On était à
Couvre Feu, les chapiteaux du bonheur

Après une édition itinérante sur les routes ligériennes en 2016 qui a creusé un déficit financier, Couvre Feu a détaché sa caravane pour établir son campement de chapiteaux à Frossay, à 40 minutes de Nantes. Du 25 au 27 août, ce ne sont pas moins de 26 000 personnes qui ont répondu à l’appel de la chaleur, de la fête et de la musique ! Pour cette 15ème édition, on y était et on n’a pas été déçus. Allez on vous raconte.

Jour 1. 16h31, matelots, camping en vue !


À peine partis on s’enjaille déjà à l’idée de retrouver l’ambiance du camping, les fidèles copains, la magie des chapiteaux, le partage de breuvages estivaux… Notre allégresse s’estompera le temps de passer un énorme barrage de gendarmerie fièrement positionné au bout d’une minuscule route de campagne et seule voie d’accès au parking. Après 10 / 15 minutes d’attente, on finit par arriver et découvrir le lieu bucolique à l’orée du canal de la Martinière. Côté pratique, le lieu étant classé, le verre est totalement prohibé du camping ; heureusement on avait prévu le coup, comme la majorité des campeurs. Quelques furieux ont déjà élu domicile depuis la veille et ont privatisé le peu de coins d’ombre possibles (photo). Peu importe, on est heureux de retrouver un site qui nous rappelle celui de Corsept (ancien lieu du festival délaissé en 2015), avec de belles allées dessinées et de nombreuses poubelles de tri. Le temps est parfait, on rencontre nos voisins éphémères, se jette quelques mousses et on se prépare pour le concert de 18h30.

18h44, le calumet de la paix est allumé

On arrive pour le 2ème concert de la journée, Taïro & The Family Band (photo) jouent sur la scène Est (disons la scène moyenne) avec leur reggae dancehall français que certains trouveront naïf et que d’autres apprécieront pour leur penchant pour la Bonne weed. On a du mal à se positionner mais c’est idéal pour débuter une soirée de concerts. On en profite pour découvrir ce nouveau terrain de jeu avec six chapiteaux : il nous paraît plus grand qu’à l’accoutumée et bien exploité. L’agencement est idéal avec des indications claires et de nombreux bars et stands de nourritures. Seul le décor nous déçoit un peu, on ne trouve pas vraiment de thème précis comme le festival faisait avant et qui donnait un cachet, un gage d’ouverture, une identité propre à chaque édition. Pour notre première pression de la soirée, on choisit de se poser dans l’herbe pour écouter le folk acoustique des Israéliens de theAngelcy sur la scène Ouest, sous un grand chapiteau décoré d’étoiles. C’est pour le moins envoûtant et original, plus que la saveur de notre Kro’ à 5 € la pinte.

22h18, on aperçoit la Colline de Cyprès !


Pour la suite, on découvre la plus petite scène Sud qui accueille une pièce de théâtre d’improvisation Les Autres qui se jouera les trois soirs. Oui une pièce, il n’y a pas d’animateur ou d’interaction directe avec le public. Les comédiens utilisent des bouts de papier sur lesquels les spectateurs ont écrit leurs idées, afin d’évoluer dans leur histoire du fond d’un canapé de colocation. C’est décalé et marrant, on se laisse prendre au jeu très rapidement. Viens ensuite l’heure fatidique de rentrer se coucher… Mais non, on blague ! C’est l’heure de Cypress Hill (photo), LA tête d’affiche de cette année ! Les mythiques rappeurs de la west coast étaient attendus comme Neymar au PSG et ils n’étaient pas venus pour blaguer : B-Real et Sen Dog ont enchaîné les fameux titres des années 90s et quelques nouvelles chansons du futur album Elephants on Acid. Ça manquait un peu d’interaction, mais le public était déchaîné et heureux. On se revoyait au collège à bouger la tête avec nos baladeurs : nostalgie quand tu nous tiens ! Petit aparté car on ne peut s’empêcher de penser aux quelques 500 festivaliers qui ont loupé le concert à cause d’immenses bouchons (environ 9 km) et des heures d’attente, en grande partie dû au barrage de gendarmerie qui bloquait la circulation.

01h07, « Pone, envoie la sauce »

On a bien mérité de prendre une galette saucisse en mode bretons du 44 pour se ressourcer. Pour 4,5 €, on en prend plein les papilles. De tous les avis qu’on a eus, la nourriture a été plébiscitée par tout le public. Il faut dire que les produits étaient bio, locaux, bien préparés et à un prix accessible - comme ce burger à la tomme de la Pannetière avec frites pour 9€ - et l’absence de jetons permet d’éviter l’attente aux banques d’échange. S’en suit le concert de Tagada Jones pour lequel les keupons avaient préparé leur plus belle crête, ciré leurs Dr. Martens et engagé leurs épaules pour de joyeux pogos. Déjà passés en 2006, ce sont des piliers de la scène punk, mais on pose notre joker pour ce soir. On retourne ensuite devant la scène Ouest pour voir DJ Pone (photo), qui remplace au pied levé Mr. Oizo. Il est connu pour ses nombreuses collaborations (Birdy Nam Nam, Casseurs Flowters, Cut Killer, Matmatah, Svinkels…) mais moins pour son aventure solo. Et pourtant son album Radiant mériterait écoute. Il offre un super concert au public pas mécontent de découvrir son énergie et sa maîtrise des platines. La soirée se termine avec Posij : de la grosse bass music qui nettoie les oreilles, avant d’entamer une nuit de fête sur le camping.

Jour 2. 13h15, esprit es-tu là ?

Réveil aux aurores par un soleil brûlant, des vapeurs d’alcool et quelques agités insomniaques, l’esprit Couvre Feu dans toute sa splendeur. Pour passer la journée en attendant les concerts de la soirée, le festival propose diverses activités : baignade surveillée dans le canal, théâtre d’improvisation par les comédiens du Couac, palets, toboggan gonflable aquatique immense appelé AquaRide (descente payante à 1€), Twister géant, bowling sur une petite piste dédiée en bois… On a même eu la chance de remporter un tournoi, la Team Krootch est fière d’être repartie avec un joystick poussiéreux mais utile pour les rencontres. Il est également possible de prendre une collation au bar du camping, de se rafraîchir aux douches, de pioncer à l’ombre des arbres ou de partager un verre avec des inconnus, activité favorite des festivaliers… On retrouve ce sentiment de bienveillance, cette volonté de partage, de respect et d’ouverture présents tous les ans et on est ravis de voir que le flambeau passe de génération en génération. Rien que pour ça, on se sent bien au Couvre Feu !

19h01, enfin debout, enfin vivant

On en oublierait presque d’aller aux concerts et pourtant la programmation débute fort avec Renaud… Euh’ Gauvain Sers (photo). Faut dire qu’avec son air de gouaille, sa casquette de titi parisien, sa guitare acoustique, sa mine joviale et ses paroles enlevées, on pourrait s’y tromper. Mais ce jeune artiste, qui a participé à la tournée de son mentor, a bien son propre univers et un lien fort avec la décadence actuelle (en témoigne sa chanson sur le jihad). Très plaisant à voir sur scène et on entend déjà quelques connaisseurs reprendre ses textes en cœur, on écoutera l’album Pourvu volontiers à notre retour. Sur la Main Stage, c’est au tour de l’Argentine et La Yegros de nous redonner le sourire avec un son folktronica teinté cumbia. On se serait bien pris un p’tit mojito au bar mais le groupe Clasberg a le monopole des boissons : 1664 Blanc, Grimbergen, Guinness, Kronenbourg, Skøll Tuborg et Tigre Bock ! Dommage de ne pas laisser une petite place aux brasseries locales, comme celle du Bouffay ou la Mélusine. On se tournera donc vers le bar à vin et son verre à 1,5 €.

21h20, fais, fais le foufou


Sur l’autre scène se produit FéFé - ancien membre du Saïan Supa Crew (photo) et sur un coup de tête, on décide de lui laisser une chance. Bien nous en a pris, un super concert plein d’entrain, de mélanges musicaux, de partage et de vivacité. Les vilains petits canards ont fait vibrer les poteaux du chapiteau ! On enendra dire plus tard dire que “c’était vraiment énorme, le meilleur concert du samedi”, pour vous dire. On reste dans le domaine de la chanson avec Un Air, Deux Familles ou la rencontre des Hurlements d'Léo et des Ogres de Barback, très impliqués dans la réussite du Couvre Feu et présents dès la première édition. Avec ce projet, ils ont certainement réalisé le rêve de beaucoup d’enfants des années 90s. Pouvoir entonner les chansons françaises alternatives en switchant entre L'accordéoniste, Rue de panam’, Salut à toi dans un même concert… On regrette de ne pas connaître assez pour participer à la folie, la joie et l'anarchie ambiante ! Pour les curieux, vous pouvez écouter l’album éponyme sorti en 2002.

00h28, à la poursuite du statut !

On ne lésine pas ce soir et on poursuit notre route vers la mini-scène Sud pour CouZin Hub. Le genre d’artiste dont le nom est écrit en patte de mouche sur l’affiche et que, sauf miracle, tu ne verras pas. Même nous on est surpris de se retrouver devant un enfant du pays qui mixe et scratche de bons titres pour faire bouger le public. Finalement on ne verra pas le temps passer et on restera jusqu’à la fin du set quand vient le temps d’en prendre plein les mirettes avec la tête d’affiche de cette soirée : Chase & Status (photo). Il manque un des deux DJs... mais un MC l’accompagne. On a l’impression de passer d’une route à 3 grammes à une autoroute, les basses résonnent sous le chapiteau, le show est calibré, le boxon entretenu par le MC et le public bouillant comme d’habitude. Lorsque “make some noise” résonne, soit environ une fois par minute, les voix grondent à en faire pâlir Garou et Mariah Carey. On loupera GooMar après le drum and bass violent qu’on a pris dans la tête. Faut dire que l’ambiance nous attend sur le camping, même si ça nous paraît un peu calme pour un samedi soir.

Jour 3. 18h29, la canicule avant la tempête


On arrive à la journée la plus hot des trois dans tous les sens du terme, Météo France a relevé 33° Celsius à l’ombre, autant dire que ça tapait sec au milieu de la journée. Heureusement qu’on avait prévu de bonnes canettes en fer bien chaudes pour se désaltérer. On décide de faire un petit tour sur le parking camions un peu à l’écart, celui-ci est bien organisé et propre. Certains ont même la chance d’avoir un petit coin d’ombre sous les arbres, un peu partout ça chille en parlant des concerts du soir. Un certain Esteban trouve que “le Couvre Feu, c’est plus que c’était… Hier soir y’avait pas de sons aux camtars et faut payer le camping !” De notre côté, ça ne nous dérange pas, on est sur un site protégé donc si on peut éviter la hardtek toute la nuit tout en profitant de concerts jusqu’à 3h, c’est déjà ça. Pour le camping, le prix de 2 €/nuitée, pour ceux qui n’avaient pas de pass 3 jours, était clairement annoncé avant l’évènement. 

20h04, ensemble nous sommes le Couvre Feu et le système n’est rien !

Jahneration, on ne sait plus si ce sont eux qui nous suivent ou si c'est nous : 4ème fois de l’année qu’on les voit sur scène. Souvent programmés en ouverture de soirée, comme à Au Fil du Son, c’est dommage de ne pas leur offrir une audience plus grande au vu de la qualité de leur musique mélangeant reggae/hip-hop/électro, et de la capacité qu’ils ont à mettre le faya. On est certain de les recroiser, on leur fait un petit signe de la main avant de rejoindre la scène Ouest un peu en avance pour la reine de la soirée, on a nommé Keny Arkana (photo). Déjà invitée par l’association en 2007, 2012, puis 2013, elle n’avait pu assurer son show en annulant quelques heures avant le début. Cette année, c'est la bonne, elle est venue refoutre la rage, le cœur et la foi à un public qui l’apprécie tant. Vécu de l’intérieur, ce concert est magique et mystique, Keny Arkana est une figure d’espoir, de lutte et de rêve incontestable. Autour de nous, tout le monde semble touché et lui clame son adulation en l’acclamant pendant de longues minutes. Cinquième Soleil sera l'apothéose de ce concert mémorable qui nous redonne un peu d’optimisme. On en ressort les yeux pétillants, le ventre retourné et le poing en l’air.

20h51, ne jamais ouBlier x Cabadzi

On n’a pas le temps de s’en remettre que notre curiosité nous amène devant le projet ciné-concert de Cabadzi x Blier (photo), un jeu scénique entre un écran géant modulable qui laisse entrevoir le groupe et qui permet de créer un univers incroyable. C’est assez bouleversant et captivant, on se retrouve projeté dans une histoire entraînante et vivante grâce à des sons électro, relevés par le beatbox et le spoken word français du chanteur. Nos jambes ne nous portent plus beaucoup et on décide de s’asseoir en mangeant une succulente tartine au Curé Nantais à 6 €. Globalement les prix des consommations sont assez raisonnables, bien qu’on ait ouï quelques déceptions de la part des festivaliers sur le prix de la bière. Ils ont pas dû faire beaucoup de festivals à Paris ceux-là, car à 2,5 € la blonde, 3,5 € la blanche ou la Guinness, ça reste plutôt accessible ! 

00h36, Big calm

Les têtes d’affiche n’ont pas encore dit leur dernier mot, puisqu’il en reste encore deux en cette fin de festival. Pour commencer, Flux Pavilion, le dubstepper anglais vient littéralement fracasser les tympans des derniers agités qui n’attendent que ça. Globalement le son du festival a été assez propre, bien qu’on l’ait trouvé parfois un brin décevant pour les concerts de chanson ou reggae sur cette scène Est. Le titre I Can't Stop porte bien son nom puisque l'artiste ne semble pas prêt à laisser ses platines et délivre un set de plus d’une heure.
Il est maintenant temps de calmer nos ardeurs devant le trip hop-downtempo de Morcheeba (photo). C’est sympa’ pour écouter calmement dans son salon mais on s’implique difficilement dans un concert de trip hop… On peut chanter, crier, danser ?! Pour dire vrai, on sent l’atmosphère s'apaiser au fil du concert et on s’ennuie un peu. La musique reste séduisante, mais on est ravis de retrouver l’ambiance avec Orkid - ex-chanteur du groupe La Phaze, lancé dans une carrière solo. Produit par Couvre Feu, il est ici en terre conquise et son electro galactique (comme il dit) clôt bien cette 15ème édition du festival. On se lance dans une dernière nuit de fête, sous des pluies d’orage, et on repartira le lundi avec des anecdotes amusantes, des découvertes musicales, de magnifiques souvenirs, des rencontres fabuleuses et des étoiles plein les yeux… Un Couvre Feu réussi !

Le bilan :

Côté scène :

Entre remerciement et belle étoile
Keny Arkana, attendue comme le messie elle a vendu plus que du rêve

L’originalité de l’improvisation
Les Autres, comme quoi les arts peuvent tous se marier en festival

Le renouveau de la chanson française
Gauvain Sers, un premier album réussi et un concert prometteur

Rien ne sert de bouger, il faut pogoter à point
Chase & Status, mettre autant d’ambiance avec du drum and bass : chapeau

Côté festival :

On a aimé :
- Des stands facilement accessibles avec un choix complet de nourriture bio et locale
- L’ambiance festive et indéfectible qui règne à chaque édition
- Une bienveillance et des sourires chez tous les bénévoles, autant que chez les agents de sécurité
- Une organisation toujours aussi réfléchie et soignée sur un nouveau site adapté pour l’occasion (toilettes sèches nettoyées régulièrement, tri impeccable des déchets…)
- Une programmation éclectique et variée, qui même avec un budget restreint était à la hauteur des attentes

On n’a moins aimé :

- L’absence de bières locales, même si on espère que Carlsberg sponsorise l’évènement avec son monopole
- Le manque de décorations spécifiques et donc d’identité de cette édition
- Les difficultés d’accès au site, dues notamment au barrage de gendarmerie qui aura causé bien des problèmes logistiques et de la rancœur chez certains festivaliers
- Un son décevant sur la scène Est pour les concerts de début de soirée (Gauvain Sers, Jahneration, Taïro and The Family Band…)
- Une chaleur parfois suffocante sous les chapiteaux, un courant d’air aurait été le bienvenu

Conclusion 

Après une édition 2016 difficile, Couvre Feu a su retrouver la formule qui a fait sa réussite sur un nouveau lieu. Plus champêtre, plus d’espace, plus de jeux mais surtout cette même ambiance et folie qui caractérisent l’évènement. Quant à la programmation, avec des découvertes et des valeurs sûres, elle était originale et très réussie. Allez c’est décidé, on prend notre pass pour l’année prochaine !

Récit et photos de Pierrot Navarrete