On était à
Au chaud sous les Fireworks

Feutrés dans la chaleur des salles, les festivals hivernaux craignent de trop se mouiller. Le Fireworks se déroulait sur deux semaines à Paris : une programmation de choix, mais un rendez-vous frileux de se frotter à "l'aventure festival". 

Jour 1. 19h37, longue attente pour court concert

On entre dans le sous sol de La Maroquinerie, salle de concert parisienne dans le XXème arrondissement à la programmation surtout rock. Légèrement en retard, on se dit que la salle sera remplie. Erreur ! Une vingtaine de personnes seulement sont assisent sur les quelques rebords autour de la fosse. 

Le temps de prendre une bière, le groupe entre en scène ; The Preatures (photo), quatre mecs style grunge aux instruments pour une brunette sexy au chant. Le concert défile entre ballades et aventures rock’n roll, classique mais vitaminant. Le groupe australien est mené à la baguette par leur chanteuse Isabella Manfredi, dans un groove à la Texas et une voix éraillée proche de celle de Gossip, malgré quelques passages douloureux pour nos oreilles. Son look de petite fille sage aux cheveux tressés ne durera pas : Isabella se détache les cheveux, se les mouille, et vient même se frotter au premier rang. Les mecs présents sont bouches bées devant cette attitude coquine qui prend malheureusement le dessus sur la musique. Le show n’est pas décevant, mais venir pour une seule petite heure de concert alors qu’on s’attend à l'émulsion d’un festival, on reste sur notre faim.

Jour 2. 19h30, ... et on attend

Les soirées du festival ont décidément du mal à démarrer. Sur le site internet l’ouverture des portes est annoncée à 18h30, pour un premier concert à 19h15 : on a prévu le coup et dès 19h20, on est dans les starting blocs, délestés de nos affaires laissées au vestiaire... et on attend. 19h30, 19h45, … 20h, toujours rien. Sur place, personne ne semble surpris, mais personne ne sait rien non plus. Une bière à la main, chacun prend son mal en patience. Avec plus de 45 min de retard et pas d’infos, on prend la première partie pour annulée. Côté merchandising, on voit le second temps de la soirée annoncé à 20h40, on sort manger un morceau en attendant. De retour dans la salle, on découvre la fin du “warm up” de Soulist, dont le show retardé a en plus été écourté de 20 grosses minutes. On a l’impression d’être là depuis des heures.

20h45 : Tchatche, platines et samples

Le grand moment de la soirée arrive enfin. Cut Chemist et DJ Shadow (photo) débarquent sur scène. Sur le tee-shirt du premier un “SURE” écrit blanc sur noir répond au “SHOT” du second, référence au morceau des Beastie Boys. La couleur de la soirée est vite annoncée : “We go all vinyl tonight”. Sous les doigts des DJ, les 6 platines, 2 tables de mixage et les boites à rythmes se mettent en branle et vont faire trembler le plancher rebondi du Trianon. Derrière eux, une projection mélange extraits vidéos, pochettes d’albums et effets 3D. La traversée de l’histoire du hip-hop est entamée, et les deux héros en déroulent la légende en alternant grands tubes et petites pépites. Avec une tchatche incroyable, ils racontent comment le roi du hip-hop Afrika Bambaataa leur confia sa collection de 40 000 vinyles de soul, rap, soca, calypso et salsa.

Le show commence en dressant un portrait musical de la seconde moitié du 20ème siècle et montre la construction des plus grands samples. Les percus africaines nous emmènent lentement vers le funk des années 70-80. Sly and the family Stone et James Brown ferment la danse. La seconde partie reprend les productions d’Africa Bambaataa et les prémices du hip-hop, le tout scratché, mixé et remixé par les deux maîtres de la dextérité. La soirée s’achève à 22h45 par une standing ovation unanime.

Jour 3. 19h21, Bagarre pour l’apéro

On arrive tranquillement pour l’apéro. Un grand entrepôt retapé au bord du Canal de l’Ourcq, nous sommes au Point Ephémère, ambiance casual, entre calme artistique et jeux entre amis. La pinte est à 5€, puis à 6,5 dans la salle de concert. Rien n’indique que nous sommes dans un festival, mais surtout dans une soirée aux couleurs du label Entreprise.

Le premier live commence vers les 20h15, avec le groupe Bagarre (photo). Énergie au coeur brut, texte simple à fleur de peau mais de l’envie à en perdre la raison. “Bonsoir, nous sommes Bagarre” martèle le groupe tout au long de son set. On aura retenu la force de ce moment, pour une équipe qui devrait faire sensation plus l’été pointera le bout de son nez.

21h58, Poésie à la française pour éphémère festival

Entre les concerts, ça sent à moitié la clope, à moitié la bouffe thaïlandaise proposée au bar. La suite se fait avec Blind Citizen Digital, un live plus déconstruit, moins cohérent mais tout aussi intense. On se croirait par moment entre un sample de Jean-Michel Jarre et des paroles style Vice et Versa des Inconnus version années 2010. Ca nous plaît, tout cela avec un grain de folie dans une obscurité assumée.

Ils font partie de cette vague française qui monte, à mi-chemin entre musique électronique et poésie rock’n roll. C’est le cas de Grand Blanc (photo), qui clôture la soirée, groupe découvert aux Transmusicales. Un ton au dessus, dans une attitude plus calculée et homogène, avec un live porté par la voix roque de leur chanteur Benoit mélangée à une belle touche féminine, Camille, aux claviers et chant. On en a d'ailleurs profité pour les interviewer. Une vraie osmose se dégage de ce “lundi Entreprise”, mais pour un éphémère événement sur une soirée.

Jour 4. 20h, trompé de salle ?

Nouveau soir, nouveau lieu. Cette fois-ci, on débarque dans l’Olympia et son grand hall tout en escaliers qui a dû avoir ses heures de gloire. Il y a si peu d’affichages aux couleurs du festival qu’on se demanderait presque si on est au bon endroit. Festival d’hiver oblige, on entasse nos manteaux dans un casier aux vestiaires, on attrape une pinte à 8 euros, et on s’engouffre dans la salle. On s’étouffe légèrement dans notre pression bas de gamme en découvrant un petit espace désert, dissimulé le long de la salle et qui vend de la Goudale à 10 balles. Pendant ce temps, le rapide show des jeunes British de Years & Years installe le public dans une ambiance (un chouïa trop) pêchue. 

21h10 : “C’est tellement la plage”

Il n’y a pas si longtemps, on écoutait Isaac Delusion (photo) aux Inter-Sessions (de France Inter) dans la petite salle parisienne Trabendo, comme un groupe à découvrir. Au jour de leur premier Olympia, le groupe a bien mûri et rodé son jeu scénique. Ils sont heureux d’être là, le disent et le répètent, et on comprend leur émotion. Le plaisir est réciproque : la foule est connaisseuse et convaincue d’avance. Un répété “A poil Boubou !” nous laisse deviner que leurs amis aussi sont dans la salle. Style léger, voix de tête et vidéo-projection nous transportent en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire dans leur univers si particulier. Un type derrière nous y met les mots justes, “C’est tellement la plage”. 

Pile au moment où l’on commence à se dire que le concert sera “bien, mais pas fou”, l’ambiance se métamorphose et transforme la simple soirée concert en performance mythique : exit leur côté doucereux et atmosphérique, bienvenue dans une version rock et déchaînée du groupe qu’on ne leur connaissait pas. Des solos de violon, basse et guitare de plusieurs minutes libèrent une énergie incroyable et endiablée. Le style leur colle si bien qu’on s’en demanderait presque s’il n’y avait pas dans leur musique quelque chose de trop contenu qui ne demandait qu’à sortir les crocs. Le concert se termine dans un brouhaha de joie générale et le public monte sur scène rejoindre le groupe.  

Jour 5. 20h15, Double mise en bouche

Deuxième soir à l’Olympia, et même rituel avant l’entrée en piste. Le premier des trois concerts du soir a déjà commencé. A la barre, Marie-Flore (photo), quatuor mi-fille mi-garçon au charme timide et la tranquillité apaisante qui cache quelques envolées rock. Sympa pour une mise en bouche. Deuxième groupe, Aline. Des refrains entêtants, mais peu d’originalité dans la musique proposée qui nous pousse à nous diriger vers le bar. 

21h52, l’ombre d’un dandy

La salle, pleine à craquer, attend celui qu’elle est venue acclamer. Voilà Baxter Dury (photo) qui débarque sur la scène de l’Olympia, son Olympia. L’ivresse de l’attente des premiers morceaux nous empêchera de constater une évidence, le dandy a un sacré coup dans le nez. Ce qui ne l’empêche pas d’enchaîner bières et champagne sur scène.

On se sent gêné de voir le type chanter à moitié faux, même s’il arrive à envoûter une partie du public avec ses lancées de confettis et rires maléfiques. Contrairement aux Inrocks en novembre dernier où il jouait avec classe et finesse de sa british pop, les chansons sont ici plates, et ne trouvent pas de second souffle par rapport au disque. L’envie se transforme en auto-congratulation, et Baxter Dury n’est que l’ombre de lui-même. Too Bad. Il était devant son public : en festival extérieur, cela ne pardonnera pas. 

Côté concert

La claque
DJ Shadows & Cut Chemist, 6 platines vinyles pour une traversée de l'histoire du hip-hop

La découverte
Bagarre, force et énergie d'une poésie rock

La déception
Baxter Dury, pas à la hauteur de son Olympia

Côté festival

On a aimé :
L’acoustique des salles parisiennes
De jeunes groupes qui se défoncent sur scène

On a moins aimé :
Aucun pass de disponible pour plusieurs soirées ou le festival en entier
Pas d’identité festival, on n'y retrouve pas ses couleurs
- Pas assez de groupes programmés par soir

 

Conclusion

On a du mal à comprendre la cohérence de ce festival. Chaque soir est un nouveau départ, un moment à part entière, avec un style différent. Dur de s'y retrouver, de s'y sentir festivalier. Malgré de belles découvertes musicales à la clé, on attend mieux d’un événement promettant une quinzaine de concerts sous l’effigie du même étendard Fireworks. Il n’a jamais suffit d’un drapeau pour gagner une bataille.