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The Inspector Cluzo : « On veut être libre de faire ce qu’on veut quand on veut »

The Inspector Cluzo c’est deux rockeurs indépendants, un groupe rural et mondial à la fois, des rockers-farmers qui, avec près de 800 concerts dans 44 pays peuvent se targuer de faire partie des artistes français s’exportant le mieux à l’étranger, mais aussi des gascons qui reviennent toujours au pays pour s’adonner à leur activité de fermiers. Nous avons eu l’occasion de discuter musique et terroir avec Mathieu Jourdain, le batteur d’Inspector Cluzo lors du Cabaret Vert, festival écolo et rock par excellence.

Tous les Festivals : Bonjour Mathieu ! Est-ce que tu connaissais déjà les Ardennes avant de venir au Cabaret Vert cette année ?

Mathieu : Oui on est déjà venu en 2009, on avait déjà eu un bon retour du public, on s’était régalé.

C’est quoi ton rapport aux festivals ?

Je n’étais pas spécialement un festivalier dans l’âme, j’allais plutôt voir des concerts en clubs. En tant qu’artiste, j’aime bien les festivals mais pas trop gros : ici ça va c’est à taille humaine, tu peux rencontrer les gens, le site n’est pas trop grand, l’accueil est bien, les gens sont gentils, tu es en ville dans un beau cadre, c’est super contrairement à certains gros festivals que l’on a fait qui sont assez déshumanisés où tu es dans ta bulle et où tu ne vois personne. Tu es dans ta loge une heure avant le concert, après tu y restes une demi-heure et on te met dehors parfois sans hôtel et sans bouffe…

Tu parles d’un festival particulier en France ou à l’étranger ?

Non non à l’étranger, en France ça va. On a fait le Download festival cette année, qui était très gros mais bien organisé, ça reste humain. Les Eurockéennes c’était super aussi et les Vieilles Charrues pareil c’était bien…même si pour côtoyer d’autres artistes c’était un peu moyen car ça commence à être gros mais il y a une bonne ambiance quand même ! Et puis en tant que festivalier, ça fait presque 20 ans qu’on fait de la musique pro ou presque donc ça fait longtemps que je n’ai pas fait de festival. Disons que ça dépend du site, si tu as de la place, si tu as de l’herbe, si tu peux bien circuler c’est mieux qu’un festival où tu ne peux voir qu’un écran au loin. Mais pour moi le mieux des concerts ça reste en club, tu vas voir n’importe quel groupe même dans un gros club de 2000 personnes, là tu as quelque chose que tu n’auras jamais en festival. En festival tu as moins de connexion avec le public…

Oui parce qu’en festival les gens ne connaissent pas forcément non plus tous les artistes…

Oui tout à fait, d’ailleurs nous on trouve ça excitant, le fait de devoir les convaincre car justement, il y a plein de gens qui viennent mais pas forcément pour toi et c’est là que tu vas aller les chercher. C’est pas facile parce que souvent tu n’as pas beaucoup de temps pour t’exprimer, t’as une heure maximum et tu ne peux pas déborder par respect pour les autres artistes. C’est un tout autre exercice, faut condenser sa musique et nous on aime bien faire ça avec Laurent (chanteur et guitariste du groupe). On a souvent eu des retours de gens, surtout à l’étranger, qui nous disent : « on voulait aller voir untel mais on est passé devant votre concert et on est resté jusqu’au bout ». ça c’est génial, ça prouve qu’on a fait le boulot !

En parlant de ça, vous avez fait combien de dates à l’étranger avec le groupe ?

On a fait à peu près 800 concerts dans 44 pays.

Comment tu expliques cette renommée internationale ?

En fait ça a commencé à l’étranger pour nous au début, dès qu’on a eu pied là-haut il y a eu un effet boule de neige. Quand tu es dans le circuit international, tu rencontres des gens de partout et tu te fais plein de connexions, plus facilement qu’en restant en France en tous cas.

Et du coup, dans quel pays vous avez bénéficié du meilleur accueil ?

Oulah ! Plusieurs très différents mais tous aussi bien les uns que les autres. Le Japon est notre pays de cœur, ça a commencé là-bas, ils sont très différents mais on des valeurs communes avec la Gascogne, nous on a les Mousquetaires, eux les Samouraïs. On a eu aussi des supers retours d’Afrique du sud, de Colombie et des Etats Unis…normal on fait du rock quand même! Et puis chez nous en France, ça commence à bien prendre aussi.

Vous êtes réputés aussi pour être indépendants, vous avez votre propre studio, vous êtes vos propres managers, vous faites pratiquement tout vous-même.

Oui on fait quasiment tout, on délègue le mixage pour la production de l’album et le graphisme aussi c’est un ami taïwanais qu’il le fait mais sinon oui on fait tout, c’est notre combat, on veut être libre de faire ce qu’on veut quand on veut.

Comment on peut tenir le rythme ? Parce qu’en plus de ça j’ai vu que vous aviez une ferme en Gascogne.

C’est très dur, on bosse comme des fous ! (rires) C’est beaucoup de boulot je ne te le cache pas mais on a beaucoup de satisfaction. Quand on rentre on mange nos légumes, nos poulets, nos oies...c’est génial ! On invite des gens, nos amis ils viennent et on peut partager ça tous ensemble. Ca nous donne la source et la matière pour la musique aussi, notre musique rock vient de la terre.

Tu dois être content parce que le Cabaret Vert est un festival qui mise beaucoup sur le local.

Oui, on nous a dit. C’est super ! J’espère que ça va donner l’envie à d’autres festivals de faire pareil parce que c’est si simple au final de faire appel aux gens qui travaillent en local. Quand tu fais un événement de ce style là tout le monde va mettre 200% d’énergie pour faire en sorte que ça marche et tout le monde est gagnant. Quand tu vois certains pays comme par exemple la Hollande, c’est l’enfer, tu manges super mal, ça parait sophistiqué mais ça n’a pas de goût, c’est insipide. Pourtant je suis sûr qu’il y a moyen de faire autrement.

Tu es habitué avec ton binôme à créer des structures mais qu’est-ce que tu monterais comme genre de festival ?

Et bien pour tout te dire, on l’a déjà fait ! On s’est arrêté aujourd’hui mais on avait déjà un festival à l’époque, qui nous a fait très mal financièrement parce qu’on était indépendant, mais si on devait le refaire, parce je pense qu’on le refera, ça serait un festival avec de la musique éclectique. On en veut pour tout le monde, on veut que ce soit varié, ça pourrait aller du rock au reggae en passant par de la soul, du metal, du hardcore…bon pour l’instant on est un peu hermétique à la musique électronique, donc pas sûr qu’il y en ait…

C’est à la mode pourtant !

C’est la mode mais on s’en fout de la mode, on fait notre festival on fait ce qu’on veut ! (rires) Mais on essaye quand même de décrypter les codes pour voir ce qui est bien, il y a des choses bien dans l’électro mais leur place sur scène on la comprend pas. Pour nous une personne avec des machines ça rime à rien sur scène, tu le mets dans un bar pour animer un truc, ok c’est super ! Mais pas sur une scène à occuper une place de headliner dans un festival. Après si les gens arrêtaient de bouger bêtement devant ce genre de choses, ils ne viendraient plus ! David Guetta si tu le mets là, qu’il fait son show et qu’il n y a personne devant et ben ça sera le dernier festival qu’il fera. Je ne sais pas comment font certains pour aimer, après je ne critique pas, les goûts et les couleurs…si eux ça leur procure des choses tant mieux mais bon…pas en festival s’il vous plait, soyez un peu critique.

Ils l’ont déjà programmé aux Vieilles Charrues !

Je vais être méchant mais moi je ne lui laisserai même pas le droit d’aller mixer dans les chiottes ! Bon j’suis pas objectif mais pour avoir rencontrer des gens dans l’électro, eux-mêmes disent que : « David Guetta ne fait pas de bien pour faire aimer l’électro » ce n’est pas ma culture mais je veux bien le croire. Après tout des gens sans talent connu de manière démesurée il y en a toujours eu.

Et quand tu regardes la France, elle se place comment par rapport aux festivals ?

En France il y a beaucoup de festivals qui vivent de subventions contrairement aux Etats-Unis par exemple, qui eux vivent de gros sponsors, du coup il y a une logique complètement différente. Ici on arrive encore, même si c’est de moins en moins, à proposer des découvertes et à aller voir des petits festivals qui sont là grâce aux subventions. Les gros festivals par contre sont trustés par les grosses boîtes de production, ce qui fait que tu vas souvent retrouver les mêmes têtes d’affiches et ça c’est un peu dommageable. Mais à l’étranger comme en Allemagne, la situation est plus précaire, les festivals sont très peu aidés et tu rentres directement sur les gros festivals commerciaux. Autant dire que si tu n’appartiens pas à la boîte de production qui organise le festival tu n’y joues pas.

On n’est pas si mal que ça en France finalement !

On n’est pas si mal lotis que ça et les prix ne sont pas si élevés, à l’étranger ça grimpe vite. Si je devais adresser un mot aux festivaliers ça serait de continuer à aller voir de la musique en festival !

Propos recueillis par Josselin Thomas