On était à
Couvre Feu, le rite initiatique

De la pluie, des frites, du son sympathique et du Breizh Cola : voici la recette de Couvre Feu. Immersion à Corsept, pour deux jours à la limite de la Bretagne et de la Loire-Atlantique, où l’on s'immisce dans cet univers entre concerts et chapiteaux.

Jour 1. 21h00. Etat des lieux

Travail oblige, on doit faire une croix sur le premier jour du festival. On aurait particulièrement aimé croiser Triggerfinger, dont le rock puissant a fait forte impression sur le public. Arrivé sur les lieux pour le second round, on fait un petit tour dans ce qui ressemble à un décor de cirque avec ses chapiteaux et ses guirlandes de lumières. On craque déjà pour le coin de Hartlepool, une petite arène, coincée entre des gradins de cirque et une taverne aux allures de Pirates des Caraïbes. Quelques énergumènes y tentent une pyramide (photo) lors de notre premier passage, on se promet d’y revenir.

21h15, Naâman comme amuse-bouche

Après avoir repéré le bar et les cinq points de restauration - avec un menu différent à chaque fois, s’il vous plaît ! -, on se dirige vers la scène Ouest pour le show de Naâman. On a un peu l’impression de s’incruster à une fête d’appart’ déjà bien entamée tellement le public est dedans. L’ambiance reggae rend tout le monde foufou et ça danse dans tous les sens. Une bonne entrée en matière pour nous, qui notons son nom sur un coin de post-it pour mieux réécouter plus tard.

21h45, “Salut, nous c’est Guerilla Poubelle !”

A l’opposé du festival, qui n’est pas immense non plus (on met trois minutes à traverser), on retrouve les punks parisiens qui enchaînent les blagues, notamment sur l’âge de son public. “Tout à l’heure on a croisé un mec, il nous a dit “Ah ouais, j’écoutais Guerilla Poubelle quand j’étais jeune !” Le type, il avait 16 ans.” L’âge du public est de fait relativement jeune, comme sur le reste du festival, d’ailleurs. On suppose que Couvre-Feu est une sorte de rite initiatique, un passage obligé avant de tenter d’autres festivals. En attendant, nous, on retrouve nos quinze ans et on sautille devant la scène comme si personne ne regardait.

22h30, drame à la Kabanabouf

“On a faim, on a faim !” Le peuple réclame des frites qui ne viennent pas, chahute les bénévoles au service et chante des chansons paillardes pour passer le temps. Malgré notre sandwich qui commence à être loin, on tient quinze minutes, puis on abdique pour aller chercher un Breizh Cola à 2€ qu'on aura, pour le moment, préféré à une bière ou un cidre honnêtement vendu 2,50€ quand la pinte est elle à cinq euros. Pour la nourriture, on retentera demain.

22h45, Atterissage devant Yelawolf

Munis de nos verres de cidre et de Breizh Cola, et après avoir croisé notre premier drapeau breton, on se dirige vers le rappeur Yelawolf. L’Américain au chapeau - non, pas Charlie Winston, il est anglais lui - nous propose une transe de fin de soirée, doublé de quelques musiciens et d’une puissante basse. Une découverte assez sympathique, une voix agréable, mais on est rapidement très serrés sous le chapiteau à cause de la pluie diluvienne. Eh oui, c’est ça de faire un festival au bord de la Bretagne.

00h00, notre coeur balance

“U ready to rave ?” Les russes de Little Big sont déterminés à faire vibrer chaque brin d’herbe du terrain, avec ses stromboscopes et ses basses qui nous rappellent vaguement la machine à laver de ma grand-mère. Son électro trash nous rappelle lui vite fait Die Antwoord, en… plus trash, du coup. On lui préfère son voisin DJ Vinodilo, qui fait danser le chapiteau de Hartlepool avec son électro des Balkans. Concrètement, c’est un peu Raspoutine de Boney M qui se pointe à la Nuit de l’accordéon, mais ça détend. On y croise même une chenille. On abdique avant Zomboy. Froid : 1 - Dubstep : 0

Jour 2. 17h30, la douceur de Hijas De

Le début tardif des concerts permet de récupérer de la soirée de la veille pour les plus festifs, ou de passer l’après-midi à la plage pour les plus motivés. Dans un cas comme l’autre, le redémarrage s’effectue en douceur avec Hijas De (photo), un groupe local de chanteuses de cumbia. On se laisse entraîner par les ocarinas, les flûtes, le ukulele et autres instruments aux consonances sud-américaines.

17h45, le conte macabre de Hartlepool

A quelques pas, le singe de Hartlepool débarque sur les côtés anglaises. Sous la tente, un comédien nous conte une histoire  un peu décalée (photo). Une légende selon laquelle en 1814, un singe déguisé en soldat français échoue sur les côtes anglaises. Les autochtones, n’ayant jamais vu un Français, le prennent pour un des “Frogs”, qu’ils détestent. Spoiler : à la fin, le singe meurt et ça nous rend chafouin pour le reste du week-end. Néanmoins, on salue l’initiative de l’association “Ensemble”, qui lutte contre toutes sortes de discriminations.

18h00, visite du camping

Le camping  de Couvre Feu  est un monde à part. Pour l’apéro, on danse sous une tente où des enceintes balancent de la techno, on slalome entre deux gars qui jouent au rugby et à ceux qui remmènent leurs affaires à la voiture. “Ecoute, tu t’es pas battu, t’as pas vomi, c’est un bon festival !” sert un jeune homme à son binôme, en guise de consolation. Le camping comporte également une brasserie avec des glaces, des chips, des pâtes, des viennoiseries, et des boissons et une épicerie, ouverte 24h/24. Pour les "routier" le festival a également prévu un parking camions, parfait pour ceux qui aiment l’aventure mais préfèrent dormir avec un toit au-dessus de leur tête.

18h30, la pause crêpes

Non, on ne fait pas que manger dans ce festival. Même si c’est tentant, chaque espace proposant différents menus. On peut ainsi goûter des grandes tartines, des croque-monsieurs, des sandwichs serrano/tomate, des beignets de calamars, des crêpes, des beignets, et les traditionnels américain/kebab frites, le tout à moins de 5 euros. On craque pour une crêpe maison au Nutella sous la tente du Chapalo, en attendant le prochain concert. On remarque au passage que le public est plus âgé que la veille, et on se demande si les ados d’hier n’ont soit pas décuvé, soit perdu leur autorisation de sortie. Au loin on entend les chants marins de La fiancée du pirate, ce qui colle bien avec la pluie.

19h15, John Butler Bingo

On découvre avec curiosité John Butler Trio (photo) dont on avait noté le nom dans un coin de notre tête il y a quelques années, puis complètement oublié. On se retrouve devant un groupe un peu inclassable, entre le rock, les balades, la country, la pop… La variété des genres maintient l’intérêt du public, qui saute sur la première occasion de danser. Si l’intermède country les fait tournoyer, nous on a un petit faible pour le solo de batterie, rejoint par les gros sons de basse et de guitare. A savoir que la programmation du festival cherchait à avoir les Australiens depuis 2003.

21h30, Beaucoup d’amour pour The Gaslight Anthem

On a été attirés par le sourire de gamin de The Gaslight Anthem (photo), on a accroché à leur gentil punk rock, et on a craqué à leur reprise de “House of the rising sun”. Certains pourraient les trouver convenus, gentillets, mais c’est du rock dont la recette marche toujours. Après pas mal de groupes moins familiers, se retrouver en terrain connu nous va droit au coeur. On s’éloigne un peu pour aller dîner d’une tartine tomate/chèvre/miel lardons, mais on garde une oreille près de la tente. Autre avantage du festival : où que l’on soit, on entend les groupes.

22h45, Maid of Ace trace la voie pour Shaka

Si quelqu’un comptait faire une sieste en attendant Shaka, c’est raté. Maid of Ace (photo) nous dresse les cheveux sur la tête, sa chanteuse n’ayant rien à envier au volume de voix de ses homologues punk masculins. On file rapidement vers l’autre scène, où la foule est déjà agglutinée pour les singes déjantés. Shaka Ponk délivre un set propre, qui perd un peu en âme après plusieurs concerts, mais qui reste à la hauteur de son statut de bouquet final du festival.

Le Bilan

Côté concert 

Le coup de coeur
The Gaslight Anthem, du bon punk rock comme on aime

La surprise
Le singe de Hartlepool, parce qu’écouter un conte en festival, c’est cool.

Le retour gagnant
Guerilla Poubelle, pour l’adolescent qui sommeille en chacun de nous.

Côté festival 

On a aimé :
La bière et le cidre à 2,50€
La diversité de la nourriture
L’ambiance cirque sous les chapiteaux
La CB à tous les stands

On a moins aimé :
Les gens qui perdent facilement patience avec les bénévoles des stands nourritures
La pluie, le froid, le vent

Conclusion

La programmation ne se vante pas seulement d’être éclectique, elle l’est réellement. Entre le théâtre d’impro, les contes, les fanfares, les chants de marins, le punk, le ska, le rock, le reggae, il y en a vraiment pour tous les goûts. Les chapiteaux de cirque resteront pour nous un coup de coeur de déco de festival.