Interviews
Thylacine : "les shows programmés ne m'intéressent pas"

Révélation scène de notre début d’année, Thylacine maîtrise l’art des mélodies électroniques sans savoir jamais où elles vont nous mener. Sa musique prend tout son sens en live. Rencontre avec William autour de son univers, son parcours et sa saison festival à venir.

Tous les Festivals : Salut ! Tu as découvert l’électro au fil de tes compositions, comment cela s’est passé ? C’était un peu comme l’homme qui découvre le feu ?

William : Je ne viens pas du tout de ce monde là, et j’ai vraiment découvert l’électro en composant. J’avais vraiment envie de composer, avant j’étais dans le classique, j’avais juste envie de composer mes morceaux tout seul, m’enfermer dans mon coin, c’est pour ça que petit à petit j’ai commencé à faire de l’électro. Et quand je le faisais écouter à des potes ils me disaient “ah ça ressemble à ça !” J’ai commencé alors à découvrir des groupes. C’est un petit à petit, c’est bizarre par rapport à d’autres personnes qui possèdent une grosse culture électro. Moi c’est assez récent, cela fait 4 ans.

Et tout de suite tu as voulu l’associer au saxo que tu avais appris au conservatoire ?

Non pas forcément, au départ je voulais vraiment m’en détacher, j’avais pas non plus envie de tomber dans des clichés électro / saxo. Je l’ai associé une fois que j’ai réussi à composer un morceau qui appelait à une impro au saxo. Et ce qui m’intéressait en liant le saxo à l’électro c’est d’être free, d’abord pour du live pour pouvoir improviser pendant 10 minutes, qui est un rapport au jazz, un truc très libre, que je puisse faire différentes improvisations au fil des concerts. Ce n’est pas forcément par rapport à la sonorité du saxo, mais c’est un instrument que je maîtrise car j’ai commencé tôt à bosser dessus.

Quand tu as commencé, tu ne te sentais pas dans ce monde de l’électro. Récemment, tu as fait la une du magazine Tsugi avec Fakear et Superpoze, tu sens faire partie de ce même mouvement ?

Ouai un peu, après c’est un mouvement qui n’est pas 100% électro. Justement avec Superpoze et Fakear, on est tous les trois des mecs qui viennent de l’instrumental, et du coup on a un rapport à la musique électronique qui n’est pas 100% club, c’est pour cela qu’on est assez détaché de la french touch à l’ancienne, car on a un fonctionnement assez différent.

“L’anti french touch”, c’était le titre de la couv’ du magazine. C’est opposé à qui ? Laurent Garnier ? Etienne de Crecy ?

On a souvent été qualifié de "french touch 2.0". Laurent Garnier et autres, ce sont des mecs que j’écoute beaucoup, je ne renie pas ça, mais par contre c’est très différent sur le fond comme sur la forme, on n’est pas des mecs qui bossent au milieu de synthés pour avoir un son qui claque de ouf, on n’en a un peu rien à foutre, on est plus dans la mélodie, on est assez différent dans notre démarche. Il y a une sorte de renouveau en France qui est assez cool, cela ne vient pas que de Paris, cela vient de partout, c’est agréable. Et justement ce sont des choses assez libres d’influence.

Toi tu as aussi étudié les beaux-arts. En quoi cela se retrouve dans ta musique ? Dans l’idée d’associer des arts visuels autour ?

Carrément, c’est un peu une opportunité. La musique dans ma tête est assez associée à l’image. Quand je bosse un live j’ai envie qu’il soit un peu plus riche, qu’il aille un peu plus loin que juste ma machine et la musique, c’est pour ça que je bosse avec la vidéo depuis le début. Je voulais aller plus loin, c’est pour cela que j’ai plusieurs projets et je les aide à aller au delà de CD, concerts, et j'essaye d’aller chercher ailleurs et de ne pas rester dans des chemins hyper tracés qui ne sont pas très excitants.

Tu peux nous parler de l’expérience que tu as eu avec le centre Pompidou de Paris ?

J’ai travaillé à partir de l’architecture du centre Pompidou., qui est une grosse structure avec plein de tuyaux. Je l’ai transformé en partition, j’ai construit une installation interactive où tu peux ajouter tous les tuyaux du centre Pompidou et faire une musique avec ça. Il y a plein d’effets que j’utilise en live, comme faire des boucles et y ajouter des effets, et en fait quand tu mets de effets cela déforme l’image, c’est hyper lié entre musique et visuel. J’ai eu l’occasion de faire ça, et là ils sont même en train de m’acheter la pièce, donc c’est super ! Mêler la musique à autre chose c’est assez cool.

La première fois qu'on t’a croisé en festival, c’était aux Transmusicales. Ce moment, comment tu l’as vécu ? Une grosse pression ? Un grand tremplin ?

Honnêtement, c’était un de mes meilleurs concerts de l’année dernière vraiment, c’était super bien, plutôt un peu risqué, je passais à 4h. Je ne voulais pas transformer mon live en club, je voulais que cela reste du Thylacine. C’est un peu de pression, je l’avais pas mal bossé, je sortais de quelques jours de résidences, cela a été un gros gros kiff, le public était vraiment dingue. Clairement c’est mon meilleur souvenir de festival.

Et là Francofolies, Solidays, Charrues … Ca a plutôt bien marché ton passage aux Trans !

Ouai ouai ! J’avais déjà fait le Printemps de Bourges l’année dernière, mais l’année qui arrive c’est la grosse année festival. On a eu plein de très bonnes retombées, il y a eu plein de personnes qui ont parlé, c’est un super tremplin, c’est un festival qui je respecte énormément pour sa programmation, qui fait un peu tâche parmi les festivals français, mais en bien. Il arrive à amener des trucs inconnus, et maintenant les gens s’en foutent du line-up et ils y vont.

Comment tu abordes cette grosse période des festivals qui arrivent ? C’est la première fois que tu vas connaître ça. De jouer ta musique en extérieur, cela va être un défi pour toi, plus habitué aux salles sombres ?

Cela va être juste un défi technique, notamment pour la vidéo. Sur le reste c’est quelque chose que j’attends beaucoup, c’est hyper agréable de ne pas rester enfermé. En général j’aime beaucoup, j’aime bien jouer dehors, et j’ai l’impression que cela se marie bien. On est en train de bosser ça avec la vidéo.

Tu as envie d’avoir ta vidéo derrière à chaque fois ?

Ouai carrément. Cela m’est arrivé de le faire sans, mais c’est devenu quelque chose qui a pris de l’importance, et les gens apprécient de pouvoir profiter de la musique et d’être emporté par la vidéo. Ce n’est pas qu’un décor. Rien n’est programmé, c’est Laeticia qui s’occupe de faire vivre la vidéo au fil de ma musique. Elle fait tout dans les temps, du coup cela forme un duo très intéressant, elle me suit dans toutes mes impros.

Ce côté impro, tu penses que t’arriveras à le faire en festival, avec des sets plus courts ?

Au Chorus par exemple, j’ai joué que 35 min, et il y avait des trucs que je n’avais pas prévu. Je bosse tout le temps comme ça, c’est un peu le côté jazz qui veut ça. J’ai une façon de travailler avec plein de boucles, où rien n’est écrit, et je construis mon morceau toujours différemment. Les formations de morceaux sont différents.

Si une personne vient à ton concert en se disant qu’elle va écouter la même musique que sur ton disque …

C’est impossible ! On revoit pas mal les mêmes têtes à tous les concerts, car ils savent qu’à chaque fois c’est différent. C’est un truc que je veux garder et qui manque cruellement à la musique électronique, on est pas mal sur des shows programmés avec deux trois effets en plus, cela ne m’intéresse vraiment pas. C’est un truc que je veux garder. J’avais un peu peur pour les festivals au départ. Ce sont des conditions moins propices … mais en fait non ! J’arrive à jongler et faire un peu ce que je veux.

Et toi plus jeune, tu as des souvenirs de festivalier ?

J’en ai fait quelqu’un mais pas beaucoup. J’avais fait des festivals comme la 7ème vague, ou des plus petits autour d’Angers, mais je ne suis pas un gros gros festivalier. Je ne suis pas un gros teuffeur. Je suis plutôt un ermite qui reste dans sa chambre à bosser des morceaux. Mais j’apprécie beaucoup en tant que musicien.

Tu es dans une autre atmosphère en festival que devant ton public ?

En festival il y a un peu moins de pression, mais il faut plus aller chercher les gens. C’est pour cela que je suis content d’adapter mes lives. Quand je vais faire une grosse date à Paris, je vais faire quelque chose de plus travaillé, de plus fin, mais moins dans le festif. Alors que sur un festival, les gens ils faut aller les conquérir, plus de la moitié ne te connaissent pas, il y aune ambiance de fête, c’est évidemment différent.

Pour finir, on t’appelle désormais “Le loup de l’électro”, tu trouves que cela te va bien ?

Ha ! (rires) C’est le surnom un peu facile avec mon nom Thylacine qui est un loup disparu d’Australie. Mais écoute, cela ne me dérange pas ! Je l’ai un peu cherché en choisissant ce nom, je ne vais pas tirer la gueule maintenant ! (rires)

En festival cet été : Rock'n Solex le 15 mai, Vie Sauvage le 13 juin, Solidays le 26 juin, Montreux Jazz Festival le 4 juillet, Terres de Son le 11 juillet, Francofolies le 13 juillet, Dour le 17 juillet, Vieillex Charrues le 18 juillet, Paléo festival le 24 juillet, Art Sonic le 25 juillet, Woodstowerle 29 juillet. 

Propos recueillis par Morgan Canda