On était à
Au Fil du Son, une édition convaincante et réussie

Après plusieurs années couronnées de succès, la 14ème édition du festival Au Fil du Son avait vu les choses en grand avec trois soirées de concerts et de nombreuses activités. Les hostilités se déroulaient dans la petite ville de Civray dans la Vienne, qui a vu sa population multipliée par 11 avec 31 000 festivaliers accueillis : un record ! Suivez les guides, on vous raconte tout.

Jour 1. Jeudi 27 juillet, 19H34, c’est déjà le faya !

Couvert depuis 2014 par nos équipes, c’est pour nous un baptême du feu et on a hâte de découvrir ce petit coin de paradis tant apprécié les années précedentes. Après avoir traversé le Mordor pendant 3 heures et bravé les bouchons civraisiens, nous voilà enfin à l'orée du camping situé sur une grande île au milieu de la Charente. On entend déjà ses joyeux autochtones entonner des “apéros” en chœur. Le temps est mitigé mais la pluie nous a épargnés. On jette notre tente, on décapsule un Pago Fraise et on se rue à l’entrée du festival pour voir Jahneration (photo). La sensation reggae française du moment ouvre le bal et déroule son set pendant la petite heure qui lui est impartie. Depuis la sortie de leur album en avril dernier et leurs quelques featurings, le groupe a pris une autre dimension et le public répond présent. Sur scène, c’est un subtil mélange de reggae, hip-hop, electro… Bref, un régal. Pour la suite, on écoutera de loin le groupe local Audrey et les Face B qui se produit sur la petite scène dédiée aux découvertes, on ne peut pas dire qu’on attendait vraiment du blues / swing à ce moment de la soirée…

20H27, « ils sont frais mes fouées »

On profite de l'accalmie passagère pour se rassasier. Direction la banque à jetons déjà prise d’assaut par des centaines de personnes. On patiente en échangeant quelques bons mots : “c’est la première fois que je vois autant de monde un jeudi soir, d’habitude c’est plus pour les dreadeux”, nous glisse une aficionados des lieux. C’est aussi le moment de partager son adresse de camping en prévoyant les apéros de la nuit - bien qu’il y ait une chance sur mille qu’on se souvienne du rendez-vous. En tout cas l’ambiance est bon enfant et les gens souriants malgré l’attente et la présence de gendarmes qui surveillent… rien. Le Piou, monnaie du festival, est à 1,25 € et donc 2,50 € la bière, ça reste raisonnable. Parmi la sélection de stands de bouffe proposés (photo), on choisit les fouées locales qui nous ont été conseillées. C’est succulent et ça remplit bien l’estomac, on n’est requinqués pour la soirée ! Allez il est déjà l’heure de courir jusqu’à la main stage.

21H18, me gusta Manu Chao

Le jeudi soir à Civray est habituellement réservé aux quelques délurés qui sont disponibles en semaine pour faire la fête. Cette année, le festival n’a pas fait les choses à moitié en invitant tout simplement la tête d’affiche : Manu Chao et son groupe allégé La Ventura (photo) dès le premier jour. Malgré ce que disait Didier Wampas, l’artiste de 56 ans a choisi de renflouer son compte et de rester en France pour enquiller les dates sur tout l’été. 3ème fois qu’on le voit en un mois mais on ne va pas s’en plaindre. José-Manuel, de son prénom, est une bête de scène. Il donne tout ce qu’il a pendant 2 h 15, alors que la foule immense reprend à tue-tête ses succès et pogote gentiment. Dommage que le son n’était vraiment pas à la hauteur, surtout sur les côtés de la scène. En tout cas, comme d’habitude, un concert exténuant pour les jambes mais enchanteur pour l’esprit !

00H43, il est l’hor’ de Wax Tailor

Les locaux de Colours in the Street prennent le relai sur la petite scène. Ils semblent déjà avoir une petite base de fans dans la région et leur pop rock teinté d’electro est prometteuse. Avec leur set calibré et la voix singulière du chanteur, il y a de fortes chances que vous les croisiez dans les prochaines années sur divers festivals, comme nous au Free Music il y a déjà 3 ans. C’est au tour de Wax Tailor (photo) de clôturer cette soirée ; son dernier concert à la 7ème Vague nous avait laissé un subtil goût amer. Malgré une structure imposante sur scène, de bons musiciens et plusieurs MCs, on est décidément pas fans de sa prestation. On s’ennuie et on a la sensation que la sauce ne prend pas dans le public. Pour une première fin de soirée, ça manque de folie et d’entrain. On rentre sagement au camping où on est sûr de trouver une ambiance plus déjantée.

Jour 2. Vendredi 28 juillet, 20H09, le secret de Broken Back

Au fil de notre aventure, on découvre qu’en plus d’avoir une bonne programmation et un public sympa, le festival mêle les arts et propose des activités diverses : cinéma (programmation spéciale avec trois films par jour dans la salle communale), divertissements (jeux en bois, structures musicales originales), marché d’artisans, musique (concerts gratuits dans l’après-midi avec la tournée du Reggae Sun Ska, dont Mike & Riké de Sinsemilia), sport (mini-golf, location de canoë ou paddle, tournoi de volley...), théâtre (avec la cie. Vox Populi) ! Sans parler du sport national : le palet en fonte sur plaque en plomb, soyons précis. C’est un plaisir d’avoir autant de choix et de ne pas passer notre journée à déguster du houblon. En début de soirée, on se rend sur le site des concerts pour Broken Back (photo) avec sa joyeuse indie-dance / electro-pop qui rafraîchit nos ardeurs. Allongés dans l’herbe, on contemple les nuages et on profite de l’instant !

21H54, la Bretagne ça vous gagne

On se permet de se ressourcer pendant The Wanton Bishops, du rock'n roll qu’on écoutera de loin. Le coin chill-out est d’ailleurs bienvenu pour se poser tranquillement et parler avec de nouveaux amis. La soirée s’annonce mouvementée, on garde notre énergie pour la suite. Et ça arrive vite puisque Matmatah (photo) débarque sur scène avec sa flopée de titres cultes. Ils avaient disparu pendant 8 ans dans la brume brestoise et ça fait franchement plaisir de les retrouver. Soit, l’échange avec le public n’est pas des plus fameux et ils enchaînent les titres telle une mécanique bien huilée, mais ce que tout le monde souhaite c’est chanter, danser, s’enjailler, et pour ça c’est gagné ! Ils font tout leur répertoire réputé, d’Emma jusqu’à Lésine pas, sans parler de L’apologie qu’on écoute tous depuis 19 ans en soirée et qui laisse planer un léger parfum de chanvre sur la plaine. On félicite le festivalier avec son panneau “on vous aime putain” qui l’a tenu tout le concert.

23H37, « allez là, foutez-moi le bordel »

On évitera The Inspector Cluzo pour garder un peu de répit pour nos oreilles, on a mieux à faire : on peut retourner au camping et s’en jeter une. Car oui, ô bonheur, la sortie n’est pas définitive. ça devient si rare ! On est de retour pour l’artiste qu’on attend le plus dans cette programmation. Mat Bastard (photo), ex-chanteur iconique de Skip the Use, remonte sur scène pour foutre le bordel et que ça fait plaisir. Mathieu-Emmanuel (ouais on sort les blases) se lance dans une aventure solo avec ses anciens potes punk. Avec son énergie communicative, il réveille complètement le public, qu’on avait trouvé un peu timoré jusqu’à maintenant, en les faisant danser “comme des connards”. C’est dingue d’observer un énorme pogo qui va jusqu’à la régie. Une petite reprise de Louise Attaque plus tard, le public en sueur en redemande mais la petite heure est déjà terminée. C’est passé trop vite !

02H12, ça loupe jamais 

Malgré les conseils, on se repose un peu pendant AllttA composé du DJ 20syl (C2C / Hocus Pocus) et du rappeur Mr. J. Medeiros (The Procussions). Le mélange avait l’air détonnant et engageant, on les recroisera sûrement sur un autre festival. Pour terminer cette belle soirée, c’est au tour de l’Australien Dub FX (photo) de retourner Civray. Déjà croisé en 2009 sur 3 planches au milieu du camping du Couvre Feu, le voilà maintenant sur la grande scène d’Au Fil du Son devant 10 000 personnes : la classe ! Ce beatboxer apprécié sur YouTube débarque seul sur scène accompagné de ses inséparables pédales loop pour créer des mélodies entêtantes. Il propage son atmosphère particulière, entre hip-hop / jungle / reggae et ça cartonne… C’est parfait pour clore cette soirée et débuter une nouvelle nuit agitée.

Jour 3. Samedi 30 juillet, 15H54, des bières, du soleil et des sourires 

L’équation du bonheur est réunie en ce samedi après-midi : des animations et jeux, des bières, une scène DJ gratuite (avec le super DavyCroket Crew), des bières, des structures gonflables, des bières et du soleil ! Que demander de plus ? Le lieu bucolique réservé à ces activités, appelé La Plage (photo), est assailli de festivaliers côtoyant les familles du Camping de Civray juste à côté. L’ambiance y est agréable, chill-out pour certains, dansante ou sportive pour d’autres. Quelques courageux s’aventurent même à se baigner dans la Charente pour se rafraîchir. On se croirait au Sziget en modèle réduit. On va même faire un tour dans le centre-ville voir Harmonitare en concert gratuit, à la terrasse d’un café. On en profite pour faire un tour chez les commerçants qui bénéficient de cette manne et nous accueillent avec le sourire (les retombées économiques sont estimées à 600 000 € sur la localité).

20H41, « C'est de la bonne zic’, well dem »

À la fin de l’apéro, c’est une marée humaine qui se rue vers l’entrée du site pour apprécier Dub inc. (photo). Même si le groupe stéphanois écume les scènes depuis 20 ans, il y a toujours une attente forte sur leur prestation. De notre côté, bien qu'on les ait vu récemment à MegaScene on ne s’en lasse pas et on chante Rudeboy comme si c’était la première fois qu’on la découvrait en concert. Au fil des titres, on ressent un lien fort entre le groupe et le public, on a l’impression que leurs textes sont l’étendard de toute une génération. On aurait bien repris une double-dose après 1h15 de chant. Tant pis on devra attendre le trajet retour pour écouter le CD live. Lessivés, on zappe l’electro-pop d’Inüit pour aller manger un burger et boire une bière fraîche.

22H10, la légende de Jain

C’est maintenant au tour de l’autre tête d’affiche du festival de monter sur scène. À vrai dire on en n’attend pas grand chose et on n’aura pas plus. Jain (photo) est un peu l’ovni de cette soirée et on se demande un peu ce qu’elle fait là. Ces mélodies doucereuses semblent trouver un écho auprès d’un public familial ou jeune, habitué à écouter la radio. De l’autre côté la frange des fêtards invétérés paraît plus hermétique et sceptique. On devra même se retirer pour éviter de garder en tête Come pendant une semaine. Son concert n’est pas mauvais, la scénographie très travaillée et elle y met de l’énergie, mais ce n’est clairement pas pour nous. On passe notre chemin, tout comme pour le hip-hop / funk de Lucille Crew sur la petite scène qu’on écoutera par bribes.

03H09, on sort de Comah

La soirée continue avec Deluxe qui déroule son set habituel. Déjà venus Au Fil du Son en 2014, ils ont entre temps sortis Stachelight et fait toutes les scènes de France et de Navarre. Leur concert est bien rodé - un peu trop diront certains - et l’ambiance survoltée, les moustaches s'agitent au rythme de leur énergie débordante. Rebeka Warrior de Sexy Sushi vient ensuite foutre le sbeul avec son electroclash bien sale. Ça fait frétiller les tympans et bouger la foule, déjà bien ravagée par ces trois jours de festival. On en ressort sonnés mais ce n’est point fini. Pour terminer, Comah (photo) vient clôturer cet évènement. Il débarque avec sa techno minimal progressive, ses jeux de lumière et propose une musique parfois peu accessible pour les non-initiés. Le public s’éclaircit peu à peu et il ne reste plus grand monde après 3 h du matin lorsque les portes se ferment sur cette belle 14ème édition d’Au Fil du Son ! Mais un samedi soir, le camping est loin d’être endormi… On vous racontera une autre fois.

Le bilan 

Côté scène 

Le retour du bon rock français
Mat Bastard, sa courte absence nous a rappelé qu’il nous manquait

Quand on aime chanter, on ne compte pas
Manu Chao, sacrée bête de scène, sa sincérité et sa volonté méritent le respect

Roots, rock, reggae
Jahneration, la révélation devient confirmation, ils feront bientôt partie des grands

La radiodiffusion provoque la surdité
Jain, bien qu’entraînante, on n’a pas su s’accrocher à ses titres de pop-variété

Côté festival 

On a aimé :
- L’ambiance joviale et respectueuse qui a régné pendant ces 4 jours
- L’application mobile vraiment très utile
- L’aspect pluridisciplinaire de l’évènement, tout est fait pour que le festivalier ne s’ennuie jamais
- La qualité du camping arboré, calme, au milieu d’une île, sur de la vraie herbe… avec un bar, des douches, une épicerie, des hamacs, un snack, des stands pour smartphones
- Une programmation éclectique qui sait satisfaire plusieurs publics, avec des horaires respectés (pour une fois) et de nombreuses découvertes

On n’a moins aimé :
- Des poubelles absentes de tous les sites (en dehors des espaces de tri sur le camping), malgré la mise en avant de l’éco-responsabilité
- Le manque d’éclairage incompréhensible autant sur le camping (noir complet) que sur le site ; navrés pour tous ceux qui se sont fait marcher dessus
- Le son très moyen pour les concerts de chanson
- Les concerts vraiment trop courts 
- Une présence des forces armées trop visible et des vigiles qui se sentent tout-puissants :  on espère que le jeune qui a été projeté de scène va bien

Conclusion

Avec une fréquentation record et aucun couac d’organisation majeur, la 14ème édition d’Au Fil du Son est une franche réussite. On peut féliciter l’association La Ch'mise Verte et ses 430 bénévoles qui ont fait de ce festival une valeur sûre et un évènement majeur de la région. L’ambiance, les diverses activités, l’implantation locale, la programmation originale sont autant de points forts qu’il faudra renouveler l’année prochaine, avec toujours plus de folie.

Récit et photos de Pierrot Navarrete