible, la moitié de la foule étant sur scène pour chanter la mythique hymne des hardcoreux, What Happened?.

20h30, trop de commémorations tue la commémoration


Ca y est, c’est l’heure du concert qu’on attendait depuis 3 mois : Pennywise (photo) ! On est excité comme des gamins qui entrent en 6e jusqu’à ce que Jim Lindberg, le chanteur de groupe, nous annonce qu’ils consacreront l’intégralité de ce concert aux 20 ans de leur album Full Circle. On est un peu agacé par cette nouvelle tendance à fêter les décennies de chaque albums, d’autant plus que dans le milieu du punk-rock les groupes sortent en moyenne un album par an… Bien que Full Circle soit une pépite dans leur discographie, on a du mal à se mettre dedans et on ne peut s’empêcher de trouver ça monotone. Dommage, maybe next time.

Le festival se terminera sur l’emblématique Bro Hymn de Pennywise pour nous, ayant décidé de sécher Parkway Drive sur le grand scène, pas assez notre came. Se fait-on trop vieux ?

Le bilan

Côté concerts

La confirmation
Bouncing Souls, tout ce qu’on fait de mieux en matière d’énergie

La découverte
Zebrahead, les rigolos de la classe toujours prêts à mettre le bordel

Le meilleur pogo
H2O, si tu veux perdre des calories, it is the place to be !

La révolution des vétérans
Anti-Flag, 30 ans à gueuler contre le gouvernement américain et pourtant leur discours n’a pas pris une ride

Les petits nouveaux
Clowns, équilibre parfait hardcore et punk rock

Côté festival

On a aimé :
- Des toilettes propres (quoique chimiques), qui sentiraient presque bon et en quantités suffisantes, on n’hésite pas à reprendre une Jupiler. On n’attend plus que des points d’eau potable !
- La météo, tu nous as pas eu.
- La proximité avec les artistes, entre le merch, le stand autographes et les musicos qui se baladent de concert en concert, si t’as pas fait ton selfie t’as loupé ta vie

On a moins aimé :
- Les boissons et la nourriture encore trop chères cette année. 5€ la pinte (c’est pas scandaleux, vous nous direz, oui mais c’est de Jupiler…), un budget entre 8 et 12€ pour manger convenablement et 2,50€ pour une mini bouteille d’eau…
- Pas de nouveaux stands dans la catégorie bouffe et bien moins de stands au Festival Market cette année. Ca donne l’impression de faire sensiblement la même édition du festival tous les ans.  
- La catastrophe écologique que représente ce festival : pas de verres réutilisables, très peu de poubelles, pas de paiement dématérialisé, pas de cendriers… heureusement de super bénévoles se tuent à la tâche chaque nuit pour rendre le site propre pour le lendemain. Merci à eux !
- De nombreux vols de téléphones cette année sur le festival. Après de tels contrôles à l’entrée, on aurait au moins pu s’attendre à être tranquille.

Conclusion

Encore une belle cuvée punk-rock et hardcore sur les terres du nord de la Belgique, de nombreuses découvertes et nouvelles acquisitions musicales, des rencontres improbables et la trachée bouchée de poussière. Si le côté programmation musicale est mené avec brio, certains autres aspect du festival semblent être à la traîne : l’écologie, les activités en marge des concerts, la sécurité et l’accessibilité budgétaire ne semblent toujours pas être une priorité. De quoi entamer quelques réformes en vue de la prochaine édition.

Photo de couverture CardinalsMedia
Récit par Anja Dimitrijevic
Photos par Kilian Roy